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Neige Rouge : 3 Missions

Mars 1985, Centre Opérationnel de Barrow, US Air Force, Alaska.

Le Lieutenant-Général Astings regardait les dossiers posés sur son bureau. En 25 ans de service, il n'avait jamais vu un tel fiasco. Le secret-défense, bafoué ; l'éthique, piétinée et la morale, n'en parlons pas, c'était le bouquet. S'étalait sur son bureau un tas de photographies de corps calcinés de gamins, de bocaux en verre remplis de matières organiques indéfinissables, de rapports de tentatives avortées pour faire revenir à la vie des bouts de cadavres, mais aussi des rapports concernant la mise au point d'un soldat ultime. Outre le fait que la plupart des informations présentées dans les documents relevaient de la plus pure fantaisie maniaco-psychotique confinant à la folie, ce qu'avait fait ce William Arthur Snow qui se prétendait professeur était une ignominie.

Charles Robert Astings, Lieutenant-Général dans l'US Air Force venait de recevoir la mission de mettre définitivement fin aux expériences qui étaient pratiquées illégalement sur son territoire par les bons soins de Snow. Il devait dans le plus grand secret débarquer dans les installations localisées aux coordonnées 69°30'31,29'' N 146°10'55,61'' W, vérifier la présence de vie, arrêter ce qui pourrait ressembler à du personnel médical, assister ce qui pourrait être des cobayes, et tuer le reste. Il devait aussi faire disparaître toutes traces de cette erreur de jugement de ses supérieurs.
Il sortit de son bureau les dents encore serrées de ce qu'il venait de voir. Comment à quelque moment que ce soit, un politicien avait pu donner l'ordre de mettre cette monstruosité en marche ? Et cette histoire de "vampire" c'était vraiment n'importe quoi. Alors qu'il atteignait le perron du bâtiment typique qu'il occupait comme son bureau, il vit apparaître une jolie jeune femme rousse. A cette vue, il soupira.

« Je ne vous attendais pas de si tôt, Mlle Diningam ! », dit-il, contrarié.

« Y aurait-il des choses que je devrais savoir ? », s'amusa-t-elle, « Je ne venais que pour une visite de courtoisie. »

« Ne me dites pas qu'une journaliste aussi importante que vous, ne viendrait que me proposer de prendre le thé, après m'avoir suivi depuis Washington. », ajouta le Lieutenant-Général, « Remarquez, dans cette petite ville, ce ne serait pas désagréable. »

« Vous avez visiblement autant le mal du pays que moi. », dit-elle.

Elle lui tendit le bras. Ils se dirigèrent vers l'unique "bar-tabac-hôtel-restaurant" des environs. C'était une maison aux formes typiques, de bois peint en bleu et aux volets verts qui possédait un perron à un peu plus de deux mètres du sol, contre les neiges de l'hiver, et un écriteau délavé indiquant "Koalas' Ends". Quel étrange nom pour un bar dans un coin comme celui-là.

« Alors, qu'est-ce qui amène le sujet favori de mes articles dans cette contrée sauvage et glacée ? », dit-elle avec impertinence.

« Cet endroit doit rendre les gens fous, voilà que je pactise avec le diable. », rit-il en soufflant sur sa tasse de thé.

Il lui rendit un sourire forcé et éclata d'un rire franc. Elle posa son magnétophone sur la table, poussa le bouton d'arrêt et leva les mains.

« Bon alors, une trêve, si scoop il y a, ce ne sera pas de votre faute. », ajouta-t-elle.

Et il savait qu'il pouvait croire la jeune femme. C'était un de ses contacts, un moyen d'avoir des renseignements qu'un militaire ne pouvait avoir facilement et discrètement, elle travaillait officieusement pour lui, et il lui permettait parfois d'avoir la primeur sur des informations que le ministère allait laisser filtrer. Un deal correct à son avis.

« Mlle Diningam... »

« Appelez-moi Asheley, nous nous connaissons depuis assez longtemps, je crois. », coupa-t-elle sur un ton de détente.

« Asheley... Cette fois, c'est une catastrophe colossale qui pourrait entraîner une partie de mes supérieurs dans un trou dont ils pourraient difficilement se sortir. Ils ont laissé un avantage au mauvais homme, et je suis chargé de faire le ménage. »

« Vous parlez du Docteur William Arthur Snow ? », demanda-t-elle.

Elle comprit instantanément qu'elle venait de toucher au bon endroit à l'instant de surprise que manifesta Charles.

« J'ai lu son dossier. Je m'y suis intéressée au moment de sa mort. C'était un généticien de génie, et un féru d'occultisme. », dit-elle en regardant sa tasse, « Il semble que sa mort ne soit pas aussi normale qu'elle veuille bien le sembler. »

« Après ce que j'ai vu sur mon bureau, ce n'est pas réellement le mot génie qui me vient à l'esprit pour qualifier le Professeur Snow. », dit-il d'un ton sec.

Elle leva un sourcil, avec un air signifiant « c'est-à-dire ? ».

« Désolé, mais ça, c'est secret défense. », dit-il en lui rendant son regard, « Et puis, je ne peux pas me permettre de sortir ce type de photos ici, ça vous couperait l'appétit, si ce n'est plus. »

« Alors ce qu'on raconte sur lui est vrai, c'est un docteur Frankenstein ? », ajouta-t-elle, « Son dernier collaborateur avant qu'il ne disparaisse de la circulation, pour servir l'état je suppose, m'a déclaré qu'il ressemblait en tout point au docteur du conte de Mary Shelley. »

Charles baissa les yeux un instant pour fixer sa tasse.

« C'est approchant, mais le docteur Frankenstein dans le conte utilise des cadavres. », finit-il par déglutir, « Snow jouait avec des êtres vivants. »

Asheley vit au regard de son interlocuteur que, même pour un militaire de carrière ayant participé à plusieurs conflits, ce n'était pas facile à supporter.

« Que pensez-vous du reste des affirmations ? », demanda-t-elle finalement, « Celles qui parlent de produits biologiques instables importés d'Europe ? »

« Je n'ai pas entendu parler de ce point de l'histoire », dit-il en terminant sa tasse, « Je crains que ce ne soient que des rumeurs. »

Il se leva et prit l'addition sur la table.

« Sur ce, j'ai des ordres à donner, un hélicoptère à faire préparer et je me lève vers 4h00 demain, si vous voulez bien m'excuser. »

Elle se leva et le salua.

Nehwon

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