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Contes Spalliens : Chapitre 38 - Séparation

La patrouille de Charles alla d'abord rejoindre le poste de garde elfe. Ils y passèrent la nuit et firent leur rapport au Maître du lieu avant de repartir. Henri avait relativement bien récupéré de sa blessure à la tête, surtout grâce au talent des soigneurs elfes, et rentra avec eux jusqu'à Knoll, le voyage se déroulant sans autre incident notable.
Là aussi on leur demanda un rapport, plus détaillé, notamment sur le nouveau sortilège qu'Alren avait mis au point. Il sembla que ses supérieurs n'appréciaient pas les initiatives trop marquées, et quand ils apprirent que le Férior avait passé une semaine entière à élaborer ce sort au lieu de remplir sa tâche de guerrier, il fut convoqué à un jury pour se justifier. Il fut une époque où sa condamnation aurait été rapide et exemplaire, mais les Elfes Noirs avaient eux aussi appris à se réserver pour le combat, toujours demandeur de vies. Alren eut donc la 'chance' de quitter la surface de la terre pour les profondeurs. Son départ se fit de manière sobre, même si beaucoup des soldats ne comprenaient pas cette distinction effectuée par les Drows entre Fériors et Magiciens, ils leurs semblaient que tout avantage était bon à prendre.

Charles, quant à lui, finit par donner sa réponse. Il le fit de manière directe, en rendant son ancienne épée au gouverneur et en acceptant la Lame de Feu, son arme de chevalier.
« - Donc tu as décidé de mourir, lui lança Georges qui ne comprenait pas la prise de risque excessive.
- Non, il a décidé de défendre les siens du mieux qu'il peut, répondit Eric qui ne cachait pas son envie de devenir lui aussi chevalier, même s'il n'avait encore que 18 ans.
- Il a surtout saisi sa chance de devenir noble, c'est beau l'ascension sociale. Tu nous inviteras au mariage. »
Charles leva la tête de sa malle, et regarda Frédéric avec un regard mi-suppliant, mi-rieur :
« - Mais quand est-ce que je me débarrasserai de ce chaperon indiscret ? Et je te rappelle que j'envisageais déjà sérieusement de devenir chevalier avant de rencontrer Judith.
- Il est quand même bizarre ce vieux comte, de vouloir à tout prix que son gendre soit noble. Ca fait quand même énormément vieux jeu.
- Il veut surtout que sa fille devienne rapidement veuve, fit remarquer Georges.
- Tu insistes lourdement là !
- Il faut le comprendre le vieux, il a été très choqué par la fuite de son frère au combat. C'était un des plus ardents défenseurs de la réforme, quand l'empereur a aboli l'hérédité des titres de noblesse et qu'on a commencé à les redistribuer, avec les armes, aux combattants les aptes à défendre Spalle. Par contre il a été formé à la vieille école et veut absolument que sa fille reste dans la noblesse.
- Elle est toujours soignante au dispensaire de Urma, ou elle a été mutée ailleurs ?
- Aux dernières nouvelles, elle y est encore. Elle termine une formation de désenvoûtement/exorcisme, elle m'a dit qu'elle voulait rejoindre une section de purificateurs spécialisés.
- En parlant de spécialisation, j'ai entendu Henri dire qu'il allait suivre des cours d'exotechnologie sous la direction de l'exécutrice impériale Freya. Il disait qu'il voulait mieux comprendre nos adversaires.
- On ne va plus être que tous les trois. » conclut Eric.

