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Chronique des 5 Royaumes de Lorentis : Chant 09 - A l'école des Sorciers

- En hommage à l'Ecrivain qui me fit reprendre goût aux contes de fée, où sorciers, lutins et elfes de maison offrent un spectacle fabuleux à notre imagination. J'aimerais un jour faire aussi bien que vous. -


Ils étaient enfin de retour dans le monde physique. Ils se demandaient où d'ailleurs. Félys et Emeraude firent le tour du paysage pour reprendre conscience du réel. La première chose qu'ils virent, c'est une boule de feu provenant des mains d'un garçon de leur âge traverser à toute vitesse le champ d'expérimentation. Elle venait droit sur eux. Mylianne se déplaça à peine et claquant des doigts, elle dévia la sphère rougeoyante vers le ciel qui éclata finalement en une gerbe d'étincelles.

Dans les rangs des magiciens de la guilde du feu, c'était la surprise. Le garçon qui venait de lancer le sort avait porté les mains à sa bouche en signe de stupeur quand ils étaient apparus dans son champ de tir. Il savait parfaitement qu'il ne pouvait plus rien faire pour contrôler le projectile magique initialement prévu pour frapper la cible qui se trouvait maintenant derrière les voyageurs des plans. Rapidement, trois mages de combat arrivèrent sur les lieux et écartèrent les novices pour les protéger.

« Alha Al'thar, », dit Mylianne en guise de salutation, « Je suis Mylianne de Gr'arkys, du plan du Soleil Sombre. J'aimerais rencontrer l'archimage Orik. »

Cette seule phrase sembla déranger la conviction des mages gardiens. Ils ne bougèrent pourtant pas.

« Qui nous prouve vos dires, Dame Mylianne, d'autres ennemis sont venus avant vous avec des salutations plus persuasives. », répliqua finalement le plus gradé d'un ton entre le défi et la politesse suspicieuse.

« Votre capitaine, Enouk, doit se souvenir de moi. A mon dernier passage, je lui ai laissé un cuisant souvenir, pendant un Certamen. »

Cette fois, l'un des gardes fit un signe magique de bataille qui servait à communiquer mentalement avec ses supérieurs. Il ne fallut que quelques secondes pour que ledit supérieur ne se matérialise à son tour sur le champ de tir. Enouk avait une partie du visage d'une blancheur laiteuse, une cicatrice encore visible d'un feu magique que même les puissants prêtres de Toéhence ne pouvaient guérir complètement.

« Mylianne ? », il sourit, « Baissez vos armes, mes sieurs, cette dame est une amie. Vos runes ne seront pas nécessaires, je devrais dire Inutiles. »

Les gardes se détendirent et obtempérèrent rapidement.

« L'accueil s'est détérioré depuis ma dernière visite. », indiqua Mylianne sur le ton de la plaisanterie.

« Tu penses qu'une personne qui utilise des sorts létaux pendant les Certamen est toujours la bienvenue ? » répliqua le maître des gardes sur un ton pincé.
« Un point partout », ajouta Mylianne après quelques secondes, « J'accompagne ses jeunes marcheurs qui ont fait une sortie sauvage. J'aimerais voir maître Orik. Il est le mieux placé pour les guider. »

« J'ai une mauvaise nouvelle pour toi, Mylianne », dit Enouk en baissant le regard, « Maître Orik est mort l'année dernière après une longue maladie. Il avait près de 300 ans, tu sais, pour un humain, ce n'est pas courant. Les potions de longévité ont elles aussi leurs limites. »

Mylianne parut affectée par la nouvelle.

« Qui dirige l'école maintenant ? », demanda Mylianne.

« C'est Maîtresse Naticia », répondit Enouk sur un ton plus plat.

« Naticia a fait énormément de chemin depuis l'académie visiblement. Je me ferais un plaisir de la revoir. »

« Très bien, je vais la prévenir que tu souhaites la voir. »

Derrière eux sonna une cloche. Les élèves, très concentrés auparavant, poussèrent en choeur un cri de bonheur, et n'attendant pas les indications des professeurs se dirigèrent vers le fond de la cour d'entraînement.

