 | Set fire to flames - Telegraphs in negative/mouths trapped in static Origine : Canada Genre : expérimental Année : 2003 Cet album a été sélectionné pour plusieurs raisons. La première est son packaging et son livret qui sont magnifiques. La seconde est pour le concept qui sous-tend l'album : qu'est-ce qui se passe quand on enferme 13 musiciens pendant 5 jours dans un vieux hangar métallique perdu au beau milieu de la campagne canadienne et qu'on les oblige à ne pas dormir ou à être sous l'influence de diverses substances ? La dernière raison est bien entendu le résultat de tout ceci, une musique étrange et envoûtante, qui sait en outre céder sa place au quatorzième membre du groupe, le hangar qui devient instrument et acteur à part entière de l'album. Bref, une expérience intrigante à faire pour un disque à écouter au calme en se concentrant dessus pour en apprécier toute la délicatesse. |
 | Olivier Messiaen - Quatuor pour la Fin du Temps Origine : France Genre : musique contemporaine Année : 1995 pour ce CD mais l'oeuvre date de 1941 Un peu de musique contemporaine... Olivier Messiaen n'est pas un inconnu et le quatuor pour la fin du temps est peut-être son oeuvre la plus célèbre mais elle le mérite amplement. Ecrite alors qu'il était prisonnier dans un stalag en Silésie, cette pièce, très fortement inspirée par la foi de Messiaen, a en quelque sorte constitué une planche de salut en ces moments difficiles. Inspirée de l'Apocalypse de Saint Jean, cette oeuvre ne se laisse pas aisément saisir dans son apparente froideur. Pourtant quelques écoutes suffisent pour s'immerger dans la représentation qui nous est offerte du texte, même si le discours offert nous laisse froid à la base. Le quatuor (violon, violoncelle, piano, clarinette) offre de multiples possibilités d'association qu'utilise magistralement Messiaen tout au long des huit mouvements aux structures variées. Cette oeuvre nous offre l'occasion d'une plongée fascinante dans l'esprit d'un grand compositeur du siècle dernier. |
 | Charles Mingus - Mingus in Europe volume 1 Origine : Etats-Unis Genre : jazz Année : 1988 mais le concert date de 1964 Sans doute pas le disque le plus connu de Mingus mais celui-ci figure parmi mes préférés du contrebassiste. Dans un quintet de rêve, ce disque nous offre l'occasion d'entendre tout d'abord une exceptionnelle version de son classique "Fables of Faubus", ici mélangé avec le thème de "Haïtian fight song". Les différents musiciens marient avec bonheur humour et inventivité et on sent un réel plaisir de jouer, joie communicative qu'on n'a pas de difficulté à imaginer. Après trente-sept trop courtes minutes d'un tel traitement, on en redemande. Les deux morceaux suivants sont plus courts mais pas négligeables pour autant. Le second est l'occasion pour Eric Dolphy de montrer sa virtuosité à la flûte (en duo avec Mingus). Le troisième et dernier morceau reprend encore un classique de Mingus avec la formation complète. S'il est (très légèrement) moins débridé que le premier morceau, on retrouve toujours ce bonheur de jouer ensemble, marque des grands concerts que nous avons la chance de pouvoir découvrir sur ce disque. |
 | Godspeed you! Black emperor - Yanqui U.X.O. Origine : Canada Genre : post-rock symphonique Année : 2002 Le collectif canadien s'est fixé une voie depuis ses premiers albums et il s'y tient. On retrouve donc encore et toujours ce qu'à défaut d'autre qualificatif plus précis on pourrait nommer post-rock symphonique, longues pièces séparées en plusieurs mouvements, structure classique (lente montée vers l'acmé dévastateur puis decrescendo vers l'aboutissement). Mais, ce qui pourrait sembler monotone après trois albums parvient à garder toute sa fraîcheur et son intérêt. Tout d'abord, on ne retrouve plus les bouts de dialogue enregistrés un peu partout, auprès d'originaux, d'enfants, etc., ce disque est entièrement instrumental. Les trois morceaux (entre vingt et trente minutes chacun) parviennent constamment à conserver leur intérêt et à ne pas avoir un air de déjà-vu comme on aurait pu le craindre. Et malgré l'absence de texte, on perçoit parfaitement le message qu'ont voulu transmettre les membres du collectif, pointant ironiquement le doigt sur les collusions qui existent entre majors et grands groupes d'armement. Le disque demeure donc constamment dans une thématique assez martiale comme en témoignent les titres des morceaux. Un disque militant mais qui a su ne pas oublier les exigences artistiques qui font de lui tout simplement un grand disque. |