Pour respecter un certain script, il pleuvait quand Charles et Marcus partirent pour leur cérémonie d'adoubement qui aurait lieu à la capitale, mais c'était plutôt une pluie fine et légère comme il y en avait parfois l'été, une pluie qui rafraîchissait le sol et rendait un peu de vert au paysage. Arilyire la considéra donc comme un bon présage. La magicienne de combat, se reposait un instant, et ces derniers temps, en fait depuis qu'elle était rentrée de Ragemat, c'était des moments rares à savourer.
Elle essaya de se remémorer tout ce dont elle se souvenait au sujet des deux futurs chevaliers. Marcus était un homme intelligent et puissant, qui s'était distingué à plusieurs reprises, sa nomination était logique. Charles par contre était une surprise, même s'il ne cédait en rien à Marcus pour ce qui est de l'esprit, il était un peu chétif pour un chevalier. Il n'avait pas beaucoup fait de geste remarquable, sauf ces derniers temps...
Arilyire s'envola rapidement, et à tire d'ailes, rattrapa le convoi. Là, la petite silhouette ailée se plaça devant le cheval de Charles et le força à s'arrêter.
« - Charles, qu'est-ce que vous avez fait de l'ogre ?
- Quel ogre ?, fit un Charles surpris de ce soudain intérêt.
- Celui que vous aviez capturé il y a deux semaines environ. Avec des tendances suicidaires. Il déprimait à longueur de journée.
- Je suis désolé mais je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez. », confirma un Charles sur la défensive.
Arilyire se tourna vers Marcus, qui avait lui aussi arrêté son cheval et se tenait à coté de Charles, il lui fit un signe négatif de la tête. Les autres membres du convoi répondirent eux aussi négativement. La magicienne se sentait soudain très isolée, et instinctivement de petits éclairs coururent sur son corps, signe d'un grand désarrois. Mais elle se rattrapa rapidement, les voyages dimensionnels, ça n'arrivait qu'aux autres.
« - Vous allez bien ?, lui demanda le maître du convoi, qui avait des horaires à respecter.
- Oui... Oui, ça ira. Allez y. Je vais mettre ça au point avec les autres. »

Elle retourna à la garnison et se plongea dans son journal intime. A son soulagement, elle y retrouva les faits qu'elle avait en tête. Pour vérification, elle fouilla dans les comptes-rendus de missions, et, là encore, y trouva son affaire. Mais elle remarqua alors que les lignes de textes semblaient éclaircies par rapport aux autres, comme trop exposées au soleil : elles commençaient à disparaître.
Rapidement elle alla voir un des techniciens, qui était comme elle un réfugié 'd'ailleurs'. Lui aussi se souvenait de l'ogre, mais ça ne l'avait pas plus marqué que ça. C'était toujours un point important, pour l'instant, seule la réalité de base semblait affectée. Mais, instinctivement, elle sentait un pouvoir à l'oeuvre, potentiellement plus dangereux que toutes les méduses ou les tanks du multivers (ce qui prouve qu'elle ne savait pas vraiment ce qu'était les méduses).

Un éclair de génie la fit se rendre aux cellules. Dans celle où devait se trouver l'ogre, il n'y avait rien. Cependant la porte était verrouillée, pas seulement fermée. L'intuition continuant à fonctionner dans son petit cerveau, elle se concentra sur la pièce, cherchant à capter le moindre signe, la moindre trace. Au bout de quelques minutes, elle le repéra. Elle ne le voyait pas vraiment, elle le sentait plutôt, mais l'ogre était là, recroquevillé dans un coin de la petite pièce, immobile.
Elle essaya de préciser sa sensation, de gommer le reste. Elle cria et s'effondra par terre. Ca avait été très bref, mais c'était déjà trop long.
Elle avait senti l'esprit de l'ogre, ou plutôt ce qui en restait. Des brides éparses, fractions de vie, simulacres de raisonnement. Tout était horriblement négatif, humiliation, défaite, souffrances. Tout l'esprit de l'ogre n'était plus qu'envie de disparaître.
Mais le plus insupportable, c'était que par derrière, elle avait ressenti la présence du parasite psychique. Ce n'était pas réellement un esprit, ça n'avait pas de réelle capacité de pensée, mais ce n'était que volonté, volonté négative, volonté maléfique, volonté d'autodestruction incontrôlable. Une volonté si puissante qu'à son contact l'ogre était capable de modifier la réalité.

Arilyire se releva lentement et leva la main vers l'emplacement de l'ogre. Sa foudre fut particulièrement intense, faisant fondre les barreaux au passage, carbonisant le corps déjà presque anéanti. Et l'ogre mourut, séparation du corps et de l'esprit qui renvoya le 'parasite' dans les limbes du possible.

Dvorak

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