banniere

Retour

Nels : Histoire d'un mage sans passé : Chapitre 35

Faire la route avec une armée aussi lente était éprouvant. Non content de ne cesser de nous stopper, la multitude de soldats du royaume de Lelanide ne semblait pas avoir de notions de mouvement rapide. Ainsi chaque matin, nous perdions des heures avant de pouvoir partir, ce qui avait le don de me rendre de plus en plus impatient.
Des heures graves nous attendaient et assez de temps avait déjà été perdu. De plus, de nouveaux éléments me faisaient quelque peu douter de moi-même, comme l'attitude de plus en plus distante de mon cher Basaïn. Je l'avais, depuis ce réveil inopiné dans la chambre de l'Académie, toujours trouvé quelque peu soucieux, mais depuis que j'avais ouvert les portes de la matière à travers la colère de dieu, il semblait de plus en plus dubitatif. De plus, je sentais qu'il se préparait lui-même au combat de façon plus intensive qu'il ne voulait le montrer : parfois le soir, je sentais les puissantes barrières de stase qu'il mettait en place autour de sa tente personnelle.

Nous le savions tous entre Grands Maîtres : Basaïn était de loin celui qui s'y connaissait le mieux. Que ce soit dans les couleurs qu'il s'était choisies ou dans les autres : Bardéak m'avait un jour raconté que le vieux maître avait littéralement refait son éducation du Rouge et qu'il avait probablement comme moi la maîtrise des cinq couleurs. La différence avec moi pour Bardéak était que j'étais avantagé car je me servais dès ma formation de la totalité de la magie. Pourtant, le récit qu'on m'avait fait de mon arrivée au sein de l'Académie différait peu malgré la multitude de sources que j'avais consultées : Verden et Basaïn avaient disparu ensemble quelques jours avant de revenir avec un corps, qui sans doute était le mien, enveloppé dans des bandages qui semblaient tellement épais qu'on a cru que j'étais une momie. Ils auraient disparu dans une salle secrète et quelques jours plus tard, j'étais le fameux Nels, homme sans passé, ni souvenirs, ni vie.

Pendant les déplacements, Basaïn restait habituellement sur le Central. Le rythme était suffisamment lent pour que je puisse pour ma part aller vers les autres parties du convoi. Etant habitué à beaucoup lire, je lisais sans cesse des rouleaux concernant des sorts que je maîtrisais peu. Je ne faisais pas beaucoup usage de certaines incantations qui auraient pu me faciliter le travail. Avec les prochaines batailles en masse que nous risquions de subir, il me fallait une meilleure maîtrise de ces sorts.

J'allais voir un soir Basaïn pour en discuter, mais de nouveau je sentis la petite distance qu'il mettait entre nous. Je n'osais pas lui demander s'il m'en voulait pour quoi que ce soit, la situation me gênait plus qu'autre chose. Ce fut lui qui creva l'abcès le premier.

- Je ne suis pas énervé contre toi mon cher ami.
- Vous lisez dans mes pensées, c'est à croire. A chaque campement dernièrement, j'ai bien senti que vous mettiez une certaine distance et de plus, je sens bien que vous vous entraînez très dur. Je n'aime pas vous sentir aussi anxieux.
- J'espère bien que tu as senti les stases que je mets en place en ce moment. A ce propos, ça tombe bien que tu sois là. Voudrais-tu me rendre le service, ce soir, de passer un peu de temps dans une bulle de stase avec moi ?

Je ne pouvais refuser. Ce soir-là, je me rendis dans sa tente, équipé pour le combat, comme il me l'avait demandé. En moi, quelque chose me donnait le sentiment que le vieux Maître était déterminé à me montrer quelque chose. J'avais toujours eu le dessus sur mes adversaires jusqu'ici, sauf une fois, et c'était bien involontaire. Face à l'infâme maître des tempêtes, alors que j'étais dans un état de rage complètement avancé, que je venais de le tuer ainsi que son jeune compagnon, mon vieil ami Basaïn m'avait d'un simple sort mis hors de combat. Ce soir, dans cette bulle de stase, je sentis qu'il faudrait plus que je n'avais jamais atteint pour ne serait-ce que l'atteindre.

Une fois arrivé dans sa tente, je vis que la table était mise avec un repas pour deux personnes. Basaïn me demanda de m'installer et nous dinâmes ensemble. Nous parlâmes de ce qui s'était passé dans la journée, et Basaïn m'indiqua que nous atteindrions sans doute la forteresse le lendemain. Il commença la discussion par des banalités, puis sembla me fixer, attentif à toute réaction de ma part.

