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Contes Spalliens : Chapitre 28 - Evolution

Alren ne semblait pas très touché par la mort de son collègue, et c'était le cas. Comment pourrait-on avoir de la peine pour un abruti assez bête pour essayer de tuer une méduse au corps à corps. Cela avait permis de récupérer la Langue de Feu, mais, au vu des autres données du problème, c'était plus une autre erreur à l'actif de l'abruti qu'un progrès.
Les autres groupes avaient été moins ridicules. Même si le tandem Arilyire-Flement n'était pas vraiment dans la même catégorie, ils s'étaient bien débrouillés et avaient empêché toute fuite, rapide, efficace et pyrotechnique. La blessure de la mage avait guéri en quelque jour.
Quand à l'équipe de Charles, elle s'en était très bien sortie. Juste une petite erreur à la fin, mais tout le monde avait joué son rôle.
Lui même était Férior. Cela implique le combat par la magie. La magie passe par les sorts. Alren n'en connaissait aucun réellement adapté au combat contre des adversaires comme les méduses. Il lui fallait quelque chose de plus rapide, capable de toucher rudement un adversaire très agile et rapide. Quelque chose avec quoi il serait sûr de faire mouche. Et la foudre avait déjà fait ses preuves.

Charles aussi était songeur. Personne ne lui en voulait vraiment pour son erreur de jugement, bien au contraire. Il avait montré qu'il était capable de se servir d'un équipement complexe et qu'il savait garder en tête la valeur et la rareté de celui-ci. Le gouverneur lui avait donc proposé de garder cet équipement, ainsi que d'acquérir la Langue de Feu, dont le précédant propriétaire était mort.
Charles savait parfaitement ce que cela signifiait car seuls les chevaliers avaient le droit de posséder un tel équipement. Mais même s'il avait toujours espérer acquérir ce titre, il hésitait encore. C'était trop précipité, il ne lui semblait pas mériter déjà une telle reconnaissance. Seule l'importance des récentes pertes dans les rangs des nobles expliquait une telle offre.
C'était plus qu'une impression d'ailleurs, Marius aussi s'était vu proposer un équipement de chevalier, et lui avait déjà accepté. Son adoubement aurait lieu à la prochaine cérémonie, à Spalle, et il commençait déjà à se familiariser à son nouveau rôle.
La question était de savoir s'il ferait le voyage seul ou si Charles l'accompagnerait.

Frédéric aussi songeait, mais le futur lui paraissait plus simple. Il ne s'était jamais vraiment intéressé aux artefacts ou à la magie, et bien que n'étant pas lâche, il considérait, comme Georges, qu'être chevalier était suicidaire. De toute façon le gouverneur était un homme sage, donc il ne le lui proposerait jamais.
Ce qui l'inquiétait vraiment, pour l'instant, c'était que ce foutu Ogre passait son temps à gueuler comme un dément, et que si on ne le gavait pas de sédatif, un bon quart de la garnison n'arrivait pas à dormir.
- Il dort encore ?, demanda-t-il à Eric, qui était devenu un expert dans le gardiennage d'Ogre dépressif.
- Oui, moi aussi d'ailleurs, je dormais.
- Il t'a encore réveillé au milieu de la nuit ?
- Oui !, répondirent en coeur un groupe de soldats qui passait devant eux, des cernes sous les yeux.
- Je crois qu'il devient résistant à la drogue que j'utilise, je vais bientôt réutiliser le gourdin, précisa Eric.
- Et on en a toujours rien tiré ?
- Non, ce qui m'étonne c'est qu'en quatre jours, il ne soit toujours pas mort de faim !
- C'est vrai ça, il a à peine l'air fatigué. Les mages ne s'intéressent pas à son cas ?
- Trop occupés, répondit son collègue en désignant la cour de manoeuvre où les patrouilles ne cessaient d'aller et venir, d'ailleurs on doit y aller cette après-midi. Et personne ne veut vraiment me remplacer.
- Qu'est ce que tu veux dire ?
- Je veux dire que cet Ogre emmerde tout le monde et qu'il ne sert à rien. Vu la surcharge de boulot qu'on a en ce moment, il sera mort d'inanition avant qu'on ait compris quoi que ce soit à son état.
- Bon, je vois. Je vais en parler à Charles.

Frédéric sortit dans la cour et regarda un moment l'agitation ambiante. La majorité des soldats présents étaient des appelés, qui effectuaient leurs deux ans obligatoires. Quand on pense qu'au moins un de ces gars sur dix ne rentrera jamais chez lui. Foutue guerre.
Il se dirigea maussade vers les logements des officiers. En ce moment celui-ci passait beaucoup de temps à réfléchir, et donc beaucoup de temps dans sa chambre. Il n'avait pas dit son refus, donc techniquement il recevrait ses armes à Spalle.
Frédéric pensait que finalement Charles acceptera son anoblissement. Cette étape était au centre de ses projets d'avenir et il risquait de ne pas avoir de nouvelle occasion. Encore que si la mortalité des Chevaliers poursuivait son évolution actuelle, on finirait par l'envoyer de force.
Quand il passa dans le couloir menant à la chambre de Charles, il entendit des sanglots étouffés qui venaient de la chambre de Gabrielle. Je ne pensais pas qu'elle et Valérien étaient si proches se dit-il, mais il continua son chemin car il n'était pas doué pour réconforter les autres.

La porte de Charles était ouverte, au bruit il discutait avec Georges sur le déploiement futur des chevaliers. Il frappa poliment à la porte, indiquant ainsi son nom et la raison de sa visite. Charles lui répondit dans la même langue, en frappant la table, le saluant et lui disant d'entrée.
- Donc que fait l'Ogre pour nécessiter mon intervention ?
- Bien, hum ... comment dire... Il emmerde son monde, voilà.
Bien que son cas semble intéressant, personne n'a le temps de s'occuper de lui sérieusement. Et pendant ce temps il empêche beaucoup de monde de dormir.
- Tu proposes d'en terminer rapidement avec lui ?
- Ou de l'envoyer ailleurs. L'Institut Moudaf par exemple, ou le Cratère, ou les Nécromants. Ou juste le mettre dans la prison civile, si on en retrouve les clés.
Knôll n'avait pas connu de crime depuis bientôt 200 ans, mais on conservait une cellule et une milice de ville. C'était principalement pour dire que la ville n'était pas qu'une garnison de l'armée.
- Pourquoi pas, mais je ne peux pas prendre cette décision tout seul, même si le prisonnier est sous ma garde. J'en parlerai au gouverneur plus tard. Ce devrait bientôt être l'heure de notre patrouille.
- Justement il y a un problème, la bestiole est devenue tellement antipathique que personne ne veut la garder. Il faut pourtant quelqu'un pour remplacer Eric.
- Et l'endormir pendant la patrouille ?, proposa George.
- L'anesthésiant ne marche plus. Ah, mais je suis bête, on peut juste le bâillonner et le saucissonner pour la durée de la patrouille.
- Voir pour plus longtemps, vu que d'après ce que j'ai compris il n'a pas particulièrement besoin de boire et manger, conclut Charles.
Un appel retentit sur le tube de communication qui courait dans le couloir. Ils étaient attendus dans la cour pour les dernières instructions. Charles prit ses affaires et descendit en premier, les autres le suivirent, le temps d'harnacher leurs chevaux et ils seraient partis pour une semaine de patrouille.

Dvorak

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