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Contes Spalliens : Chapitre 40 - Assassinat ?!

Leoto était inquiet, non pas à cause d'un quelconque évènement ou de la situation mondiale, mais bien du point de vue de la sécurité interne de l'Empire de Wrax.
C'était une hypothèse qui avait été envisagée dès l'origine, mais jamais on n'avait pu apporter la moindre preuve concrète. Jusqu'à aujourd'hui.

Le médecin qui avait mis le feu aux poudres n'était même pas particulièrement lié à la famille royale, ni même particulièrement au courant de la politique des palais. Cependant, il était indéniable qu'il était intègre et désintéressé. Seule sa volonté d'aider les autres et de trouver la vérité l'avait conduit à faire ce métier, puis à partir vers les Landes du Sud.
Pour l'instant, il se tenait devant l'empereur et ses proches conseillers sans être vraiment intimidé par leurs rangs et titres.

« - Mes seigneurs, c'est vraiment un honneur que d'être reçu par vous aussi rapidement.
- N'inversez pas les rôles, Docteur, si ce qu'on m'a dit est vrai, c'est plutôt moi qui devrais être fier d'avoir des sujets comme vous.
- Et si vous pouviez tout reprendre depuis le début, ce serait encore mieux. » fit une voix cristalline un peu endormie.
« Euh... » Le médecin était quand même assez troublé, relativement à son self-control habituel, par la présence d'Eofinne, qui était venue, selon les critères humains, presque nue. Le désavantage des réunions secrètes de pleine nuit.
« Et bien, je crois avoir trouvé de quoi est mort feu l'Empereur, votre père et ami. Il s'agit d'une maladie qu'on appelle "Oruno" et qui est
active dans le haut-centre des Landes du Sud, la zone frontière entre les royaumes Orcs de Flèches Ardentes, Vin et Hache et Sang de Lune.
- C'est des noms de royaumes ça ? » Cette voix-là n'avait rien de féminine, elle était grave, étrangement sonore et compréhensible. En fait le seigneur Arteonningenber parlait directement dans la tête de ses interlocuteurs, une manie très répandue chez ceux de sa race.
Sa présence aurait pu surprendre, mais bien qu'ayant le statut de simple mercenaire, il était proche de la famille royale depuis plus de 300 ans. Cela lui permettait par ailleurs d'augmenter son trésor.
« - Oh, oui ! De vrais royaumes, pas seulement des tribus qui ont bien tourné. Rien que Sang de Lune est fort de plus de 10000 guerriers et son taux d'accroissement de la population est de 5% par an. Mais là n'est pas le point, cette zone frontière, que j'ai visitée avec des laissez-passer des états concernés, l'est justement parce que c'est une zone quasi déserte.
Ceux qui vivent là-bas n'ont pas d'autre choix.
- A cause de la maladie ?
- Oui, elle n'est habituellement pas très active, mais régulièrement des épidémies apparaissent et déciment la population. C'est justement le cas en ce moment.
- Et c'est pour ça que vous y êtes parti ?
- Oui, à vrai dire j'entretiens une liaison avec un mage de Tourise, la capitale de Vin et Hache, et c'est lui qui m'a prévenu de l'épidémie.
- Qui est ce mage exactement ? » La question venait de Istral, un des hauts mages du palais, spécialiste en magie de Vie.
« - Il ne veut pas que je dise son nom, là-bas la situation est encore assez floue en ce qui concerne la magie. Et le fait d'être incognito augmente considérablement les chances de survie.
- Il est Humain ?
- Oui, seulement la moitié de la population est vraiment orc, le reste est métis ou humaine.
- Cependant, il se pourrait que...
- S'il vous plaît, messieurs, passons là-dessus, nous enquêterons plus en profondeur si besoin est. Au fait.
- D'accord. Donc en arrivant sur place j'ai commencé par me renseigner sur les
connaissances déjà acquises sur la maladie. Il m'est vite venu à l'esprit qu'il pouvait s'agir d'une maladie magique car aucun cas de guérison n'avait jamais été rapporté. Il existait même de nombreuses légendes qui mettaient en évidence son caractère inéluctable, car elle a souvent été fatale à de grands héros ou magiciens, par ailleurs invaincus. Ensuite en analysant les précédentes épidémies, j'ai réussi à mettre en évidence le fait que la
maladie progressait grâce au vent et que son aire de répartition augmentait au fil du temps selon la direction des vents dominants. Cependant une étude statistique des données fiables recueillies m'a permis de montrer que le nombre de victimes n'était pas proportionnel aux densités de population, enfin pas tout à fait, surtout elle n'est pas exponentielle, pas explosive si vous
préférez. On arrive assez vite à un plateau, mais seulement si l'on considère l'ensemble de la zone touchée... »
Leoto eut un petit sourire. Bien que mage, le médecin avait beaucoup plus de
connaissances en statistique et pourrait en parler des heures... Ils n'avaient pas de temps à perdre.
« - Et en abrégeant encore plus ?
- Et bien j'ai découvert que la maladie est dûe à une particule magique, indétectable si l'on ne sait pas ce que l'on cherche. Quand elle est respirée, quelque soit l'être vivant, elle se fixe dans le corps et provoque alors les symptômes que vous connaissez. Ce n'est que quand le corps est détruit, par pourrissement ou par incinération, que la particule peut à nouveau
être respirée. La particule agit un peu comme si elle maudissait tout corps sain auquel elle se fixe, on peut donc lever la maladie, mais celle-ci est remise en place tout de suite par la particule. On ne peut donc réellement guérir tant que la particule magique est dans le corps.
- Et le lien avec le vent ?
- Et bien la particule est assez lourde et à tendance à se déposer au sol. Ce n'est que quand le vent souffle assez fort qu'elle peut être emportée sur de longues distances.
- Et vous avez une de ces particules sur vous ? » demanda Leoto, fasciné.
« - Oui. », il y eut un léger mouvement de recul, « Mais je dispose aussi d'amulettes qui repoussent cette particule. Elles existent depuis assez longtemps, mais on ne savait pas comment elles marchaient. Je vous en donne volontiers, c'est plus prudent si vous voulez que je sorte la Poussière de Liche.
- C'est le nom que vous leur avait donné ? » demanda Arteonningenber.
« - Oui, d'après une vieille légende sur l'origine de la maladie, qui doit d'ailleurs être assez proche de la vérité. C'est elle qui m'a fait penser à rechercher un agent infectieux respiratoire. »

