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Nels : Histoire d'un mage sans passé : Chapitre 19

La nuit était tombée, la température avait baissé : le Quechua avait mal indiqué le temps du trajet, il m'avait dit que le voyage ne prendrait qu'une journée et voilà que nous aurions à bivouaquer sur la montagne. J'allai voir Quizquiz qui organisait les préparatifs et lui fis part de mon étonnement, à quoi il répondit :
- Le Quechua ne doit pas avoir l'habitude d'aller à la capitale je pense. Il n'avait certainement pas l'intention de vous induire en erreur mais il a dû être un peu optimiste.
- Comment nous organisons nous pour monter la garde ?
- Nous n'allons pas rester ici toute la nuit à vrai dire, dit Ruminahui qui s'approchait, vu que nous voudrions vous montrer le lever du soleil sur le Matchu Pitchiu.
- Je pense que le spectacle sera magnifique alors.
- Tout à fait. Maintenant dormez Seigneur. Demain nous demanderons audience à l'Inca pour qu'il soit informé de votre venue et qu'il vous reçoive avec les honneurs.

De petites tentes avaient été placées autour d'un grand feu de manière à ce que le vent ne l'éteigne pas, et à ce que les utilisateurs des tentes soient réchauffés par les flammes. Les tentes étaient solides, en cuir de par leur aspect rugueux, et autour d'elles on plaçait de lourdes pierres de manière à leur donner de la stabilité. Des pierres de basalte noir étaient mises près du feu : elle étaient ensuite placées dans les tentes pour leur apporter encore un peu plus de chaleur, de par les capacités de conservation de la chaleur du basalte. Nous dînâmes frugalement, puis j'allai dans ma tente en pensant de plus en plus précisément à la manière dont je devrais annoncer le Grand Conseil à l'Inca. L'altitude malgré mon utilisation des feuilles de coca commençait de me peser, et l'air me semblait de plus en plus froid au cours de la longue marche. Je m'endormis d'ailleurs sans avoir eu beaucoup de temps pour préparer un long discours, il faudra improviser.

J'étais dans le noir, le vent soufflait dans tous les sens et des cris aigus de souffrances inimaginables me parvenaient. Un feu intense me ravageait et pourtant, malgré la douleur, je ne ressentais pas le besoin de la fuir. Mieux, j'avais comme l'impression de vouloir encore plus de souffrance, et au fur et à mesure que ma souffrance s'amplifiait, les cris devenaient de plus en plus horribles jusqu'au moment où... La tente était secouée par Chalcuchimac. Je me réveillai un peu surpris en me demandant où j'étais quand j'entendis alors les voix des autres Généraux. Je sortis de la tente sans mon poncho tout d'abord pour me rafraîchir quelque peu, mais au devant du vent glacial qui soufflait je préférai le renfiler de suite.

- Excusez moi de vous avoir réveillé en sursaut Seigneur, mais nous devons partir.
- Vous avez bien fait Chalcuchimac. Je m'en serais voulu d'avoir raté le spectacle que vous m'avez promis hier.

Le convoi se remit en marche, assez rapidement et ce sans même avoir pris quelque peu de nourriture : sans doute que nous mangerions une fois arrivés. Nous nous dirigions vers le Huayna Pitchiu, l'immense pain de sucre, et nous y arrivâmes très vite. Tout comme sur la falaise du jour précédent, une sorte de rainure avait été creusée dans le roc et nous empruntâmes ce chemin qui grimpait comme un escalier vers le sommet du piton rocheux. A partir d'un moment, nous arrivâmes sur une espèce de terrasse et une ouverture avait été faite directement dans le roc, un vrai tunnel cette fois ci. Nous nous y engouffrâmes alors que les premiers rayons du soleil commençaient à poindre, d'ailleurs ils venaient de face à nous dans le tunnel. Il semblait y avoir une autre terrasse au bout du tunnel car je voyais les ombres des guides, bien qu'au fur et à mesure j'avais le soleil en plein dans les yeux. Une fois sorti du tunnel, je regardai alors en contrebas mais il me fallut m'essuyer les yeux deux ou trois fois avant de croire à ce que je voyais : sous le piton rocheux, entourée de deux autres pitons, une grande ville en forme d'oiseau s'étendait, semblant comme flotter dans la brume matinale, reflétant les rayons du soleil aussi parfaitement qu'un miroir, un miroir d'or en l'occurrence. La ville impériale du Matchu Pitchiu s'étendait à mes pieds, majestueuse, terrible. Je voyais aussi des terrasses sur un des versants autour d'elle, sûrement pour les aliments de l'Inca. Qui aurait pu imaginer que le souverain du Royaume des Hauteurs avait pu percher sa ville si haut, à près de 5500 mètres d'altitude, alors que l'effort est rendu difficile, il avait fait construire une ville rivalisant dans sa magnificence les plus belles villes des plaines. Un homme regardait le ciel, et ne bougeait plus : lorsque je regardai je le vis aussi. C'était un oiseau, spectacle banal dans le ciel mais celui ci était grand, très grand même et ne battait pas des ailes, planant au dessus de la ville oiseau : le Condor semblait veiller. Les hommes du bas village avaient raison, son envergure devait être d'au moins trois mètres, voire trois mètres et demi. C'était une véritable allégorie réelle, un poème vivant de voir ce Roi des airs visiter le Roi des Hauteurs.

