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Nels : Histoire d'un mage sans passé : Chapitre 20

Je pris mes lettres d'accréditation frappées du sceau de l'Académie et suivis l'ordonnance vers la fameuse salle du trône : la chambre du Soleil. L'Inca était sur son trône et resta assis tandis que les autres présents se levaient lorsque je fus annoncé : Nels, Grand Maître de la magie Totale... On avait vu moins pompeux comme entrée depuis le début de mes péripéties. Arrivé auprès de l'Inca, je le saluai en inclinant la tête, il répondit aussitôt à mon salut. Je commençai à regarder autour de moi, afin de voir qui était là : les trois généraux, divers serviteurs mais aussi un groupe d'hommes âgés, vêtus de ponchos rouges et de tuniques jaunes dessous, ils me regardaient fixement et attendaient que j'expose la situation. L'un d'entre eux portait une chaîne en or autour du cou avec un pendentif en forme de Soleil, et paraissait un peu plus vieux que les autres. Je n'étais pas là pour regarder autour de moi néanmoins, alors je commençai mon rapport :
- Inca Capac, Roi des Hauteurs, sachez que l'Académie vous transmet ses respects et je suis son mandataire en cette affaire comme le prouvent mes lettres d'accréditation. Sachez que je suis venu vous mettre en garde contre un danger qui menace non seulement votre Royaume mais aussi tous les autres.
- Nous en avons parlé avec mes Généraux, Maître.
- C'est pour cela que je leur avais dévoilé ces informations. Vous savez plus que quiconque à quel point les Sombres sont dangereux dès qu'ils obtiennent trop de pouvoir, et qu'ils véhiculent avec eux toutes sortes de maux. Or nous avons de fortes raisons de penser que quelqu'un veut reformer une nouvelle Grande armée, sous le commandement de quelqu'un nommé Alarkhan.
- Laissez moi prendre la parole, Inca Capac, dit alors le vieil homme au pendentif. Je me présente, je suis Viracocha le chef des conseillers de l'Inca. Vous dites qu'un certain Alarkhan nous menace, mais vous devez savoir aussi bien que moi que suite au Grand Alarkhan, de nombreux mages ont pris ce nom...
- Malheureusement Viracocha, je peux vous assurer que si l'Académie est très inquiète c'est parce que nous avons trouvé des preuves comme quoi le Grand Alarkhan comme vous dites pourrait être encore une fois notre ennemi.
Je lui parlai des événements de Mithland, des fuites de Licht, des rapports des Généraux eux-mêmes qui avaient noté une recrudescence de l'activité des Orcs et assimilés. Lorsqu'ils entendirent tempête élémentaire les conseillers commencèrent de chuchoter entre eux, faisant des signes inquiets en me montrant de la main. Viracocha prit la parole :
- Comment se fait-il que vous puissiez nous raconter que vous avez provoqué une tempête élémentaire ? Vous devriez être mort, non ?
- Pas forcément Viracocha, lui dit l'Inca. Je sais que les Académiciens essaient de repousser encore plus loin leurs limites dans le contrôle du mana. Cependant, les Sombres en font tout autant et c'est ce qui m'inquiète.
- Je vois. En tout cas le Grand Conseil prendra note de toutes les suggestions possibles sachez le, d'ailleurs...
La discussion dura encore deux bonnes heures, ce qui me permit de me faire une idée sur le Roi des Hauteurs. Il était jeune, même par rapport aux Généraux, mais parlait avec autorité. Il savait aussi écouter, en particulier quand ses conseillers étaient en désaccord avec lui, et ne refusait aucun argument. Le vieux Viracocha lui m'observait avec attention, depuis que j'avais mentionné la tempête élémentaire il semblait soucieux de la suite des événements, je ne m'étais pas soucié des répercussions sur la pensée des connaisseurs en magie de la nouvelle que l'on pouvait survivre à la création d'une tempête de ce genre. Heureusement je n'avais pas mentionné que c'en était une Blanche. Il faut savoir que les couleurs de la Magie par lesquelles nous opérons ont des caractéristiques très différentes surtout à haut niveau. Le Bleu étant très difficile à contrôler, il engendre de grandes déperditions d'énergie lors des lancements de sorts qui engendrent un grand besoin en mana, l'expert en Bleu acquiert une capacité d'accumulation hors du commun et d'ailleurs il doit souvent disposer d'artefacts puissants qui l'aident en ce sens. Le Rouge et le Vert sont similaires à ce qu'ils agissent par ce qu'on appelle l'expansion : le Rouge agit comme le feu de manière spontanée et brutale, le Vert est comme une vie éphémère, les spécialistes en la matière utilisent presque des salves de mana, à chaque sort une grande quantité est utilisée puis accumulée très vite pour le prochain sort. Le Noir est une couleur qui fait peur de par son caractère destructeur, et son mana est l'un des plus faciles à obtenir. La grande variété de sorts qui le composent en fait un art un peu plus facile à maîtriser mais la peur de plonger dans la même erreur que les Sombres retient beaucoup d'étudiants, qui oublient que le jour est nécessaire tout comme la nuit. Enfin le Blanc, la couleur considérée comme étant la plus noble, celle que consentent à pratiquer les paladins d'ailleurs, en particulier à Licht. La plupart des sorts Blancs peuvent être utilisés comme les sorts Rouges et Verts, de manière rapide et sans une grande accumulation de mana mais il suffit que le mage se lance dans une grande accumulation de mana pour acquérir une puissance égalable seulement par un mage encore plus expert dans la magie du Bleu. La tempête élémentaire Blanche en est l'exemple le plus frappant : le mana Blanc à tendance à faire vibrer la matière et la fait ensuite entrer en résonance : en résulte la fameuse tornade qui n'est qu'une des formes des tempêtes. Il faudra donc que je me plonge dans l'étude des autres formes de tempêtes lors de mon retour à l'Académie ce qui ne se ferait que d'ici quelque temps.
