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    L'examen de la citrouille

L'examen de la citrouille : Fabien et les autres...

1.

Il étudiait la pièce comme s'il cherchait une solution pour s'évader, pour libérer ses fils et donner une chance au Colonel, qui n'était pas sans défense lui non plus. Mais c'était peine perdue. Les environs grouillaient d'hommes armés jusqu'aux dents et il savait pertinemment qu'ils étaient tous parfaitement entraînés et prêts à faire face à ses capacités spéciales.
Il devait garder l'avantage pour voir réagir, rapidement et efficacement si les choses devaient finir par s'arranger et pencher en sa faveur. S'il provoquait les soldats de la secte, ils ne se poseraient certainement aucun cas de conscience, il était trop dangereux et surtout il était parfaitement inutile pour les desseins de leur maître.

« Bien, montons, nous n'avons pas de temps à perdre. », dit l'un des assaillants portant un long manteau de cuir noir.

Ils les forcèrent à se lever et à prendre le chemin glissant qui montait le long de la colline aux fées. Cette longue pente, au flanc d'un tumulus naturel de grande taille donnait sur une cuvette de plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre. Au centre de celle-ci, il y avait les ruines d'un ancien manoir, c'était d'ailleurs étrange de trouver ce type de bâtisse dans un endroit si reculé. Ca avait d'ailleurs très largement nourrit le folklore local. La maison de la sorcière, dans le berceau du météore, c'était une merveilleuse histoire où l'horreur et le merveilleux avaient tendance à s'entremêler de façon très complexe. Mais, ce qu'il y avait de bien, c'est que cette histoire était vraie. Il y avait bien une créature maléfique qui vivait dans la maison et il y avait bien un météore, même si ces choses n'étaient que des fantasmes construits autour d'un morceau de roche aux pouvoirs étranges.

Lorsqu'ils furent sur le bord du cratère, l'homme au pardessus SS se pencha sur Liam, tout près de Fabien.

« Tu vois ta tombe, n'est-ce pas ? », murmura-t-il avec un sourire, « Tu sais déjà que ton sang activera les innombrables pouvoirs des illusions dans cette réalité... »

« Vous êtes malade. », répondit le garçon.

L'homme ne se posa pas de question et frappa violement l'enfant au visage, ce qui le projeta dans le début de la pente et le fit rouler sur quelques mètres, dans les buissons.

« Friedrich, arrête donc un peu, ces enfants ne sont pas tes jouets. », l'interpella Fabien.

« Malheureusement... », répondit l'intéressé, « ... ils sont plus proches de devenir des outils que de rester tes fils, Fabien. C'est amusant de savoir que je vais faire d'une pierre deux coups, je vais à la fois réussir ce que j'ai mis une vie à préparer et je vais t'abattre ainsi que ta famille avec toi. C'est un grand jour, n'est-ce pas ? »

2.

Ravel regardait la pente, les pouvoirs d'Anna leur avaient permis un déplacement presque instantané vers cet endroit, mais il ne savait plus réellement vers où il devait aller. Il regarda la lune en soutenant Sean du mieux qu'il pouvait. Son ami ne régissait presque plus depuis qu'ils avaient quitté la boutique. C'était l'effet des médicaments certainement qui devaient se faire sentir quelques heures après leur injection.

« Je sens des vivants dans le coin. », murmura Anna, « Ils sont nombreux. Tu crois qu'ils cherchent la même chose que nous ? »

« Je crois pas, y'a que les monstres pour chercher une porte... », dit-il en plaçant son pouce dans sa bouche, « Ils doivent pas nous trouver. »

« Arrête de réfléchir, tu es ridicule. », répliqua Anna dans un rire.

C'est alors qu'un corps s'affala aux pieds de la Fantôme. C'était un garçon un peu plus vieux qu'elle, vivant et le visage en sang.

« Et Mer... credi... », dit Ravel, « Ils devaient pas nous voir. »

« Tu peux pas leur faire peur ? », demanda Anna, « C'est bien toi le roi des monstres de la classe B2, non ? A quoi ça sert de m'avoir bassinée avec tes exploits si tu n'es pas capable de les faire fuir ? »

« Attends, je suis qu'en premier cycle, ils sont nombreux... », dit-il.

« Ah les garçons, pour parler, vous êtes champions. », fit-elle en tournant la tête avec dédain.