« C'est l'heure de déjeuner, vous vous joindrez bien à nous ? », dit Enouk, « toi et tes apprentis. »

Mylianne allait protester, mais Enouk se dirigeait déjà vers la cantine. Il fit quelques pas et finit par se retourner un sourire aux lèvres.

« Parce que je suppose que ce ne sont pas tes fils... », ajouta-t-il comme s'il finissait sa phrase.

Mylianne sembla bouillir de colère. Les garçons ne comprirent pas l'allusion.

Ils suivirent Enouk dans la salle immense qui servait de réfectoire. Elle avait une allure de cathédrale gothique, décorée de nombreuses colonnes fines et droites s'élevant très haut dans les cimes de la tour des mages. Neuf immenses tables accompagnées de bancs de bois sombre se répartissaient dans l'environnement chaleureux de la pièce. La lumière provenait d'immenses vitraux colorés qui brillaient de tous leurs feux dans la lumière de midi. A l'autre bout de la salle, prés de 50 mètres plus loin, se dressait une estrade de pierre, couverte d'un tapis de grande qualité, sur laquelle était installée une table d'obsidienne miroitante. Les professeurs étaient installés là. Le fauteuil central, plus ouvragé que les autres, représentait un entrelacs de flammes s'élevant vers le ciel. Une femme d'une quarantaine d'années occupait cette place. Elle fit signe à Enouk de la rejoindre avec ses invités.
Les apprentis étaient déjà installés autour des tables et attendaient l'arrivée des plats. Enouk décida de traverser la salle par son milieu, il avança donc directement d'un pas rapide. L'ensemble des regards se tourna alors vers les nouveaux arrivants. Le silence tomba d'un coup sur la salle. Puis, alors qu'ils avançaient, il fut remplacé par des conversations à voix basse.
Emeraude, terrifié, se rapprocha de Felys. C'était bien sur eux que les yeux étaient fixé pas sur Mylianne ou Enouk. Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ?

Lorsqu'ils furent près de la table des professeurs, ce qui prit bien trop de temps au goût d'Emeraude, Mylianne se baissa vers eux.

« Installez-vous à la table de droite », indiqua-t-elle avec un hochement de tête en cette direction, « je vais m'occuper de nous faire admettre pour la nuit, voire un peu plus si possible. »

Les deux garçons ne se firent pas prier et s'installèrent rapidement. Les autres novices de la table les regardèrent. Ils devaient vaguement avoir le même âge qu'Emeraude. Les regards semblaient un peu lourds, comme si il y avait un sous-entendu dans leur présence. Finalement, un garçon prit son assiette et se leva ostensiblement. Il se dirigea vers Felys et Emeraude et prit place à côté d'eux. Felys le reconnut, c'était le garçon qui avait lancé la boule de feu.

« Je suis désolé pour tout à l'heure, vous m'avez surpris. », dit-il comme introduction.

« Tu ne pouvais pas savoir que nous arrivions », répondit Emeraude sur le ton de l'excuse, « et très franchement, nous non plus. »

Les trois garçons se regardèrent et éclatèrent de rire. Ce qui eut pour effet de relancer les conversations et de libérer l'atmosphère d'une lourde chape de plomb.

« Je m'appelle Nist », dit le garçon, « je ne suis pas très doué avec les boules de feu en général. Mon domaine, c'est la pierre. »

« Je suis Felys et lui, c'est Emeraude. Nous ne sommes pas particulièrement doué pour la magie, enfin, on n'a pas appris encore. »

C'est là que Felys prit conscience qu'il ne connaissait pas grand-chose des possibilités d'Emeraude. En fait, il ne le connaissait que dans la servitude et dans la peur.

« J'ai quelques capacités pour les magies de soin, mais je ne suis pas très efficace pour le reste », avança Emeraude d'une petite voix.

Felys sentit quelque chose exploser dans son esprit. Des mots incongrus vinrent frapper sa conscience comme si on tentait de lui faire passer des pensées. Il tenta de ne pas perdre pied et de suivre a conversation qui s'était engagé avec une jeune fille qui était venu les rejoindre, mais les voix, les sentiments dans sa tête devenaient un peu trop présents pour qu'il puisse faire quoique ce soit d'autre que de se concentrer pour rester conscient.

