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 Autrement...

Autrement... : Partie 3 - Changer de vie, Garder ses rêves

Jordan et Nicolas venaient de pénétrer dans une des banlieues-dortoirs qui entouraient la ville. Elles étaient neuves mais ne semblaient pas vraiment jurer avec les constructions plus anciennes de la région, développées pour être enfermées sur elles-mêmes. Elles s'assemblaient parfaitement à la jungle de béton. C'était une zone de non droit où le gouvernement n'avait plus de raison de citer. Un pouvoir politique s'était développé autour d'une ésocratie, la puissance des porteurs de pouvoir, les Shamans Urbains.

Nicolas prit la direction d'un bâtiment qui n'avait plus d'identification par rapport aux autres. Il progressait en regardant ses chaussures trouées et en évitant de tourner la tête vers un groupe de jeunes gens qui encombrait le hall d'un autre immeuble.

- Un gang ?

Jordan orienta ses perceptions astrales dans cette direction. Pas de mage en vue.

- Oui, c'est eux qui contrôlent cette partie de la cité et je ne suis pas sûr qu'ils nous laissent entrer sans problème, murmura l'enfant sans lever le regard.

Un groupe de trois personnes se détacha du squat pour prendre leur direction. Jordan s'étonna de la réaction de Nicolas qui sursauta et pressa le pas. Il utilisait déjà sa perception astrale sans le savoir, intéressant.

- Dis donc, Nico, tu emmènes « Monsieur le Baron » faire son tour dans notre cité ?, agressa l'ado de tête.

Il devait avoir 16 ou 17 ans, les cheveux clairs et un air rebelle cent pourcent télévision. Il vivait dans un style fashion-victim qui ne correspondait pas vraiment à l'environnement. Ses yeux bleus fixaient Jordan en cherchant un moyen de provoquer.

L'enfant regarda au sol.

- Alors, tu ne réponds plus ?, cria le deuxième.
- Dites donc, toi, je sais parler. Si tu as des reproches à faire, adresse toi à moi !

Nicolas trembla à la réflexion de Jordan qui savait où il allait en agressant le responsable directement. Les trois ados levèrent un regard moitié outré moitié surpris. Il retira ses lunettes de soleil et enfonça son regard violet dans les yeux du meneur. Le visage de celui-ci se décomposa à la vue de la trace évidente de l'éveil magique.

- Nous ne savions pas, sorcier, réussit-il à prononcer sur le ton de l'excuse.

Il s'inclina légèrement et fit demi-tour sans demander son reste. Les deux autres le suivirent précipitamment. Nicolas se retourna, surpris.

- Vous saviez ?
- Ce n'est pas la première fois que je viens par ici. Je connais les règles et j'ai des amis parmi les Shamans Urbains, répondit Jordan.

L'enfant se détendit sensiblement. Ils progressèrent dans la direction du bâtiment 124A. L'indication était quasiment invisible sur le porche. Sur la porte de l'ascenseur, à gauche de la porte d'entrée dont l'interphone ne fonctionnait plus, était suspendue une pancarte indiquant « En panne ». Ils prirent donc l'escalier jusqu'au quatrième étage. Après un labyrinthe de couloirs blancs, identiques et impersonnels, ils s'arrêtèrent devant une porte indiquant 442b. Une voix d'alcoolique provenait de l'intérieur, lancée dans une diatribe sans queue ni tête.

- Ca risque d'être plus difficile que prévu, commenta Jordan pour lui-même.

Nicolas ouvrit la porte avec sa clef et se dirigea rapidement vers la salle à manger. Jordan pénétra à son tour dans l'entrée et frappa à la porte ouverte.

- Tiens, revoilà ton sale gosse, vociféra la voix avinée.

Un claquement sec parvient aux oreilles de Jordan. Il avança d'un pas preste vers le séjour.

- ... Tu viens d'où encore ..., cria la voix plus durement encore.

Jordan poussa violement la porte sur la scène. Un homme plutôt imposant était penché, le visage rouge et la main levée, sur le corps de Nicolas que la première claque avait envoyé au sol.

