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Neige Rouge : 4 Hasard

Mars 1985, Chambre 308, Koalas' End, Barrow, Alaska.

Asheley Diningam avait du mal à trouver le sommeil. Depuis qu'elle était ici, le soleil ne s'était pas couché une seule fois, c'était assez dérangeant, mais la fatigue aidant, elle aurait certainement dû s'y faire. Pourtant, elle était incapable de dormir plus de deux heures de suite. Elle aurait bien pris un somnifère, mais il lui sembla que ce n'était pas le meilleur moyen de se sortir du problème. Ce qui l'empêchait de dormir, elle le connaissait bien, c'était la présence toute proche de son pire cauchemar.

Elle sortit des draps, nue, et se dirigea vers la douche. Son corps était couvert de sueur, c'était assez déplaisant. Lorsque l'eau presque brûlante glissa finalement sur sa peau, elle posa le front sur le carrelage blanc devant elle, tentant de faire disparaître les images de son dernier mauvais rêve. C'était encore une fois ces images d'antan, qui revenaient en boucle dans sa tête, et étrangement, elle savait parfaitement qu'il ne devait pas être très loin pour qu'elle se sente aussi mal. Elle soupira. Elle était encore parfaitement incapable de l'affronter aussi bien en tant qu'amante qu'en tant que Chasseresse. Elle avait laissé tomber ses principes pour lui, avant de comprendre qu'il n'était pas simplement un mytho au minois à faire se damner une sainte.

Elle colla son poing violemment contre le carrelage.

« Qu'est-ce que tu fous encore dans ma vie, Danté, sors donc de ma tête. »

Elle se mordit les lèvres. Ca devait certainement l'amuser. Elle sortit de la douche.

« Arrête donc de fantasmer », dit-elle à la femme qui la regardait dans le miroir, « Il n'est pas là pour toi. Tu le sais, tu as vu les images. »

Elle eut un moment d'hésitation. Son esprit tournait à vive allure. Cette sensation de picotement ne pouvait être que celle qu'elle ressentait quand elle allait faire un scoop. Elle se précipita dans la chambre, encore dégoulinante sans prendre le temps d'y remédier.
Elle regarda dans sa mallette de journaliste les notes qu'elle venait de prendre en rapport avec la discussion de l'après-midi.

« Nom de Dieu ! Ce n'est pas possible, ce serait vrai ? Ce satané docteur aurait réussi ? Et c'est Danté son Alpha. », dit-elle pour elle-même.

Elle releva la tête. Elle avait envie d'une cigarette. Son esprit tournait à la vitesse d'une voiture folle.

« Si Charles s'oppose à Danté, ça va mal finir... et ces gamins dans mon rêve, mais qu'est-ce que ça veut dire, bon Dieu... »

Elle retourna prestement dans la salle de bain pour s'essuyer. Elle passa une tenue de reporter, pratique et solide, sauta dans ses Rangers et regarda sa montre, 3h45... Elle avait encore le temps de devenir une clandestine.


Mars 1985, quelque part sur une route en mauvais état, Alaska.

Shaad regardait le visage du garçon qu'il avait aidé. Il dormait, assommé par la faible dose de calmant que lui avait administrée Anya. Il supposa que son état ne lui permettait pas de supporter les drogues facilement. Le bus qui les transportait s'acheminait à une vitesse assez réduite à cause de l'état désastreux de la chaussée. Devant celui-ci, le hummer des ravisseurs, ou de leurs sauveurs suivant comment on prenait la chose, ne semblait pas en meilleure posture. Le soleil était pâle et bas. Shaad avait entendu dire qu'il ne se couchait qu'une seule fois dans l'année et que la nuit durait 6 mois, comme le jour d'ailleurs. Le corps du garçon tremblait encore un peu, c'était terrible à voir.

« Déconne pas, reste avec moi. », dit-il doucement.

Il doutait maintenant de ce qui allait suivre. Qu'étaient devenues les personnes qui les surveillaient dans la base ? Pourquoi une base militaire, d'ailleurs ? Et pourquoi devaient-ils tous mourir si les soldats découvraient l'endroit où on les avait cachés ? Et ce soleil bas qui lui brûlait les yeux.

« On ne devrait plus tarder à s'arrêter maintenant. », dit Anya en s'approchant de lui, « Comment va-t-il ? »

« Je ne sais pas, je sens son corps trembler. Mais c'est moins violent que tout à l'heure. », dit Shaad.

« Je suis désolée, mais tu ne devrais pas trop t'attacher à lui. », dit-elle.

« Qu'est-ce qu'il a ? », réussit-il à demander finalement.