- J'aimerais que ce qui va se passer dans cette tente reste entre nous.
- Du moment que cela reste dans certaines limites...
- Ne fais pas d'humour mal placé maintenant, tu sais très bien ce que je veux dire.
- Je pense bien que vos capacités, cher ami, sont infinies.
- Pas infinies voyons, mais plus grandes que ce que tu en sais pour le moment.
- Et les autres ? Vous me réservez un traitement spécial ?

Il avait commencé son accumulation pendant que nous parlions. Je ne l'avais que rarement vu se concentrer, il avait une capacité d'accumulation que je trouvais démentielle. Cependant, ce coup-ci, il se leva, se dirigea vers le centre de sa tente et s'assit en tailleur. L'instant d'après la tente se trouvait dans une légère stase. La masse d'énergie que je sentis, la quantité de mana qu'il accumula en à peine quelques secondes me laissa augurer de la difficulté de l'entraînement qu'il me proposait.

L'espace de la tente sembla se disloquer de manière irrationnelle dans un premier temps. Le temps, lui, était distordu depuis quelques minutes déjà, je n'arrivais cependant pas à déterminer dans quelles proportions. Par contre la distorsion spatiale que subissait la tente me faisait peur. Basaïn me rassura par quelques mots au milieu de sa concentration.
- Allons, n'aie pas peur. Je maîtrise la situation, j'ai vraiment l'habitude...

Je n'aurais su l'expliquer, mais je savais qu'il était dans une situation particulièrement habituelle pour lui et que je n'avais rien à craindre. Tout du moins, je ne craignais pas la mise en place de son sort. Pour ce qui était du reste, je me méfiais tout de même.

J'avais bien raison : une fois son sort en place, il sortit son épée et entama un échauffement physique qui me semblait beaucoup préparer sa souplesse. Je dégainai mon épée et me mis à concentrer mon mana de manière intense, le plus possible. J'avais atteint un stade assez raisonnable à mon sens quand Basaïn me lança :
- Mon sort de stase est étudié pour ne pas laisser passer d'aura de mana, si tu comptes me servir à quelque chose dans mon entraînement, j'ai besoin d'un peu de puissance, fais un effort...

Il ne lui fallut alors que quelques secondes pour me souffler par l'accumulation de mana qu'il produisit. Il était entouré d'une aura bleue et blanche excessivement lumineuse et semblait n'en être qu'au début de son effort. Il balança sur moi une vague d'eau telle que je crus qu'on était sur une plage. N'ayant pas vraiment le choix, je me demandai comment fuir quand je constatai que la lumière dans cet environnement artificiel venait d'en haut. Une fois la vague suffisamment près, je me coulai dans l'ombre de celle-ci.

- Ne crois pas que tu vas m'échapper, gamin...

Je n'y croyais pas vraiment : il s'était à son tour introduit dans l'ombre d'où il préparait un sort Rouge. Je ne comprenais pas vraiment : il ajoutait là deux couleurs que je ne l'avais jamais vu utiliser à son panel. Je fus soufflé par une tornade ardente. J'eus envie de combattre le feu par le feu et de lui montrer que j'avais tout de même une certaine connaissance des invocations, même assez folkloriques :
- Viens à moi esprit de Myojin, guerrier du feu...

Un chevalier de feu s'était formé et fonçait sur Basaïn qui, lui-même, n'était pas très surpris...

- Mur de l'Esprit.

Le mur écrasa rapidement les velléités du chevalier, mais j'en avais pas fini :
- Ryusei, esprit dragon.

Les flammes qui entouraient le mur s'étaient transformées en un dragon que je pouvais maîtriser à volonté. Je le lançais sans cesse, Basaïn avait un grand sourire aux lèvres.
- Tressegibet, créature noire...

A mon tour d'être surpris. Toutes mes accumulations de Noir me prenaient un temps fou pour que la douleur engendrée lors du lancement de sort soit atténuée. Il n'avait pas pris cette peine, résistant au-delà de toute attente à la douleur. Je me dis assez crânement que j'en étais sans doute capable. Il fallait que je canalise mon mana de manière plus brutale, mon corps le supporterait sans doute.
- Boules Fulgurantes !