Il sortit alors de son sac cinq amulettes étranges, ressemblant à un organe indéfini que l'on aurait fait sécher, puis embaumer avant de l'attacher à une ficelle. Des plumes gris cendre les décoraient.
« - Ce sont des plumes de corbeaux gris ? » demanda Eofinne, en prenant l'amulette.
- Malheureusement pas seulement les plumes. »
La sylphe eut un brusque mouvement de dégoût et fit tomber son amulette par terre. Les autres marquèrent un temps de pause.
« - Mais c'est... » commença-t-elle avec un air dégoûté.
« - Je sais. Mais c'est malheureusement tout ce qui existe. Si ça peut vous rassurer, ces amulettes datent de la dernière épidémie et plus personne ne sait les fabriquer.
- Je refuse quand même de m'en servir. Pour moi vous devriez les détruire.
- Peut-être après. Une meilleure connaissance de la maladie devrait permettre d'envisager de nouvelles solutions. Pour l'instant c'est tout ce que nous avons. »
Et tout en disant cela, Leoto enfila son médaillon. Les autres, à l'exception d'Eofinne, l'imitèrent. « Continuez. »
Le médecin prit alors une petite mallette en acier, l'ouvrit et en sortit un cylindre en verre épais. Au fond de celui-ci se trouvait une fine poussière noire, ressemblant à de la cendre.
« - Vous permettez ? » demanda Istral.
Le médecin lui tendit le conteneur. Le mage le secoua alors légèrement pour mettre la poussière en suspension. Il sembla alors se concentrer et prononça une série de sons étranges, apparemment sans signification.
Quelques grains, à peine visibles à l'oeil nu, se mirent alors à émettre une lueur sombre, d'aspect sinistre.
« - Je pense que ça suffira. » fit Arteonningenber.
Tous savaient reconnaître une malédiction quand on la mettait en évidence. Le dangereux cylindre fut donc rangé à l'abri.

« - Maintenant je pense que l'on pourrait parler de l'autre point important.
- Comment la particule est arrivée ici ? » demanda Eofinne, qui se remettait lentement de son choc émotif.
« Les vents ? » proposa-t-elle, consciente de tout ce que cela impliquait.
- Non. J'ai été suivi. Un assassin a été arrêté à Ragemat. J'ai été obligé de changer plusieurs fois de trajet.
- Quoi ? » fit Istral « Que voulez-vous dire ?
- En d'autres termes : », Leoto prit son souffle, « On a assassiné mon père, l'Empereur ! »

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