banniere

Retour

Contes Spalliens : Chapitre 43 - De la magie

Balos était une ville atypique. Située à la frontière sud de Bolidraks, elle était un important centre de commerce. Là, les matières premières remontant des grandes plaines australes, principalement occupées par les nations orques, s'échangeaient contre les produits élaborés venant des nations humaines de toute la côte ouest du continent.
C'était donc aussi un important centre de croisement des races, des religions et des cultures. Outre Humains, Nains, Elfes, Orques, Gnomes, Kobolds et Halflings, races relativement cosmopolites et répandues, on y trouvait aussi des races plus récentes et rares : Felis, humanoïdes félins, Wemics, qui possédaient, à la manière des centaures, un torse humain et un corps de lion, et les atypiques Thri-keens, insectes géants et intelligents, artificiers de génie.
C'était donc une zone sensible, non seulement pour la prospérité du pays, mais aussi pour la paix des plaines australes, beaucoup d'états ennemis commerçant par cette artère vitale. Et c'était Evisan, le "copain" d'Erin, qui avait la charge de cette poudrière.

Le voyage depuis Lemieu, où avait eu lieu la plupart des incidents avec les machines, avait été rapide grâce à l'utilisation, par Evisan et par Atzla d'un puissant sortilège de vol. A la surprise du mage, non seulement Atzla avait réussi à maîtriser le sort en à peine une heure, mais elle avait montré une aisance troublante dans la pratique du vol, qui nécessitait normalement une période d'apprentissage.
Ils arrivèrent donc au château du mage en moins d'une semaine. Cette fois-ci ce fut Atzla qui fut surprise. Elle s'était plus ou moins attendue à une tour blanche, aérienne, dominant la ville en son centre. Cependant, non seulement il s'agissait d'une place forte ordinaire, abritant une forte garnison, mais elle n'était pas située dans la ville elle-même. Elle se dressait dans les montagnes alentour, dominant la ville du haut d'une falaise, à côté d'un village isolé d'à peine 2000 habitants, composé exclusivement de fermes humaines.

« - Pourquoi ne pas être plus proche de la ville ? C'est trop loin pour gérer les affaires courantes.
- C'est l'emplacement habituel du pouvoir, c'était la ville la plus importante quand les plaines étaient soumises aux pillages réguliers. Et puis Balos possède son propre gouverneur. Je m'occupe surtout de ce qui se passe à côté... »
Ils se posèrent un peu avant l'aube, ayant voyagé de nuit pour éviter les questions dérangeantes. De même, ils avaient convenu de faire passer Atzla pour une élève en magie ordinaire et celle-ci commença donc à s'habituer lentement à la vie de la forteresse.
Quand Evisan était retenu par la gestion de la région, elle restait seule dans ses quartiers à lire des livres sur le monde, ses alentours, son voisinage, son histoire et, bien sûr, son fonctionnement et les moyens d'y agir. Quand il avait le temps, son maître l'éclairait sur les points les plus difficiles.

« - Les sorts sont des assemblages de gestes, paroles et parfois de matériaux, sans aucun rapport direct avec le résultat à atteindre ?
- Oui, je te l'ai déjà dit.
- Alors comment fait-t-on pour inventer de nouveaux sortilèges ? On ne peut pas essayer en gesticulant au hasard ! Ca prendrait beaucoup trop de temps !
- Hum, bonne question. En fait, les sorts que tu as déjà appris sont des sortilèges très élaborés, issus de millénaires d'amélioration. Ils sont composés de ce qu'on appelle des composas, qui sont en quelque sorte des effets de base, les premiers effets à avoir été découverts. C'est en assemblant, en adaptant ces composas qu'on forme les sortilèges efficaces. C'est un peu comme des notes qu'on assemblerait pour faire un chant.
- Il y en a beaucoup des composas ?
- Personnellement j'en connais quelques centaines, et je peux bricoler de tête des petits effets magiques avec. Mais les sorts vraiment sérieux nécessitent une préparation pour se souvenir exactement de la séquence à effectuer. On n'improvise pas la magie.
- Et les écoles de magie ?
- Viennent du fait que les sorts aux effets voisins utilisent beaucoup de composas en communs. Un magicien peut donc se concentrer sur l'étude d'une famille spécifique afin de les utiliser avec plus d'efficacité. »

Atzla commença donc à apprendre les composas, les règles qui régissent leur "assemblage", les théories essayant d'expliquer leur fonctionnement. Et Evisan commença à découvrir un peu plus Atzla.
Ce n'était pas seulement qu'elle avait une mémoire absolue en certains domaines, elle semblait aussi appréhender la magie selon un angle légèrement différent de celui d'un Humain, ou même de celui des autres races.
La plupart y voyait quelque chose touchant au fonctionnement intime de l'univers, aux Lois le régissant. Atzla parlait plutôt de quelque chose qui ce serait trouvé à part, comme surimposé.

« - Tu m'as bien dit qu'une fois par an la magie disparaissait pendant un jour.
- Ce n'est pas vraiment une disparition, on peut toujours s'en servir, mais c'est beaucoup plus difficile. Elle est toujours là. Et ce phénomène n'existe pas depuis toujours, il a été mis en place par les Créateurs après qu'un archimage les ait défiés. C'est pour remettre tout le monde à sa place.
- Mais pendant cette journée tout continue de fonctionner normalement. La lumière du soleil ne faiblit pas, le vent continue de souffler.
- L'événement n'affecte pas les dieux ou entités équivalentes.
- Mais leur pouvoir est différent, ils ne se servent pas de composas.
- Non, c'est vrai. Leur volonté est assez puissante pour modifier le monde sans s'en servir. Cela prouve que la magie a été pensée avec le reste, elle fait partie intégrante du monde. C'est le pouvoir des divinités qui vient en plus.
- Cependant, je garde l'impression que le monde pourrait se passer de magie, comme il pourrait se passer des dieux. Dans la vie de tous les jours, je n'observe aucune différence avec celui d'où je viens. Même la structure de l'univers est identique. Et il n'y avait ni dieu ni magie là d'où je viens.
- Oui, mais ce monde sans magie, est-ce que ce serait vraiment ce monde ? Ce n'est peut être pas quelque chose d'essentiel à l'existence en tant que tel, mais la magie participe, comme les dieux, participent intimement à son identité profonde. Après tout, tu pourrais dire la même chose de la vie. La planète tournerait toujours autour du soleil si elle était stérile, mais ce ne serait plus vraiment la même planète.
- Euh..., oui c'est vrai.
- La magie participe de la Création. »
Evisan marqua une pause puis poursuivit.
« De cette création en tout cas. »

Atzla finit donc par apprendre les sortilèges proprement dits, non plus de manière empirique comme avant, mais de manière rationnelle. Elle y arrivait beaucoup plus facilement et efficacement que son maître, et elle le surpassa rapidement en puissance pure, atteignant un niveau qu'Evisan n'avait vu que rarement, maîtrisant des sortilèges trop complexes pour lui. Si Atzla n'avait un caractère simple et doux, il aurait été terrorisé par une telle puissance.
Cependant elle manquait beaucoup d'expérience dans l'utilisation des sorts, et cela serait plus long à acquérir. Evisan resta donc le maître pendant encore quelques semaines.

Dvorak

Précédent - Suivant