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Chronique de l'anneau d'hiver : Chronique de l'anneau d'hiver - Chapitre 5

La reconquête
Forêt de Mirabar





Sa tête blanche avec deux raies longitudinales noires, latérales et s'élargissant vers l'arrière, passant au niveau des yeux et des oreilles m'était apparue alors que je m'apprêtais à sortir me dégourdir les jambes. Je m'étais alors reculé afin de le laisser passer. Il avançait rapidement sur ses pattes courtes munies de très longues griffes. Il était presque aussi volumineux que moi, bien qu'il évoluait sur quatre pattes. Je crus d'abord être en train de rêver aussi je secouai bien fort la tête, mais non, le blaireau était bel et bien entré dans notre retraite. Il s'était avancé de deux mètres dans la galerie menant à la surface et s'était arrêté, et à présent humait l'air. J'en profitai pour m'approcher lentement vers l'animal en lui murmurant des paroles d'une voix douce. Alors, il me regarda.
- Bonjour le gnome, je me nomme Carcajou
- Bien le bonjour Carcajou, je suis Zouran. Tu veux venir te reposer à l'abri de la pluie ?
- Oui, mais j'aimerais savoir ce que vous faites dans mon trou.
- Notre ami le druide nous y a conduit pour, tout comme toi, avoir un abri, le temps que nous nous reposions.
- D'accord, mais faites-moi de la place quand même.
- Je réveille un de mes amis pour qu'il te laisse un peu de place. Alors je me dirigeai vers Balkoth. Ca ne faisait qu'un quart d'heure que je l'avais relevé de son tour de garde, donc il ne devait pas encore être plongé dans un profond sommeil. Je le pris par les épaules et tentai de le secouer. Autant essayer de remuer une pierre de trois cents kilos, il ne bougea que d'un cheveu. J'approchai alors ma bouche d'une de ses oreilles et l'appelai. Après quelques tentatives, je lui chatouillai le nez tout en l'appelant.
- Brgmm, qu'est-ce qu'il y a ? marmonna t'il tout en gardant les yeux fermés.
- Tu pourrais te rapprocher un petit peu plus des autres ? Il y a ici un blaireau qui dit être le propriétaire des lieux et je n'aimerais pas qu'on l'importune, aussi vaut-il mieux lui laisser de la place.
- Mrgmm mouais ça va, je bouge.
Et ainsi Carcajou put aller s'installer dans son coin et s'endormit rapidement dans un sifflement quelque peu bruyant. Le reste de mon quart se passa très bien à part le temps qui alla en se dégradant, le vent hurlant durant les chutes de neige ou de grêle. Trois heures après avoir laissé passer le blaireau, je redescendis au fond du terrier et tirai Tanator de son sommeil. Il émergea rapidement, sans doute ne dormait-il plus vraiment... Je n'ai jamais su à quoi m'en tenir avec les elfes à ce sujet. Toujours est-il que je lui expliquai rapidement la dégradation subite des conditions météo, et nous décidâmes d'aller au temple maintenant, la journée étant bientôt terminée. Rapidement, nous tirâmes les autres de leur sommeil et après un petit temps pour être tout à fait réveillés, nous nous mîmes en route pour le temple de Loviatar.

