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Nels : Histoire d'un mage sans passé : Chapitre 29

De la vapeur s'échappait de centaines de machines de transport Phyrexianes. Des milliers d'hommes s'affairaient autour d'elles, mettant leur équipement dans les emplacements prévus à cet effet. D'autres admiraient l'immense machine qui allait prendre la tête du convoi : une des surprises de Gellus, le chef des Phyrexians qui avait conçu et fait fabriquer cette espèce de salle de réunion d'Etat Major au plus vite avant de la mettre à la disposition de la coalition. La plaine de Mithland avait à peine été nettoyée des terribles affrontements qui y avaient eu lieu que déjà nous nous apprêtions avec la Milice à repartir.
Quelques jours s'étaient écoulés depuis ma dernière bataille. J'avais failli m'étouffer quand Elanor m'avait montré la fameuse robe de mariée et il devient manifeste que cette idée était devenue collégiale au sein de sa famille. Personnellement j'avais déjà été plus enthousiaste envers une idée. Basaïn ne disait pas grand chose si ce n'est qu'il m'encourageait à poursuivre dans cette voie, dès que nous rentrerions des diverses batailles. Je savais bien que ce n'était pas pour me déplaire. Avoir une famille alors qu'on ne connaît pas ce sentiment, c'était une occasion inespérée de devenir à nouveau quelqu'un de normal, enfin qui entrait dans la catégorie de gens qui n'ont pas à courir vers le danger dès qu'ils en ont l'occasion.
- Seigneur Nels, nous sommes prêts au départ.
Je regardai le Général qui m'avait annoncé cela d'une voix morne. La dernière bataille avait montré à ces fiers combattants ce qui les attendait dans les semaines voire les mois à venir. La famille de Drayde se tenait aussi près de moi, Elanor ayant les larmes aux yeux. Je n'avais pas envie de prolonger ce genre de séparations, et je lui donnai le bras tout en me rendant à mon poste : je voyagerais dans l'immense salle de réunion mobile, le Central. Nous nous dîmes au revoir là, je comptais lui dire ce que je ressentais mais... je n'en ai pas eu le courage. Je ne sais pas ce qui se passe à ces moments là dans l'esprit humain mais j'avais peur qu'en allant trop loin en paroles le reste de la relation soit gâché, comme si mes aveux avaient pu la blesser. Elle mit les mains à son cou, enleva un pendentif qui était au bout d'une longue et fine chaîne en or blanc, et le mit autour de mon cou :
- Je veux que tu penses à moi à chaque fois que tu mettras ce pendentif, que tu ne le quittes jamais.
- C'est promis.
- Tu reviendras ?
- Je te promets de tout faire pour revenir en pleine forme.
Nous nous enlaçâmes encore une fois, avant que je ne monte dans une des nacelles qui m'emmenaient vers le haut du Central, tandis que je voyais Elanor qui avait rejoint ses parents alors que montait la nacelle vers le pont supérieur comme m'avait dit Gellus. Les hommes commençaient de faire leurs adieux à leurs familles, et l'on voyait du pont supérieur nombre de mouchoirs blancs s'agiter en contrebas, tandis que les premiers cavaliers prenaient la route du Nord. Il était encore tôt dans la matinée quand le corps expéditionnaire de Mithland s'avança vers son destin : la bataille contre les Sombres. Je savais que nous ne serions pas les seuls qui nous avancerions : les gens de Licht, des Hauteurs, de Hirmeth ainsi que les membres des diverses guildes les plus importantes comme les plus restreintes se joindraient afin d'éliminer une fois pour toutes la menace du Sombre.

- Moteurs en avant.
- Bien Monsieur.
- Faites signe aux transports d'avancer.
- Bien Monsieur.

