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Nels : Histoire d'un mage sans passé : Chapitre 30

La tente ondula encore une fois sous le vent. Les hommes discutaient toujours autour des feux et malgré le fait que nous n'ayions pas parcouru une très longue distance, déjà il faisait plus froid la nuit. La tente continua d'onduler sous la caresse du vent, et la lueur de la lune éclaira faiblement ce qui m'entourait. Mon équipement posé près de mon lit sous la tente brillait d'une pâle lueur tandis que chacune des pierres précieuses de mes bagues distillait sa luminescence à travers les tentures. Je fus encore une fois bercé par les mouvements de la tente, tandis que je m'attendais à un rêve similaire à celui de la veille.
Le matin arriva sans qu'aucun rêve ne se soit manifesté, chose qui m'étonna quelque peu tandis que je sortis de ma tente pour aller vers le Central à nouveau. Les hommes finissaient de tout ranger, la route allait reprendre ses droits et les vapeurs des machines phyrexianes qui dans le froid du petit matin formaient des nuages moutonnants au ras du sol allaient se mettre en marche dans le vacarme assourdissant de leurs engrenages en mouvement. Les cavaliers allaient se mettre en avant quand l'un des chevaux se cabra violemment. Il refusait d'avancer tandis que les autres chevaux se reculèrent rapidement. Nous nous dirigeâmes avec Basaïn sur les lieux mais personne n'y comprenait rien. Basaïn semblait soucieux tandis que des archers se mettaient en position. Plus nous nous rapprochions, plus je sentais la présence de quelqu'un mais qu'est ce que cela pouvait être ? Basaïn semblait assez confiant et il s'avança alors plus en avant que là où les soldats s'étaient arrêtés. J'avais un peu peur mais je m'avançai aussi et d'un coup je sentis une forme de vie devant moi. Basaïn prit la parole :
- Emissaires Soltaris, nous vous écoutons.
Des Soltaris, un des peuples qui vivaient dans la distorsion : une sorte de dimension parallèle à la nôtre mais que nous ne pouvions réellement sentir, tout du moins qu'un humain ne peut réellement voir. Par contre les mages et guerriers expérimentés savaient atteindre les habitants des autres dimensions. Et les peuples de la distorsion étaient très recherchés par les diverses armées afin de pouvoir espionner les ennemis. Basaïn continua de parler avec la créature :
- Allons émissaire, vous devriez vous montrez, n'ayez pas peur de nous, il n'y a pas de Sombres ici.
Une nuée sembla se dégager, tandis qu'une forme humanoïde apparaissait. Il était assez grand, blanc comme la neige et portait une sorte de longue tunique qui était assez ample. A son côté, on pouvait voir la lame d'un glaive de combat, court et large, sûrement pour le combat rapproché. Un Soltari qui maîtrisait les dimensions et sa propre distorsion comme celui ci était un adversaire redoutable mais les mages avaient trouvé la parade : beaucoup de sorts de dégâts directs du Rouge les atteignaient quand l'utilisateur savait bien s'en servir. De toutes les façons la question n'était plus là.
- Je suis un émissaire des Soltaris, nous autres avons quelques craintes au sujet du Sombre...
- Je vois. Que se passe t'il ?, demanda Basaïn.
- Nous avons su qu'une coalition se préparait pour combattre le Sombre.
- Oui vous avez raison...
- Ce n'est pas l'habitude des Soltaris comme vous le savez que de se mêler des affaires des autres dimensions, mais nous autres peuples de la distorsion avons un problème grave à régler.
Le Soltari paraissait nerveux car il regardait sans cesse autour de lui avec insistance. Il semblait bien maîtriser le Blanc, et il parlait impeccablement.
- Comment se déroule votre guerre en ce moment ?, demanda Basaïn.
Je fus un peu surpris et le Soltari s'en rendit compte. Il demanda à Basaïn qui j'étais et celui ci lui expliqua que j'étais aussi un grand Maître et qu'il n'avait rien à craindre. Basaïn se tourna d'ailleurs vers les soldats qui nous entouraient, leur demandant de nous laisser car il n'y avait aucun danger. Ceux ci, qui avaient vu l'apparition du Soltari, ne se posèrent pas plus de questions et retournèrent se préparer au départ. D'ailleurs nous invitâmes le Soltari à se joindre à nous, chose qu'il accepta. Il semblait vouloir avoir une longue discussion avec nous à propos de quelque chose qu'il semblait craindre énormément. Durant le trajet à pied, je sentis le signal habituel de Basaïn. Ce serait d'autant plus discret auprès du Soltari, d'autant plus que je ne savais même pas de quelle guerre ils parlaient.
