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 Autrement...

Autrement... : Partie 14 - Attente et Connaissance

Julian regardait son frère endormi près de lui. Il tentait de comprendre ce qui venait de se passer. Ils étaient tous enfermés dans une grange à l'extérieur de la ferme. Ils étaient attachés. Ça s'était passé si vite, ils étaient entrés en défonçant la porte, Edouard et Luc avaient tenté de les protéger mais ils n'avaient pas tenu très longtemps en face d'hommes entraînés. On les avait cognés si longuement que Julian se demandait comment ils avaient pu survivre tous les deux.
Ils étaient là aussi, allongés sur la paille, dans un état que Julian ne voulait pas définir par peur de conclure. Il était aussi incapable de les aider, il était lui-même attaché et les liens étaient tellement serrés que ses mains le démangeaient terriblement depuis qu'il avait ouvert les yeux. Il avait un autre sujet d'inquiétude, son frère n'était toujours pas revenu à lui.

Il avait trop cru que la vie était une chose simple où le bonheur allait de soi. Julian avait compris, lui, lorsque son père était entré dans la maison qu'il n'était pas là pour les sortir de ce mauvais pas. Thomas s'était simplement jeté dans ses bras en pleurant de soulagement. Julian ferma les yeux, il revoyait encore la scène.

« Papa... », cria son petit frère en se jetant en avant.

Julian eut juste le temps de voir ses yeux froids, terribles et agressifs.

« Mes fils sont morts. », prononça-t-il d'une voix si sourde que Julian en tremblait encore.

Et il avait frappé Thomas au visage, si fort que l'enfant avait décollé et fait presque un tour sur lui-même avant de rencontrer le sol lourdement.

Il les avait regardés quelques instants. Ses yeux étaient monstrueux, pleins de haine, d'une colère silencieux et terrifiante. Julian n'avait jamais vu son père comme ça et ça lui avait fait terriblement mal. Il savait maintenant qu'ils n'avaient plus aucune chance de retrouver leur père comme il l'avait connu avant l'Eveil. Julian s'avouait aussi que l'homme qu'il avait idéalisé jusque là, n'était autre qu'un fasciste à l'âme noire.

Il se força à sortir de sa morosité. Il se dit qu'il devait faire quelque chose coûte que coûte. Il se demanda aussi ce qu'ils avaient fait des autres. Il n'avait pas réussi à voir où ils les emmenaient.
Il tenta de bouger ses poignets pour desserrer ses liens, mais c'était peine perdue, il risquait juste de se couper jusqu'au sang. Il chercha des yeux une solution pour se libérer et trouva finalement un clou de charpentier qui dépassait d'une poutre et qui semblait suffisamment aigu sur ses arrêtes pour lui permettre de couper la corde de chanvre qui lui arrachait la peau.

Il lui fallut une bonne demi-heure pour réussir dans son entreprise. Il soupira de soulagement quand il put enfin masser ses poignets meurtris. Il s'approcha, après s'être débarrasser des liens qui lui enserraient les pieds, de Luc, qui était le plus gravement blessé... Julian regarda les plaies se refermées devant ses yeux et compris pourquoi ils n'avaient enfermé les autres avec eux. Luc et Édouard étaient aussi des Éveillés. C'était clairement le point commun entre les personnes de cette pièce, la question était « Comment avaient-ils deviné que Luc et Édouard étaient des Éveillés, puisque rien ne le laissait voir ? »
Julian tenta de faire sortir Luc du coma. Son corps semblait brûlant au toucher et il se demanda si c'était du fait de son étrange capacité à régénérer ses tissus ou s'il était plus proche de la mort qu'il ne le pensait. Édouard semblait entre le monde réel et le sommeil du coma. Il gémissait parfois sourdement. Julian sentit le désespoir passer dans son esprit. Ils étaient nombreux, dehors, et armés de fusils automatiques.
Luc ouvrit un oeil. Julian sursauta quand sa main se posa sur son bras.

« - Tu vas bien ?, demanda Luc.

- C'est pour toi que tu devrais t'inquiéter, répondit Julian.

- Non, je ne risquais pas grand chose, personnellement.

- J'ai un peu peur pour Thomas et pour Édouard, ils n'ont vraiment pas l'air bien. »

Luc se leva et détacha Thomas. Il l'allongea sur une botte de foin, à l'endroit où il avait lui-même reposé quelques instants plutôt. Il semblait maintenant dans l'état d'une personne très fatigué et courbatu. Julian fut choqué, même s'il avait compris que Luc était un Eveillé depuis qu'il avait ouvert les yeux après l'intervention des hommes en noir.

« - Il n'a rien de grave, je crois que sa douleur n'est pas physique.

