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Contes Spalliens : Chapitre 21 - Interlude

Tuner n'avait pas vraiment passé une bonne nuit.
D'abord, il y avait eu ce tremblement de terre qui avait abîmé son logis, ainsi que le reste de la communauté, et qui, en plus, l'avait réveillé, ainsi que le reste de la communauté.
Pas croyable ça, quand même, on vient habiter une ancienne carrière en plein territoire humain en espérant qu'au moins comme ça, on aura la paix, mais non, même pas moyen de dormir.
Et encore, vous ne savez pas le pire. S'il n'y avait que les réparations de son atelier à faire, ça ne lui aurait pris qu'une semaine, le temps d'envoyer des apprentis à Principatus pour remplacer le matériel abîmé et ramener l'inspecteur de la compagnie d'assurances. Mais non, parce qu'un (ou plusieurs) malappris avaient profité de l'occasion (la porte ne fermait plus) pour lui voler ses derniers plans, qu'il sentait voués à un grand avenir.
Un coup à devenir croyant*, juste pour avoir quelqu'un à engueuler.

Il se trouvait donc près du poste de garde, à essayer en vain d'obtenir qu'un inspecteur viennent constater le vol et commence l'enquête. Bien entendu, comme vous vous en doutez, les gardes, tant humains que gnomes, avaient autre chose à faire ce matin que d'écouter les plaintes d'un inventeur fou notoire. Ca donnait à peu près ça :
- On a besoin de monde pour étayer le couloir Nord !
- Va voir vers le Vieux Puits, tout le monde est là-bas, il essaie d'invoquer un élémental pour aider aux travaux.
- Compris !
- Est-ce qu'on a des nouvelles de la patrouille qui est partie vers le gouffre des Yeux ?
- Et pour mes plans ?
- Pas encore, mais il leur faut du temps pour revenir.
- Erlon vient de revenir, on sait pas bien ce qui se passe, mais la route vers Principatus est coupée, des réfugiés parlent de combats magiques dans la région de Puben.
- Et la route vers Yof ?
- Apparemment, pas de problèmes, mais on n'a pas encore eu de messager Mur Blanc.
- Donc, pour mes plans...
- La patrouille revient, ils sont avec du monde !!

Le poste de garde se vida, il n'y avait pas d'habitations entre lui et le gouffre, trop dangereux. Et rien ne ressortait du gouffre, du moins rien qu'on ait envie de rencontrer. Sauf, bien entendu, une catégorie d'allumés que la raison n'atteint plus.
- Des aventuriers !, lâcha le sergent. Il n'appréciait guère ce genre d'individus ; non pas qu'il les considère tous comme des assoiffés de trésors et de gloire sans cervelle ou qu'il juge leurs actions comme parfaitement inutiles, mais ils avaient une mauvaise influence sur les jeunes de la région.
Chaque année un groupe de jeunes à peine armés, qui pensaient qu'avoir tué quelques Grouilleux ou survécus à une embuscade suffit à faire des héros, descendaient dans un gouffre ou un autre et on ne les revoyait plus jamais (sauf le jeune Moriot, on avait pu identifier son bras grâce à un tatouage ; au moins on a pu l'enterrer convenablement, le bras).

Le groupe en question n'avait cependant pas une allure normale. Premièrement, ils avaient tous des armures à assortis, c'est à dire noires, un bon camouflage en sous-terrains, qui venait apparemment de la même manufacture. Il s'agissait de plus d'un équipement ultramoderne, équipé de masque à gaz et certainement en matériaux artificiels, comme seul les troupes d'élites en avaient.
Bref, il ressemblait plus à une troupe spéciale de Wrax ou de Citadelle qu'à des mercenaires ou pilleurs de tombe. Ils arboraient cependant un insigne étrange que le sergent ne reconnaissait pas : une épée ailée entourée d'étoiles.
- Vous auriez dû voir ça sergent, ils sont ressortit juste au moment où le gouffre s'effondrait. Un minutage comme dans un livre.
- Le passage est donc bloqué caporal ?
- Euh, oui. Mais l'eau passe toujours et les grilles ont tenu le coup, on leur a ouvert pour qu'ils puissent passer.
- Bien, allez tout de suite au belvédère voir ce qui se passe dans la plaine. Les autres, allez voir du côté du couloir Nord, et vite.
Il se détourna alors de ses hommes pour regarder la petite troupe de cinq personnes. Bien que sales et apparemment fatigués, ils semblaient en forme et étaient venus en marchant d'un bon pas, même la magicienne (facile à reconnaître, malgré la hallebarde, car pas d'armure). Ils avaient tous l'air de l'attendre poliment. Donc :
- Quant à vous, dans mon bureau.
- Mais certainement, Sergent, répondit l'homme de tête. Le fait qu'il soit leur chef semblait d'ailleurs incontestable, tant l'homme avait l'air de gérer la situation. Il se dégageait de lui une aura de puissance tranquille inimaginable. Bien que ne le montrant pas, le sergent en avait peur, profondément peur.