- Je parie que tu ne sais pas de quelle guerre parlait le Solari Nels...
- En effet, je ne me rappelais même plus les peuples de la distorsion.
- Je vois. Il est un autre peuple de la distorsion qui eux maîtrisent le Noir. Or depuis longtemps ils sont tombés dans le piège du Sombre, et servent plus d'assassins qu'autre chose. Ce sont les Dauthis.
- Je vois. Et la guerre entre eux est féroce je parie ?
- Ce sont tous les deux des peuples de la distorsion, ils se voient et donc ce sont des batailles rangées. Je me demande pourquoi l'émissaire est parmi nous, moi qui pensais que leurs batailles étaient sans fin.

Nous étions enfin sur le pont supérieur du Central, tandis que les machines reprenaient leur toute vers le point de rendez vous de toute la coalition. Le Soltari n'était pas beaucoup plus rassuré et il commença de dire :
- Je suis dans l'armée Soltari, dans le corps des éclaireurs. Nous avons eu pour mission que de venir à votre rencontre et d'ainsi vous dire que vous courrez un grand danger si vous ne prêtez pas garde.
- Lequel est ce ?, demanda Basaïn.
- Les Sombres ont promis aux Dauthis de les aider à nous massacrer s'ils participaient à leurs côtés à la bataille. Or les Dauthis excellent dans l'art de l'assassinat discret, art que les Soltaris considèrent comme étant trop impur pour pouvoir être pratiqué.
- Je vois, dit Basaïn, vous êtes parmi les plus vertueux après tout.
- Notre armée compte désormais sur nos moines, qui ont réussi à être protéges contre le Noir.
- Vous voulez dire qu'ils ont pu avoir la protection contre le Noir ?, demandais je incrédule.
- Cela leur a pris du temps mais ils ont pu y arriver. Vous savez néanmoins que les Sombres ne se contentent pas d'utiliser des sorts Noirs, ça se saurait.
- Et qu'attendez vous de la coalition ?, demanda Basaïn.
- Voilà ce que nous voudrions : nous voudrions recevoir de l'aide contre les pouvoirs des Sombres en contrepartie nous vous aiderions contre les Dauthis.
- Et qu'en est il de l'autre peuple de la distorsion ? Les Thalakos si je me souviens bien, ajouta Basaïn.
- Les Thalakos sont connus pour leur discrétion. Les Dauthis savent que tant qu'ils ne les attaqueront pas, les Thalakos n'entreprendront rien contre eux. Nous espérons que les Thalakos se rendront compte que l'alliance des Dauthis aux Sombres n'est pas seulement un danger pour les Solaris, mais pour eux aussi, des émissaires ont aussi été envoyés vers eux. Ce qui nous fait peur c'est que les Thalakos n'ont pas forcément besoin de nous dans la lutte contre les Dauthis.
Je me souvins alors :
- Les Thalakos sont d'excellents mages du Bleu pour certains d'entre eux, n'est ce pas?
- En effet, me répondit le Solari, nous pensons qu'ils sont amplement capables de résister à un assaut des Dauthis et des Sombres.
- Je vous conseille de vous en faire des alliés, afin que les peuples non corrompus de la distorsion soient unis face au danger qui nous guette, ajoutais je.