« ... attention... plantez l'invocation... ton avatar... pas stable... », disait une voix masculine assez paniquée.

« Qu'est-ce que c'est que ce bazar, on est pas au bon endroit... tu m'étonnes que le réseau ne soit pas stable. J'ai plus de réponse des focii depuis qu'on est arrivés dans ce node. », répondit une femme qui n'avait pas l'air rassurée.

« A ton avis, on peut faire quoi ? », reprit l'homme plus clairement.

« On relance le piratage et on retente une connexion vers Orora, avec un peu de chance, on pourra sortir sans alerter le démon-gardien. »

La suite fut un brouillard de pensées furtives, agressives et rapides, une masse d'informations lui arrivait, en vrac. Il les ingurgitait comme une éponge, sans savoir ce qu'elle voulait dire, incapable de faire autrement que de recevoir.

Il sombra finalement.

*
* *



Ethanahelle regardait la pierre magique qui scellait l'entrée du piége millénaire fabriqué par les elfes noirs. Elle semblait perplexe.

« C'est du travail d'artiste, je ne sais pas combien de mages ont travaillé pour réaliser ce piége, mais c'est une réussite. » finit-elle par reconnaître en se relevant.

« Ce qui signifie que tu es incapable de détisser le sortilège en douceur ? », sourit le roi d'Opale qui la regardait faire, adossé à un arbre.

« Je ne sais pas quelles seront les conséquences si je modifie la trame du piége pour en faire une porte dimensionnelle. C'est réalisable, mais je voudrais être sûre que je ne vais pas tuer instantanément toutes les personnes qui se trouvent à l'intérieur. »

« Ce serait en effet une bonne idée, j'aurais horreur de remettre ce plan à ce vieux débris décharné de Mogoroth. »

« Doit-on encore perdre du temps et tenter une étude sur le sujet ou doit-on agir maintenant ? », finit par demander Ethanahelle.

Une longue bourrasque d'éther traversa le plan astral où ils se trouvaient.

« Je crois que la Fusion a déjà commencé, nous n'avons plus de temps à perdre. », répondit Tristan.

Ils préparèrent rapidement un cercle d'invocation extrêmement complexe autour de la pierre astrale. Lorsque celui-ci fut terminé, il commencèrent une longue invocation qui ressemblait plus à un chant qu'à de la magie.

La pierre ne résista que quelques minutes à la transformation imposée par deux âmes de dieu. Elle explosa pour recomposer une porte astrale donnant sur le royaume du désespoir.

« Il faut faire vite, maintenant », précisa Ethanahelle, « Le demi-plan sera instable dans un cycle. Ça nous laisse 12 heures pour faire revenir toutes les personnes prisonnières dans le monde réel. »

« Il y a quelques chose d'anormal dans l'aura de Castel Pierre-Lune, tu ne trouves pas ? », répondit Tristan.

« Je n'ai pas tes dons de prescience. », précisa Ethanahelle avant de ce concentrer pour projeter son esprit à plusieurs milliers de kilomètre.

Elle regarda attentivement la perturbation qui émanait ou se projetait sur une des maisons de magie.

« Je crois que la prophétie était loin du compte » finit-elle par ajouter, « Je n'ai jamais entendu parler de ce type d'effet. »

Ils se regardèrent.

« Dépêchons-nous, je crois que les problèmes ne font que commencer. », finit par dire Tristan

*
* *



Felys ouvrit les yeux. Sa tête était douloureuse et une nausée violente s'accrochait à sa personne. Il se trouvait dans une pièce qui comportait sept autres lits. Les murs étaient blancs. Le plafond en pierre formait une voûte qui faisait penser à une cave. La pièce était aveugle et il en remercia le ciel. Il eut l'impression que le moindre rayon de lumière lui aurait fait exploser la tête. Ce qui l'inquiéta plus, c'est qu'il se sentait différent maintenant. Comme si ce qui venait de se passer avait changé sa conception du monde et de ce qui l'entourait. Il chercha un moment dans sa mémoire, ce qui s'était passé, mais c'était bien trop flou et assourdissant pour qu'il puisse faire le point.