Quizquiz, d'un naturel impulsif, n'avait pas l'esprit aussi poète que moi. Il me donna une légère tape sur l'épaule, et me dit :
- Non pas que le spectacle ne m'émeuve pas, je voudrais que nous voyions l'Inca au plus vite. Nous avons nous aussi des rapports à lui faire en plus des vôtres.
Les autres Généraux partageaient cette hâte de donner leur rapport au plus vite, afin de recevoir de nouvelles instructions. Nous descendîmes donc vers la ville. A la porte de celle ci, les gardes en faction saluèrent les Généraux et ouvrirent les portes en grand clamant :
- Gloire aux Grands Généraux de l'Empire de l'Inca !

Une fois à l'intérieur, les généraux me guidèrent vers un grand palais lui aussi gardé. La ville était petite mais dessinée au cordeau. Des dizaines de bâtiments étaient alignés parfaitement, la ville semblant être un vaste quadrillage de la montagne. Divers escaliers permettaient de passer les plus grandes dénivellations, même si l'emplacement de la ville semblait assez plat. Les bâtiments étaient faits en pierre mais richement décorés, avec de l'or et une pierre bleue légèrement opaque, du lapis lazuli. Des hommes allaient et venaient mais beaucoup portaient des vêtements comparables à ceux du Quechua de Pallka. La noblesse de l'Empire devait vivre ici sûrement pour être au plus près du pouvoir central. Les Généraux étaient regardés avec respect par les gens que nous croisions, de par leur rang et leurs responsabilités.

Nous arrivâmes au palais, un beau palais sur lequel le Soleil déversait ses rayons. La disposition de la ville lui donnait une luminosité remarquable de plus son altitude faisait qu'il n'y avait pour ainsi dire pas de nuage dans le ciel. Les Généraux demandèrent audience au plus vite : par chance l'Inca voulait les voir. Nous allions être introduits dans la chambre du Soleil, la salle du trône. Au moment d'entrer, je fus ébloui : les murs étaient recouverts d'or et un homme siégeait sous la représentation à l'échelle d'un Condor les ailes déployées. Les Grands Généraux ployèrent le genou devant lui, et tendant leur main droite ils clamèrent :
- Inca Capac, nous sommes ici pour te servir.
L'Empereur paraissait jeune et fort. Il demanda à ses Généraux de se relever, et annonça :
- Je suis heureux de vous voir. Maître, je voudrais avoir une réunion avec mes hommes avant que nous parlions ensemble en présence des sages, qui ne sont pas tous là d'ailleurs. Permettez que je vous fasse conduire à des appartements...
- Inca, je vous suis reconnaissant de votre accueil. J'accepte avec joie et vous prie de bien vouloir me prévenir dès que vous serez disponible, la situation exige la plus grande hâte.

Deux femmes apparurent sur un signe de l'Inca vers un des domestiques présents. L'Inca me demanda de les suivre, ce seraient elles qui m'emmèneraient vers mes quartiers.
Une fois dans les chambres qui m'avaient été assignées, je me précipitai auprès de la grande baignoire dans une des pièces : tant qu'à attendre autant prendre un bain. Un homme entra dans la suite, et me dit :
- Je suis un membre de l'armée Impériale. L'Inca m'a ordonné d'être votre ordonnance. Il m'a aussi dit que la réunion avec ses Généraux se poursuivrait toute cette matinée et qu'il vous donnerait audience dans l'après midi.
- Bien, si c'est ce qui lui convient le mieux. Par contre, je voudrais prendre un bain, et je vois que cette baignoire ne manque de rien sauf peut être d'eau chaude...
- Bien sûr Monseigneur. Tout sera prêt d'ici quelques minutes. Vous souhaiterez peut être de la musique ou alors que des esclaves vous accompagnent?
- Pardon ? Non, je voudrais avant tout me délasser quelque peu, pas la peine de déranger vos esclaves... Non surtout pas.

Il ressortit en me laissant dubitatif... Des esclaves ? De la musique à la rigueur pour se détendre mais pourquoi la compagnie d'esclaves... Ah si, bon ils ont après tout le souci du bien être de leurs hôtes. Assez étonnant tout de même.

