Le Monde des Ténèbres - Rencontres : 02 - Sang

Voici la deuxième partie de votre apéritif.

Attention toutefois, cette petite histoire est déconseillée aux âmes sensibles et au public non-averti...

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Stephen ouvrit un oeil glauque et regarda le mur en face de lui. Il était dans une chambre qu'il ne connaissait pas. Il n'aurait jamais dû fumer ce truc étrange qu'on lui avait tendu pendant la soirée. Il n'aurait jamais dû suivre sa soeur. Elle lui avait dit qu'il n'avait pas l'âge pour ce type de soirée. Mais il avait 13 ans, il n'était plus un bébé. Il l'avait tannée pendant des heures pour qu'elle l'emmène. Maintenant, il ne savait plus où il se trouvait, il faisait noir, rien ne bougeait autour de lui, il était seul.

Il se sentit effrayé, passablement malade aussi. Il se leva et posa un pied nu sur le sol de carrelage froid. Cela le réveilla un peu plus vite et il trouva l'atmosphère terrifiante. Pas un mouvement, pas un bruit, même pas celui d'une respiration. Il tendit le bras pour allumer la lumière, il y eu un simple déclic, mais rien de plus. Il finit par se diriger vers la porte. Une odeur cuivrée, dure, lui agressa les narines. Un bruit étrange provenait de l'autre pièce, indistinct, suffisamment faible pour n'être perçu que très proche de la porte. On eut dit le bruit du frottement du sable contre de la pierre.

Il posa la main sur la poignée mais il eut une étrange sensation, comme une décharge électrique, et il la retira rapidement. Il tremblait maintenant, où était sa soeur ?

Il serra les dents et posa à nouveau la main sur la poignée de la porte et la tourna lentement. Elle s'ouvrit lentement, laissant apparaître une petite pièce qui devait être la salle à manger. Il y avait des corps, là, allongés un peu partout dans des positions plus ou moins naturelles. Il poussa un soupir, cela lui paraissait plus normal après une fête comme celle-là. Des bouteilles reposaient sur la table basse en face de lui. Rien ne bougeait. Il se dirigea vers la fenêtre. Son pied toucha quelque chose de chaud et d'humide, un peu poisseux. Il imagina de la vomissure et fronça le nez. Le bruit semblait maintenant venir de l'autre chambre dont la porte était entrouverte. Il toucha les rideaux et la pièce fut nimbée par la lumière de la lune. Une très belle lune pleine.

Il se retourna pour chercher sa soeur.

Il s'accrocha alors à la fenêtre pour ne pas tomber. Les corps allongés ne se relèveraient certainement jamais. La chose gluante sur le sol, n'était pas de la vomissure, mais du sang, une mare de sang en train de coaguler. Certains des cadavres avaient été amputés d'un bras ou d'une partie du visage. Des coups de griffes striaient le mobilier, des griffes de la taille d'un doigt. Il plaqua sa main sur sa bouche, pour ne pas crier. La tête lui tournait maintenant. Il se força à scruter le visage des corps, cherchant sa soeur, sans la trouver. Son coeur se retourna quand ses yeux se posèrent sur le visage de la jeune fille qu'il avait trouvé à son goût pendant cette soirée. Son visage doux et fin était maintenant une masse sanglante sa gorge avait été arrachée et il manquait une partie de sa mâchoire et ses yeux étaient ouverts regardant le mur près de Stephen.

La porte de la seconde chambre s'ouvrit. Il ne pouvait pas bouger, le spectacle l'avait totalement vidé. Il se sentait si mal que rien n'aurait pu le faire réagir...

...sauf peut être la voix ignoble qui s'adressa à lui. Une voix gutturale terriblement rauque, comme si la personne était gênée par ses dents.

- Ce fut une bonne soirée, n'est-ce pas, jeune homme ?

Il y eut un claquement de dents que Stephen interpréta comme un rire.

- Je dois dire, continua la créature qui parlait, qu'il avait un certain goût... un très BON goût.

Il tourna finalement les yeux vers la chose qui lui parlait et tomba à la renverse sur le sol couvert de sang. La chose était une combinaison ignoble d'un humain et d'une créature bien moins humaine. Une sorte de canidé aux babines courtes dévoilant une rangée de dents rougeâtres. Ses yeux jaunes, malveillants, brillaient dans la lueur de la lune. Il tenait encore un bras humain dans sa patte gauche, plutôt, dans l'une de ses pattes gauches, puisque la créature avait quatre bras. L'os saillait de ce morceau brisé, mais ce qui le choqua plus, c'était la petite gourmette qui pendait encore à ce moignon sanglant. C'était le bracelet de sa soeur.

- Tu dois te demander, reprit la créature, pour quelle raison je ne t'ai pas mangé avant, n'est-ce pas ? Et bien, je préfère les petits garçons en dessert.

La créature lacha le bras et avança d'un pas. Il aurait certainement cru qu'il tenterait de s'enfuir, mais ce ne fut pas le cas. Au plus profond de lui, il y eut un mouvement. Quelque chose de sombre et d'immonde s'était réveillé. Il se dit qu'il était en train de perdre l'esprit, que la colère, la fureur, la haine n'étaient pas des sentiments que l'on avait en face d'une créature pareil. Mais lui, il se sentait rempli d'une énergie terrible, formidable et obscure. Il savait maintenant que ce type de chose était une forme tordue des protecteurs de Gaïa. Une immonde caricature des protecteurs de notre Terre. Il savait, mais ne comprenait pas ce qu'il savait, ni d'ailleurs pourquoi il savait.

- Tu comptes te battre, caqueta l'immonde créature, je vais m'amuser un peu plus à te faire souffrir alors.

La chose se lécha les babines et cracha un morceau de chair sur le sol.

Au fond de Stephen, la Bête se leva et s'étira, souriant déjà à ce qui allait suivre. Il se leva, poussé par l'instinct, celui de survie ou celui de vengeance, il était incapable de le dire. Il sourit. La créature sembla terriblement dérangée par sa réaction et sortit les griffes.

- Tu vas payer, dit simplement Stephen.

Pour lui, la suite des évènements fut étrangement trouble. Un kaléidoscope de couleurs brûlantes et de fureur bouillante.

Pour les quelques personnes qui passait à cette heure dans les rues de Chicago, ce fut une explosion monstrueuse qui projeta la totalité du mur d'un appartement sur la rue, quatre étages plus bas.

Stephen ouvrit les yeux, au matin, dans son lit. Il avait poussé un cri terrible. Le cauchemard qu'il venait de faire était le plus terrible qu'il ait fait de sa vie. Il se leva. Lorsqu'il regarda son visage dans le miroir, il poussa un deuxième cri, encore plus terrible que le premier. Il avait un oeil au milieu du front. Il regarda ses mains, elles avaient une couleur brune et il portait une petite gourmette autour du poignet.