***



- Je me demande tout de même pourquoi il neige si fort. Ce n'est pas naturel une chute de neige si longue et dense.
- Je crois que l'Anneau y est pour quelque chose Conrad, et point de vue piste, tu es sûr que tu ne peux rien distinguer ?
- Non, et s'il y avait eu des traces, la neige a tout recouvert de toute façon.
Nous avions prudemment progressé de notre tanière jusqu'à l'entrée du temple, et Conrad tentait en vain de trouver des traces de passages récents. La neige avait recouvert toute la région et ne semblait pas prête de s'arrêter de tomber, mais au moins le vent s'était calmé. Pendant que Conrad avait le nez rivé sur le sol, Balkoth s'était enfoncé dans la forêt afin d'y laisser son cheval. A son retour, Tanator lui tendit une torche, et il s'avança dans la grotte, suivi par l'elfe.
- Les rôles s'inversent, c'est nous qui allons débusquer le rat de son trou cette fois-ci. Vas-y Zouran, après toi, je couvre l'arrière. Et sur ce, je m'enfonçai à mon tour dans la grotte.
- Quelle amabilité mon bon druide, espérons que le rat ne se sera pas mué en démon...
- Oui, je l'espère de tout coeur également. Nous ne pouvons faillir, nous avons mis l'Equilibre en sérieux danger, il faut absolument...
- Silence derrière ! ! Gronda Tanator.
- Désolé, je me tais. Sur ce, nous étions arrivés au bassin dans l'entrée du temple. Les torches aux murs étaient éteintes et il faisait calme, pas un bruit ne se faisait entendre. Balkoth et Tanator vinrent alors à nos cotés, et nous discutâmes en cercle.
- C'est quel chemin ? Demanda le puissant chevalier.
- Il me semble que nous devrions commencer par ce qui semblait être la salle de réunion.
- Pas bête Zouran, mais je préfèrerais qu'on s'assure tout d'abord qu'il n'y a personne dans les environs.
- Va donc pour une exploration complète alors, mais alors faisons cela discrètement. Conrad, pourrais-tu utiliser ta transformation pour cela ? Ce serait bien plus pratique.
- Mais Tan', tu sais bien qu'à cause de cette malédiction je suis limité à une seule ! Autant l'utiliser à quelque chose d'utile, comme un combat.
- Bien entendu, mais si cette métamorphose pouvait nous éviter de dangereux affrontements, ne serait-ce pas plus intéressant ?
- Ah non, moi les combats ne me gênent absolument pas, intervint Balkoth.
- Fallait s'en douter, c'était l'avis du tas de muscle.
- Toi le gnome, fais attention à tes paroles !
- Moins fort, vous faites un boucan à réveiller les morts ! !
- Pardon Tanator, mais cette miniature a le don pour m'énerver.
- Zouran, j'aimerais bien que t'arrêtes de faire le pitre dans ce genre de moments... Un jour on se fera tuer à cause de ça.
- Mouais, pardon alors. Bon, Balkoth, excuse-moi, et garde ça alors s'il te plait... J'ôtai un anneau de mon doigt et le lui tendis. Prends en soin, c'est un objet très puisant ! Pour l'employer, tu n'auras qu'à brandir le poing, dire « Anneau de Lumière Puissance Magique » et penser très fort à ce que tu désires qu'il se produise. Ne l'emploie que quand il faut, son utilisation est limitée. Tanator, ça ne te gênes pas que je le lui confie ?
- Non, on a bien vu ce dont tu étais capable avec, laissons-lui sa chance aussi.
- Quoi, que s'est-il passé avec le gnome ?
- Plus tard Conrad, plus tard... pour le moment, on attend toujours ta réponse. Alors ?
- Une réponse à quoi ?
- Tu es aussi désespérant que ce gnome débile ! Dit Balkoth en se prenant la tête.
- La fine équipe... Bon Conrad, pourrais-tu te changer en une petite créature pour aller explorer le temple s'il te plait ?
- Aaaaaaah cette question là, oui d'accord, au moins ça me permettra de m'éloigner de vous un petit peu. Et sur ce, son apparence commença à changer de forme. Ses vêtements prirent une teinte grise alors que son corps rétrécissait jusqu'à prendre la taille et la forme d'une souris. La souris nous fit un clin d'oeil et s'en alla ensuite dans le second couloir, vers la salle à manger.
- Zouran, l'anneau n'est pas dangereux pour celui qui l'utilise ?
- Il te suffira de te montrer digne de l'utiliser et ça devrait aller. Mais il n'est pas tien, d'accord ? Tu l'utiliseras uniquement au service du groupe, et avec soin car il est très précieux, car vois-tu, il remonte à l'époque de Netheril, si pas avant.
- Et comment te l'es-tu procuré alors ?
- Je l'ai reçu, enfin, le groupe avec lequel j'étais l'a reçut.
- Mais bien sûr, à d'autres.
- Libre à toi de ne pas me croire, mais je te suggère d'avoir un peu plus foi en moi quant à son utilisation, il est capable, entre autre, de ramener un mort parmi les vivants ou de détruire en un instant plusieurs Âmes en peine, et d'autres talents que toi et moi ne pouvons imaginer, si on en croit certains manuscrits.
L'étonnement pouvait se voir sur le visage du Tolgarien, et c'est avec un profond respect qu'il porta un regard vers l'anneau qu'il avait à son doigt.
- Il ne paie pas de mine ce petit bout de cuivre. Si je trouvais un pareil anneau dans un champ je pense que je le jetterais au loin. Il n'a vraiment pas l'air aussi terrible. Là-dessus je me mis à rire.
- Mais qu'est-ce qui te prend Zouran, demanda Tanator.
- Oh rien, pendant un instant, j'ai cru qu'il parlait de moi.
- Oui, j'avoue que tu es dans le même genre, minuscule et l'air insignifiant. Balkoth, écoute-moi bien. Méfie-toi de ce petit bout de chair, il pourrait bien causer ta perte, sans le vouloir bien entendu.
- Allons Tan', n'exagère pas voyons ! Ne l'écoute pas trop, ce type est jaloux, voilà tout.
- Tu veux que je lui parle de la limace géante ? Ou de l'instrument énorme qui a failli me tomber dessus ou des enclumes ?
- Euuh plus bas ! !
- C'est quoi ces histoires ? Tu ne m'as pas parlé de tout ça Zouran. Quand on sortira de ce temple, tu m'en parleras plus longuement j'espère.
- Je crois que Tanator se fera une joie de le faire.
Alors que nous étions en train de parler, la souris réapparut au bout du couloir, revint jusqu'au hall d'entrée et s'engagea dans le couloir suivant.
- Je crois qu'on en a pour un petit temps, si nous allions discuter dehors ?
- Non Balkoth, ça peut attendre, je ne veux pas laisser Conrad seul ici, on ne sait jamais !
- Oui, restons prudents mes amis, c'est mieux ainsi.

***



Après une vingtaine de minutes, Conrad apparut au bout du dernier couloir, sous sa forme d'humain. Nous faisant signe de le rejoindre, sa voix résonna dans le hall :
- La voie est libre, nous dit-il. Je suis allé partout, et je n'ai vu personne, il semblerait qu'ils soient tous partis.
- A mon avis, après notre petit accrochage avec leur troupe, il ne devait plus rester grand monde. Juste les deux grands prêtres et le mage. Bon, et bien voyons ce qu'on peut apprendre sur cette histoire.

Et Tanator se dirigea vers le couloir menant à la salle où les prêtres nous avaient proposés la mission, suivi de près par Balkoth. Après avoir jeté un dernier coup d'oeil vers l'entrée du temple, je leur emboîtai le pas.