« Ok, je vais voir ce que je peux faire. », répliqua le jeune monstre.

« Attends. », murmura le garçon au visage blessé, « Ils vont te tuer, ce ne sont pas des hommes normaux, ils sont entraînés à combattre ce que tu es... »

Alors que leurs yeux se croisaient, Ravel sentit un étrange pouvoir émaner du garçon. Liam regarda de son œil valide le jeune monstre et celui-ci sentit qu'ils n'étaient plus seuls.

2.

Le vieillard les avait unis par les liens du mariage. Etrange cérémonie, sans fioriture, mais Suzie sentait une chose bien plus profonde, normalement cachée par le décorum, la musique et les fleurs, les robes blanches et les grains de riz. Tout cela n'avait aucune importance, c'était le plus beau jour de son existence. Elle avait trouvé la moitié d'âme qui lui manquait, rien de moins.

Le vieillard sourit et s'éloigna.

« Il est temps pour vous de choisir votre camp, mais je ne crois pas que ce soit un dilemme dans les circonstances. Ce qui a été fait ce soir est irréversible, mais il y a des moyens pour atténuer le malheur qui va en résulter. C'est à vous qu'il incombe de trouver les solutions. Vous êtes les représentants de l'humanité qui vous a rejetés et vous serez les gardiens d'un futur hasardeux. », dit l'être étrange aux traits d'ancien, « Je ne veux pas vous influencer, vous allez devoir partir maintenant vers votre destin. »

Les murs de l'église disparurent et ils furent remplacés par un décor sauvage. Devant eux, un manoir étrangement déplacé dans l'environnement naturel, couvert de lierre mais résistant encore et toujours à la possession des éléments.
Sur leur droite, ils entendirent des cris, comme des personnes affolées et prises de terreur. Lorsqu'ils tournèrent les yeux, ils virent non loin de là un être étrange, mi-homme, mi-animal, menaçant une troupe de combattants. Ils surent, d'instinct, que le monstre n'était pas ce qu'il paraissait et qu'ils devaient l'aider, le soutenir et le guider.

« Louis, ne lâche pas ma main. », dit Suzie, « Je comprends maintenant bien des choses. »

Le visage doux de la jeune femme se métamorphosa en quelque chose d'hideux.

« Tu as raison, c'est tellement clair maintenant. », répondit Louis, « Je sais ce que nous avons à faire et le vieillard était là pour ça. »

Ce fut le tour de Louis de changer son apparence. Il savait parfaitement qu'il en était capable mais n'avait jamais trouvé les moyens de l'utiliser. Maintenant, il savait ce qu'il avait à faire. Il devait glacer le sang de ceux qui tentaient de faire régner la créature malveillante qui dormait dans l'âme humaine. Il devait même les tuer, s'il n'avait aucun autre moyen.

3.

Friedrich regarda le corps du garçon rouler dans les fourrés. Il sourit de plaisir. Cette famille l'avait tellement fait souffrir, lui et les siens que ce n'était encore qu'une petite compensation de pouvoir avoir une prise sur eux. Les enfants devaient avoir suffisamment de pouvoir pour ouvrir la dernière des neuf portes. Il s'était promis qu'il le ferait mais pas sans douleur, même si le rituel n'avait aucune composante sanglante, il l'adapterait.

« Allez me chercher le gamin. », hurla-t-il à l'un de ses hommes, « Et ne soyez pas trop gentils avec lui, il ne le mérite pas. »

Il tourna la tête vers Fabien, regarda les yeux calmes de son adversaire de toujours. Pourquoi ne réagissait-il pas ? Il n'attendait que ça pour le tuer. Il se demanda en une fraction de seconde la raison qui le poussait à attendre... et il ne trouva aucune réponse.

« Quelle belle nuit, n'est-ce pas ? Non seulement, je vais réussir ce que j'ai passé ma vie à mettre sur pied, mais je vais aussi te voir mourir avec tes fils. », dit-il en savourant l'instant, « Mais je vais m'arranger pour que ce soit long et que tu les voies souffrir le martyre. Et je sais parfaitement que tu connais mes compétences à ce niveau. »

« Allons Friedrich, tu ne crois quand même pas que je me suis attaché à ces gamins alors que je savais parfaitement qu'il y avait une chance sur deux que tu finisses par les découper en morceaux. », répliqua Fabien sans s'émouvoir, « Ce ne sont que des pions dans notre partie d'échecs. Perdre un pion ne m'a jamais chagriné. »

Friedrich sera les dents. Même attaché, incapable de se défendre, et dans une position mortelle, il était encore capable de le faire douter. N'aurait-il pas été capable de manigancer tout cela pour lui tendre un piège ? C'était une possibilité.

