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Contes Spalliens : Chapitre 29 - Troubles

3 jours étaient passés depuis l'événement, et il avait disparu des gros titres des journaux. Bien que la situation ne soit pas encore régulée à l'intérieur des terres, il n'y avait presque plus rien. En à peine deux jours, tanks et oiseaux barbelés s'étaient consciencieusement entretués, et seuls quelques survivants hantaient encore les champs de bataille. Bien que le danger soit encore bien réel, les réfugiés avaient rapidement commencé à refluer vers leurs terres pour constater les dégâts. Mais dans l'ensemble il y avait eu plus de peur que de mal, sauf dans les zones où l'armée régulière avait essayé d'intervenir avec des tirs de barrage.
Cependant le climat de Principatus était loin d'être à l'accalmie. Loin de le faire oublier, l'événement avait aggravé le problème de fond. Le tremblement de terre avait fait des ravages dans les secteurs pauvres de la ville, et, avec l'approche de la mousson, trouver un toit solide devenait une obligation vitale. Hors parmi ceux qui avaient quasiment tout perdu se trouvait un grand nombre de Sarais. Et si l'on a plus d'attache, l'on ne va rester dans une ville où l'on vous offre un maigre salaire et pas de remerciement. Pas si une terre vierge est à conquérir, même si cette terre se trouve à plusieurs milliers de kilomètres.

Déjà plusieurs jeunes sans famille, homme ou femme, étaient partis, se moquant bien des contrats qu'ils avaient signés avec leurs employeurs. Ceux-ci n'étaient évidemment pas contents et certain faisaient pression sur le Prince pour obtenir le blocage de la frontière, la poursuite et l'emprisonnement, pour l'exemple, de ceux qui étaient devenus des hors la loi. Ils n'étaient pas les seuls, l'ambassadeur de Ragemat faisait aussi pression dans ce sens, craignant qu'une véritable armée ne quitte non seulement Principatus, mais toute la côte Ouest, pour prendre possession des terres libérées, que Ragemat voulait évidemment se garder.
Pour l'instant, le Prince n'avait pas satisfait ces requêtes, préférant offrir de nouveaux logements (précaires) aux sinistrés, quelles que soient leurs races.

Car les Sarais n'étaient pas les seuls à avoir soufferts, beaucoup d'Humains se retrouvaient aussi sans abri et, sous l'effet du climat international et de la pauvreté, l'insécurité grandissait rapidement. Le nombre de vol et la violence de ceux-ci étaient en hausse. Mais il y avait aussi eu un lynchage d'un Homme-Serpent, que l'on accusait d'avoir volé des habitations ou d'être coupable d'un des nombreux vols avec violence, les circonstances de l'incident étaient plus que floues.
Sous l'effet de la tension, le racisme latent se faisait plus virulent. Et, à l'inverse des entrepreneurs marins, beaucoup voyaient d'un bon oeil le départ des Sarais, de tous les Sarais. Même ceux qui avaient acquis une certaine position sociale et n'avaient rien à gagner à partir, commençaient à être pris à partie dans la rue.

Valana et Thorin marchaient lentement sur les quais, et avec eux se déplaçait une aura de tranquillité et de calme, personne ne voulait attirer leur attention. Mais Valana n'était pas dupe, elle savait observer. Les moins malins cachaient rapidement leurs lames et maintenaient leurs victimes auprès d'eux, faignant l'amitié. Ils finissaient au guet, des dents en moins ou avec un oeil au beurre noir. Les autres s'enfuyaient en espérant qu'elle ne les avait pas reconnus.
Mais ils y en avaient aussi qui ne la connaissaient pas, des qui se croyaient tout permis parce qu'ils étaient à six contre deux. Ceux là apprenaient leurs erreurs dans la vraie souffrance. Et allaient à l'infirmerie avant la prison. L'un d'entre eux n'avait cependant rien eut le temps d'apprendre, il était mort.
Cela préoccupait Valana, car pour ne pas la connaître, même de réputation, il fallait venir d'en dehors de la ville. Certains arrivaient donc pour profiter du chaos ambiant. Autant plus de travail pour elle et la garde.