***



- C'est tout de même étrange d'avoir une bibliothèque si c'est pour y mettre des torchons pareils. Le froid, c'est d'un triste... tout blanc, pas de vie. Je ne comprendrai jamais le clergé d'Auril.
- Allez Tan', au moins on en sait un peu plus sur cet Anneau d'Hiver. Et puis ce n'est qu'une salle commune, pas le bureau du Grand Prêtre, allons voir ailleurs.
- Bonne idée, ce n'est pas que les fauteuils me gênent, mais je préfère l'action à la lecture.
- Chacun son rayon n'est ce pas Balkoth ?
- Oui et le tien ne me plait guère Messire Gnome !
- Euuuh... je rougis et ne sus plus où me mettre. Après les premières secondes d'étonnement, je réussis à articuler une phrase, et je tentai de prendre un ton menaçant, sans grand succès il est vrai :
- Qui lui à dit pour l'entropie ? Tanator ? Non, il fouillait les étagères avec moi... Evidement, le père vert ! Tu ne savais pas me laisser m'occuper de lui parler de moi non ?
- Mais quoi, il fallait bien qu'on tue le temps pendant que vous lisiez vos ouvrages poussiéreux. Et puis, je ne sais même pas si c'est une mauvaise chose que de lui avoir dit. Tu préfères qu'il l'apprenne sur le champ de bataille à ses dépends ? Au moins, maintenant il sait que le danger peut aussi venir de derrière.
- Merci, au moins je sais à quoi m'en tenir avec toi... Ah ils sont beaux les défenseurs de l'équilibre. Bon ce n'est pas tout, il faut encore fouiller quelques pièces.
- Regardez-le se débiner le nabot.
- Balkoth, ta hache est peut-être aussi grande que moi mais elle ne m'effraye pas pour autant.
- C'est quoi ça les gars, on a un anneau à rattraper je vous signale, intervint Tanator. Allez, on y va !
- Qu'il ne s'avise pas de me transformer en marmotte celui là ! Tanator, je ne crois pas que tes supérieurs approuvent que tu voyages en compagnie d'un bouffon de cette sorte, tu sais bien ce qu'on pense de l'entropie à Athalantar.
- On verra cela, en attendant, on y va !

Conrad était déjà en train de fouiller la chambre lorsque nous y entrâmes, c'était à ne pas s'y tromper celle du Haut Prêtre d'Auril, la décoration ne permettait aucun doute. Des tentures sur les murs de couleur bleu pâle avec des flocons de neige stylisés brodés dessus, un coin dédié à la prière avec comme talisman une pierre bleu translucide sculptée en forme de flocon et des draps de lit présentant les mêmes motifs. La pièce était en forme de losange, chaque côté faisant dans les quatre mètres. Au fond à droite se trouvait le lit, que fouillait Conrad et juste à gauche du lit se trouvait le coin de prière. Une tenture le séparait du reste de la pièce et seule une petite ouverture permettait de voir l'autel et le talisman qui y reposait. Le sol de marbre était recouvert par un magnifique tapis, blanc avec, au centre, une femme en robe blanche très légère, belle à souhait, au teint pâle et au regard glacé. Le reste de la pièce était occupé par un imposant bureau de travail où traînaient notes et feuilles vierges, les murs étant recouverts d'étagères, remplies de livres.
- Encore des livres ! Ils sont où ces satanés prêtres, j'ai besoin d'action moi.
- Du calme Balkoth, chaque chose en son temps, peut être que dans toutes ces notes on trouvera quelque chose qui nous dira où ils sont passés.
- En tout cas, y'a pas d'or dans ou sous le lit, nous dit Conrad depuis le fond. Je vais vite voir l'autel.
- Ok, mais ne prend rien, on a déjà assez maltraité Auril et son clergé comme cela.
- Justement, on est plus à ça près Zouzou.
- Et je t'ai déjà demandé de pas m'appeler comme ça, c'est hideux.
- Bon, je vais voir ce bureau, trancha l'elfe.
- Et moi les livres.
- Y'en a que pour les mages ici, j'en ai marre, je veux une bonne bataille moi. Bon, prenez votre temps, je vais piquer un petit somme.
Du coin de l'oeil, alors que j'étais debout sur une chaise pour tenter d'atteindre les étagères regorgeant de livres, je le vis ôter son armure. Et après quelques minutes passées à gesticuler, il s'installa sur le lit, posant sa hache à ses côtés.
- Réveillez-moi avant de partir quand même. Et Zouran, je t'en prie, évite d'hurler.
- Ca dépendra de mes trouvailles.
- En parlant de trouvaille, écoutez ceci.
- C'est quoi Tanator ?
- Ecoute et tu sauras.
« Très respecté Alarkan Froid-Regard,
Votre découverte de notre ancien temple et de la relique qu'il renferme depuis des siècles aurait pu attirer sur vous la colère de la Vierge des Douleurs.
Mais fort heureusement pour vous, la Donneuse de Toutes les Souffrances trouve votre projet d'utilisation de l'Anneau d'Hiver merveilleux et délicieusement pervers.
Elle se réjouit à l'avance de la lente agonie des habitants des Royaumes quand un hiver perpétuel s'abattra sur eux.
Si la fureur de la Fille du Gel permet d'affliger supplices et tourments aux imbéciles, alors vous avez la bénédiction de la Dame de l'Affliction et Elle enverra ses Donneurs de Châtiments pour aider les Enfants du givre dans leur quête, et Elle vous souhaite la bienvenue en son sanctuaire.
J'arriverai d'ici quelques jours avec d'autres Donneurs de Châtiments car je doute que vous arriviez à vous débarrasser seuls du Gardien. Et ne croyez pas qu'il soit affamé, car bien que les adorateurs du Tourment aient quitté les lieux il y longtemps, sa survie a été pensée !