 | Naked City - Grand Guignol Origine : Etats-Unis Genre : inclassable Année : 1991 Naked City est un groupe assez inclassable, oscillant sans cesse, et souvent au sein d'un même morceau, entre jazz, hardcore, rock, pop et musique improvisée. Cet album offre un bon panorama de tous ces styles. On trouve ainsi de l'ambient, des reprises de morceaux de musique classique et surtout 33 morceaux miniatures (de 12'' à 1'18) totalement débridés où claviers softs et hurlements du saxophone et du "chanteur", lignes de basse tordues à souhait et guitares explosives alternent avec un bonheur rarement égalé. Le tout est servi dans une bonne humeur qui n'empêche pas le malaise (les personnes qui ont vu Funny Games de Michael Haneke peuvent en témoigner). Bref, un excellent disque, parfait pour faire taire vos voisins un peu trop bruyants (j'ai testé, ça fonctionne). |
 | Shalabi Effect - s/t Origine : Canada Genre : expérimental Année : 2000 Changement total d'univers. On reste dans le domaine de l'exploration mais d'un univers totalement différent. Ici, les influences seraient plus psychédéliques et moyen-orientales, tout en n'oubliant pas la musique bruitiste ou improvisée. Etrange mélange qui s'annonce là... Et en effet, le voyage offert est étrange mais fascinant. La musique est plutôt contemplative dans l'ensemble et plus propice à la méditation qu'au pogotage intense. Cependant, elle ne s'interdit pas des dérives vers le bruit et la déconstruction des structures du morceau, leur étirement à l'infini ou au contraire leur compression. Les différents morceaux prennent le temps de se construire et d'exister, de créer une atmosphère unique, mélancolique et doucereuse qui vous enveloppe et vous transporte. Pour finir sur une comparaison foireuse, ce disque, c'est un peu comme le Nutella®, c'est super bon, une fois qu'on a commencé c'est bien difficile de s'arrêter et c'est bien pour penser (mais pas trop pour se dépenser...). |
 | Acid Mothers Temple & The Melting Paraiso U.F.O. - Univers zen ou de zéro à zéro Origine : Japon Genre : trip rock Année : 2002 Le nom à rallonge du groupe laisse entrevoir ses orientations : Acid pour le côté psychédélique, Paraiso pour la quête de ce paradis perdu et UFO (unidentified freak-out) pour la référence à Zappa (enfin pas seulement bien entendu). Ajoutez à ça que le groupe est japonais, que plusieurs des membres sont de grands amateurs de musique occitane et vous aurez un (trop) bref aperçu de ce qui peut composer ce collectif protéiforme. Mais qu'est-ce que cela peut donner sur la plan musical ? Univers zen ou de zéro à zéro constitue justement une bonne introduction à leur monde, par son alternance de morceaux calmes et d'autres plus caractéristiques d'AMT, longues envolées chaotiques, courses furieuses où le reste du groupe poursuit ou dépasse sans cesse le guitariste. Le tout est partiellement saupoudré d'une voix cristalline, par moments presque infantile. Mais la musique sait aussi prendre une tournure incantatoire comme pour mettre en transe l'auditeur et tenter de lui faire découvrir une fraction du cosmos... Acid Mothers Temple pose, outre un problème de description, leur musique étant plus à vivre qu'à simplement décrire, deux problèmes. Le premier est que les disques ne sont pas faciles à trouver. Le second est que leur production est pléthorique et de qualité ce qui fait qu'il est difficile de suivre toutes leurs créations. Néanmoins, le côté new-age douteux est contrebalancé par une dérision et un humour constant ce qui fait de cet album une perle noire dans cette sélection. |
