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Nels : Histoire d'un mage sans passé : Chapitre 25

Nous avions passé les enceintes de la ville sans aucune encombre. Je ne me doutais pas que la plupart des miliciens se souviendraient de moi et qu'ils me salueraient avec autant d'ardeur. La population locale n'avait pas été informée de ce qui s'était vraiment passé lors du déclenchement de la tempête élémentaire mais des rumeurs avaient semble t'il circulé comme quoi Vahirn était mort en héros à ce moment là : il ne valait peut être mieux pas leur révéler toute la vérité sur leur chef si aimé. La ville était animée comme la première fois que je l'avais vue, ainsi je ne me sentais pas dépaysé, cependant je n'hésitai pas à demander l'aide d'Elanor pour me guider. Depuis qu'une nuit elle m'avait vu en train de communiquer avec Basaïn, elle était un peu craintive. Il fallait se dire que je n'avais pas ménagé mon mana Bleu et que je devais irradier de la lumière, chose assez étrange pour celui qui n'y est pas habitué. Sans avoir peur, elle semblait découvrir avec un étonnement certain que toutes ces légendes qui étaient racontées sur les Mages de l'Académie de l'Ile, considérés comme les plus puissants des Mages, étaient toutes vraies. Nous étions arrivés dans la cour intérieure de la maison de Drayde, et ce fut Drayde fils qui nous accueillit :
- Maître Nels, je vous salue.
- Salutations jeune Drayde. Qu'as-tu à me raconter?
- Pas mal de choses mais avant donne toi la peine d'entrer.
J'appris ainsi que le Conseil de la ville n'avait pas voulu donner trop de frayeurs au sujet des Elites qui n'étaient que des Sombres déguisés, que dans Mithland et sa région aussi on avait assisté à des départs inexpliqués de population. Il me dit que la ville ne semblait ne travailler que pour une seule chose : fournir les matières premières aux Phyrexians afin de construire le plus d'armures possibles. L'efficacité de celles ci n'était plus à démontrer quand ils aidèrent à repousser le passage d'Orcs en troupeau, chose assez rare pour être signalée. Les armures avaient gagné en vitesse et en puissance, et disposaient aussi de lance flammes, sans doute un système de concentration de la lumière en faisceaux puissants, tout du moins assez puissants pour enflammer ce qu'ils touchaient. Nous discutions tranquillement avec Drayde fils en buvant un excellent vin doux quand Drayde et sa femme, dame Alana, entrèrent dans la pièce. Drayde se réjouit de me voir, car il m'était reconnaissant de l'avoir débarrassé de la menace qui pesait sur sa famille. Loin de ne pas m'intéresser à ce qui se passait dans la ville j'avais néanmoins l'impression que mon devoir allait encore une fois finir par me rattraper à grands pas. Bien que les membres les plus influents du Conseil n'étaient pas encore revenus de l'Académie, Drayde fils voulait m'emmener voir la nouvelle direction de la Milice, qui avait été confiée à l'un de ses amis ; Drayde père voulait aller me présenter à la guilde des marchands pour mettre en place la protection des convois... Elanor sembla éclater quand elle prit la parole :
- Vous ne voyez pas que nous, enfin que Nels, n'est pas là pour travailler ?
- Mais ma fille je pense qu'un Mage de cette envergure ne peut pas se permettre de...
- Drayde, dis-je, je ne veux pas vous blesser ni vous faire peur mais l'avenir est terriblement effrayant, vous pouvez me croire. Si je suis parti de l'Académie, c'est suite à mon devoir mais pendant le peu de temps libre qu'il me reste, je voudrais pouvoir enfin être quelqu'un qui ne vit pas que par son devoir. Qui sait ce qui peut m'arriver lors des prochains mois ?
Elanor me jeta un regard noir de colère en entendant ces mots. Elle se retira d'ailleurs très vite, et je n'allais pas la revoir de la journée. Elle savait que nous allions entrer dans une guerre totale, mais peut être ignorait-elle que nous allions pour certains d'entre nous, Mages, mourir à coup sur sous les coups des Sombres. Non pas que je veuille particulièrement laisser ma peau dans la bataille mais la peur de mourir serait de trop dans l'amas confus de sentiments que j'ai maintenant, ce qui me trouble assez l'esprit. J'ai besoin d'un conseil, tout du moins de parler à quelqu'un.
