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Contes Spalliens : Chapitre 10 - Veillée d'arme

Si Nina était souvent capable de prendre les problèmes de biais, Valana ne connaissait pas vraiment d'autre voie d'attaque. En fait, elle utilisait souvent une manière inhabituelle de solutionner les problèmes parce qu'elle les attaquait de front là tout le monde aurait essayé de ruser. Une fois, elle s'était retrouvée dans un labyrinthe truffé de piège. Elle s'en était sortie de la manière la plus intelligente qui soit, en allant tout droit vers la sortie, les murs ne l'avait jamais vraiment gênée.
Ce n'était pas qu'elle était d'une force herculéenne, mais la matière est si malléable pour l'esprit, surtout si l'esprit possède une masse à deux mains, deux boulets de 10 kilos avec des chaînes de 5 mètres, une barre à mine et une pioche. Elle était voleuse, mais elle s'était formée toute seule. Aussi avait-elle dû développer ses propres techniques pour pénétrer les demeures. Elle était capable de bondir par dessus les murs, de défoncer les portes, de faire fuir les gardes et de trouver les bijoux rapidement en terrorisant les propriétaires.
Bien entendu ce n'est guère discret, aussi avait-elle rapidement fini par travailler pour la milice, son contrôle de la matière étant limité. Elle s'était adjoint Thorin, qu'elle avait ramassé dans un caniveau, quelque part en ville. Elle s'en servait comme arme, comme détecteur de piège magique (qui ne réagissent qu'en présence de créature vivante) et comme amant, car il était, ma foi, d'un assez beau gabarit.
Par la suite elle avait aidé Lysa et Taki sur un cas intéressant, et ces deux autres nigeudouilles avait ainsi rejoint sa bande. Lysa, vous la connaissez déjà, n'était pas vraiment folle comme Thorin, mais elle était franchement atypique et n'hésitait jamais à en rajouter, parce que ça la faisait marrer. Taki lui était aussi saint d'esprit que Valana, mais il manquait un peu de jugeote, était souvent ailleurs. Cependant personne ne pouvait le détourner de la voie qu'il s'était choisit, à savoir aider les pauvres envers et contre tout. Quant à Thorin, lui il était franchement taré, une crème d'imbécile comme on n'en avait plus vu depuis longtemps, certainement plus depuis Doujic. Cependant si Doujic était une brute sans cervelle, violente et suicidaire, cherchant toujours un adversaire plus gros au mépris de cette étrange notion que l'on appelle peur, Thorin était une brute sans cervelle qui s'était mis en tête qu'il était un Paladin et il justifiait tous ses actes en se référant au Code, un petit livre que personne n'avait pu regarder. Mais son contenu importait peu car Thorin, lui, ne savait pas lire, et il gobait à peu prés tout ce qu'on lui disait, du moment qu'on savait comment le formuler.
Tous étaient pauvres, car aucun n'accordait vraiment d'importance à l'argent, sauf Taki, mais lui avait toujours un plus pauvre que lui à aider. Cependant ils accordaient tous de la valeur au chose vraiment importante : la vie et la paix. Enfin en principe, dans l'idée.

Pour l'instant c'était le jour de leur veillée d'arme. L'idée était de Thorin, qui avait un jour décrété que le Mal étant toujours éveillé, ils devaient eux aussi être toujours sur le pied de guerre, et donc dormir toutes les nuits équipés pour le combat, avec tour de garde et tout le toutim. Les autres ayant sommeil, ils réussirent à réduire cet état de vigilance à un jour par semaine, en ayant fait valoir qu'ainsi ils seraient plus reposés au cas où, par hasard, le mal attaquerait de jour, et que, de toute façon, il y avait sûrement quelqu'un dans la ville qui veillait les autres nuits, la milice par exemple.
Donc, toutes les semaines, ils se réunissaient tous ensemble pour passé la nuit, en général dehors, à un endroit quelconque où pas trop de monde passait, ou bien dans une taverne pendant la mousson. Le lieu changeant toutes les semaines, ils leur arrivaient bien de faire de très mauvaises surprises à un brigand ou autre, mais dans l'ensemble ils passaient juste une nuit blanche à se marrer. Ils emportaient quand même leurs armements car sinon Thorin boudait, ce qui était assez drôle au début mais finissait par lasser. Pour Taki et Valana ça ne posait pas trop de problème, car ils le transportaient toujours avec eux, Valana parce que sinon elle ne se sentait pas habillée et Taki parce le sien consistait en tout et pour tout en une paire de gantelet d'armure. C'était la seul chose qu'il savait manier, car son maître l'avait initié au combat à main nue, et lui avait rajouté les gantelets car c'était ainsi plus facile d'arrêter une lame bien aiguisée. Lysa, elle, oubliait plus souvent que les autres car si elle avait bien une canne épée, elle l'oubliait souvent dans son casier à la bibliothèque, n'en ayant pas souvent l'usage. Au pire, elle piquait une épée courte à Thorin ou un fleuret sur un cadavre, ça ne posait pas trop de difficulté.