Alors que la lune sortait de derrière les nuages, Friedrich douta une seconde de trop, un bruit monstrueux s'échappa de derrière le bosquet où avait roulé le corps de Liam. Un rugissement comme rarement il en avait entendu, et cette fois-là, il avait perdu la moitié de ses hommes...

4.

Ravel donnait la plus grand show de sa courte vie. Il hurlait comme un fauve, brandissait des dents et des griffes de cauchemar devant les humains qui l'entouraient maintenant. Mais c'était une forme d'illusion, il savait parfaitement qu'il n'était pas capable de les réduire au silence, même si ce que leurs âmes lui disaient ne laissait aucun doute sur leur noirceur.

Du coin de l'œil, il vit Anna qui utilisait les armes de ceux qui avait fui par la télékinésie, et qui tirait au hasard. Il comprit très vite qu'elle ressentait la même chose que lui. Ces ténèbres n'étaient pas naturelles dans les âmes des vivants, c'était une perversion due au monde des illusions, ils étaient corrompu par le Roi Noir, maître des cauchemars.

Plusieurs tombèrent, soit de peur, soit sous les balles qui partaient aléatoirement des canons des armes qui flottaient dans les airs. Il y eut un souffle différent, comme si Anna était devenu plusieurs. Des Fantômes apparurent auprès de Ravel. Il ne les connaissait pas, mais ils semblaient plus vieux qu'Anna et plus compétents aussi. Leurs souffles glaçaient le sang des vivants, comme jamais il ne l'avait vu faire, et il sentait provenant de ceux-ci un étrange goût de mélancolie et de désir refoulé, ainsi qu'une grande tristesse à peine estompée.

Fort de ce soutien, il offrit le meilleur spectacle que peut donner un monstre, presque du niveau du Grand Tourmenteur, le monstre qu'il avait toujours admiré, celui qui était capable de faire peur à des générations d'humains.

Une fois que les troupes furent décimées, dispersées et terrorisées, il vit que l'homme qui les guidait, au grand manteau noir tenait le frère de l'enfant qu'il avait aidé par le buste, un couteau sur le cou.

« Vous ne m'arrêterez pas. », hurla-t-il en regardant Ravel dans les yeux, « Je savais qu'il y aurait des monstres pour protéger les mondes des illusions. Mais un seul des princes suffit pour ouvrir la dernière porte. »

Anna se retourna vers lui.

« Qu'est-ce qu'il raconte ? », demanda-t-elle.

Ravel se contenta de hausser les épaules pour indiquer qu'il ne comprenait pas plus qu'elle.

Il eut juste le temps de regarder de nouveau l'humain pour le voir trancher proprement la gorge de l'enfant.

5.

Sean revint à lui dans un environnement qu'il ne connaissait pas. Il était débarrassé de sa camisole chimique, libre de ses mouvements. Il regarda devant lui. Et tout semblait arrêté, fixe, sans le moindre mouvement, sans bruit.

Il vit deux hommes, enfin, un garçon et un homme. Il sentit que le garçon était en train de mourir, et que l'homme jubilait. Il ne comprit pas réellement ce qu'il voyait, mais il y avait beaucoup de sang, beaucoup de larmes aussi. Son compagnon le monstre, sous sa forme de créature, regardait la scène, sans bouger surpris et lui-même terrifié de ce qui venait d'arriver. Un autre garçon se leva lentement regardant son frère perdre son sang dans le sable de la pente, il hurla, saisit une arme et tira.

La balle pénétra dans la tête de l'homme au manteau noir par l'arcade droite et explosa purement et simplement sa tête, mais c'était tellement tard, trop tard pour sauver son jumeau.

Sean regarda l'endroit, tout était en train de changer, comme si le sang versé venait de transformer le monde autour de lui. Et ça commençait par lui, il était en train de devenir un monstre... et il était heureux.

Nehwon

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