- Comme vous l'avez vu, nous sommes un peu débordés. Je vous prierais donc d'être brefs.
- Nous sommes des mercenaires, nous avons été engagés pour mener des opérations contre la cité Drown de Liorena, du clan de Mounglad. Celles-ci effectuées, nous nous dirigions vers la surface quand nous avons dû un peu presser le pas. Et donc nous voilà chez vous.
Le sergent n'eut pas le temps de formuler des questions que l'homme continua : « Nous ne pouvons vous indiquer l'identité de notre employeur, mais ceci devrait confirmer mes dires. » Et il sortit d'une de ses poches un ensemble de médaillons en forme d'araignée, de tailles et de formes différentes, certains en or, argent et pierre précieuses. Trois étaient en ce que le sergent reconnut comme du mythril. Mais un seul d'entre-eux était fait dans un métal sombre, presque opaque, et il était particulièrement travaillé. La plupart étaient tâchés de sang.
- Mais ce sont...
- Des symboles sacrés utilisés par les prêtresses Elfes Noires, oui. Celui-ci, il indiqua celui fait en métal sombre, appartenait à la Matrone qui dirigeait Liorena.
- Mais c'est..
- Au non, il n'y aucun risque de représailles. Dépourvue de son élite, la ville devrait bientôt tomber sous les assauts des Druegars. Surtout après les événements de cette nuit. » Son ton changea légèrement. « Je vous ai dit tout ce que vous vouliez savoir, non ?
- Euh..., vous m'avez dit tout ce que je voulais savoir. », reconnut le sergent.
- Nous pouvons donc partir.
- Oui, vous pouvez partir. » Et toute la troupe disparut rapidement. Le sergent resta un instant immobile, comme hébété. Mais il se persuada qu'il avait agi correctement, il avait assez de problèmes pour l'instant sans embêter une bande de mercenaires un peu bizarres...

Soudain, la porte s'ouvrit.
- Si vous avez fini avec ces aventuriers, est-ce que vous auriez le temps de vous occuper de mes pl...
- Turner.
- Euh... oui sergent ?
- La ferme.
- Mais...
- Ecoutez, les gens qui viennent de ressortir sont des mercenaires. Si vos plans sont si importants que ça, vous n'avez qu'à les engager. Je ne dérangerai pas un de mes hommes pour retrouver des plans débiles qui ont d'ailleurs certainement juste été emportés par un coup de vent sous un meuble quelconque. » Il marqua un silence. Puis reprit :
- Compris ?
- Mais... » Le pauvre vieux Gnome n'avait pas vraiment l'air triste. Seule l'incompréhension profonde se lisait sur son visage. Puis, soudain, il sembla prendre une décision.
- Bon, d'accord, mais quand je les aurai retrouvés, j'irai construire mes usines et ateliers dans une autre ville... Non, dans un autre pays... Oui, c'est ça à Bolidraks. Et pour le reste de votre existence Vous serez responsable de l'immense perte que Vous aurez causée à votre patrie. » Et il sortit en claquant la porte.
Le sergent conclut pour lui tout seul : « Si seulement ça pouvait être vrai, quelqu'un d'autre serait obligé de le supporter. »


* : Non pas que Turner ne croie pas en l'existence des Dieux**, c'est plutôt difficile dans un monde type D&D. Par contre il ne croit pas que vénérer spécialement un dieu (ou plusieurs dieux) permet de s'attirer ses bienfaits, et que tout ce qui peut lui arriver a un rapport avec sa fréquentation des temples.

** : J'ai décidé de mettre une majuscule à « dieux » quand je parle de l'ensemble, une minuscule quand je parle d'un groupe en particulier.***

*** : C'est Pratchett qui déteint. Désolé pour ceux qui n'aiment pas les astérisques.

Dvorak

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