Cette nuit, le ciel étant particulièrement clair, et la mousson se rapprochant, ils s'étaient installés en haut de la falaise, au-dessus des arsenaux, qui comme à Wrax, mais en plus réduits, crachaient jour et nuit fumées et lueurs, sorte de sons et lumières (et odeurs) permanent. Ils n'étaient d'ailleurs pas seuls à contempler le paysage. Même si pour l'autre observateur, la ville prenait un sens différent de ce qu'il n'avait jamais osé imaginer, un sens que beaucoup de personne espèrent ne jamais connaître.
Seul dans la nuit, un peu plus loin sur la falaise, il se jeta dans le vide... et atterrit plus bas, avec un sourire carnassier aux lèvres, un sourire qu'aucun humain ne peut faire.

Plus loin, dans la ville, d'autres personnes se réjouissaient beaucoup moins :
«- Tu ne t'en tireras pas, rends-nous ces grenades ou meurs !
- Comme si vous alliez me laisser en vie après ça, vous me prenez vraiment pour un abruti. De toute façon, même si vous bouchez toutes les issues, vous ne savez toujours pas où je suis, alors que vous, vous constituez des cibles faciles.
- Attaque, et nous répliquerons de suite. Tu crois vraiment être en meilleure position que nous ? Je te rappelle que la garde va bientôt arriver, avec ses propres mages, et eux sauront percer tes maléfices.
- Alors je préfère l'attendre, le vol n'est pas puni de mort ici. C'est un crime moins grave que le trafic d'arme, et je ne sais si votre statut d'ambassadeurs vous protégera. Les relations ne sont pas au mieux entre Citadelle et la Fédération. »
La situation allait bientôt se débloquer, mais sans l'intervention des gardes, qui vous l'aurez compris, ne risquaient pas d'arriver.

Mais revenons à Valana & Co., si on passe en revue tout ce qui arrive d'intéressant dans la ville, on n'aura pas terminé. Donc ils vidaient tranquillement des bouteilles et parlaient de la vie, de leurs boulots, etc...
Le sujet de discussion le plus récurrent était un début de grogne chez les Hommes Serpents, certains avaient voulu rompre leurs contrats pour partir vers de nouvelles terres libres, du côté de Ragemat :
«- Mais ils ont quand même le droit d'aller où ils veulent.
- Pas si simple, le territoire est aussi revendiqué par Ragemat et ce dernier fait pression sur les autorités de Brun Rivage pour pouvoir prendre possession des terres tranquillement. En plus si les Sarais quittent Principatus, on n'aura plus personne pour faire les révisions des bateaux, le commerce en sera fortement ralenti, le temps que les bateaux aillent vers d'autre port. C'est le même problème à Ragemat, mais en pire car là bas toutes leurs constructions ont les pieds dans l'eau.
- Mais pourquoi veulent-ils partir ?
- Tu ne vas jamais sur les quais Lysa ? Les Sarais sont exploités au maximum, ils bossent plus ou autant que les autres et sont moins bien payés sous prétexte qu'ils portent moins de charges que les dockers humains, alors que ce n'est pas leur travail. Et à Ragemat, c'est pire, ils sont clairement considérés comme à part de la société. Y a déjà eu des accrochages.
- C'est bête, ça abîme les vêtements ça ! Mais je vois pas le rapport ?
- Accrochages : des petits combats entres troupes réduites, souvent officieux.
- BASTON ?
- Rien Thorin, recouche-toi !
- Bastooonnfleee...
- Brave petit.
- Mais vos petits combats entre troupes réduites, souvent officieux, il risque d'y en avoir ici ?
- Certainement, si la situation ne se calme pas d'ici peu. Déjà qu'elle est tendue au naturel.
- Valana ?
- Oui ?
- Y a un truc que je comprends pas. Normalement cette terre aurait du revenir au seigneur de guerre qui la libérée des Dragons, non ?
- Le problème c'est qu'il est mort dans l'opération et que ses compagnons ont préféré rentrer chez eux, et pourtant c'était loin. Du coup, le terrain est libre à qui veut. Encore heureux que Bolidraks ne soit pas intéressé, on aurait eu droit à une guerre ouverte entre les deux.
- Plutôt à une négociation, non ? Entre deux pays civilisés. Tiens en parlant de civilisé, vous avez entendu ce qui passe en ce moment dans le parc ? C'est atroce, insupportable, ça m'empêche de dormir. Y a deux nuits j'ai failli m'énerver et leur envoyer quelque chose.
- Ca te prend souvent ?
- Normalement non, mais là c'est quelque chose, ils devraient l'utiliser au combat.
- Si tu veux, tu peux venir dormir chez moi... »
C'était terminé, Valana ne réussissait jamais à les garder sur un sujet sérieux trop longtemps.
Certainement une sorte de défense contre la déprime.

Dvorak

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