Que votre agonie soit lente et que la peau bleue d'Auril vous guide dans le blizzard» et c'est signé Kel'Syrtas Lente-Agonie, Grand Supplicieur des Tortures, maître des Donneurs de Châtiment. »
- Et dire qu'on veut mâter ce gars... On y arrivera jamais, surtout avec un tel anneau en leur possession.
- Allons Conrad, ne sois pas défaitiste, on a déjà bien dégagé les rangs, reste plus que la finition. Et puis, comme on dit chez moi : « Si tu laisses le froid te gagner, prépare la sombre veillée ». En gros, prépare ton cimeterre, il va bientôt mordre la chair.
- Il a raison, ça ne sert à rien de s'éterniser ici, hurla Balkoth en se relevant du lit.
- Je crois alors que le mieux que nous avons à faire, c'est de repartir à Mirabar maintenant, il serait surprenant que nos oiseaux reviennent dans leur cage. Messieurs, en route.
- Pas si vite, j'ai encore quelque chose à faire.
- Ah bon, il me semblait que tu attendais impatiemment la baston ? Que t'arrive t'il Balkoth ?
- Et bien, je dois remettre mon armure...
- Ok bouge pas, j'arrive. Je vais tenter de me souvenir de la séance de déshabillage dans la tanière.

Quelques minutes plus tard, notre groupe repartait en direction de Mirabar. Le druide tenta bien de boucher la grotte à l'aide d'un sort de modélisation de la pierre, mais après un quart d'heure d'attente, nous ne pouvions plus tenir en place, Conrad n'avançant pas dans ses oeuvres. Il fut décidé de laisser la grotte comme ça, et peu de temps après nous reprenions la route de Mirabar. Nous avions deux journées entières de marche avant d'arriver à destination et elles promettaient d'être difficiles, vu les conditions climatiques désastreuses.

***



A la neige avait succédé la grêle, et s'ensuivit la neige, et à nouveau la grêle, et c'en était ainsi depuis deux jours. Nous étions tous détrempés et ma peau me rappelait la surface de Séluné, avec ces profondes ravines striant la surface dans tous les sens. La matinée devait toucher à sa fin, mais le ciel totalement couvert de noirs nuages nous empêchait de voir la position du soleil. Un épais brouillard, balayé par de brutales rafales, nous masquait la vue à plus de 20 mètres, aussi Conrad était-il devant et nous guidait grâce à une sorte de sixième sens animalier. La nuit précédente, j'avais été obligé de créer un abri magique afin que nous puissions espérer nous réveiller le lendemain matin. Au cours du lancement du sort, une sorte de perturbation m'avait fait perdre le fil du sort, et il avait été apparemment annulé. Mais j'avais déjà vécu cela de nombreuses fois, aussi après la création de l'abri à l'aide d'une rupture hasardeuse, je procédai à une vérification minutieuse de mon équipement pour éviter les mauvaises surprises. Mais tout était intact et les auras de mes objets magiques ne semblaient pas avoir été altérées par ce hiatus quelque peu étrange. Je décidai de garder profil bas ce soir là. L'abri étant pratiquement sûr, grâce à des sorts d'alarme, nous décidâmes d'enfin pouvoir profiter d'une nuit de repos correcte, sans avoir à monter la garde chacun à notre tour. Mais finalement, je ne pus en profiter entièrement car au milieu de la nuit, je m'éveillai d'un bond, le visage recouvert de sueur, à côté de mon lit. J'eus beau chercher, je ne me rappelais absolument pas du cauchemar qui m'avait éveillé. Le reste de la nuit s'était bien passé et au matin nous étions repartis dans la tempête, le vent toujours là, hurlant et rugissant à nos oreilles.

Après cinq, peut-être six heures de marche, Conrad s'arrêta et se tourna vers nous, nous faisant signe de nous approcher de lui.
- Nous serons bientôt arrivés aux environs de Mirabar, avez-vous remarqué ?
- Euh non.
- Quoi donc ? Balkoth, du haut de son cheval, n'entendait pas grand chose, tout comme moi, deux mètres plus bas.
- Parle plus fort, je ne t'entends pas d'ici bas. Ils s'étaient rapprochés les uns des autres, m'oubliant en dessous d'eux, et je n'entendais que des bribes de leur conversation, lorsque le vent daignait bien arrêter de siffler à mes oreilles.
- Je disais que nous approchons de Mirabar, et je tenais à vous faire remarquer qu'il n'y a plus d'alternances grêles - neiges, maintenant il ne tombe plus que de la neige, et en gros flocons. Je trouve cela de plus en plus étrange. Hâtons-nous ! Nous pouvons y être dans une demi-heure si nous courons tout le long du chemin qu'il nous reste.
- Tu oublies que je ne suis qu'un gnome. Et par un temps pareil, je ne prends pas le risque de m'envoler.
- Tu n'as vraiment rien ?
- On est obligé ?
- Au plus vite arrivé, au plus vite nous découvrirons si ce sont bien nos deux prêtres qui sont la cause de cette tempête.
- D'accord, attendez-moi un instant s'il vous plait. Je prononçai la petite formule d'un sort de métamorphose, et sous leurs regards étonnés, je me transformai en lièvre tout blanc. Conrad me prit délicatement et me tendis à Balkoth, plus impressionnant que jamais.
Et l'instant d'après, les formes de Conrad se brouillèrent et il devint rapidement un grand cheval blanc à la puissante musculature. Tanator monta sur le magnifique étalon, et les deux bêtes s'élancèrent sur la piste, Conrad en tête. Je ne vis pas grand chose du trajet car le colosse m'avait placé sous son tabard, et je tentais de ne pas m'en retrouver éjecté de part le chaos de la chevauchée. Après quelques minutes de cette folle course à travers bois, le haut du tabard s'entrouvrît et je vis la main de Balkoth tâtonner à ma recherche. Je me dressai sur mes pattes arrières et il me trouva, et peu après, je repris forme en même temps que Conrad.
- Je vois que le temps n'est guère plus clément, allons aux nouvelles à l'auberge de Manfred.
- Bonne idée Tanator. Merci Balkoth, tu es très prudent je trouve, je n'ai pas la moindre bosse.
- C'est bien Zouran, c'est bien. Bon on y va ?
- Oui, suivez-moi.