La discussion allait prendre fin quand l'Inca me demanda une faveur :
- Maître veuillez vous rendre à mon observatoire personnel, il y a des choses dont je voudrais vous demander.
- Si vous m'indiquez comment m'y rendre, ce sera avec joie, Inca.
Cette requête marquait la fin de la petite réunion. Les Généraux plièrent le genou avant de sortir, tandis que les conseillers se contentèrent d'un hochement de tête. L'Inca m'invita à le suivre et nous nous retrouvâmes rapidement au dehors du Palais Impérial, sur un chemin bordé de murs assez hauts qui permettaient sûrement de ne pas être vus. Le chemin débouchait sur un escalier qui se dirigeait vers l'un des pains de sucre qui surplombaient la ville et nous entamâmes une montée d'environ dix minutes. Comme sur l'autre pain de sucre par lequel j'étais arrivé avec les Généraux, il y avait une sorte de terrasse qui surplombait la ville, sauf qu'il y avait une sorte de table sculptée et gravée d'inscriptions qui m'effrayèrent singulièrement quand je les reconnus : des runes du Sombre. C'était une sorte de carte du ciel qui était dessinée sur cette table et l'Inca m'expliqua qu'il était le seul à avoir accès à cet observatoire, car il fallait qu'il cache à ses sujets le passé, leur propre passé. Il continuait de m'expliquer :
- Vous savez, je ne suis pas fier de voir ce que mes ancêtres ont été capables de faire mais j'avoue que je ne les considère pas comme si coupables que cela.
- Comment cela?
- C'est à dire qu'Alarkhan en ce temps là les avait bernés. Et à l'époque la magie Sombre n'était pas mal considérée.
- C'était l'époque où l'on se contentait de sacrifices d'animaux non?
- Officiellement, et pour la plupart des gens qui pratiquaient le Sombre oui. L'Inca de l'époque entendit parler d'un mage si puissant qu'il apporterait la gloire au Royaume des Hauteurs...
- Alarkhan?
- Oui... Le culte Sombre devait donc s'installer ici pour de nombreuses années, et c'est ainsi que le Royaume s'est construit. L'Inca de l'époque, mon grand-père, a annexé toutes les petites tribus environnantes et les a fédérées en une grande force. Les Nains qui vivaient dans les environs ont alors commencé à attaquer, car ils savaient quant à eux le vrai danger du Sombre. Ce fut Alarkhan lui-même qui demanda un corps d'armée pour s'occuper d'eux. Nous ne savions pas qu'Alarkhan sacrifierait tous ces Nains, tout comme il profita de la mort de près de la moitié de son corps d'armée.
- Je vois, mais pourquoi un tel changement de nos jours ?
- Alarkhan devint de plus en plus puissant, jusqu'au jour où il partit du Royaume. Il contacta mon grand-père, il avait besoin de ses troupes. D'après ce que je sais, c'est que mon grand-père devint son vassal, son second. Il fut ainsi formé à la magie du Sombre et devint vite très puissant.
- Votre grand-père n'était-il pas le fameux second d'Alarkhan?
- Oui, lors de la naissance de mon père, mon grand-père voulut ne s'occuper que de son Royaume. Il s'était rendu compte lors des batailles que tous les prisonniers qu'il ramenait disparaissaient et que le nombre de mages qui entouraient Alarkhan augmentait proportionnellement. Alarkhan décida que c'était un acte de traîtrise, et le terrassa.
- Pourtant il était puissant...
- En tout cas il n'est pas mort en vain vu que le peuple apprit la trahison d'Alarkhan. Tout le peuple passa un pacte avec mon père : nous ne pouvions plus faire confiance à ce monstre. C'est à partir de là que nous avons commencé de nous battre contre eux.
- C'est aussi pourquoi vous avez perdu le contact avec les Nains je parie ?
- Je pense qu'ils nous en veulent toujours... Je les comprends, mais je veux enterrer cette rancune du passé, je voudrais pouvoir m'excuser auprès d'eux pour le mal que nous leur avons fait.
- Je comprends, mais je voudrais savoir qu'est ce qui vous a poussé à me dire tout ceci ?
- Mon grand-père a tué bon nombre d'Académiciens comme vous le savez sans doute. Je voulais essayer d'avoir un bon geste.
Il me fit signe de le suivre et se dirigea vers un raidillon quoi menait à une seconde terrasse, où l'on voyait une sorte de grotte. L'Inca me pria d'entrer :
- Je ne suis pas expert en magie, mais c'est ici qu'ont été entreposés par mon grand-père tous les artefacts qu'il avait accumulé. Je pense que si quelqu'un doit en faire un bon usage c'est tout du moins un mage de l'Académie.
- Je vous remercie de votre délicate attention. Je vais les examiner de suite si c'est possible.