Les divers membres de l'équipage de la titanesque machine semblaient bien maîtriser leur ouvrage. Les divers transports comme ils disaient étaient des sortes de charrues qui contenaient environ une centaine d'hommes. Les roues de chacun d'entre eux semblaient être au bout de sorte de tiges flexibles qui permettaient à chacune de toucher le sol même quand le terrain était très dénivelé. Le Central n'était pas construit selon les mêmes dimensions mais le mode de déplacement était du même ordre, tandis que le pont supérieur était prévu pour que les divers dirigeants puissent s'organiser : une table assez grande permettait d'établir les cartes et les diverses stratégies tandis que des longue vue à grande portée étaient disposées autour de la plate-forme, afin d'avoir une bonne vision du champ de bataille. Je n'avais pas vraiment envie néanmoins de m'attarder sur les questions techniques. J'avais autour du cou le pendentif d'Elanor et je le tenais :
- Tu rêves mon ami ?
- Basaïn, j'ai qu'une envie, rester ici.
- Je sais bien, tu découvres les joies de l'humanité.
- Les joies d'être quelqu'un de normal ? Oui assez plaisant vu de ce point de vue là.
- Nous sommes déjà humains, mais humains d'un point de vue un peu spécial. Nous avons appris à maîtriser plus loin notre corps que les autres, et à utiliser la puissance qui est tout autour de nous. Nous devons donc protéger les autres.
- Et nous, qui nous protège ? Je sais que je pose souvent la même question mais, comment savoir ?
- Peux tu me dire à qui appartient ce pendentif ?
Je n'eus pas besoin de répondre, il avait répondu à ma question de la plus rapide des manières. Je devais ma santé mentale à Elanor, qui avait même réussi à me ramener de la distorsion de mon esprit. Je ne ressentais pas pour elle que de la reconnaissance cependant, j'avais appris à mieux la connaître et à savoir, ou plutôt croire savoir, son humeur en la regardant. Ce qui me faisait le plus plaisir est de la voir sourire, de la voir heureuse, et partir me déchirait le coeur. J'avais bien vu derrière son sourire et ses rires que quelque chose n'allait pas en cette matinée et à part deux ou trois promesses je n'avais rien trouvé qui puisse la rendre heureuse, à moins d'être resté là à Mithland. J'en étais à me demander si je ne devais pas plutôt rebrousser chemin quand j'entendis les paroles des hommes dans les divers transports :
- Je viens de me marier, ça fait peut être une heure qu'on est partis mais ma femme me manque déjà.
- Je savais que mon fils réussirait à entrer dans cette école, il a 12 ans, il grandit bien.
- Ma femme m'avait bien dit de quitter la Milice, mais bon on doit bien essayer de combattre. Je ne pouvais pas me permettre de vivre sans ma solde mensuelle.
- Si je n'avais pas eu la Milice, j'aurais été complètement orphelin, la Milice c'est ma famille...

Les divers commentaires des hommes me montraient le côté moins charmant d'une vie normale et me rappelaient mon premier devoir : la protection non seulement de mes êtres chers mais aussi de toute vie. Alors que nos ennemis voulaient tout simplement prendre des vies afin de devenir plus puissants, mais dans quel but ? N'avaient ils pas eux aussi envie de protéger quelque chose à travers leur quête de la puissance ? Si un mage comme Schroe d'Inger avait réussi à intégrer l'Académie, nul doute qu'il aurait eu une place de choix au sein des forces de la Coalition, afin de combattre ce qui aurait été son ennemi le plus terrible : le Sombre. Quelle prédisposition de son esprit avait poussé ce jeune homme à se tourner vers la voie de la torture afin d'obtenir sa force ? Etait il l'incarnation du mal ? Est ce que ce fameux Alarkhan n'était simplement qu'une force maléfique qui aurait perdu toute son humanité à travers les âges ? Toutes ces questions s'ajoutaient à la masse d'incertitudes que j'avais sur moi même et sur mes rapports ambigus avec les techniques les plus interdites et cruelles que j'avais maîtrisé de manière parfaite.

La première journée de voyage se passa dans l'incertitude et la méditation sur toutes ces questions qui m'assaillaient dès que la réalité ne me plaisait plus. Non pas que j'aime jouer les philosophes, le fait était que j'avais aussi besoin de m'évader de ma réalité pour ne pas avoir par exemple à penser que j'avais vu Elanor pour la dernière fois. Je connaissais bien les risques d'une bataille mais je ne voulais pas y penser ce soir la. J'étais tellement fatigué que je ne mangeai pas ce soir la, me dirigeant très rapidement vers une des tentes montées à l'attention des officiers ce soir là, avant de ne tomber dans les bras de Morphée. Ce fut un sommeil agité, plein de visions étranges, je crus même à un moment que les sceaux à l'arrière de ma nuque avaient encore cédé. Je me réveillai brusquement.
J'étais seul sous ma tente, les seuls bruits venant soit les crépitements des divers feux autours desquels les gardes de faction grognaient leur mécontentement entre eux "tandis que les autres dorment tranquillement". Il n'y avait pas de vent, enfin, il n'y avait rien qu'une brise légère qui faisait onduler le tissu solide de la tente. J'en profitais pour me laisser bercer par ce mouvement périodique, avant de sombrer dans un profond sommeil.