« Je ne sais pas exactement, la nature se défend contre les bêtises de l'Homme. Comme pour toi, ils lui ont injecté une partie de nos codes génétiques, grâce à l'intervention d'un virus un peu particulier, elles ont été intégrées à vos propres codes. Les modifications apportées avaient pour but de vous rendre plus forts, plus rapides et de vous offrir certaines... capacités spéciales... Mais je ne suis pas sûre que ses modifications ne soient pas sans conséquence. Je ne suis sûre de rien, je viens juste de mettre la main sur les traitements qu'ils vous ont administrés. », dit-elle.

Elle baissa les yeux, regardant le visage du garçon.

« Je ne peux dire si la stabilité du code est suffisante pour que vous y surviviez. Je ne sais pas non plus si vous serez tous affectés par les mêmes problèmes. Mais je sais que je peux finir les modifications, malheureusement ce ne sera pas sans conséquence non plus. »

Elle se retourna et se dirigea simplement vers l'avant du bus, regardant au passage les enfants qui se trouvaient de chaque côté, histoire de prendre l'ampleur du désastre. Les deux véhicules entrèrent sur un petit aérodrome privé, certainement lié à la base militaire qu'ils venaient de quitter. Shaad ne se souvenait pas du moment où il était arrivé ici, très certainement parce qu'on l'avait drogué. Il supposa donc qu'il avait déjà emprunté le chemin qu'ils venaient d'utiliser pour venir.

Le terrain semblait entretenu contrairement à la route qui menait aux bâtiments principaux de la base, la piste était en bon état et il y avait un énorme avion cargo qui les attendait patiemment à l'autre bout du tarmac.

Très rapidement, ils furent transférés du bus à l'avion, l'arrière étant suffisamment spacieux pour permettre la présence de couchettes et de sièges. Dans la partie avant de l'appareil, juste avant le cockpit, une immense caisse était entreposée. Il sembla à Shaad qu'elle contenait quelque chose qui avait une relation plus que directe avec la vie qu'il venait de commencer. Il se sentit aussi instantanément mal à l'aise. Une sorte de peur sourde s'empara de lui.

Danté leva les yeux au ciel avec l'attitude de quelqu'un qui tente d'entendre quelque chose dans le lointain.

« Nous devons partir rapidement, ils arrivent. », dit-il simplement.

Il se dirigea prestement vers le cockpit et disparut. Shaad l'entendait aussi, cette sorte de vrombissement derrière ses oreilles, comme une indication d'un désastre à venir. Il tenta pendant un moment de le comprendre, mais sans succès. Lorsqu'il laissa finalement tomber, il vit qu'Anya le fixait avec intensité. Finalement, cet instant étrange fut brisé par le bruit des moteurs qui remplit rapidement l'intérieur de l'avion. Shaad choisit un endroit le plus confortable possible et y installa son compagnon anonyme. Lorsqu'il regarda autour de lui, il comprit qu'il était presque le seul à aller encore bien, comme si le manque de traitement l'avait sauvé. Plusieurs des autres cobayes avaient des problèmes de tremblements incontrôlables, comme son compagnon, d'autres semblaient ailleurs, comme s'ils vivaient une autre réalité. Plusieurs semblaient aussi avoir des problèmes pour respirer. Shaad se demanda combien périraient avant d'atteindre leur destination.

« Comment va-t-il ? », demanda Anya en passant près de Shaad.

« Je crois que ça s'est un peu calmé. », dit-il en réponse.

D'un coup, il trouva cela assez étrange, les autres malades semblaient avoir de plus en plus de problèmes, mais pas le garçon qui était avec lui. Etait-ce une coïncidence ? Il en doutait maintenant.

« Tu as raison. », dit Anya, « Il a énormément de chance que tu t'occupes de lui. Il pourra peut-être s'en sortir sans trop de problèmes. »

Il regarda Anya, un peu perdu. Il lui sembla que certaines choses n'étaient pas normales dans l'allure de cette femme, même si elle avait été très gentille avec lui depuis le début. C'était cette sorte d'aura étrange, peut-être une déformation des ombres autour d'elle qui effaçait une part de sa beauté, peut-être aussi sa pâleur, presque maladive et ses yeux un peu trop noirs.

« Vous pourriez me dire comment il s'appelle, ça m'éviterait de l'appeler "il" », finit-il par dire pour trouver un moyen de passer sur sa façon de la dévisager.

« Il s'appelle... »

Elle consulta les fiches qu'elle avait trouvées dans les bureaux proches des dortoirs.

« Il s'appelle Sean. », finit-elle par dire, « Et pour cela aussi tu as raison, il y a quelques ombres de trop autour de moi. Les explications viendront bien assez vite pour cela aussi. »

Nehwon

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