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Blackclaws : Blackclaws - 4

Il partit d'un bon pied et ne lança aucun regard en arrière. Dans deux ans, il pourrait revenir. Il avait deux ans pour s'entraîner avec sa nouvelle arme, et deux ans à survivre, rien que pour ridiculiser de nouveau la pourriture vinassée qui leur servait de doyen.
Apres quatre cent mètres sur la route principale, il trouva le petit chemin qu'il cherchait. Il menait à un lac asséché au milieu de la forêt. Il avait appartenu à un vieil homme que Thäan n'avait connu que sous deux noms : le vieux Duuhpaisheur et grand père. Il était le seul bambin à pouvoir l'appeler de la sorte, pourtant, aucun lien familial ne les unissaient.
Peu de monde connaissait le lieu où avait été construite la vieille cabane. Thäan l'avait su après avoir suivi Duuhpaisheur jusque là. Cette aventure lui avait coûté une bonne fessée par le vieil homme. Elle fut si forte qu'il ne put s'asseoir avant deux jours.
Le jeune homme aurait parié son âme que le vieil ivrogne ignorait tout de cette chaumière, et il ne s'était pas trompé. Le vieux pochtron ne se souciait de rien hormis de l'ordre des bouteilles dans sa cave.
Ainsi, le jeune homme était sûr d'être tranquille pendant quelques temps, en plus, la tour de Lyokham n'était qu'à deux kilomètres de la cabane. Il ne lui suffirait que de passer la colline et il serait arrivé à destination.
Il s'enfonçait toujours dans Noireterre, suivant le petit chemin qu'il avait pris à la sortie du village. Il grimpa pendant deux kilomètres puis s'arrêta pour s'étirer. Sa mère avait chargé le sac comme une mule alors qu'il se l'était préparé rapidement, ne prenant que le nécessaire.
Il ouvrit une poche et trouva un morceau de pain fourré à la viande qu'il grignota un peu et se remit en route après avoir rangé l'encas là ou il l'avait trouvé. Il montait toujours quand un bruit le fit s'arrêter. Il se fixa deux seconde, lâcha son sac et contourna un gros chêne sur lequel il s'installa, guettant le moindre mouvement. Il n'attendit pas longtemps, il vit sortir deux loups gris d'un buisson.
Reconnaissant ses protégés, il sauta de la branche sur laquelle il s'était posé. Il atterrit juste à côté des deux loups, assis l'un à côté de l'autre. Le pansement de la louve semblait tenir, mais il lui semblait qu'elle souffrait un peu.
- Tu n'es pas encore complètement rétablie, tu n'aurais pas dû me suivre, fit-il en lui caressant la tête.
Les deux canidés glapirent en même temps, frottèrent leur museau sur le visage de Thäan et le léchèrent du bout de leur langue. Il leur ébouriffa la tête et se releva.
- Allez, on y va. On a fait que la moitié du chemin et il faut arriver avant la nuit.
La mère et le fils se levèrent en même temps et ouvrirent le chemin. Ils marchèrent ainsi pendant plus d'une heure encore quand ils arrivèrent dans une toute petite clairière. Ca n'était même pas une clairière, mais plutôt une trouée parmi les arbres. Au milieu trônait la petite maison nommée «la cabane Duuhpaisheur».
Voyant enfin la cabane, il accéléra le pas. Il allait devoir se dépêcher de trouver du bois avant que la nuit ne tombe. Il ouvrit la porte et s'arrêta net. Alors que les toiles d'araignée auraient dû se battre pour avoir un minimum de place entre les vieilles cannes entassées dans un coin, tout avait été nettoyé avec grand soin, même les carreaux étaient propres.
Il posa son sac dans un coin et inspecta les lieux. Tout était à sa place, mais quelque chose lui semblait bizarre. Il ne savait quoi, mais il trouvait ça malsain. Soudain, les deux loups se mirent à grogner tout les deux en même temps. Ils se postèrent devant la porte prêts à bondir. Thäan les dépassa et sortit devant la porte. Il retarda autour de lui et commença à faire le tour de la cabane. Il passa à côté du billot pour fendre le bois, la hache était posée à côté. Tout en inspectant les alentours, il continuait à faire le tour et rassembler les preuves que quelqu'un habitait cette demeure depuis peu.
Alors qu'il avait fini de contourner la maisonnette, une explosion retentit dans le bois, à l'ouest de la maison. Il rentra dans la cabane et saisit une épée qui gisait sur la table et ressortit, les sens aux aguets. Il s'avança vers l'origine de la détonation et s'arrêta brusquement. Un homme venait de sortir des fourrets portant une personne sur le dos. Quand il vit Thäan, il s'arrêta net. Les deux jeunes hommes se scrutèrent du regard un moment, quand une escouade d'Orcs sortit à la suite des deux étrangers. Voyant l'inconnu en danger, Thäan se lança sur les Orcs, donnant le temps au jeune homme de déposer à l'abri la personne qu'il portait. Thäan portait estoc sur estoc, ne laissant pas le temps aux immondes humanoïdes le temps de comprendre.