- Sire, Sire, les cieux vous ont bénis, vous avez deux magnifiques fils...
- Par la Grande Galaxie, et la Reine ?
- En pleine santé sire en pleine santé...
- Je veux voir mes fils de suite, guidez moi donc...
Une forteresse, au milieu d'une plaine fertile se dressait. La forteresse et les habitations aux alentours étaient en liesse : le Grand Roi avait annoncé la naissance de l'Héritier, celui qui guiderait la Terre vers le futur. Les coursiers rapides allaient annoncer la nouvelles aux Propréteurs et autres Proconsuls, les Légats faisaient défiler leurs troupes devant les foules ravies, les gens étaient joyeux. Le Gouverneur de la Province d'Hirmeth était dans la capitale à ce moment là, alors ses troupes se réunirent joyeusement au grand défilé. Le Proconsul de Licht serait ravi de savoir que sa soeur avait donné naissance à deux jumeaux. Ils étaient d'ailleurs aux dires du Grand Roi les plus beaux enfants que la lignée n'ait jamais connu, mais c'étaient là les dires d'un père qui exultait de joie bien plus que celles d'un monarque, le monarque qui en sa main tenait les rênes du pouvoir de toute la terre habitée. La lignée était en place depuis des temps immémoriaux, et même si parfois les Sénateurs demandaient des pouvoirs extraordinaires de manière ponctuelle, on savait bien que la Nature avait doté cette lignée d'une sagesse telle qu'il aurait été folie que de désobéir aux ordres, vu que même les Elfes reconnaissaient l'autorité de la lignée en ce temps là tout en gardant une certaine forme d'indépendance. Le Palais Royal ressemblait à une ruche en pleine effervescence tandis que les chambellans royaux allaient et venaient, donnant des ordres aux domestiques.
Le Roi venait d'entrer dans la chambre où étaient nés ses héritiers, et il vit les deux enfants dans les bras de son épouse, qui semblait si heureuse qu'on voyait à peine sur son visage les marques du lourd labeur de l'accouchement. Le Roi prit ses deux fils dans ses bras et se tourna vers ses serviteurs :
- Vous pouvez êtres fiers de votre Reine, regardez les beaux enfants qu'elle a donné au Royaume.
Les enfants du Roi Magnus étaient très beaux en effet. La lignée était assurée, et bientôt il réunirait le Sénat ainsi que tous les hauts dignitaires. On a décidé alors de les appeler pour le moment Lupus et Andrus. Les deux jumeaux n'auraient pas la même destinée : Lupus deviendrait le futur Magnus, tandis qu'Andrus son cadet deviendrait son second : c'était Lupus qui était né le premier des deux. Pour le moment personne ne se souciait de ce problème, le Roi avait gracieusement offert d'immenses quantités de ses meilleures réserves.
Il n'avait fallu que quelques semaines pour que tous les plus grands dignitaires du Royaume se retrouvent dans l'Urbs, le nom donné à la capitale. Les plus grands dignitaires étaient présents et aucun n'aurait voulu rater le moment où serait présenté au peuple le Roi Héritier.
Le vieux Chambellan Archus faisait les cent pas dans une des salles du palais. Le cas ne s'était jamais présenté : on avait toujours prévu une place pour le Prince Héritier, mais jamais il n'avait été question de jumeaux. Le Roi avait demandé que pour le moment les deux aient le même honneur mais il fallait bien qu'un jour on différencie Andrus de Lupus, au moment où Lupus deviendrait Magnus à son tour. C'est là qu'il vit les enfants...
La lignée n'avait pour ainsi dire compté que des blonds, on ne s'en étonnait pas outre mesure car les hommes étaient blonds et avaient une préférence pour les blondes dans la famille Royale. Archus fut étonné, non pas de voir le petit Lupus et ses cheveux blonds qui commençaient de pousser, mais plutot de voir le petit Andrus et sa chevelure noire de jais, un véritable corbeau. Le Chambellan s'inclina très bas devant son Roi et sa Reine, puis s'inclina aussi devant les deux bébés, qui se mirent à rire d'un rire cristallin en voyant ce qui pour eux sûrement ressemblait d'avantage à une pirouette qu'à une séance de protocole, Magnus disant alors :
- Ce sont bien là mes fils, à peine au berceau et déjà ils se moquent de l'attitude pompeuse de nos chambellans...
- Qu'ils restent polis tout de même, dit la Reine, je ne voudrais pas qu'ils prennent des habitudes de certains rustres ici, ajouta t'elle dans un sourire ironique à l'égard du Roi.
- Que ma Dame me pardonne mes manières, répondit le Roi, hilare, mais avouez que notre cher Archus est des plus drôles quand il nous fait des pirouettes de la sorte...
- Plaise à mon Seigneur que je le fasse rire, répondit le vieil homme, mais dois je vous rappeler que la présentation commence dans quelques minutes ?
- Bien. Ma Dame, je sais que vous aurez fort à faire pour nos enfants. Pour ma part je m'en vais avertir la Garde.
- Ne tardez pas trop, mon ami, car nous nous devons de présenter rapidement ces enfants.