Et Tanator s'enfonça dans la tempête, alors qu'autour de nous nous pouvions distinguer non plus des arbres mais bien des champs, signe indiquant que nous étions bien arrivés dans les alentours de Mirabar. Rapidement, les champs cédèrent la place aux habitations et nous débouchâmes dans la rue de la cigogne. Sans hésiter, le pyromage ouvrit la porte de la cinquième bâtisse et nous le suivîmes alors que Balkoth alla mettre son cheval à l'écurie. Le vent s'engouffra dans l'établissement et quelqu'un hurla quelque chose comme : « LA PORTE ! ! », porte que je refermai aussitôt que nous fûmes tous entrés.
- Ah c'est vous mes bons seigneurs, je suis fort aise que mon établissement accueille de si illustres personnes en de pareilles occasions. Votre présence rassurera sûrement les pauvres gens ci présents.
Nous étions à peine entrés que déjà tout le monde nous regardait alors que le tenancier de l'auberge quittait son comptoir pour venir nous saluer. La taverne était occupée par une trentaine de personne, toutes recouvertes d'épaisses fourrures tandis que de gros manteaux et de nombreux sacs et caisses étaient rangés le long des murs.
- Bonjour Manfred, mais que se passe t'il ici ?
- Et bien la ville est attaquée messire, deux hommes sont sur la place du marché en train de combattre dame Aïola et ses suivants.
- Ces deux personnes sont responsables de la tempête ?
- Oui et la dame a bien du mal à contenir ce climat, ils sembleraient qu'ils ...
Manfred ne put finir sa phrase car quelque chose défonça le toit de l'auberge dans un grand fracas et vint s'écraser en plein milieu de la taverne. Un bloc de glace de près de deux mètres de haut venait de détruire le nouveau toit de l'auberge, reconstruit le mois passé à mes frais. Les gens avaient bondi dans les coins afin de ne pas se faire écraser, mais deux personnes gisaient sous une poutre alors qu'une flaque rouge se répandait de sous le bloc de glace. Après les premiers instants de surprises, des cris et des pleurs s'élevèrent alors que des gens coincés dans un coin de la pièce appelaient à l'aide. A ce moment, la porte s'ouvrit en claquant et Balkoth arriva en courant, les gens s'écartant en voyant ce molosse au regard de chien fou.
- Ils ont tué Pazur ! Ils vont le payer !
- Ton cheval n'est pas le plus à plaindre, regarde les pauvres bougres ici...
- Tanator, il faut réagir, on ne peut les laisser raser cette communauté.
- Oui, tu as raison Conrad.
- Allez aider le clergé de Chauntéa et nous, nous tenterons de nous occuper des blessés ici. Merci Messeigneurs.
- Bonne chance, nous reviendrons dès que possible avec du renfort, leus hurlais-je, par-dessus les cris de souffrances et le hurlement du vent qui s'engouffrait à présent par la brèche dans la toiture.
Sur ce, Balkoth ressortit et laissa passer Tanator qui prit les devants. Nous avancions rapidement vers la grand rue qui nous mènerait à la place du marché et pendant ce temps, j'avais sorti une bourse de ma poche, en avait extirpé un anneau et l'avait placé à mon doigt, c'était mon anneau d'incinérateur. La ville était recouverte de neige et les rues jonchées de morceaux de toits ou de murs écroulés suite à la tempête. Après un denier carrefour, la place fut en vue et Tanator s'arrêta.
- Zouran, laisse-moi Alarkan s'il te plait.
- Pas de problèmes.
- Tient, on dirait qu'il n'y a pas de vent ici. Les prêtres de Chauntéa ne doivent plus être bien loin.
En effet, le vent ne soufflait pas et la neige ne tombait plus, alors qu'une vingtaine de mètres derrière nous, nous pouvions voir la masse de flocons, toujours aussi dense, tomber depuis le ciel noir.
- Préparons-nous, il me semble apercevoir deux silhouettes là-bas, entre deux échoppes.
- Où ça Tanator ?
- En plein centre de la place, sur le chemin central entre les deux allées d'étalages, tu vois ? Une des deux à une grosse armure sombre et l'autre porte une tunique blanche. Aie, je crois qu'ils nous ont repérés, planquez-vous !
Alors que nous nous précipitions à l'abri, derrière un coin de bâtiment pour Conrad et Tanator, Balkoth et moi bondîmes derrière un pan de mur abattu. A peine Balkoth eut-il été couché sur le sol qu'une formidable rafale balaya la zone, emportant avec elle une foule d'objets légers, mais notre abri résista. Lorsque je relevai la tête, je pus voir que la place du marché était totalement ravagée, les échoppes ayant été soufflées par la puissance du souffle, mais le plus inquiétant étant sans doute les deux énormes tas de glace de formes vaguement humanoïde se tenant aux côtés des deux prêtres. Ils devaient bien faire le double de Balkoth. Lorsque je lui décrivis les monstres, Balkoth bondit et chargea. Tanator disparut et Conrad se mit aussitôt à prier. Quant à moi, je décidai de m'envoler afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble. Lorsque je quittai le plancher des vaches, je vis le sol sous le serviteur de Loviatar s'ouvrir et une espèce de bouche de terre l'attrapa et le mordit violemment. Il se débattit et parvint à s'extraire à l'emprise de la création du druide. Ensuite, je pris de l'altitude.