- Continuez votre mouvement et je vous promets que votre correction sera cent fois pire, annonça Jordan calmement.

L'homme stoppa pour regarder l'intrus. Il émit un mot mal articulé qui ressemblait fort à une injure.

- Ceskichila, réussit-il à balbutier.

Jordan rangea tranquillement ses lunettes de soleil dans la poche extérieure de sa veste. L'homme chargea maladroitement le visiteur sans se poser plus de question. Il ne trouva que l'air à l'endroit où se trouvait sa cible précédemment et s'étala de tout son long sur le sol. Une bordée de jurons sortit de sa bouche. Il prit plusieurs minutes pour se relever. Il se prépara à agresser de nouveau celui qui l'avait empêché de corriger son beau-fils. Jordan frappa de sa main l'air devant lui. Le coup fit un bruit de tonnerre et le corps de l'homme se plia en deux sous l'impact magique. Il décolla du sol et s'écrasa contre le mur en plâtre qui se fendit sous son poids. Il retomba au sol et ne bougea plus. Une femme menue s'extirpa de derrière le téléviseur 16/9e qui semblait être le seul luxe de l'endroit. Elle regarda Jordan, puis le corps de son mari qui reposait à l'autre bout de la pièce.

- Il est..., avança-t-elle avec espoir.
- Non, heureusement ou malheureusement, répondit le mage.

Elle se laissa tomber dans un des fauteuils miteux qui garnissaient la pièce puis, elle regarda Jordan attendant qu'il explique sa venue.

- Je suis l'un des archimages de l'Université Esotérique, je suis venu ici pour votre fils.

Nicolas regardait sa mère avec un certain espoir dans les yeux. Il s'était placé à distance respectable de son beau-père, laissant Jordan entre lui et le corps assoupi de son tortionnaire. La femme regarda le sol.

- Je sais qu'il a des pouvoirs mais nous n'avons pas les moyens de l'envoyer à l'Université, dit-elle en coulant un regard vers son mari.
- Je m'en doute, Madame, je viens vous proposer de le prendre pour apprenti, ce qui ne vous coûtera rien. L'université prend tous les frais à sa charge.

Les paroles ne semblèrent pas traverser l'esprit embrumé de la femme.

- Mon mari ne voudra jamais...
- Ca aussi, je m'en doute, une seule de vos deux signatures me suffit pour que le contrat soit valable.

Le visage de la femme s'éclaira soudain. Jordan sortit un dossier de la poche intérieure de sa veste où il ne pouvait raisonnablement pas y tenir.

- Je ne vous devrais rien ? Il me tuerait...
- Non, vous ne me devrez rien, et je ne pense pas qu'il fera quoi que ce soit contre vous, à présent.

La femme regarda longuement le papier. Si longuement que Jordan se demanda si elle savait lire puis elle le signa.

- Il pourra revenir nous voir ?
- Bien sûr ! Je ne l'enfermerais pas, répliqua Jordan avec un sourire, mais je ne pense pas qu'il devrait le faire avant un moment.
- Je comprends..., dit elle d'une voix triste, A-t-il besoin de quelque chose en particulier ? Des vêtements ?
- Ne prends que des affaires personnelles, pour les vêtements, nous nous arrangerons !

Nicolas fonça dans la pièce qu'il partageait avec son frère et empaqueta rapidement des affaires importantes pour lui : un calepin qui lui servait de journal intime, quelques posters, un ours en peluche, un casquette de basket, quelques livres de poche et un manuel de magie. Lorsqu'il revient dans la pièce principale, Jordan était penché sur son beau-père.

- Voilà, Madame, je pense qu'il ne vous ennuiera plus.

Il sourit en se relevant.

- Et vous pourrez venir voir Nicolas quand vous le voudrez.

Jordan sortit de la pièce et de l'appartement laissant Nicolas dire « au revoir » à sa mère et à son ancienne vie. L'enfant sortit après quelques minutes, les larmes aux yeux.

- Bien, maintenant, il va falloir que tu te fasses à mon moyen de transport.

Nicolas retint son souffle.

Nehwon

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