- Basaïn ? Je vous dérange ?
- Nels ? Quelle bonne surprise ! Que fais-tu de beau ?
- Pas grand chose de beau, hélas. Je suis enfin arrivé à Mithland, et je crois que j'ai encore dit une bêtise.
Je mis quelques minutes à tout lui raconter, et insistant sur tous les détails. Quand je parlais avec un des autres Maîtres, je le considérais depuis que j'en étais un comme un égal. Dans le cas de Basaïn, je le voyais avec nettement plus de respect, tout en ayant une grande affection pour lui. A ce moment, même si j'avais à dire qui était ma famille, je l'aurais cité sans hésiter. Je lui faisais confiance en tous les domaines même si parfois il nous arrivait d'être en désaccord, son excellente formation ainsi que son caractère très abordable en ont fait un être cher à mes yeux.
- Nels, tu n'as fait qu'évoquer une des possibilités de ce qui peut arriver à n'importe quel Mage, et pas forcément durant une guerre. Nous sommes en effet dans des conditions extraordinaires mais ne te dis pas que ta situation deviendra moins précaire ensuite.
- Je le sais bien, mais pour quelqu'un qui croyait que les Mages n'étaient que des légendes, qui d'une m'a vu lors d'une accumulation de Bleu, qui ensuite sait que je risque de mourir, vous ne trouvez pas qu'il y a un trop plein d'informations à assimiler ?
- Evidemment. C'est pour cela que tu dois laisser à cette jeune femme tout son temps. Par contre, toi tu n'auras plus le tien très longtemps...
- Comment ça ?
- Nous avons reçu d'autres rapports, que ce soit d'autres Vespasiens que Jack ou alors d'autres organisations secrètes : les Chevaliers Noirs sont de retour, ainsi que toutes les classes bannies.
- Qui pourrait se mettre à convoquer ainsi tout ce monde ?
- Alarkhan le pouvait, et il montre qu'il est bien de retour, ce qui m'étonne fortement. S'il a convoqué des Chevaliers Noirs, nous pensons qu'il dispose aussi de Chevaliers Cadavériques.
- Il utilise des revenants... Nous devons passer à l'offensive le plus vite possible.
- Je n'aurai des indications sur les troupes dont nous allons disposer que dans une semaine. C'est le temps que je t'accorde pour vivre en parfait gentilhomme avec dame Elanor. Après, tu redeviens Nels, le Mage guerrier, sans peur ni reproche.
- Bien. Je vous contacte d'ici là.
Je me suis fait encore pendant cette semaine les souvenirs les plus beaux que j'aie de ma vie, bien que je sache très bien que ça ne durerait pas. J'avais dit à Elanor que la semaine suivante je me remettais au travail, elle ne voulut rien savoir de plus et nous pûmes tous deux rester ensemble toute une semaine. Les jours passèrent trop vite, comme à chaque fois que l'on se sent bien, et ce matin là arriva : j'étais dans un des salons, ayant de nouveau revêtu ma tenue de combat, et Elanor arriva. Elle ne dit rien quand elle me vit, mais ensuite s'approcha de moi :
- J'espère que tu sais ce que tu fais, et que tu ne prendras pas de risques inconsidérés.
- Je sais.
- Non, tu ne sais pas. Je veux que tu reviennes, tu m'as compris ?
- Je ne peux te promettre que je reviendrai, mais je ferai tout pour.
- Et tu reviendras pour parler à mes parents ?
- A quel sujet ?
- Ne fais pas l'enfant, tu le feras ?
Elle s'était approchée de moi, et j'avais le coeur qui battait à en sortir de ma poitrine.
- Je le ferai à mon retour à Mithland, mais toi aussi tu dois me promettre quelque chose.
- Tout ce que tu voudras.
- Si je ne reviens pas, continue d'aller de l'avant...
Elle me poussa des deux mains, et me jeta encore une fois un regard terrible de colère. Elle semblait agitée, alors je la pris une dernière fois dans mes bras :
- Je ne veux pas que tu sois en colère, je veux que tu sois heureuse, et être avec toi. Cependant ton bonheur passe avant tout pour moi. S'il m'arrive quoi que ce soit, je veux être sur que tu seras heureuse, compris ?
- Je ne veux pas que tu en parles. Je ne veux pas...
- Il faut que tu y penses. Je ne pourrai pas échapper à l'inévitable en étant loyal.