Il y avait là une belle collection : un bouclier de vulcanium, à la finition parfaite, des armes de jet diverses, des flèches à effet de zone serties de jais, des bagues de jais moins grosses que la mienne, des arcs, des épées, ainsi qu'un casque serti lui aussi de jais. C'était assez drôle de voir ces armes d'un style assez ancien qui étaient sans doute restées là pendant pas mal de temps. Je vis alors un drôle d'artefact, une sorte de bracelet orné de pierres noires rappelant le diamant, d'ailleurs ces pierres ressemblent vraiment à du diamant. L'Inca me regardait assez étonné, il en fut d'autant plus surpris quand je lui demandai de l'eau. Le diamant une fois mouillé, reste sec. Je pus ainsi vérifier que c'était bien un diamant noir qui était serti sur ce drôle d'artefact. L'Inca me dit alors:
- Vous comptez garder quelque chose ?
- Je vais vous prendre ce bracelet, par contre j'ai un conseil à vous donner.
- Ah oui ? Lequel ?
- Prenez ces armes, et servez-vous en si vous veniez à combattre les Sombres. Ils verront ainsi que l'Inca des Hauteurs maîtrise les Sombres, qu'il est prêt à se battre contre eux et que vous êtes fier d'avoir fait fi de votre passé quel qu'il soit.
Nous étions descendus, et nous en étions déjà au chemin entouré de murs. L'Inca ne disait pas un mot sur la petite leçon de morale que je lui avais fait et au moment d'entrer dans le palais il me dit :
- Suivez moi je vous prie dans mon cabinet de travail.
Une fois installés, il sortit une grande carte et m'indiqua une zone grisée au sud est d'un point que je reconnus comme étant le Matchiu Picchu. Il me dit ensuite :
- Les derniers Nains que nous avons croisés, c'était dans ce secteur. Je pense que vous voudrez les contacter, tout du moins dans les intérêts de l'Académie. Je ne vous demanderai qu'une chose : dites leur que je suis prêt à m'incliner devant eux pour avoir leur pardon.
- Inca je vais partir de suite, cette nuit même. Quelque chose me dit que nous n'avons plus de temps à perdre.
- Vous ne voulez pas partir de nuit tout de même?
- Ne vous inquiétez pas, je n'ai pas peur du noir.
- Je pense que vos affaires ont été nettoyées, je vais vous faire préparer des lettres pour que dans tout le Royaume vous soyez bien accueilli.
- Je vous en suis gré.