Les corps de ces créatures de lumière et d'éclairs se multiplièrent autour de nous et je les lançai pour qu'elles finissent leur éphémère vie sur Basaïn. Il fut durement touché puis je sortis enfin mon épée.
Le duel était un de ceux que je n'attendais pas. Sa puissance physique était décuplée par sa maîtrise du Vert : j'avais en face de moi un autre utilisateur des cinq couleurs de la Magie. Nous laissions à chaque coup éclater toute notre énergie et semblions égaux. J'atteignais des niveaux de concentration supérieurs à ce que j'avais déjà fait, notamment lors des tempêtes élémentaires. Je me décidai à essayer quelque chose :
- Tempête élémentaire Rouge : Rage Dévorante !

La puissance de ce sort ne me surprenait pas outre mesure. La capacité d'accumulation que j'avais développée durant les heures que durait notre combat non plus. Ce qui m'étonna, ce fut de contrôler la tempête, tout du moins les premières secondes...
- Voile de la réalité, ouverture, annonça calmement le vieux Maître.
La tempête de feu s'engouffra dans une sorte de vortex apparu de nulle part. Nous étions épuisés et pourtant nous aurions pu continuer d'en découdre, mais quelque chose nous retint. Le regard de mon vieux Maître changea de nouveau : je retrouvai dans ses yeux toute l'affection qu'il me manifestait habituellement. Je n'avais plus besoin d'en savoir plus sur ma force : je pense que ces heures de combat que nous avions passées ensemble m'ont révélé ce que j'étais vraiment.

Je ressortis de sa tente au petit matin, à l'heure où le campement se préparait à repartir. Je n'étais pas particulièrement fatigué, même si j'étais conscient d'avoir combattu durant d'interminables heures. Il fallait maintenant que nous arrivions à la forteresse que j'avais déjà nettoyée. Le trajet se fit sans encombre particulier, j'étais juste assez troublé de voir que je n'étais pas si unique que cela. Je devrais donc ne pas divulguer la sensation de puissance que j'avais ressentie, ni le fait que quelqu'un d'autre que moi était capable de tels actes. Si j'avais été conscient d'une telle maîtrise ne serait-ce que quelques jours auparavant j'aurais pu allègrement déclencher des sorts tels que la colère de dieu sans craindre pour moi-même ou ma stabilité mentale.

Le voyage se faisant lentement, je décidai d'aller voir Utrhuil. Je n'avais pas eu l'occasion de discuter avec elle depuis que j'avais intégré la milice du Mithland, mais je l'avais vue à l'oeuvre lors de notre bataille contre les Slivoïdes : elle maniait particulièrement bien les invocations ainsi que les prises de contrôle du Vert. Elle me salua chaleureusement :
- Je suis contente de vous revoir, je pensais que vous ne m'aviez pas même remarquée...
- C'est un peu rapide à dire vous savez, j'ai été assez occupé.
- Comme pour votre terrifiante démonstration au dessus des Slivoïdes ?
- Par exemple.
- Quelque chose m'impressionne chez vous en attendant, c'est votre capacité de régénération.
- C'est-à-dire ?
- Vous avez pas mal régénéré votre corps et vous êtes capable de le faire régulièrement. Ca va au-delà des capacités habituelles que j'ai déjà vues, même chez des Elfes. Un de ceux qui m'aient autant impressionnée est maître Verden, qui m'avait enseigné.
- Il m'a enseigné de nombreuses techniques lui aussi, je n'ai que peu de mérite
- Votre corps porte encore les marques d'un combat terrible cette nuit. J'ai senti la stase se former, comme la majorité des mages qui sont présents ici. Vos élèves du Bleu ont essayé de sentir ce qui se passait à l'intérieur...
- Je vois, nos élèves viennent vous voir vous autres plutôt que de poser la question aux maîtres...
- Ils n'ont rien senti, rassurez-vous, mais...
Elle toucha rapidement mon épaule gauche. Celle-là même qui avait été broyée par une épée, vidée de sa vitalité et sans doute éprouvée par toutes les incantations de cette nuit. Elle posa sa paume et je sentis son mana la parcourir.
- Je m'en doutais, dit-elle.
- De ?
- Vous avez détruit votre propre corps à d'innombrables reprises. Je ne peux même pas dire combien de fois vos cellules auraient dû mourir, et pourtant vous vous régénérez toujours. C'est impressionnant...
- Cool, ça veut dire que je vivrai très vieux.
Elle acquiesça. Je ne m'étais jamais posé la question de la durée de ma vie. Chose étrange, le fait d'être « né » adulte, au milieu d'une chambre de l'Académie m'avait fait éviter la phase de croissance et de vieillissement ensuite. Cela faisait peut-être des années et des années que j'avais vécues auparavant finalement.