Cependant, à vingt contre un, le jeune homme n'allait pas tenir longtemps. Alors que son épée venait de trancher la tête d'un Orc, il s'aperçut qu'il était maintenant encerclé. Deux ombres vinrent lui porter secours, suivies de l'étranger. Les deux loups sautèrent chacun sur un Orc, laissant derrière eux une trouée assez grande pour que Thäan puisse sortir de la ronde. Le jeune homme se battait avec une arme assez originale, elle ressemblait à un baton surmonté d'une épée. Même s'il n'en avait jamais vu ,il en avait entendu parler par son père. Il avait devant lui une hast-épée.
On racontait que son maniement était quasiment impossible. Le jeune homme lui prouvait à l'instant le contraire : il était entré dans une danse de la mort qui mit en pièces trois Orcs en un rien de temps.
Il mesurait un mètre quatre vingt au bas mot et avait l'agilité d'un félin. Il se déplaçait avec une fluidité et une rapidité extrême. Il semblait Humain, mais ses déplacements posaient un doute la dessus. Un grand sourire traversait son visage. Malgré ses vêtements bordeaux amples, on pouvait deviner sa fine musculature, pas de gros biceps, mais des muscles fins et puissants. La facilité avec laquelle il esquivait les coups de ses adversaires prouvait qu'il possédait une agilité et une force hors du commun.
Alors que lui même finissait un ennemi, Thäan aperçut à l'extérieur du groupe un Orc qui dessinait dans l'air des arabesques en marmonnant. Il était sensiblement diffèrent de ses acolytes. Une boule de feu apparut.
Un Demi-Orc, pensa-t-il.
Ni une ni deux, Thäan se posa entre le jeteur de sort et le jeune homme accompagné des deux canidés, il joignit instinctivement les mains et les leva, paumes ouvertes vers le Demi-Orc. La boule de feu fusa vers Thäan et cogna contre ses mains. Il les écarta et la boule de feu se scinda en deux. Ne comprenant pas tout à fait ce qu'il se passait, il relança les boules de feu à son envoyeur... qui finit en un petit tas de cendres.
Les Orcs, témoins de la défaite de leur mage, s'enfuirent sans demander leur reste. Les loups, trop heureux de tailler de l'Orc en attrapèrent chacun un au vol et leur arrachèrent la gorge d'un coup de mâchoire.
Seul un vétéran resta pour tenir tête au jeune inconnu. Celui-ci esquiva toutes les attaques du vieil Orc avec une facilité déconcertante. Après plusieurs pirouettes et autres pas chassés, il fit tourner son arme et l'abattit d'un coup sur le crâne de son adversaire. Celui-ci ne comprit jamais ce qu'il lui arrivait, il tomba sur le sol, la tête partagée en deux.
Le jeune guerrier se retourna et s'avança vers Thäan.
- Salut, je suis Wakao Ruh, fit-il en tendant la main.
- Je suis Thäan Shangarn, répondit-il, en caressant les deux quadrupèdes revenus à ses côtés. Et voici Kiâ et Ruoh.
Il se retourna et regarda en direction du compagnon de Wakao. En fait, c'était plutôt une compagne. Wakao se rendit à ses côtés et la reprit sur le dos, ses cheveux rouge-orangé tombant sur les épaules du porteur.
- Que lui est-il arrivé ? demanda Thäan.
- On a été surpris par ses crétins alors qu'on était parti chercher du gibier. Elle a pris un mauvais coup sur la tête. Il n'y a pas de trace de sang et c'est ce qui commence à m'inquiéter, répondit Wakao en se dirigeant vers la petite demeure.
- Et l'explosion que j'ai entendue ? demanda-t-il en ouvrant en grand la porte de la cabane.
- Elle était en pleine incantation quand elle a pris un coup de casque de la part du vétéran que j'ai fini tout a l'heure.
Il la posa délicatement sur le lit unique de la petite cabane et lui posa sur le front un pendentif en argent mêlé d'onyx en forme de loup. Il sortit de son sac une petite fiole pleine d'un liquide bleuâtre dont il déposa une goutte sur les lèvres de la jeune fille.
Ses oreilles pointues laissaient deviner qu'elle avait du sang elfique dans les veine. Elle portait une tunique verte ainsi qu'un pantalon de la même couleur, mais de quelle matière, ça, il n'aurait su dire...
- Il y a longtemps que vous vous êtes installés ?
- Non, on est arrivés il y a deux nuits, on cherchait un village du nom de Bresolth et la nuit nous a surpris. Tu connais ce village ?
- Et comment, j'en suis banni pour une durée de deux ans !! s'exclama Thäan en rigolant.
- Banni ? T'as fait quoi ?
- J'ai fait tourner le doyen en ridicule, et ça lui a pas plu.
- C'est tout ?
- Oui.
- Et bin, il rigole pas le doyen.
- Bah, c'est le caviste du village et il sait de quoi il parle, il est ivre du levé jusqu'au soir.
Un gémissement se fit entendre.
