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Contes Spalliens : Chapitre 41 - Princesse impériale

Liselle était en train d'entretenir son épée dans le jardin de la pension.
Le terme de pension était bien sûr à prendre dans son sens Spallien : bien qu'il s'agissait effectivement d'un organisme chargé d'éduquer les jeunes gens, ils étaient mixtes et la magie, les notions de xénotique et surtout le combat occupaient une grande partie des enseignements.
Les professeurs étaient justes, mais sévères. L'arrivée de Drows pour enrichir la formation n'avait pas adouci le climat général. Cela n'empêchait cependant pas les enfants d'être des enfants. Les périodes de temps libre étaient occupées par de nombreux jeux, servant à continuer la formation à la vie en groupe. Le plus souvent il s'agissait de trouver comment
résoudre un problème sans l'aide des adultes, voire contre leur volonté, en unissant les forces.
Et depuis qu'elle avait 6 ans, Liselle menait la bande.

Ce soir cependant les bâtiments étaient calmes. La journée avait été particulièrement rude, avec un entraînement d'endurance épuisant et une séance de maniement d'arme en plein soleil. La plupart des enfants dormaient déjà, les autres lisaient.
Aussi la jeune impératrice était la seule, à l'exception d'un des jardiniers, handicapé au combat, qui ne trouvait plus son bonheur que dans son travail. C'est quand elle avait presque fini son travail que sa mère arriva.
Comme à son habitude, elle était très discrète et Liselle savait que personne dans la pension, à l'exception d'elle et du jardinier, n'était au courant. La jeune fille ne se leva cependant pas pour la saluer et finit calmement de refixer la garde. Puis elle rengaina sa lame, marqua une pose, et enfin leva son regard.

« - Bonsoir Mère.
- Bonsoir Liselle, tu maîtrises parfaitement l'entretien de ta lame à ce que je vois.
- Maître Polix insiste beaucoup sur le fait qu'il ne sert à rien de savoir manier une lame en mauvais état. Mais ce n'est toujours pas une vraie lame, même si elle y ressemble beaucoup.
- Ne te plains pas, je n'ai eu ma première épée qu'à 12 ans. Si tu te débrouilles bien tu pourras en avoir une pour tes 10 ans.
- Alors je voudrais une dague, une de très grande qualité. Comme ça je pourrais la garder pendant toute ma vie... Mais pour être franche, le maniement des armes ne me passionne pas vraiment.
- Pourquoi dis-tu ça ? Il est toujours utile de savoir se battre, même si on ne le fait pas souvent.
- Je suis d'accord, mais pourquoi y passer autant de temps ? Nous avons vu en cours que certaines machines pouvaient le faire mieux que n'importe quel homme. Et puis en tant qu'impératrice je vais passer presque tout mon temps à diriger le peuple, pas à le défendre l'arme à la main. Grand-père n'était pas un guerrier lui aussi.
- C'est vrai, mais il avait appris à parler aux esprits et aux puissances supérieures. Ce n'est pas quelque chose de simple, et lui-même aimait se détendre pour m'enseigner l'épée. Et cela demande plus qu'une simple inclination, c'est une vocation.
- Oui, mais les armes ne permettent pas grand-chose. Toi-même tu as fini par apprendre la magie pour t'aider dans ta tâche.
- Mais tu as Lothar, Nina et les autres pour t'aider. Personne ne peut tout gérer tout seul. Et tu étudies aussi la magie, on m'a d'ailleurs dit que tu t'en sortais très bien.
- Ce n'est pas la même chose. La magie n'est pas quelque chose de fiable. Elle ne sert à rien contre les Fées, par exemple, pas plus que les épées. Et puis les autres je ne les connais pas. Ils ne viennent jamais me voir ! Même père arrive parfois à se libérer.
- L'empereur est ton père. Même s'il est toujours occupé, c'est normal qu'il vienne te voir. Et j'ai entendu dire qu'il n'avait pas pu venir pour tes 8 ans.
- Il est passé quelques jours plus tard ! Et s'ils sont tous si occupés, je pourrais aller voir ce qu'ils font, comme ça j'apprendrai mieux à gérer l'empire.
- C'est trop dangereux. Tous risquent leur vie, y compris ton père. On ne peut plus se permettre une disparition de la famille impériale dans son entier. Cela désorganiserai Spalle pendant trop longtemps. Ici, tu es en sécurité.
- Mais, je suis loin de tout. Pourquoi ne pas m'envoyer dans d'autres pays alors ? Ceux qui ne connaissent pas Guerre. J'y apprendrai les bases du gouvernement, des relations diplomatiques... Wrax ce serait très bien. J'y serai au moins autant en sécurité qu'ici.
- Tu es trop jeune pour voyager. Tu ne bougeras pas tant que tu ne seras pas capable de te défendre seule. »

Liselle se figea. La voix de sa mère lui avait soudain ôté toute envie de discuter ce point. Elle ne bougerait pas, son avis n'avait aucun poids. Elle réfléchit un instant, puis décida de passer à autre chose.
« - Et comment vas-tu de ton côté, pas de problème avec les Elfes Noirs ? J'ai cru comprendre que l'Hydre avait bougé contre eux afin de les déstabiliser de l'intérieur.
- Tu t'es trompée, l'Hydre ne peut pas agir dans ce genre de situation. Ce sont des mercenaires, une partie des réfugiés, qui ont agi.
- Mais je sais que ...
- Tu ne sais encore rien, tu ne peux rien savoir de suffisant, tu n'as que 8 ans.
- Pourtant... C'est un jeu de mots, c'est ça. On joue sur les termes ?
- Non, l'Hydre n'a rien fait. Aucun de ses membres n'a décidé de cette action et personne ne leur a dit de le faire. Ce n'est pas du tout dans ses attributions. Les choses sont à la fois plus simples et plus complexes.
- Qu'appelles-tu simple ? A chaque fois j'ai l'impression que tu te moques de moi. Et puis il faut que j'aille me coucher, on va encore nous faire courir demain.
- Bon, et bien bonne nuit et bonne formation. »

Liselle ramassa son épée et commença à marcher vers les bâtiments quand elle s'arrêta et se retourna vers sa mère, qui n'avait pas bougé.
« - Maman ?
- Oui ?
- C'est vrai que tu as failli te battre contre Doujic quand tu étais petite ? »
Le nom de "Doujic" avait eu l'accent hésitant, mélange de terreur et d'admiration qui convient.
« Heureusement ses compagnons et Père m'ont retenue. Sinon... »

Dvorak

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