L'Inca accompagné de ses Généraux me souhaita bonne route à la porte sud de la ville. Je n'avais pris que mes armes et j'avais laissé toutes mes tenues d'apparat et d'autres bagages aux bons soins de l'Inca en lui demandant de les apporter à l'Académie quand il y irait pour le Grand Conseil. Je n'avais pris en plus de mes armes que les flèches à effet de zone et le fameux bracelet que je mourrais d'envie de tester. J'avais trouvé avec un parchemin runique qui en expliquait le fonctionnement assez sommairement : il permettait de créer des salves de mana de par une accumulation extrêmement rapide. Le diamant noir permettait une plus rapide accumulation que le jais, et le reste de l'artefact avait été forgé avec minutie. Je pense même que la place de chaque atome n'était pas due au hasard.
Je ne voulais prendre aucun risque alors que le soleil se couchait, je me lançai dans une courses des Ombres la plus rapide possible. Une fois assez éloigné, je m'arrêtai et après une profonde inspiration je commençai à accumuler un peu de mana Noir. Il vint à moi avec une facilité déconcertante, et je lançai ma première salve vers une falaise. L'explosion et le souffle de celle ci me renvoyèrent directement au sol. Je devais avoir l'air d'un fou, mes yeux écarquillés, un sourire béat d'avoir trouvé une telle arme dans cette grotte. Cependant si cette arme était sombre il devait y avoir une raison : le diamant Noir me faisait un peu peur. Je pris mon diamant que je portais alors à ma main droite, le détachais de la protection de mon avant bras et le posai au sol. Il fallait que je défasse les scellés du diamant Noir et que je scelle à la place le mien, pour disposer de cinq salves encore plus dévastatrices.
Le petit jour me trouva vaseux, sans aucune force en moi et affamé. A mon bras droit le bracelet resplendissait avec son diamant qui brillait dans le soleil levant. Le diamant Noir était brisé en morceaux sur le sol. J'avais utilisé une quantité impressionnante pour briser le premier sceau, pour me rendre compte ensuite qu'il y en avait trois autres. Lors de la mise en place du diamant, j'en profitai pour poser cinq sceaux, un de chaque couleur, plus trois bicolores et pour finir un pentacolore. Ce qui en faisait tout de même neuf... Ce qui m'avait passablement épuisé. Après une petite inspection de toutes les formes de vie environnantes, grâce au Vert, j'allai dans une petite grotte et m'assoupis entouré de ma cape.
Quelque chose me portait, j'entendais des vois rauques parler dans un ton que j'avais déjà entendu et qui plus est je sentais les relents d'une nourriture riche : j'avais eu de la chance et c'était bien les Nains qui m'avaient trouvé en train de dormir dans une de leurs grottes. Cependant je n'avais pas prévu de me réveiller attaché, et aussi surveillé. Les Nains avaient aussi trouvé mes lettres d'accréditation de la part de l'Inca et me regardaient d'un air menaçant. Il ne me restait plus qu'à me présenter :
- Bonjour messieurs!
- Tais-toi donc sale Sombre des Hauteurs. Que viens-tu faire ici ?
- Je voudrais que vous lisiez une de mes lettres d'accréditation, celles qui viennent de l'Académie...
- C'est pas notre problème de savoir tes lettres, on veut juste savoir pourquoi tu es ici.
- Je veux parler à vos chefs.
- Ne t'inquiète pas, y'en a un qui va venir juste pour te fracasser le crâne.
- Excusez-moi si la perspective ne m'enchante pas.
Ils avaient dû entendre la déflagration de mon petit test de la nuit précédente, et ils ont du en être effrayés. Lorsque leur chef entra, il avait une hache à la main et demanda aux autres de sortir. Il me toisait et me dit :
- Qu'as-tu à dire pour ta défense sale Sombre ?
- Je voudrais que vous regardiez ce document, Nain.
Par télékinésie, je fis parvenir à lui une de mes lettres d'accréditation de l'Académie. Il la regarda et me dit :
- Pardon mon Seigneur mais nous vous avions confondu avec un Sombre !

Ils me libérèrent, et ce fut tout naturellement autour d'une table que nous nous retrouvâmes :
- Seigneur Nels, nous avons du mal à croire que les Hauteurs ne soient plus des Sombres...
- C'est Alarkhan qui avait affronté vos ancêtres, et ses meurtres ont été la raison pour laquelle l'Inca de l'époque a décidé de ne plus suivre le Sombre. Au prix de sa vie d'ailleurs.
- Seigneur Nels, pourquoi êtes vous venu jusqu'ici ? Nous ne pensions jamais voir un Mage de l'Académie de l'Ile.
- Je viens avertir vos Seigneurs du Grand Conseil de l'Académie, et nous vous y attendons.
Le Nain qui m'avait libéré me dit alors :
- Nous sommes une section parmi tant d'autres et il nous faudra du temps pour nous organiser. Combien de temps avons-nous ?
- Vous avez encore un peu moins de deux mois pour vous rendre à l'Académie.

La visite des caves naines et la petite réunion avec leurs chefs est restée dans ma mémoire comme un souvenir lointain. Je n'avais plus envie de marauder, j'avais envie de me reposer quelque peu. Les Nains avaient un réseau de tunnels communicants extrêmement efficaces qui me permirent d'arriver très vite à la plaine. Un pressentiment terrible s'était installé dans ma pensée, ne me laissant pas du tout tranquille.

Etrangement, il ne me fallut que peu de temps et je me retrouvai sur la barque, au port de Greyport, et j'entamais une traversée que je ne me rappelais pas avoir déjà faite. Il y avait des questions qu'il fallait que je pose et non pas des moindres. Et ce pressentiment ne sortait plus de ma tête...

Nels

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