C'est à ce moment que le tocsin sonna, et que je sentis cette présence, une vague venait vers nous annonçant ce qui m'attendait : le combat, le sang et la souffrance. Je regardai Elanor droit dans les yeux, lui glissai un "je t'aime" fort mal assuré et elle ne trouva rien de mieux que de me répondre par un baiser. J'en fus assez déstabilisé pour sortir par la fenêtre, et me rendre compte que j'avais laissé mon épée à l'intérieur. L'apanage des mages du Vert, c'est aussi de donner au corps humain des capacités qui semblent assez étranges, je pus ainsi ressauter par la même fenêtre vers la pièce où nous étions. Je redis au revoir à Elanor, qui était triste, si triste, que je me promis de tout faire pour revenir vivant.

J'étais dans la rue, armé comme il se devait et j'avais pris un cheval. Nous entendions le tocsin qui n'avait cessé de sonner, et au loin les déflagrations des canons des murailles. L'assaut que subissait la ville devait être assez intense au vu de la fréquence des explosions, et je me hâtai de demander des nouvelles aux gardes de la première enceinte :
- Seigneur Nels, il va falloir tous nous rendre à la seconde enceinte, pour pouvoir les réunir en un seul lieu.
- Bonne idée, dites aussi aux centurions de demander aux armures Phyrexiannes de se tenir prêtes.
- Certaines d'entre elles sont déjà sur le front. Nous attendons les catapultes mobiles...
- Bien, j'avance sur le front.

Je ne pouvais pas seulement compter sur des moyens militaires conventionnels au cas où il y aurait parmi eux des membres du corps des Chevaliers Noirs. Je ne pensais pas me retrouver confronté à ce problème aussi vite, car les rapports des principales guildes d'espions ne les situaient qu'à des kilomètres de là. J'arrivai à la seconde enceinte, et je tombai sur une réunion de centurions :
- Ils viennent du nord ouest, et il y a environ 10000 bêtes avec eux, que ce soient des Gobelins, des Trolls ou bien des Orcs.
- Centurions, quelles sont les autres forces en présence ?
- Nous avons aussi vu des machines de guerre de type catapulte Seigneur, mais nous ne savons pas s'ils n'ont pas amené avec eux des membres des guildes de Mages Maudits. Et leurs Chevaliers Noirs ne sont pas loin d'après ce que nous ont dit certains rangers.
- Bien. Préparez-vous à replier les troupes à la deuxième enceinte. Ordonnez aux armures Phyrexianes de transporter les canons jusqu'ici. Nous allons essayer de regrouper l'ennemi afin de mieux le combattre. Quelles sont nos forces ?
Nous disposions de 4000 fantassins lourds en armure, de 2000 archers, ainsi que de 1500 lanciers. Nous avions avec nous 2000 Chevaliers lourdement armés, et d'après ce que disaient les centurions, environ 500 Armures Phyrexianes étaient en activité, dont 100 catapultes mobiles.
Je n'avais pas beaucoup de temps pour réfléchir, car les Sombres utilisaient leurs bêtes de combat en vagues dévastatrices, qui risquaient de faire des victimes en particulier si les fantassins paniquaient devant la masse qui arrivait devant eux. Les archers allaient devoir dégager un peu le terrain, les cavaliers casseraient les lignes ennemies en chargeant sur les côtés, et les catapultes et canons pilonneraient les lignes arrières pour que les ennemis ne puissent battre en retraite : on avait déjà vu plus original comme stratégie mais celle ci s'avère souvent payante. La grande inconnue dans l'équation générale allait être le potentiel pour la Magie de nos ennemis lors de la bataille qui s'annonçait. Nous essayâmes dans un premier lieu de placer nos archers sur les murailles, en plusieurs lignes afin qu'ils puissent bien déverser une pluie de flèches sur nos ennemis. Le fait que nous ayons pour ainsi dire abandonné l'enceinte extérieure ne se fit pas attendre : les bêtes avaient abattu les premières portes et se dirigeaient vers nous dans un nuage de poussière qui allait en s'obscurcissant : ce n'était pas normal. A l'aide d'une lunette un des centurions m'informait : les bêtes ne chargeaient pas mais avançaient les machines de siège, et à une vitesse assez élevée. Mes canons avaient été placés eux aussi, nous n'avions qu'à attendre qu'ils soient à portée de ceux ci. L'excitation et la peur se lisaient dans tous les visages autour de moi, et peu à peu, le cliquetis des armes et des boucliers, les bruits mécaniques des armures en déplacement, le hennissement des chevaux, laissait la place à un silence profond. Le ciel était chargé de poussière ce qui donnait un effet de filtre à la lumière du soleil, ayant mis ainsi l'espace entre les enceintes dans un effet de clair-obscur qui aurait été magnifique dans d'autres circonstances. Alors que ma position près des canons sur une tour de guet puait la poudre noire, mon odorat ne s'en trouvait pas troublé, et je n'étais pas inquiet : la guerre et la bataille semblait tous nous avoir hypnotisés et nous étions, à travers cette perte de sensibilité, en train d'entrer dans la mort avant même de commencer à nous battre.