La place devait faire dans les trente mètres de côtés, en forme triangulaire, trois rues en partaient depuis les sommets, en une sorte de triangle équilatéral. Les côtés étaient encombrés de restant d'échoppes, de poutres et de pailles des toits ainsi que de tas de neige imposants. Au milieu se trouvait une sorte de scène, en fait une dalle de pierre servant de scène d'où les ménestrels pouvaient être mieux vus depuis la foule. Sur cette scène se trouvaient à présent les deux prêtres, les deux élémentaux de glaces étant dix mètres devant eux, s'occupant de Balkoth. Conrad était encore cinq mètres derrière et Tanator n'était pas en vue. Mais je le repérai aisément lorsque d'un toit en face de moi partit une boule de feu. Elle n'avait pas encore touché le sol que je fis de même, et à l'explosion de l'élémentaliste succéda la mienne. La première avait touché les deux prêtres, mais je ne vis pas la mienne arriver, la chaleur et l'éclat de l'explosion m'ayant fait détourner le regard. Mais lorsque je regardai peu après je pus voir Kel'Syrtas couché dans la neige sur le côté alors qu'Alarkan apparemment indemne, regardait en direction de Tanator. Du coin de l'oeil, je vis Tanator sauter sur le toit voisin au mien, il se déplaçait rudement vite le bougre ! Si ici nous étions en une toute relative sécurité, Balkoth lui ne s'en tirait pas moins bien, les coups des élémentaux ricochant sur son épaisse armure, mais sa hache était quelque peu similaire à leurs poings car il n'arrivait pas à les entailler profondément, les dégâts restant superficiels. Et alors qu'il tournait la tête pour voir où restait Conrad, un éclair zébra le ciel et s'abattit sur un des deux blocs de glace. La chaleur qui s'en suivit fut telle qu'il perdit son bras gauche, mais le droit ne s'en élança pas moins vers le heaume de Balkoth, qui fut percuté avec une force à en faire sauter une porte de ses gonds. Mais le molosse tint bon et porta sa main gauche au torse, activant un de ses runes. Aussitôt, son corps fut entouré d'une aura brunâtre qui s'estompa rapidement, laissant une couche brune sur son corps, et il repartit à l'assaut. Le second élémental, lui, était parti vers Conrad.

Alors que je regardais le combat, je ne vis pas Tanator qui était venu se placer sur le toit derrière moi et qui tentait en vain d'attirer mon attention. Et alors que j'allais me concentrer à nouveau sur les prêtres, l'air autour de moi fut soudain frigorifiant et je me tordis de douleur sous l'effet du froid intense qui me rongeait le corps. L'explosion de gel m'avait projeté en arrière et lorsque je rouvris les yeux, Tanator approchait discrètement de moi.
- Je crois que l'Anneau protège Alarkan de mes attaques de feu, je suggère qu'on échange nos cibles.
- D'accord, mais on redescend, on est trop visible ici.
- Bonne idée.
Je m'assis et incantai rapidement un sort de mur de glace afin de pouvoir redescendre discrètement. Alors que je prononçais la dernière syllabe, je sentis une énergie impressionnante affluer dans mon corps et jaillit de mes mains pour aller former un mur de glace haut comme quatre fois la maison sur laquelle j'étais, c'est à dire une bonne quarantaine de mètres de haut. Il était tellement épais que je ne voyais pas au travers, aussi j'imaginai rapidement une stratégie qui pourrait surprendre nos adversaires. Je quittai le toit et flottai en direction du haut du mur.

Conrad semblait suspendu en l'air, mais en y regardant de plus près, on pouvait constater qu'il s'appuyait réellement sur quelque chose, comme s'il avait appui sur l'air. Et alors que la créature conjurée avait vainement tenté de le frapper, il avait à nouveau fait tomber la foudre sur celle qu'affrontait Balkoth. Cet éclair fut moins puissant, mais il fit fondre une partie du ventre de la créature, cela la rendrait moins combative, heureusement pour Balkoth qui avait pris quelques coups dans la bagarre. Son heaume était cabossé en différents endroits et son poitrail était défoncé, mais il se battait avec toujours autant de hargne, malgré qu'aucune entaille profonde soit visible sur son ennemi. C'est alors que Tanator apparut sur le seuil de la porte de la maison dans laquelle il se trouvait quelques instants plus tôt. Voyant le mur de glace, il décida de s'attaquer au bonhomme de glace.
- Balkoth, plonge en arrière dans trois secondes !
Et il plongea la main dans une des bourses qui pend sur le côté de sa robe, la ressortit aussi vite et traça un cercle devant lui tout en récitant la formule d'un de ses sorts fétiches. Balkoth frappa un grand coup pour déstabiliser l'extraplanaire et bondit en arrière, juste à temps pour ne pas se retrouver dans un large rayon de feu qui était parti des mains de Tanator. Sous l'effet de l'extrême chaleur du sort de l'elfe, l'élémental fondit rapidement, et il ne resta plus de lui qu'une flaque. Alors, Conrad entama un sprint aérien pour aller jusqu'au sommet du mur de glace qui coupait la place en deux tandis que Balkoth et Tanator faisait face au dernier élémental de glace. J'arrivai au sommet du mur de glace en même temps que Conrad, et il vint à ma rencontre.
- Je suppose que cette énormité est de toi ?
- Euh si on veut, bien que je ne le voulais pas aussi grand, tu t'en doutes !
- Et bien tentons de mettre à profit ta « création ». Balkoth a l'appui de Tanator pour s'occuper du dernier élémental, ensuite ils viendront nous aider. Je suggère de tenter de dissiper leurs protections pour qu'ensuite tu puisses frapper un grand coup, ça te convient ?
- Du moment que tu ne te mets pas entre eux et moi, pas de problèmes. A toi l'honneur.
Aussitôt, il entama l'incantation d'une dissipation de la magie et à son terme, il me fit signe. Et ce fut à mon tour. A l'aide de grands mouvements des bras, je tentai de canaliser une énergie particulièrement dense afin de frapper là où ça fait mal. Il ne suffit que de quelques secondes pour qu'un fin rayon bleuté parte de mes doigts droit vers sa cible, la scène en pierre. Je vis que les deux prêtres tournèrent alors leurs visages vers moi, et alors que mon sort était toujours en train d'emmagasiner de l'énergie dans la dalle de la scène, Alarkan tendit le poing droit vers moi et un rayon bleu - blanc en jaillit, fonçant vers moi. Alors qu'il arrivait, la scène explosa, et l'instant d'après, je me sentis gagner par un froid d'une intensité telle que je n'avais jamais connue. Je me sentis à peine partir en arrière, tombant du haut du mur, et c'est dans un demi-sommeil que je vis le haut du mur s'éloigner de plus en plus. Puis d'un coup, ce fut le noir complet.