Tous deux se retournèrent et eurent chacun un haut le coeur en voyant la jeune fille : elle se consumait petit à petit sur le haut du corps et gelait à partir des jambes.
- Elle perd le contrôle de ses pouvoirs, elle est élémentaliste, mais sa particularité c'est de n'avoir aucun élément de prédilection,... ou plutôt de les avoir tous... Tu sais s'il y a un mage dans le coin ?
- Euh oui, mais il faut aller le chercher... Bouge pas.
Il sortit de la cabane et se planta à quelques mètres de la porte. Il joignit ses mains et se concentra quelques secondes... avant de les projeter vers le ciel. De ses doigts partirent trois petites boules rouges. Il attendit quelques instants et remit ça.
Il rentra dans la cabane et regarda la jeune femme.
- Il ne devrait plus tarder, maintenant.
- C'était quoi ces trois boules ? demanda Wakao.
- Un moyen qu'il avait trouvé pour me permettre de me retrouver dans la forêt quand j'étais gamin....
Un craquement retentit et Lyokham apparut sur le pas de la porte
- Déjà besoin de ...
Il ne finit pas sa phrase et se précipita au chevet de la souffrante, son sourire avait disparut.
- Il y a longtemps qu'elle est comme ca ? demanda-t-il.
- Non, juste quelques minutes, répondit Thäan.
- Comment est ce arrivé ?
- Elle a pris un coup à la tête en pleine incantation, répondit Wakao.
- C'est toi qui l'accompagnais ?
- Oui.
- Bon, pour aller plus vite, tu vas m'aider Thäan. Mets tes mains, paumes ouvertes sur la tête et sur les pieds.
Le jeune homme s'exécuta et, tandis que l'érudit croisait ses mains, il sentit immédiatement le pouvoir couler dans les pierres.
- En fait, son pouvoir est si grand que le moindre faux pas peut la détruire, expliqua le mage. Elle devrait revenir à elle d'ici quelques minutes. Elle ne devra pas faire usage de sa magie avant quelques jours. Elle a énormément besoin de repos.
Il se releva, lissa sa robe et se rassit, les deux mains croisées sur la table.
- Bien, maintenant, discutons un peu. Ce qui lui est arrivé n'aurait pas dû être d'une telle intensité. Il semblerait que quelque chose perturbe l'écoulement du mana. Il vous faudra bien faire attention quand vous utiliserez les arts occultes toi et... Mais au fait, je ne me suis même pas présenté. Je suis Lyokham, érudit de la classe première de l'Ecole de la Tour d'Argent.
- Mon nom est Wakao Ruh et elle, c'est Loa Suka. Nous sommes tous deux originaires d'un petit village des Montagne Vertes de l'Ornailla. Nous avons quitté le village il y a quelques mois suite a la découverte d'un texte relatant une aventure du père de Loa. C'était un Elfe assez connu, il s'appelait Tuséskil T'Dilhkacis.
- J'en ai entendu parler il y a quelques années, il avait eu quelques ennuis avec un groupuscule adorant les «Dieux des Ténèbres», intervient le mage.
- Les Dieux des Ténèbres, fit Thäan. Ca ne me dit rien, j'en ai jamais entendu parler.
- Et c'est normal, continua Lyokham, ils n'ont existé que pendant deux décennies, après ils sont morts avec le dernier des croyants.
- Ca peut mourir un dieu ? demanda Thäan.
- Je sais que l'idée est saugrenue, mais les dieux sont créés par ceux qui y croient et qui servent leurs ordres. Ceux que tu connais n'ont pas toujours fait partie de ce monde, il y en a eu d'autres bien avant et peut être y en aura-t-il d'autres dans quelques décennies. Le fait est que ce groupuscule était très fermé aux autres et ne regardait jamais autre chose que son nombril. Et si l'histoire est vraie, Tuséskil a fait partie de l'équipe qui a décimé cette bande de magiciens d'opérette. Ils avaient un gros défaut, ils sacrifiaient chaque année à la même période cent jeunes filles, sans distinction d'âge ça pouvait être une vieille comme un nourrisson. C'est ce qui poussa l'équipe dont faisait partie Tuséskil à intervenir, chaque membre ayant déjà eu affaire aux adorateurs des Dieux des Ténèbres. Aux dernières nouvelles, il aurait disparu juste après la mort du dernier croyant.
- Pas tout à fait, intervint Wakao, j'ai lu dans des archives qu'il serait apparu dans plusieurs villages humains mais qu'il vivait maintenant dans le village Denlénuage, où règne le grand Kazzh Himiir. Et c'est cette nouvelle là qui nous a fait partir.
Soudain, Lyokham leva les yeux et se tourna vers la porte de la cabane. Il se leva et se tourna vers les deux jeunes hommes.
- Il faut que je parte, dit le mage.
- Déjà ? Qu'y a-t-il ? demanda Thäan.
- Je ne sais pas, peut être rien.
Ses yeux allèrent se poser sur la jeune femme endormie.
- Surtout qu'elle se repose pendant au moins une semaine. A bientôt.
Il disparu dans un nuage de fumée rouge.

Drizzt

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