Contes Spalliens : Chapitre 46 - Bague

La personne que recherchait Black rentra tard le soir même. C'était un homme d'apparence fruste. Il avait la peau parcheminée de celui qui a l'habitude des vents secs et chauds du désert, ses vêtements étaient quelconques et donnaient donc l'apparence de celui qui cherche à ne ressembler à personne, et aucune arme n'était visible.

De fait il était difficile de dire s'il venait des hauts plateaux de l'intérieur du continent, ou des lointaines Terres Arides, situées par delà les Océans. Son langage n'apportait aucun indice ; il parlait sans accent, mais d'une manière académique qu'on peut apprendre dans n'importe quelle académie de la planète.
Pour Black, la seule chose de sûr, c'est que c'était un déraciné.

Etablir le contact était le moment critique. L'homme était assez intelligent pour opérer seul dans un secteur assez complexe, où différentes guildes plus ou moins officielles se partageaient les revenus du commerce.
Il était cependant douteux qu'il soit au courant de tout. Il fallait le suivre et remonter le réseau, sans révéler l'observation.

Le meilleur moyen aurait été de devenir un associé, ou un employé. Black n'avait pas pris l'apparence d'un homme d'arme pour rien.
Restait à créer le besoin d'une bonne lame et à établir une relation de confiance. L'homme n'était certainement pas sans ressource, et il fallait une raison exceptionnelle pour changer ses habitudes.

Pendant qu'il réfléchissait au meilleur moyen de nouer le contact, Black continuait à examiner son butin de guerre Drow, il remarqua alors, dans une autre bourse, une bague d'aspect étrange. Quand il la prit pour la voir de plus près, il y eut un éclair sombre et une forme d'ombre apparut juste devant Black.

Il n'eut que le temps de plonger en arrière pour éviter les griffes translucides et froides. Tandis qu'il se relevait en dégainant son épée, il fut surpris par la rapidité du monstre, qui déjà était en position de frappe. Black fut donc de nouveau obligé de reculer pour éviter l'attaque. Il ne lâcha cependant pas sa lame et prit suffisamment de champ pour profiter de la portée supérieure de l'arme par rapport aux bras qui cherchaient à l'atteindre.
Il ne frappa cependant pas en premier, mais sectionna d'un geste vif les dits bras, qui disparurent, ne laissant que des moignons à la créature gémissante. Elle ne gémit cependant pas longtemps, car sans s'arrêter, l'épée revint et prit la tête. Il y eut comme un silence dans le bruit de la salle quand l'ombre disparut.

Les clients s'arrêtèrent dans leur mouvement de repli (peu avaient vraiment fui, la plupart avait sorti ses armes) et restèrent à regarder Black. Ce dernier rengaina, pour bien montrer que c'était fini, puis calmement il retourna au reste de sa table, ramassa la bague avec une baguette et la remit dans la bourse, qu'il ferma avec soin avant de la mettre dans une boite en fer, qu'il verrouilla.

Il sortit ensuite sa propre bourse, et en sortit 4 pièces d'or :
« - Pour les dégâts physiques et moraux.
- Ouais, parce que j'ai eu vachement peur. » Fit le moins malin de l'assistance.
Les autres, pas tous d'ailleurs, se contentèrent de prendre le verre gratuit. Le tavernier empocha le reste.

« - Il est évident que cet objet n'est pas fait pour n'importe qui. » L'homme du désert semblait intéressé par la bague. Trop beau pour être vrai, pensa Black.
« - Et vous n'êtes pas n'importe qui, je suppose ?
- Disons que je suis quelqu'un avec beaucoup d'argent.
- Sur vous ?
- A disposition.
- Et si j'accepte, vous viendrez récupérer l'argent en vous servant de la bague.
- Si je dis non, vous ne croirez pas.
- Et vous êtes si sûr de pouvoir la maîtriser ? Vous ne savez même pas d'où elle vient.
- J'ai... Nous avons de la ressource. Si ce n'est moi, ce sera un autre. »

Black prit l'air de réfléchir, même s'il savait très bien ce qu'il voulait. Il en profita pour chercher du regard dans la pièce. Il vit ce qu'il cherchait et décida de se lancer.
« - Et si je ne veux pas de l'argent ? J'ai suffisamment traîné pour savoir que l'argent ne fait pas tout, surtout si on en reçoit beaucoup d'un coup dans un pays où l'on est inconnu.
- Vous avez déjà envie de vous retirer ? »
L'homme avait l'air réellement surpris, mais il avait deviné ce que Black voulait dire.
« - Et pourquoi pas, j'en ai suffisamment vu pour être lassé, du moins lassé de me battre pour de l'argent. Rien ne change jamais, j'ai l'impression de faire du surplace.
- Vous voulez nous rejoindre ?
- Je n'ai pas dit ça, j'ai dit que je voulais autre chose que de l'argent, quelque chose de plus constructif. Je ne vais pas embrasser une cause comme ça. Par exemple, admettons que je ne puisse pas me servir de la bague, avez-vous quelque chose d'autre à me proposer ? Pas une arme de préférence » précisa-t-il en posant sa main sur l'épée.

« - Vous restez trop vague, si vous voulez un autre artefact en échange de la bague, vous pouvez accepter l'argent et vous en servir pour acheter autre chose après. De plus, je n'ai sur moi aucun objet à échanger.
- Vous avez raison, l'argent n'est pas très différent d'un artefact. Alors j'aimerais un service à la place.
- Un service ?
- Vous êtes seul, vous n'avez pas d'arme et vous dites avoir beaucoup d'argent à disposition. Donc vous pratiquez les arts occultes.
- Et si c'est le cas, que voulez-vous que je fasse pour vous ?
- Me prendre comme élève. »
L'homme prit quelques instants pour réfléchir :
« - Vous êtes trop vieux pour commencer, et je ne suis peut-être pas un bon professeur.
- J'ai toujours appris rapidement, et je ne suis pas totalement profane. De plus je ne vous demande pas de me livrer tous vos secrets, juste de m'apprendre les bases pour pouvoir continuer tout seul après. Et si la bague ne suffit pas, j'ai une ou deux autres choses en réserve. »

La proposition n'était pas sans intérêt, mais elle incluait que Black le suive pendant un bon moment, au moins une année. Mais la bague semblait puissante, rien que sa protection était impressionnante. Et puis ...

« C'est d'accord, mais rendez-vous à la sortie de la ville demain matin, j'ai un ou deux trucs à régler avant de quitter la ville. »
Ils se serrèrent la main, puis se séparèrent. Black refit le tour de la pièce du regard, mais il ne restait plus qu'un trognon de pomme.