- Seigneur, nous attendons le signal...
J'acquiesçai : une flèche enflammée de couleur verte s'en alla dans le ciel, donnant ainsi aux canons l'ordre de tirer. Nous étions au milieu de la tempête : les obus des canons avaient été redessinés par Gellus, le Phyrexian, et ils avaient tendance à éclater faisant ainsi des dégâts considérables dans les rangs ennemis. Au loin nous entendîmes les explosions des obus, ainsi que les cris des immondes légions qui s'avançaient désormais au pas de course vers nous. La seconde salve de canons, puis je donnai le signal des catapultes mobiles, qui envoyaient des projectiles creux remplis de poix et de poudre pour augmenter l'effet de souffle. Le ciel était strié de longs traits rouges vifs qui se terminaient en des fleurs de feu au loin, qui disparaissaient avec la même soudaineté qu'elles étaient apparues. La vague horrible de ces créatures difformes s'était lancée au grand galop vers nous, à peine stoppée par le feu de nos projectiles qui avaient créé de vastes vides dans leur ligne de front. Ils n'avaient envoyé que leurs Gobelins et leurs Trolls, alors que je ne voyais pas d'Orcs avec eux : ces derniers étant capables d'un peu plus de discipline nul doute que la première charge n'était destinée qu'à briser notre ligne de défense. Je commençai à mieux nous organiser : les fantassins lourds furent divisés en dix corps de 400, les cavaliers allaient former quatre groupes de 500. Les lanciers formèrent ainsi trois corps de 500, tandis que les Phyrexians allaient être divisés en deux groupes de 200, et les catapultes mobiles resteraient groupées. Nous étions prêts pour une bataille qui devait être gagnée, avec le moins de victimes possibles dans notre camp. Je finissais de donner des ordres pour que des groupes de 250 archers soient organisés quand on me demanda :
- Seigneur, ces Mages veulent vous voir...
Deux hommes s'avancèrent vers moi vêtus de l'uniforme officiel des Maîtres des Tempêtes, l'un bien plus âgé que l'autre. Ce fut le plus jeune qui me parla :
- Maître, nous étions en chemin vers l'Académie pour le grand Conseil mais mon Maître que voilà est tombé malade en chemin.
- C'est louable que vous soyez resté avec lui en attendant qu'il se rétablisse, lui dis-je. Maîtres des Tempêtes, je vais sûrement avoir besoin de vous.
- Nous nous en doutions, dit le Maître. Je vais un peu nettoyer cette vilaine ligne de Gobelins, dit-il avec un large sourire, faites attention à ne pas avoir peur des éclairs.
Je ris sous cape en l'entendant, rien de plus drôle qu'un Mage spécialisé qui se vante quelque peu de son savoir. Je vis le Maître et son élève commencer de psalmodier je ne sais quel air le tout accompagné de gestes dits magiques : tous ces gestes associés à ces chants ne servent qu'à une chose dans la Magie c'est à dire mettre l'esprit humain en condition pour canaliser le mana. D'ailleurs l'efficacité du concept n'était plus à prouver : un nuage d'éclairs dansait à travers les lignes ennemies emportant tout sur son passage. Une fois que leur sort se fut terminé, on y voyait un peu plus clair déjà. On vit leurs secondes lignes, bien mieux ordonnées et composées d'Orcs : sans aucun doute que nous aurions à combattre de manière un peu plus sérieuse désormais. Les groupes avaient été organisés à l'instant, et la plaine résonnait aux ordres hurlés par les officiers, ainsi que les cris de détermination des Miliciens qui étaient tous heureux de pouvoir défendre leurs êtres chers dans la ville. Les archers n'étaient plus sur les murailles mais allaient avancer à l'abri des lignes de fantassins. Les cavaliers et les armures avaient pris leur position de manière à pouvoir attaquer sur les flancs de la ligne adverse. Les armures permettraient aux groupes de cavaliers d'avoir un soutien de l'arrière au cas où un des groupes flancherait pendant l'assaut.
- Messieurs, soyez forts et courageux, dis-je aux officiers qui s'en allaient joindre leurs groupes.

C'est à ce moment que je sentis une présence bien trop forte... Que se passait-il ?

Nels

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