La discussion se poursuivit, alors que la route nous menait vers la coalition. Le Solari nous indiqua que la plupart des Sombres étaient parfaitement organisés et qu'ils se concentraient dans la fameuse Ville Interdite. Les Chevaliers Noirs étaient présents mais quelque chose d'autre semblait aussi se préparer, de par les masses d'armes qui étaient transportées depuis les quatre coins des Terres Interdites vers le centre. Les divers invocateurs Sombres semblaient eux aussi de la partie, et nul doute que les batailles seraient âpres dès l'entrée en Terres Interdites. Le moral de nos troupes allait sûrement prendre un coup lors du passage dans ces terres dévastées par un terrifiant cataclysme, ainsi que par les maraudages de bêtes atroces comme les Orcs et les Gobelins. Si nous nous retrouvions face à des hordes d'invocateurs qui n'hésiteraient pas à ressortir les créatures les plus immondes, nous aurions beaucoup à faire. Il fallait espérer que nous pourrions compter sur des spécialistes de la destruction. Le Soltari continuait de donner des informations sur leurs dernières confrontations contre les Dauthis. Certains Soltaris furent tués par des techniques comparables aux vagues Noires, ce qui avait jeté le doute dans les esprits des commandants Soltari et ceux ci se décidèrent de consulter ceux qui en savaient un peu plus : la Coalition, plus spécialement les membres de l'Académie. Nous convîmes avec le Soltari qu'il repartirait ce soir là afin de prévenir les postes les plus reculés et qu'ensuite leurs détachements qui nous seraient mis à disposition nous rejoindraient au lieu de rendez vous de la Coalition.
Le Soltari repartit, tandis que nous nous arrêtions pour le bivouac. Le campement était dressé pour notre troisième nuit déjà en extérieur, et les non habitués commençaient déjà à montrer des signes de lassitude. Une fois jetés dans la bataille, ils regretteraient sûrement ces moments de calme mais pour le moment ils étaient un peu tristes. Personnellement je ne me posais pas de questions : malgré mon affection pour Elanor, je ne me sentais pas encore tout à fait chez moi à Mithland et une fois débarrassé de mon harnachement de combat je pus me jeter dans mon lit de campagne.

Un village à la campagne. Des huttes, des gens qui rient, qui chantent mais qui ne voient pas. Ils ne voient pas et ne verront plus rien de toutes les manières. Une horde de bêtes sauvages viennent d'arriver. Elles massacrent tout ceux qu'elles trouvent sur leur chemin, tandis qu'un homme vêtu de Noir semble les diriger dans leur tâche sinistre. Il pose ses mains sur les survivants, qui semblent se décomposer, avant d'abandonner les corps sans vie. Une fois que tout le village est massacré, les bêtes s'en vont avec leur sinistre maître. Le village est enflammé lors de leur départ.
Le temps passe quelque peu, une armée s'approche. Les étendards ne laissant aucun doute : l'armée vient de l'Urbs. Le Roi Magnus est à sa tête, et à ses côté se tient un officier.
- Edile, regardez ce massacre horrible... Ces Sombres m'inquiètent, le Sénat va devoir les interdire...
- Mon bon seigneur, ils ont dû profiter de la présentation de vos enfants et du fait que les patrouilles ne soient pas passées afin de faire cela.
- Que l'on envoie des Mages retrouver celui qui a fait ça. Et le plus vite possible Edile !, ordonna le Roi furieux.
- Bien mon seigneur.
Le Roi qui avait une bonne ouïe entendit un bruit étrange. Des bruits de pleurs venant d'une hutte qui tenait à peine debout, la charpente ayant été dévastée par l'incendie, tandis que le toit de chaume était encore brûlant. Le Roi mit pied à terre.
Une jeune femme était à l'intérieur, tenant dans ses bras le cadavre d'un enfant. Elle n'est elle même qu'une enfant encore, et deux autres cadavres que le Roi n'avait pas vu sont étendus au sol, la jeune fille semble les avoir couvert d'une sorte de châle qui leur sert de linceul.
- Pourquoi... j'aurais dû mourir ici... je suis désolée papa maman... j'aurais du mourir ici...
- Allons, allons, dit le Roi en se retenant lui même ses larmes, tu n'as aucune faute...
- J'étais allé aux champs. Je n'avais rien à faire. Je ne sais même pas pourquoi je n'étais pas au village..., dit la jeune fille en sanglotant. Je n'ai même plus de famille...
- Viens avec moi alors.
La jeune femme se retourna et reconnut alors les insignes Royaux. Elle s'inclina prestement, sanglotant encore. Le Roi lui prit le bras, la relevant :
- Tant de protocole jeune femme, cesse donc.
La jeune fille regardait le Roi avec ses yeux pleins de larmes. Elle était toute jeune mais elle avait de beaux cheveux châtain très clairs et de grands yeux bleus. Le Roi lui dit :
- Ton village a été détruit parce mon armée n'a pas pu le protéger. Accepteras tu d'essayer de me rattraper en te prenant à mon service ? Tu sais que ceux qui servent la famille Royale sont très bien traités.