Nous passâmes le reste du trajet, Uthruil et moi, à discuter des divers types de mana Vert que je pourrais utiliser pour la suite de nos combats. J'avais une certaine expertise mais en examinant de plus près les flux qu'elle utilisait pour contrôler des créatures telles les fameuses guivres à piquants qui nous avaient permis de nous rencontrer, j'espérais progresser.
Pendant cette conversation, le trajet avait été rapide et nous étions au pied de la terrible forteresse. Le coucher du soleil accentuait la terrible impression qu'elle m'avait laissée : des événements d'une sauvage cruauté y avaient eu lieu.

Le couple royal en voyant la forteresse demanda, et je subodorai que c'était surtout la volonté de Lemba, à pouvoir y installer ses quartiers. Je m'approchai à ce moment-là de Basaïn qui semblait assez affecté de voir cette forteresse. La fois où j'étais venu avec mes élèves, nous étions sortis par la première ouverture possible. Je ne m'étais pas rendu compte avec l'obscurité qui régnait à ce moment-là que nous n'avions visité que la partie basse de la forteresse et qu'il en restait toute une partie supérieure que nous avions ignorée.

Les gardes elfes avaient bien essayé d'ouvrir en tirant les portes de la partie supérieure, qui étaient faites d'un métal forgé encore plus finement que les portes que j'avais vues à Licht. Les seules gravures que j'avais déjà vues aussi travaillées étaient celles de certains murs de l'Académie, ce que je signalai à Basaïn. Il me rétorqua :
- Peut-être n'as-tu pas assez voyagé. Les portes de l'Académie ont des motifs plus modernes. Ceux-ci sont très très anciens...
- Je n'en doute pas mais la qualité du travail est tout de même impressionnante...

Lemba, qui était arrivé très en forme à ce que j'en voyais, enrageait contre ses troupiers qui n'arrivaient pas à lui ouvrir la porte. Il demanda à ce qu'on les enfonce, ce qui fit sursauter mon vieil ami Basaïn. Il dit d'une voix calme :
- Laissez-moi faire...

Les gardes elfes ne lui témoignèrent pas vraiment le respect dû à son rang. Ils rirent, mais le vieux mage savait ce qu'il faisait. Je compris mieux la qualité du travail des portes quand je vis qu'elles étaient composées de la matérialisation d'un sceau magique : en étant posé sur la porte, le métal avait pris la forme du sceau. Basaïn ouvrit alors la porte avec une facilité déconcertante pour les gardes. Je ne reconnaissais plus le vieil homme énergique. Quelque chose l'avait fortement affecté quand nous étions entrés. Je regardai un blason, qui m'était inconnu, qui était suspendu au mur, une sorte d'entrelacement de lignes qui formaient une forme que je ne pouvais comprendre de prime abord. Cependant, moi qui avais survécu à la colère de dieu, je compris le sens en y repensant : il s'agissait de la forme que prenaient les cordes de la matière juste au moment où on les saisissait pour les contrôler.

Mon vieil ami était très affecté, semblant avoir vieilli d'un siècle au moins. Je voyais les uns et les autres porter les bagages, et pourtant je n'avais pas envie de bouger de l'endroit où se tenait prostré mon ami. Un murmure retentit : on avait trouvé une salle du trône au sein de la forteresse. Basaïn sembla retrouver toute sa combativité et monta les escaliers rapidement, semblant parfaitement connaître les lieux. Pourtant, il y en avait des couloirs, mais il ne suivait pas le chemin que tout le monde empruntait. Il semblait vouloir chercher un raccourci, et en quelques minutes nous arrivâmes à une salle immense. Je fus très surpris : elle ressemblait en tous points à une des salles de réunion de l'Académie, avec des plafonds parfaitement sculptés et je pus finalement mieux l'observer une fois à l'intérieur. Le Roi Lemba et sa suite semblèrent étonnés de nous voir arriver par une des portes latérales de la pièce.