Il tenta de se lever mais eut un violent étourdissement. Il se demanda quelle heure il pouvait être, il n'y avait pas d'indication. Il commença à se sentir mal dans cette pièce fermée, il décida donc de faire une autre tentative et de se diriger vers la porte. Son corps ne lui refusa plus la possibilité d'avancer. Il monta donc les marches. Il prit conscience après être sorti de la pièce qu'il portait une sorte d'uniforme de lin blanc et qu'il était pieds nus. Ca n'avait en fait pas grande importance, il fallait qu'il retrouve Emeraude et qu'ils partent d'ici au plus vite. Cet endroit n'était pas sain pour eux, la symbiose qui les liait maintenant n'allait que s'amplifier et il finirait par mettre la vie d'autres personnes en danger.

Il fit une pause et se demanda d'où pouvait provenir ce type d'information. C'était une certitude dans son esprit. Il aurait aussi facilement pu expliquer la raison de son inconscience ainsi que les mécanismes qui permettait le changement de plan, à la fois sur le plan biologique et sur le plan métaphysique. Il se fit peur à lui-même en fait, il savait bien trop de chose. Sa tête lui fit un peu plus mal, il y porta la main. Il avait une égratignure sur le front, certainement était-il tombé quand il avait perdu connaissance dans la cantine.

Il arriva finalement dans une petite salle, qui devait être un vestiaire. Il y retrouva facilement ses vêtements soigneusement pliés dans un des nombreux casiers en bois qui avaient été installés sur le mur ouest. Il tourna les yeux vers la cour qui s'étalait à sa gauche, il y avait encore des élèves qui travaillaient les sorts qu'ils avaient appris dans la journée, sous la surveillance d'un magicien spécialiste des contre sorts. Encore une chose qu'il savait sans raison. Il avança vers un groupe d'étudiants qu'il sembla reconnaître. Il y avait le garçon qui s'était présenté comme Nist, une jeune fille et un autre garçon qu'il ne connaissait pas. Il ne vit pas Emeraude et commença à s'inquiéter.

Lorsqu'il arriva près du groupe, Nist se retourna pour indiquer une partie du bâtiment et le vit. Il s'approcha l'air inquiet.

« Comment te sens-tu ? Tu as encore l'air très pâle. Il parait que ça arrive quand on provoque le changement la première fois. »

« Ce n'est pas ça... Enfin, je ne crois pas que ce soit à cause du changement. C'est Mylianne qui nous a ramené ici, c'est elle qui a dépensé de l'énergie pour cette partie du voyage. Il y a autre chose, et j'ai un sale pressentiment. »

Derrière eux, il y eu un cri, d'abord ce fut de stupeur, puis de terreur. Lorsque Felys se retourna, il y avait déjà une dizaine de mages de combat qui se matérialisaient dans la zone. Une garçon d'une quinzaine d'année était allongé aux pieds d'une créature gigantesque - elle devait faire près de quatre mètres - ses bras démesurément longs semblaient battre l'air dans le but de découper son invocateur en menus morceaux. Le diable, en tout cas ce fut ce que Felys pensa instantanément, semblait particulièrement furieux d'avoir été convié dans ce monde sans qu'on lui demande son avis. Il comptait d'ailleurs bien régler ce problème en prenant l'âme de son invocateur imprudent.

« Comment ... », balbutia Nist

« Il s'est trompé de deux syllabes dans l'invocation d'un diablotin mineur, ce qui a eu pour conséquence de modifier l'environnement des champs de mana et a convoqué aléatoirement un diable des domaines inférieurs. », répliqua Felys qui avait déjà trouvé une solution pour régler le problème.

Il n'eut pas le temps de se poser des questions. Le danger était trop près. Les mages de combat utilisaient, très logiquement pour une maison spécialisée dans la pyrotechnie, des sorts de feu pour se débarrasser du démon. Ce qui n'avait pour effet que de lui donner un peu plus de puissance mais aussi de l'énerver un peu plus à chaque sortilège. Il avança, regardant simplement l'évolution de la situation, analysant le démon lui-même comme s'il avait toujours été un spécialiste.

Lorsqu'il fut à portée respectable du monstre, il cria :

« C'est moi ton adversaire ! »

Nehwon

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