- Je n'ai plus rien... je ne sais pas quoi faire ici.
- Viens avec moi à l'Urbs, je te présenterai à ma Dame. Je pense qu'une dame de compagnie lui sera profitable.
- A votre service Sire...
- Quel est ton nom mon enfant ?
- Je me nomme Aurora.
Le Roi demanda à ce que l'on s'arrange pour que la suivante Aurora puisse rejoindre l'Urbs sur l'heure avec lui. Des hommes allaient rester à patrouiller à pied dans la région, un cheval fut libéré pour la jeune fille. En partant avec le convoi, elle jeta un dernier regard sur son village, là où elle avait grandi, et où désormais elle se retrouvait totalement orpheline.
L'Urbs, à nouveau. Le Roi demande à voir la Reine, mais les serviteurs de cette dernière sont inquiets. Elle tient réellement à s'occuper des jumeaux, mais la grossesse ayant été fatiguante, elle se fatiguait chaque jour un peu plus. Les servantes sont inquiètes pour cette jeune mère qui débordant d'amour pour ses enfants ne prend qu'à peine soin d'elle.
Le Roi entre dans les quartiers de la Reine. Il est soucieux à son tour. Le Roi aurait pu se marier avec une des filles des familles les plus riches du continent, ou alors choisir parmi les branches éloignées de la famille de la lignée afin d'avoir le mariage le plus prestigieux possible, néanmoins il était tombé très amoureux d'elle lors d'une visite à Licht. Il s'étaient mariés dans le cadre du mariage officiel de la lignée avec tout ce qu'il comportait de protocolaire, mais le Roi avait tenu a énoncer ses voeux en privé, avec juste quelques uns de ses amis pour témoins. Pour lui, voir sa femme malade était pénible.
- Ma dame, que vous arrive t'il donc ?
La Reine malgré le masque de fatigue sur son visage était magnifique. Il voyait bien que les lourdes charges de mère pensaient sur elle. La Reine avait cependant le don de l'observation :
- Mon époux, je n'ai rien. Je suis juste un peu fatiguée. Mais qui est donc cette jeune femme qui se tient à vos côtés ?
- C'est la jeune Aurora, une brillante jeune femme qui ne demande qu'à être à votre service. En fait, elle sera désormais à votre service. C'est une promesse que je lui ai faite.
- Approchez ma belle enfant..., dit la Reine.
La jeune fille s'était quasiment cachée lors de son entrée dans les salons de la Reine, et de voir le regard des autres servantes qui étaient si richement habillées face à elle, si belles pour certaines d'entre elles, tandis qu'elle ne portait que les vêtements grossièrement tissés de la campagne. Elle s'avanca et s'inclina devant la Reine.
- Allons mon enfant, regardez moi... quel âge avez vous ?
- J'ai 14 ans Madame, je veux dire Majesté...
La jeune Aurora prenait les sourires des autres suivantes pour de la moquerie mais il n'en était rien. La Reine s'était entourée de dames de compagnies de caractère paisible, et elle n'appréciait pas qu'on prenne de la hauteur face aux autres. Elle avait évincé ainsi nombre de suivantes trop collet monté, ou trop méprisantes.
- Votre nom ?
- Aurora, Majesté.
- Un très joli nom, jeune fille. Suivantes !, dit la Reine.
Une des suivantes qui paraissait des plus agées d'entre elles s'avança dans une révérence :
- Majesté ?
- Que l'on pare cette jeune fille, qu'elle prenne ses quartiers aussi.
- Bien Madame.
Elles emmenèrent alors Aurora vers un des couloirs, tandis que le Roi expliquait où et dans quelles circonstances il l'avait trouvée, tandis que les yeux de la Reine se remplirent de larmes à son tour. Elle accepta avec encore plus d'enthousiasme de l'intégrer à ses suivantes.

- Nels... Est ce que je vais devoir te réveiller à chaque fois ?
- Basaïn, ne nous emballons pas.
- Viens plutôt voir dans quel état a été mis un ranger. Tu verras qu'il faut s'emballer...

Nels

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