La scène explosa et Zouran se fit emporter par le rayon glacé. Ensuite, je descendis jusqu'au sol pour enfin détruire ces prêtres qui venaient d'emmener le gnome dans une mort certaine. Alors que je marchais toujours en l'air, le mur de glace disparut en même temps que deux silhouettes se dessinaient à travers le nuage de poussières causé par l'explosion, ces maudits prêtres n'en finiraient donc pas de survivre ? Je jetai un rapide coup d'oeil aux environs et j'aperçus une flamme venir lécher le corps du dernier élémental qui s'écroula alors que Balkoth était déjà en chemin pour venir me prêter main forte et à une vingtaine de pas derrière moi, inerte, gisait le corps de Zouran, dans sa grande cape brune. Je profitai de ce moment de répit pour me protéger des assauts à venir en recouvrant mon corps d'une couche de pierre et à l'aide d'une protection contre la foudre. Le temps que je fasse cela, le nuage de poussière s'était dissipé et Balkoth avait chargé sur les prêtres. Kel'Syrtas, protégé par son imposante armure à plaque recouverte de pique, avait encaissé la charge sans sourciller pour permettre à Alarkan de se placer en arrière. Il était en transe pour le moment, et je me décidai à faire tomber la foudre sur lui. Elle tomba rapidement en un grand fracas, mais il parvint à ne pas se tenir juste en dessous lorsqu'elle arriva. Kel'Syrtas alternait les coups de bouclier, garni de pointes, et de bâton, blanc comme un os. Balkoth semblait recevoir les coups autant qu'il en donnait, aussi je me concentrai sur Alarkan. Il brandit le poing vers moi et je vis une sphère blanche, large comme un poing, arriver vers moi. Je bondis le plus loin possible afin de ne pas me faire trop toucher par cette sphère glacée dont je savais les effets ravageurs. Malheureusement, sa zone d'effet fut bien supérieure que ce à quoi je m'attendais et je me retrouvai pris à la gorge par le manque d'air tandis qu'une gangue de glace me recouvrit instantanément. Je me retrouvai prisonnier de cette coquille alors que Balkoth semblait perdre l'avantage sur son adversaire. En effet, Kel'Syrtas avait réussi à faire tomber Balkoth en lui faisant un grossier accroche-pied à l'aide de son bâton. Déstabilisé par l'objet, et à cause de la trop lourde masse de son armure, il n'avait rien pu faire pour empêcher la chute. Et alors qu'il tentait péniblement de se relever, je vis Kel'Syrtas articuler quelques sombres mots à sa déesse et ensuite placer ses mains sur le chevalier. Balkoth hurla de douleur lorsque le Tourmenteur le toucha car, du peu que j'avais pu en voir, il avait fait appel à l'énergie du plan négatif pour le blesser, mais je ne saurais dire à quel degré. Quant à moi, la gangue de glace m'empêchait encore tout mouvement, mais du coin de l'oeil, je vis des flèches enflammées partir en droite ligne vers Kel'Syrtas alors qu'il s'apprêtait à abattre son bâton sur le crâne de Balkoth. Les deux flèches se plantèrent dans son torse et les flammes vinrent lécher son visage. Il rit à gorge déployée et plongea sur Balkoth. Les multiples piques de son armure se plantèrent dans l'armure de Balkoth qui se tortilla sous l'effet de la douleur. Mais rapidement, il arrêta de gigoter, sous son corps se formait une flaque d'un liquide rouge épais et fumant au contact de la neige froide.

Quant à Alarkan, après son attaque à la sphère glacée, il avait sorti une fiole qu'il avait vidée d'une seule traite. Et alors que les flèches se plantèrent dans le corps de son acolyte, il avait ressorti le symbole sacré qui pendait à son coup. Il murmura un mot et d'un coup, son visage s'illumina. Il se tourna quelque peu sur sa droite et plaça ses mains en une sorte d'éventail devant lui. Je le vis articuler des mots à Auril et en un instant, une nuée blanche jaillit de ses mains, irradia la zone devant lui. J'entendis vaguement Tanator qui hurla au milieu de cette tourmente. Il venait d'user d'un cône de froid, sort normalement réservé aux mages. Dans ma tête, tout se bousculait ! Etait-ce un mage-prêtre ? Un prêtre d'un pouvoir tel que sa déesse lui accordait de si puissants sortilèges ? Mais seule une certitude me restait : jamais nous n'allions sortir vainqueur de ce combat. Et c'est là que je vis ce chien, il était venu de derrière moi et il trottait paisiblement en direction d'Alarkan alors que celui-ci ne semblait pas le voir.