- Je le comprends. »

Julian baissa les yeux et serra les dents pour ne pas pleurer. Il regarda Luc, finalement.

« - Quand est-ce qu'on va aider les autres ?

- Quand ils auront repris conscience, je crois. », dit Luc en regardant Thomas et Édouard.

*
* *

Ethan regardait la vue depuis l'étage du plus grand bâtiment de l'université. Jamais il n'avait encore été aussi vite proche des autorités, et pour une fois, ce n'était pas pour des problèmes. Enfin, il le supposait. Jordan regardait son invité, accoudé à la balustrade de pierre du balcon de son bureau. Il savait que cet homme avait une importance fondamentale dans le courant de l'avenir. Il savait aussi qu'il ne lui arrivait pas à la cheville au niveau du décryptage des lignes du destin. Maintenant, il supposait que l'homme en question faisait partie du peuple de l'Automne. C'était une ancienne légende qui parlait d'Elfes pervertis par les soeurs du destin. Elles leur avaient offert l'immortalité, et en contrepartie, ils leur offraient neuf mois de souvenirs par année de leurs vies éternelles.
Dans la légende, ils avaient été libérés par l'un des leurs qui avait refusé la fatalité et coupé les fils de la vie des trois soeurs de la destinée, libérant par la même occasion les humains de leurs servitudes.
Ce n'était qu'une légende, bien sûr, mais les Éveillés du peuple de l'Automne possédaient un étrange pouvoir sur la destinée, mais aussi sur les anciens éléments des Celtes.

Ethan se retourna pour faire face à Jordan.

« Je vous imaginais différent, dit-il avec un peu petit sourire.

- Vous me cherchiez ?

- Je ne sais jamais ce que je cherche avant de l'avoir trouvé, répondit-il. Et vous faites partie des personnes que je cherchais en effet.

- Est-ce bon ou mauvais ?

- Tout dépend du point de vue que vous prenez, si vous voulez savoir si le monde que vous cherchez à protéger va rester comme il est actuellement. La réponse est clairement non. Si vous voulez savoir si vos craintes sont fondées, je ne peux pas vous répondre, parce que ce n'est pas programmé, rien n'est programmé.

- Je sais, ça ne veut pas dire que je n'aimerais pas que ça soit plus clair.

- Et d'être sûr de ne plus pouvoir rien faire ? Très peu pour moi ! »

Nicolas avait déjà perdu le fil depuis un moment et ne cherchait plus à suivre la discussion qui devenait de plus en plus obscure à chaque seconde. Il fixait l'homme, cet Ethan, si étrange qui paraissait flou à ses perceptions nouvelles et dangereux à ses perceptions ordinaires.
Il faisait flotter de petites sphères aux dessins asiatiques autour de ses mains comme si de rien n'était.
Jordan compris qu'il n'était pas le centre de l'intérêt mystique d'Ethan, mais que c'était Nicolas. Il tourna les yeux. L'enfant paraissait dans les nuages et il contrôlait parfaitement son pouvoir. Jordan en fut encore une fois étonné, comme si le gamin était capable d'engranger les possibilités de pouvoir comme une éponge, sans avoir besoin de travailler son pouvoir grandissant.
Il se rappela qu'il en avait été de même pour lui. Mais il avait toujours eu peur de ce pouvoir depuis l'explosion et ne l'avait jamais employé à l'intégralité de sa puissance, fabriquant des barrières de mots et de symboles pour restreindre la rivière tumultueuse de l'énergie qui vibrait en lui. Nicolas n'avait aucun de ces blocages.

« - Je vais me trouver un endroit où dormir, commença Ethan, je vais rester dans le coin.

- Je m'en doutais un peu, répondit finalement Jordan, j'ai fait préparé une des chambres universitaires libres. Elle sera à votre disposition tant que vous voudrez l'utiliser.

- Je vous remercie. »

Ethan tourna le dos à la pièce et se dirigea vers la porte. Il se retourna brusquement.

« Vos amis sont en danger, et vos préparatifs seront utiles. Je ne sais pas pourquoi je vous dis cela ni pourquoi le destin me montre ces images, mais je crois que j'ai décidé de vous aider. C'est la première fois que j'interviens dans l'Histoire. »

Jordan resta interdit. Il s'approcha de son bureau. Il posa une main sur la carte de bristol qui disait :

« Je suis désolé d'avoir perdu le sens commun, et vous propose de vous rencontrer au plus vite pour prendre un plus grand cas de la situation délicate qui se présente devant nous.

Très cordialement,

Albert Mercurey »

« C'est un piège », pensa Nicolas.

« Je sais », répondit Jordan à haute voix, mais je veux savoir ce qu'il cache.

Nehwon

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