Tout à coup un cri éclata au loin, d'autant plus fort au milieu de la sphère de calme centrée sur Valana. Un mouvement de foule sur les quais indiquait qu'un événement inhabituel et violent était en train de se produire. En se rapprochant Valana vit que cela se passait dans le hangar d'une entreprise d'expertise et réparation de navire. La foule était massée devant la porte, formant un arc de cercle compact. Les gens derrière poussaient pour mieux voir, mais ceux de devant n'avaient apparemment pas envie d'avancer plus.
Quelques gardes étaient bien présents dans la foule, mais ils n'arrivaient pas à se faire entendre et à intervenir. Valana se décida rapidement :
- Thorin, matraques ! »
La voix forte et claire fit se retourner les badauds les plus proches. A la vue de Thorin, qui dépassait tout le monde d'au moins une tête, et des deux lourdes matraques qu'il tenait dans chaque main, un cercle physique se dégagea devant le redouté couple.
Cependant la simple peur ne suffit pas, alors qu'ils étaient presque arrivés dans le hangar, un groupe de grands gars, que Valana reconnut comme manoeuvres, refusa de les laisser passer.
- Ah, non, ce coup si vous allez pas tout gâcher. On va faire justice avant qu'ils n'aient le temps de se sauver, comme dans la rue du Vieux Tab. » leur cria celui qui était le plus excité, agitant un couteau sous le nez de Valana.
Celle-ci ne réfléchit pas longtemps, la rue du Vieux Tab était le lieu du premier lynchage. Elle savait donc ce qui se passait ici. Elle jugea un moment l'homme qui lui faisait face, immobile.
- Tu m'as pas entendu » aboya l'homme de tête, énervé par l'apparente absence de réaction de Valana « Dégage, toi et ton chienchien ! ».
Les autres badauds les plus proches commencèrent à s'écarter le plus rapidement possible, créant une sorte de centre d'intérêt secondaire en bordure du premier. Eux connaissaient la réputation de Valana.

Ils ne furent pas déçus ; rapidement, sans signe avant coureur, le poing de Valana partit, trop rapide pour être vu. Il y eut un choc sourd, et l'homme de tête vola en arrière sur cinq bons mètres, emportant deux autres hommes avec lui et dégageant un chemin vers l'intérieur du hangar. Surpris, les autres émeutiers regardèrent un moment leurs malheureux camarades, puis se retournèrent vers Valana avec rictus de colère. Ils furent cueilli dans leur élan par Thorin, et en instant quatre autres se retrouvèrent au sol. Les cinq survivants se regardèrent un moment, moins d'une seconde, puis décidèrent de fuir.
Déjà entourée de corps gémissants, Valana pénétra dans le hangar, suivie de Thorin.
Devant cette arrivée théâtrale, les deux parties présentes se séparèrent rapidement. Sur la droite du hangar, acculé contre un mur, quatre Sarais et deux Humains essayaient apparemment de protéger un cinquième Homme Serpent, salement amoché. En face se trouvait une douzaine d'hommes, dont certains armés avec des marteaux ou des haches pris dans les râteliers à outils. Tous regardaient les nouveaux arrivants avec suspicion.
- Non, il doit payer !! » Tout à coup, un jeune homme, mieux habillé que les autres se détacha du groupe et se rua vers le blessé, levant une dague.
Il réussit à éviter les défenseurs et s'apprêtait à frapper le Sarais au sol quand la chaîne de Valana passa en vombrissant devant lui, le stoppant dans son élan. Avant qu'il n'ait le temps de réagir, elle le plaqua contre le mur et le désarma. Le jeune s'effondra alors en larme, vaincu par la tension.
- Maintenant tout le monde se calme, ou je m'énerve ! ». Des gardes commençaient enfin à rentrer et avec Thorin, empêchaient toute fuite. Les armes improvisées furent lâchées à contre coeur.
Ce n'est qu'à ce moment que Valana aperçut le corps qui baignait dans son sang, dans le bureau au fond du hangar.

Dvorak

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