La tour du château, et tout autour une liesse incroyable. Des milliers d'hommes de femmes d'enfants se tenaient là et regardaient en direction du balcon de la Haute Tour du Palais, tout l'Urbs semblait vibrer au son des chants et des instruments de musique. Le Roi se tenait sur le balcon, sa Reine à ses côtés tandis que les bébés étaient présentés face à leur peuple. Les chants commençaient, tous pouvaient aussi entendre le rire du Roi, heureux comme jamais il ne l'avait été...

- Nels, Nels...
- Hein ? De quoi ? Vive le Roi... je ...
- Pardon ?
Je regardai autour de moi... Ce n'était donc qu'un simple rêve, qui semblait avoir duré une éternité. Je vis Basaïn déjà en tenue qui semblait intéressé par ce que je semblais dire dans mon sommeil, d'autant plus que je m'étais réveillé avec le sourire, et que d'après ce que je compris je riais quelque peu durant mon sommeil. Je m'habillai le plus vite possible et ma tente fut démontée et nous remontâmes à bord du Central. Une fois en haut, je me remis dans la même position de la veille, regardant en contrebas et écoutant ce qui se disait mais on ne m'en laissa pas loisir. Basaïn m'appela dans un coin du pont supérieur et semblait avoir des documents à me faire lire. En fait de documents il semblait avant tout vouloir discuter :
- Nels, il faut que nous parlions quelque peu avant que de rejoindre les autres monarques.
- Je vous écoute.
- Suite au Grand Conseil, tu as gagné une réputation mitigée au sein de la Coalition. D'aucuns disaient que tu t'étais laissé emporter trop vite, comme les gens de Licht, tandis que l'Inca semblait content que tu aies sans hésiter combattu.
- Et qu'en pense notre cher chef de Coalition, Lemba ?
- Il a dit qu'il était étonné qu'un Grand Maître se comporte de la sorte...
- Il ne vous a pas encore vu en colère je crois...
- Certes mais là n'est pas la question aujourd'hui. La question est que Lemba voulait à tout prix que tu ne fasses plus partie de la Coalition.
- Je vois, mais qu'il ne s'inquiète pas je ne prendrai tout simplement pas part aux débats de l'Etat Major. Je ne vois pas vraiment en quoi je serais utile...
- Tu es simplement un de ceux qui ont combattu le Sombre le plus de fois voilà tout. La ville de Mithland te doit une fière chandelle depuis que tu as abattu Thorketil.
- Je serai plus efficace sur le champ de bataille mon ami.
- Nels, je veux que tu représentes l'Académie au sein de l'Etat Major avec les autres Grands Maîtres. Il faut bien que ces rois comprennent que notre institution est indépendante de leurs volontés. D'autant plus qu'il nous faudra un Grand Maître plus objectif que Naëria.
- Tiens ce sera un vrai plaisir que de la revoir...
- Allons ne t'accable pas pour cette histoire, car n'as tu pas trouvé ce qu'il te fallait ailleurs ?
- Evidemment, mais je ne tiens pas à me rendre triste. Je disais que ce serait réellement un plaisir que de la voir maintenant.
- Si tu le dis. En attendant nous devons aussi commencer de penser aux diverses guildes de mages que nous allons aider. Les Maîtres des Tempêtes nous soutiendront de tout leur effectif, les invocateurs Elfes viennent avec les Lelanidiens, en particulier ceux de la forêt de Llanowar qui vont enfin se déplacer.
- Hé bien, nous allons donc avoir des animaux en masse.
- Des torches de Kaervek ont été préparées mais il faut des Maîtres du Rouge pour pouvoir les maîtriser au sein de la bataille...
- Mais si nous disposons à la fois des Elfes de Llanowar et de torches de Kaervek, cela se révèlera dangereux pour nous mêmes. La puissance accumulée deviendrait trop grande...
La discussion se déroula une bonne partie de la journée, nous devions de savoir quelles étaient les forces en présence avant que de lancer nos troupes dans la bataille. En face de nous, nous ne savions pas vraiment ce que nous allions trouver, mais selon Basaïn certains Rangers avaient pris sur eux d'avancer en avant de la coalition afin de déterminer au fur et à mesure les types de troupes que nous allions croiser.
La nuit s'était avancée, le campement était déjà prêt, une nouvelle nuit de sommeil avant que de rejoindre, dans les jours prochains, les armées de la Coalition...

Nels

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