 | Oslo telescopic - Degree Origine : Angleterre Genre : country folk lo-fi (dixit une étiquette FNAC) Année : 1999 Au milieu de tous ces disques que j'ai presque toujours décrits comme pleins d'humour ou de dérision, voici un album qui tranche. Ambiances lourdes et mélancoliques de lendemain de cuite et de réveil difficile dans une atmosphère tropicale et poisseuse (certains morceaux me font toujours penser à une éventuelle BO pour une adaptation d'Au-dessous du volcan), musique un peu désespérée mais qui laisse néanmoins poindre un vague et lointain espoir. Et des paroles qui prennent une place importante et ne sont pas réduites à la portion congrue. Cet album est la pièce centrale d'un tryptique composé des albums Third, Degree et Burnt (les pochettes des trois albums s'assemblent également). Cet album étant le premier que j'aie entendu des trois, c'est celui qui m'a le plus marqué, le plus touché, le plus transporté dans son univers un peu déglingué. C'est aussi selon moi le plus équilibré des trois. En bref, un album certes pas révolutionnaire (ça n'est pas du tout son but) mais qui parvient parfaitement à transcrire une atmosphère en musique. |
 | Michihiro Sato/John Zorn - Ganryu Island Origine : Japon/Etats-Unis Genre : atypique Année : 1998, disque sorti en 1984 Etrange rencontre que celle de ces deux musiciens. Michihiro Sato joue du shamisen, John Zorn est lui crédité aux anches. Anches et non clarinette ou saxophone car il en vient à utiliser chaque partie de l'instrument de manière indépendante ou en le détournant (en jouant dans un verre d'eau par exemple). Il utilise également d'autres éléments moins classiques dans le monde musical comme des appeaux. Comme on peut s'en douter, et comme souvent chez Zorn, la musique produite n'est pas immédiate d'accès, il faut pouvoir supporter ces grognements, couinements et autres grincements qui s'imposent en contrepoint du shamisen. Mais la curiosité l'emporte très vite. Curiosité envers la nouveauté de l'ensemble mais aussi envers la joie qui se dégage de l'ensemble de l'oeuvre. Enfin, curiosité envers les différentes scènes décrites de manière purement sonores mais qui devraient rappeler de nombreux souvenirs à tout amateur de film de samouraï. Un disque donc à approcher avec prudence (et qui peut, là encore, servir à faire fuir les indésirables) mais une fois habitué à ces sonorités, on s'y replonge toujours avec délice. |
 | The Ornette Coleman double quartet - Free Jazz Origine : Etats-Unis Genre : free jazz (quelle surprise...) Année : 1998, disque sorti en 1960 à l'origine Pour finir, rien de moins que le disque fondateur du free jazz, un disque qui allait montrer que l'improvisation libre, libérée du carcan des règles classiques qui structurent un morceau, était quelque chose de créateur. Il faut dire qu'Ornette Coleman a eu le bon goût de réunir un groupe assez fantastique, faisant jouer ensemble à la fois des innovateurs ou d'autres à l'approche plus classique mais qui se révèlent cependant entièrement à leur place ici. Mais, toute structure n'est pas absente de ce disque. On a ainsi des parties bien délimitées et la construction globale est assez claire. Le dédoublement du quartet (trompette, saxophone, contrebasse, batterie) permet de créer des effets de dialogue très intéressants (notamment lors du fantastique double solo de Scott La Faro et Charlie Hadden aux contrebasses). On pourra reprocher une certaine "cérébralité" à cette musique, ciblant apparemment plus l'intellect que les sentiments. Pourtant, une des réussites de ce disque est justement de battre en brèche cette perception, de montrer que du chaos apparent peut surgir quelque chose de constructif. Courant politique autant que musical, le free jazz a su durablement s'installer dans le paysage sonore. Cette incarnation, qui n'a absolument pas vieilli, en est une première manifestation à découvrir. |