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Contes Spalliens : Chapitre 24 - Pas tout compris

Alf se réveilla. Il n'avait pas vraiment passé une mauvaise nuit, mais elle avait été marquée par une sensation lancinante : une lumière couleur sang associée à un sentiment pesant, non pas de défaite, mais plutôt d'échec, de combat en suspend. Il savait que cela était lié à son rêve de la nuit dernière et aux événements qui avaient suivi, mais il ne comprenait pas pourquoi son dieu (ou sa déesse) lui envoyait ces messages.
Il était parti hier de Ousivant vers l'Ouest, mais pas pour laisser Atzla à l'orphelinat de Naïus, ils allaient à Lemieu. Erin avait en effet appris qu'un mage de sa connaissance s'y trouvait afin de combattre contre, contre..., ils ne savaient pas encore quoi à vrai dire. Mais ça chauffait pas mal et ils avaient pu entendre plusieurs explosions au loin pendant le voyage, roulant comme le tonnerre un jour sans nuage.

Enfin bon, ils avaient décidé de montrer Atzla au mage. Une enfant de six ans n'est pas censée apprendre à lancer un sort, même simple, en quarante minutes à tout casser. Et même si son disque flottant s'était montré instable, Tod avait préféré ne pas lui laisser la possibilité d'en apprendre d'autres. Surtout que la plupart de ceux que contenait son livre étaient des sorts de combat.
Ils avaient aussi remarqué, alors qu'ils se baignaient à la rivière, qu'Atzla possédait un médaillon. Celui-ci, fait en un alliage qu'aucun membre du groupe ne reconnaissait, comportait deux faces :
Sur la première se trouvait un texte en langue inconnue (Galdrin n'avait même pas identifié l'alphabet) surmonté d'un emblème représentant trois cercles superposés, un gris, un bleu et un jaune (par ordre croissant) sur fond noir.
Sur l'autre, on retrouvait une disposition analogue, avec cette fois ci un emblème représentant un trident blanc surmontant un cercle bleu, et à l'extrémité de chaque pointe du trident un mobile gris rappelant une pointe de lance.
Quant au texte, c'était, à la surprise générale, du Haut Elfe tout ce qu'il y a de plus classique, voire même du très classique si l'on en croit Galdrin (qui était le scribe de la bande). La traduction donnait à peu près : « 32/02/2324, lancement du premier krak, puissent nos espoirs durer. ».

En repensant à ça, il finit de se raser et rejoignit les autres autour du bivouac qu'ils avaient installé pour la nuit. Avec leurs nouveaux chevaux, ils pourraient être à Lemieu avant la nuit.
- Bonjour, tout le monde est réveillé ?
- Non, lui répondit Erin, Atzla et Spike dorment encore.
Elle lui montra la couverture sous laquelle dormait Atzla, Spike (le molosse de Dipsy) avait la tête posée dessus et grognait en ronflant.
- Ils sont drôles comme ça. Je pourrais peut être la garder avec mes chiens.
- Non Dipsy, ce n'est pas un animal de compagnie. C'est une enfant, une personne.
- Mes chiens aussi c'est des personnes !
- Oui, mais non. Tu vois très bien pourquoi je dis ça alors arrête de te faire plus bête que tu ne l'es, répondit un Galdrin un peu agacé par les remarques débiles que Dipsy lançait parfois (souvent même).
- On pourra toujours la vendre à un cirque si elle n'a rien de vraiment intéressant, dit Alf, qui lui était sérieux.
- NON !, répondit fermement Erin, Je croyais que toi aussi tu étais contre l'esclavage !
- Oui, mais bon. Ca dépend quand même du prix. Et puis elle y sera mieux traitée que si on la garde avec nous. On la mettra où quand on ira dans une nouvelle nécropole ?
- D'abord on va voir mon copain le mage, ensuite on verra.
- Tu parle d'un copain, tu ne connais même pas son nom, répliqua Galdrin, qui avait des doutes sur les contacts d'Erin.
- Chut, vous avez réveillé Atzla avec vos bêtises...

La fillette ouvrit doucement les yeux ; puis se leva en réussissant l'exploit de ne pas réveiller Spike, qui se mit à dormir les quatre pattes en l'air. Très motivant quand on toute une journée de marche devant soi.
- Bonjour Atzla, dit Erin, en Elfe.
- Bonjour Erin, belle journée, n'est-ce pas ?, lui répondit Atzla, toujours en Elfe.

Il y eut comme un blanc. Tout le monde se regarda, l'air indécis. Le silence fut si pesant qu'il réveilla Spike. Atzla avait l'air qu'ont les enfants quand ils savent qu'ils viennent d'accomplir quelque chose d'exceptionnel.
Puis Dipsy demanda :
- Euh... Elle a dit quelque chose, là. Non ?
- Elle ne parlait pas hier !, dit Galdrin, rappelant les faits.
- Tu n'as pas appris pendant la nuit quand même ?, demanda un Alf soupçonneux.
- Non, pas tout à fait. En fait, je savais déjà parler auparavant, mais pas une langue que vous connaissiez.
- Donc tu as appris pendant la nuit, conclut Erin.
- Je pense que je me suis mal expliquée, précisa Atzla, en jouant avec les chiens. Je connaissais déjà la langue que j'utilise actuellement, mais seulement sous sa forme écrite. Je la prononçais différemment.
- Rien compris. Tu connaissais l'Elfe sous forme écrite, mais tu ne savais pas le parler ?
- Non, je savais le parler, mais pas de la même manière que vous. C'est quand Galdrin a lu mon médaillon que j'ai fait le rapprochement. Ensuite j'ai réussi à retrouver toutes les correspondances entre les deux prononciations en vous écoutant parler. C'est de la logique élémentaire, rapide à réaliser.
- Tu m'excuseras, mais non, normalement ce n'est pas facile à réaliser.
- Je n'ai pas dit que c'était facile, j'ai dit que c'était rapide. C'est pas pareil.
Elle avait l'air bougon. Mais ça lui passa rapidement, elle passa bientôt à une expression plus indécise.
- Enfin, je crois. J'émerge encore un peu.
- Tu es vraiment amnésique alors. Tu ne te souviens de rien avant qu'on ne te trouve ?
- Non, j'ai commencé à reprendre mes esprits quand on est arrivés en ville. C'est le souvenir le plus ancien que j'ai. Après ça reste encore un peu confus, jusqu'à ce que je vois le mage jeter son sort. Puis ça redevient encore un peu flou jusqu'à la rivière.
- Oui, bon. Mais avant, tu ne te souviens de rien. Tes parents, ta famille, ta maison, ...

Atzla prit alors un air songeur, comme si elle mettait du temps à comprendre la question. Puis elle s'effondra en pleurs.

Dvorak

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