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Contes Spalliens : Chapitre 33 - Fait d'armes

La patrouille se déroulait sans problème. Depuis maintenant deux jours qu'ils étaient partis, ils n'avaient pas vu, entendu ou senti quoi que ce soit d'anormal. Les rapports des chefs de milice locale n'indiquaient rien d'anormal. Il fallait croire que la région avait droit à une pause après l'arrivée des méduses.
Il y avait cependant deux choses à noter, la première était que Charles avait pris le lance grenade avec lui, arguant qu'ils risquaient d'en avoir besoin s'ils tombaient sur quelque chose de gros (comme la méduse). Il n'avait cependant pas pris la Lame de Feu, ce qui montrait qu'il ne s'était pas encore décidé quant à son éventuel adoubement.
Le deuxième fait marquant était qu'Alren les accompagnait. Il n'y avait aucune raison officielle à cela, contrairement à l'affaire des Ogres fous. Cependant le Ferior avait senti que la méduse devait se terrer loin des lieux bien protégés, et donc sur le parcours habituel des patrouilles. Les Feriors ayant un statut de corps franc par rapport à l'armée spallienne, et Alren n'ayant pas de réel supérieur Elfe Noir sur Knoll, il était plus ou moins libre de ses choix. Il était donc parti sans trop de problème, bien que ses instructions premières soient la défense de la ville.

Le soir du troisième jour, ils arrivèrent en limite des forêts elfiques de l'Est et donc de la zone de juridiction traditionnelle des armées humaines. Cependant ces forêts n'étaient que de faible superficie, entourée par les terres des Hommes et tous les royaumes elfiques du continent faisant partie de l'Empire, il n'y avait donc pas de réelle frontière.
C'était dans tous les cas leur point de chute, et le lendemain, ils commenceraient à rentrer vers Knoll, selon un itinéraire différent. Mais un problème se présentait, auquel Charles aurait dû penser beaucoup plus tôt.
Les Haut-Elfes et les Elfes Verts qui peuplaient ces forêts faisaient partie de Spalle depuis plus de 1500 ans, et n'avaient jamais été des ennemis. Les Drows avaient été en Guerre larvées contre toutes les autres formes d'intelligence pendant plus de 20 000 ans et la paix précaire qui régnait depuis la Grande Catastrophe et le début de la Guerre n'avait été officialisée qu'il y a moins de dix ans.
La présence d'Alren allait donc constituer un problème, malgré toute la politesse et le self contrôle dont on disait les Elfes capables.

Charles réfléchit un instant, puis prit rapidement une décision. Plus la rencontre durerait longtemps, plus un incident aurait de chance de se produire. Il fallait donc éviter de passer la nuit au 'poste frontière'.
Etant donné leur situation actuelle, ils devraient arriver juste pour le soir, sans trop forcer le pas, ce qui est l'horaire attendue. Cependant un retard d'une nuit n'entraînerait qu'un peu d'inquiétude et une petite mise au point avec le chef de garnison. Charles décida donc de faire un détour par une petite ruine sans grand intérêt afin de justifier le retard à ses hommes. Cela les ferait râler, car l'hospitalité elfe était fort justement réputée, mais paraîtra plausible, surtout que cela faisait longtemps qu'aucune patrouille de l'armée n'y était allée.
Il savait que ça ne dupera pas vraiment Alren ou le chef de garnison, mais ils comprendront.

La ruine en elle-même n'était pas très éloignée de leur route prévue, mais elle était suffisamment vaste pour nécessiter une ou deux heures d'investigation sérieuse. Il s'agissait d'un ancien barrage fortifié et des bâtiments attenants qui avaient été construits pendant la période des seigneurs de guerre, il y a plus de 4000 ans, afin de contrôler par l'eau la population d'une vallée. Il n'en restait plus grand chose, mais les solides ouvrages de maçonnerie offraient encore quelque abri pour l'éventuel monstre errant, et les minces filets d'eau qui courraient entre les pierres offraient de bons coins de pêche, d'ailleurs utilisés par la population locale. Le tout baignait dans l'ombre agréable des premiers contreforts de la forêt.
L'ensemble était bien connu et entièrement exploré, mais l'on y faisait encore parfois quelque découverte. L'endroit servait plus ou moins d'appât, et les quelques incidents qui y étaient survenus lui conférait une relative tranquillité, sauf pendant les périodes de pêche.

La visite étant improvisée, la patrouille ne disposait pas des cartes du lieu, mais Charles y était déjà passé et se souvenait à peu près de toutes les cachettes à vérifier. Après avoir attaché les chevaux, que Georges resta à garder, ils commencèrent donc tranquillement à sonder les caves, les recoins et les surplombs.
C'est alors qu'ils avaient fini la rive gauche et traversé sur le guet formé par l'ancien barrage qu'Eric la vit. Ce n'était pas une observation facile, car le soleil déclinant créait, avec l'aide des arbres et de l'eau courante, un impressionnant jeu de lumière, d'ombre et de reflet. Cependant au milieu de tout cela, à un endroit où le courant était particulièrement violent, il remarqua des sortes de filaments qui ondulaient au gré des flots. Il n'avait à vrai dire pas vraiment compris ce qu'il regardait que Henri, suivant son regard, reconnut l'ennemi, l'ayant, lui, déjà combattu.

Dès qu'il se sut découvert, il attaqua, bondissant hors des flots vers Henri, qui avait juste eut le temps de mettre ses mains sur la garde de son épée sacrée. Tout les autres furent complètement pris au dépourvu, sauf Frédéric, qui eut le réflexe de pousser Henri de la trajectoire de ce qu'il ne voyait encore que comme une silhouette vague. Cependant, même ce mouvement ne fut pas assez rapide et l'ombre frôla l'Intermédiaire Impérial d'assez près pour que du sang accompagne la fin de son saut. Elle retomba alors plus bas dans le lit de la rivière, quasiment silencieusement.
La créature ne resta que peu de temps visible, mais cela suffit à Alren et Charles pour la reconnaître aussi. Instinctivement Charles releva son lance grenade, mais il lui fallut quelque secondes pour le mettre en service. Il vit donc impuissant l'ombre s'éloigner d'eux à grande vitesse, évitant avec une facilité désespérante les carreaux des six coups des cavaliers. Et alors qu'il était bientôt près, elle bondit par dessus un rocher, ce qui la mettait définitivement hors d'atteinte. C'est à l'apogée de son saut que la boule de foudre la frappa lourdement.

Dès qu'il avait identifié l'ennemi et son intention de fuir, Alren avait commencé son incantation, ne perdant pas sa cible de vue. Il l'avait tellement travaillée, il avait tellement attendu ce moment que les énergies se modelaient presque toutes seules. Il lança sa foudre alors que sa cible était encore sous l'eau, mais au lieu d'une décharge rectiligne, qui n'aurait rencontré que de l'eau à son arrivée, une boule d'électricité se forma et fila au dessus des flots, suivant les feintes de l'ennemi, et quand celui-ci sauta pour ce mettre hors d'atteinte, la sphère de foudre le frappa.
La méduse retomba sur le rocher et marqua une pause, comme si elle retrouvait ses esprits. Cela ne dura qu'une fraction de seconde, et elle reprit rapidement son mouvement de fuite. Mais même ce court instant était trop long, la grenade partit au moment où elle touchait sol, et même si elle ne rencontra que la roche à son point d'impact, le souffle de l'explosion prit la méduse en plein air et la projeta violemment contre un ancien mur.
Il y eut un bruit de métal froissé, puis plus rien. La carcasse resta immobile, au pied du mur, à moitié immergée.

Dvorak

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