Alors qu'Alarkan, armé d'une hache blanche s'avançait à présent en direction de Tanator, toujours invisible, je vis le chien, une sorte de basset, lécher le visage de Balkoth. Après quelques coups de langue, les corps de Kel'Syrtas et du Tolgarien se mirent à remuer et d'un coup, la dépouille du Grand Supplicieur fut jetée sur le côté par les puissants bras du chevalier. Il se redressa, hache en main, et se rua dans le dos du prêtre de la Fille du Gel. Bien entendu, il l'entendit arriver, mais bien qu'il parvint à se retourner à temps, il fut obligé de mettre un genou dans la neige pour parer entièrement le coup du molosse, tellement il fut puissant. Quelle force de la nature ce Balkoth !

Le chien était repassé derrière moi, en direction du corps de Zouran, et pendant ce temps, la bataille faisait rage entre le prêtre et le guerrier. Balkoth ne comptait que sur sa seule hache de bataille pour vaincre ses ennemis alors qu'Alarkan disposait d'une hache uniquement pour contrer efficacement les coups que délivrait l'homme en armure. La robe blanche, tachée du sang d'Alarkan, contrastait fort avec l'armure sombre percée en de multiples endroits de Balkoth, tout comme leurs styles de combat. Les deux hommes semblaient tout de même marqués par le combat qui se déroulait depuis maintenant cinq bonnes minutes. Balkoth n'en finissait pas avec les grands moulinets se terminant sur le corps de l'homme en blanc, et Alarkan semblait quelque peu contrarié, ne trouvant pas de temps morts pour pouvoir se permettre de lancer un sort sans doute. Mais sa patience parut payer car à un moment, Balkoth fit preuve d'une trop grande imprécision dans une de ses frappes, ce qui lui permit de se reculer d'un bond, tout en entamant aussitôt l'incantation de ce qui me semblait être à nouveau un sort faisant appel au froid. Et alors qu'Alarkan terminait une grande arabesque de la main gauche, Balkoth pivota et lança sa hache, qui se ficha en plein dans le crâne de son adversaire. Alarkan fut propulsé à deux mètres en arrières par l'impact et retomba, inerte. Lorsqu'il retomba au sol, ma prison de glace se volatilisa, et je bondis vers Balkoth, espérant qu'il n'était pas trop blessé.
- Merci Conrad mais je vais très bien, juste quelques égratignures.
- Tu as vu Tanator ?
- Je suis là, derrière toi. Me retournant, je le vis apparaître d'un coup, il avait effectivement été pendant la fin du combat.
- Vous avez vu le chien ?
- De quel chien parles-tu ?
- Celui qui t'a remis en état de combattre pardi ! Un basset brun avec des taches brunes.
- Ce chien ? Tanator pointait du doigt en direction du corps de Zouran
- Oui, ce chien là, il est apparu derrière moi, est allé te lécher et aussitôt, tu t'es relevé. C'est inexplicable.
- Et Zouran qui a encore clamsé, j'espère qu'on pourra le ramener cette fois.
- Trop souvent oui, ça lui coûte une fortune de rester en vie, il n'est vraiment pas prudent. Par hasard Conrad, tu n'as rien qui ramène à la vie ?
- Non, la mort faisant partie du cycle naturel de la vie, il est logique que les...
- C'est bon, on a compris, le coupa Balkoth. Conrad, va prendre l'Anneau s'il te plait, moi je vais m'occuper de la dépouille du nabot.
- Attends, autant se servir n'est ce pas. Occupe-toi d'Alarkan c'est lui qui avait l'Anneau, moi je vais fouiller Kel'Syrtas.

Alors qu'ils étaient tous deux plongés sur les corps sans vie de leurs adversaires et que Balkoth nettoyait sa hache, une dizaine de personnes s'approchèrent d'eux à pas de velours. Ils portaient une grande cape verte et une robe brune en dessous et la personne au centre du groupe, une vieille dame, avait une tenue dans les mêmes tons mais bien plus reluisante.

- Tanator ! Appela la vieille dame.
L'elfe se leva tout en se tournant et s'avança à la rencontre de la dame.
- Mère Aïola, mes respects.
- Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir débarrassés de ces deux personnes. Vous êtes arrivés à temps, nous n'allions plus pouvoir contenir la tempête bien longtemps. Mais je vois que vous avez de nouveau compagnons, si nous allions discuter calmement au temple de notre déesse mère ?
- Ce serait avec joie, mais un de nous a trouvé la mort au cours de l'affrontement.
- Oh, voilà qui confirme mes craintes, je suppose que Zouran est encore tombé sur un os.
- Vous ne croyez pas si bien dire, lâcha joyeusement Conrad.
- Bonjour à vous Messire druide, Chauntéa serait fort heureuse de vous accueillir cette nuit également pour vous reposer. Nous nous occuperons de Zouran, venez.
- Balkoth, tu prends Zouran, on y va.
- Ah oui, si nous pouvions passer à l'auberge de Manfred, ils ont eu des ennuis par-là.
- J'y ai déjà envoyé deux prêtres, ne vous en souciez plus pour le moment.
Et la petite troupe composée de prêtres de Chauntéa et du restant de notre groupe s'enfonça dans les rues de la ville sous les applaudissements des habitants, à présent descendus dans les rues pour honorer les sauveurs de la cité, une fois de plus.

Zouran

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