La pièce était rectangulaire, et la porte que nous avions prise donnait sur sa longueur. L'escalier que tout le monde avait pris donnait sur la largeur de la pièce et en face de celui-ci se trouvait un ensemble délicatement sculpté de trônes. Un principal, avec à sa droite un trône plus petit, tandis qu'un peu plus un autre trône avait sa place. Cependant, ce dernier avait pour particularité d'avoir un espace supplémentaire comme si on avait prévu de l'installer en double.

Ce fut à mon tour d'être troublé par la vision de ce trône. Je ne comprenais pas pourquoi mais je me trouvais dans un état émotionnel de confusion. Je regardai alors les tentures et l'une d'entre elles me toucha particulièrement. On y voyait un couple et deux enfants. L'un des enfants avait pour particularité d'avoir les cheveux noirs. Tous souriaient, mais pas de la bête manière dont le bourgeois moyen posait. Ils semblaient heureux. L'homme, qui devait être le père, portait des bagues magiques. Sans doute un mage lui-même. Ses enfants portaient des vêtements semblables à ceux des novices de l'Académie. Le visage de la femme me marqua et je ne pouvais le regarder sans avoir le cœur qui se serrait. Son sourire était beau, sincère. Son regard semblait malgré le peu de détail de la tapisserie pouvoir transpercer mon âme en un instant. L'homme, le père, m'inspirait un respect immense. A leur vue, j'ai eu comme une bouffée de bonheur, une joie de voir ces visages qui m'enveloppait juste avant une vague de tristesse. La tenture en face montrait les deux personnes adultes habillées de blanc. Une cérémonie de mariage sans doute. Le bonheur qui entourait ces tentures était entaché dans mon cœur d'une mélancolie atroce qui me broyait les os.

Une tristesse sombre envahissait mon cœur, mais elle n'allait pas y rester longtemps.

A peine j'entendis Lemba dire qu'il comptait s'installer sur le trône, une rage incomparable enflamma mon coeur. Je me dis que mon vieux Maître allait encore devoir me gronder, je ne pensais pas entendre tonner sa voix :
- Il faudra me passer sur le corps...
- Plaît-il ? Je suis Roi de Lelanide, je dirige cette Coalition en vertu du Grand Conseil et...

Je reconnus l'aura que j'avais vue durant notre combat dans la stase. La violence de celle-ci découragea tous les guerriers d'approcher. Il tira son épée, et gronda tel le tonnerre :
- J'ai déjà parlé. Ce trône ne doit pas être souillé. Ne savez-vous pas dans quelle maison vous vous trouvez, impie ?

Je voyais Naëria blêmir, elle qui n'avait pas encore vu les capacités avancées de combat du vieil homme. Celui-ci parlait d'une façon déterminée, mais c'était un peu comme un adolescent qui défend sa chambre qu'il se tenait. Le phénomène qui s'ensuivit fut provoqué par de prétentieux mages du Vert accompagnant Lemba qui lancèrent leurs accumulations afin de protéger leur souverain elfe. L'un d'entre eux lança une petite salve, comme pour tester Basaïn, mais ce fut moi qui répondis. Je fus décidé à répondre par du Noir. Notre rage commune que je ne m'expliquais pas à Basaïn et à moi se traduisit par nos auras qui illuminèrent la pièce. Le trône réagit à ce moment-là. Personne ne savait ce qui se passait, excepté peut-être Basaïn, mais le trône vibra à la fréquence de nos auras et s'illumina d'une lumière intense. Fait inexplicable pour les mages présents, l'aura que nous dégagions formait une lumière qui n'était pas blanche mais qui semblait composée de tout le spectre de couleurs. On y distinguait des faisceaux noirs notamment, chose étrange pour de la lumière. Ce spectacle aurait pu être magnifique mais, en développant toute ma puissance, je n'arrivais plus à regarder les tapisseries : à croire qu'elles me faisaient des reproches.

- Un volontaire pour passer à trépas ? demanda le vieux Mage...
Il ne leur laissa pas le temps de répondre. Un vent violent secoua tous les présents. Le trône semblait vibrer de plus belle, tandis que tous quittaient la pièce. C'était tout juste si les suivants de Lemba n'étaient pas partis en courant...

Je regardai enfin mon maître quand nous ne fûmes que tous les deux dans la pièce. De façon incompréhensible pour moi, il m'avait fait signe de rester. Quand nous fûmes seuls, il regarda la tapisserie. Des larmes coulaient de ses yeux vieillis. Des miens, aussi...

Nels

Précédent - Suivant