Il revint vite avec des femmes qui portaient des sortes d'outres contenant de l'eau bouillante, tandis que des hommes portaient eux de grands bacs d'eau qui semblait nettement moins chaude. L'eau fut versée dans la grande baignoire et l'homme qui me servait d'ordonnance me dit :
- Si vous désirez la compagnie de l'une de ces esclaves...
Les femmes qui étaient entrées étaient belles, le teint mat, les yeux sombres, de longs cheveux noirs. Elles étaient vêtues de toges de lin blanc qui paraissaient très fines qui épousaient les formes de leurs corps.
- Ordonnance, je voudrais rester un peu seul. Veuillez m'avertir d'ici environ deux heures.
- Bien Monseigneur. Si vous désirez quoi que ce soit demandez. Nous vous avons apporté des fruits au cas où vous auriez faim.
Une grande corbeille faite d'argent et d'or ciselé avait en effet été apportée : des fruits des régions chaudes y étaient placés. Je me demandai comment ils se les procuraient mais l'ordonnance me devança dans mes interrogations :
- Ces fruits viennent des basses plaines les plus chaudes de l'Empire. L'Inca en est friand.
- Je n'en doute pas. Nous ferons comme je vous l'ai dit : venez me voir d'ici deux heures.
- Si Monseigneur veut des masseuses, il n'aura qu'à demander et...
- Ordonnance, tout ira pour le mieux.

Je ne sais pas pourquoi il mettait un point d'honneur à ce que j'aie la compagnie d'une des esclaves du palais, mais il était fort insistant. J'avais commencé de me déshabiller et je remarquai que mes vêtements noirs prenaient une teinte terre. D'ailleurs quand je le rappelai, il me dit :
- Ca y est vous avez choisi, donc...
- Non ordonnance ! Je voudrais vous confier mes vêtements, pour qu'ils soient nettoyés si c'est possible.
- Aucun problème Monseigneur.

Il était enfin ressorti et j'avais enfin mes deux heures pour pouvoir me détendre. Première chose à faire : préparer la tenue d'apparat. Je prendrai sûrement la blanche, pour faire ressortir le coté lumineux de l'Académie. Nul doute que ma tenue noire ne conviendrait pas à cette occasion. Une fois débarrassé de ce choix, et au vu du fait que j'avais confié mon attirail à l'ordonnance, je finis de me dévêtir et je me plongeai dans l'eau chaude. Je m'endormis d'ailleurs quasiment instantanément. Lors me mon réveil, je sortis du bain, me séchai et m'habillai de ma tenue d'apparat : j'étais fin prêt pour rencontrer l'Inca. J'ouvris mes bagages, et j'entamai la lecture d'un codex que m'avait confié Zohrskt à Licht qui traitait d'astronomie. Il m'avait dit que ce serait intéressant d'étudier un peu la position des étoiles vu l'altitude à laquelle j'allais me trouver pendant ces jours ci. J'attaquai alors ma première mangue, il y en avait une demi douzaine dans le panier. Quand l'ordonnance entra, j'en étais à ma quatrième mangue et à la moitié du traité. Il me dit :
- Nous vous avons apporté le déjeuner, l'Inca ne pourra vous recevoir que dans trois heures.
Je sortis au dehors des appartements, sur une sorte de terrasse qui donnait vue sur la ville du Matchu Pitchiu et demandai à être servi là. Une table sommaire fut dressée et diverses soupes, divers légumes et, fait notable, diverses viandes me furent servies et non pas que de la volaille ou de la viande séchée. Les fameuses Tomatl étaient accompagnées d'oignons et en fait il y avait assez à manger pour deux voire pour plus. Je proposai à l'ordonnance de m'accompagner et de se servir quelque chose à manger. Il accepta, tout heureux de l'invitation :
- Monseigneur vous m'honorez.
- C'est tout naturel ordonnance. Parlez moi un peu de vous, quel est votre rôle dans l'armée Impériale ?
- Bien en fait, je suis aspirant officier. Je poursuis mes études dans une des écoles d'armée.
- C'est bien. Quel est votre but ?
- Pouvoir commander aussi bien que l'un des Grands Généraux, Monseigneur. Puis je vous demander comment devient t'on Grand Maître ?
- Il faut assister aux cours de l'Académie, et avoir quelques prédispositions.

La discussion dura plus que le temps du déjeuner. Il était un jeune homme de grande gentillesse, prêt à tout pour défendre sa patrie. Nul doute qu'il aurait bientôt à le faire. Il se leva de table en s'excusant, car il ne restait plus qu'une demi heure avant mon entrevue avec l'Inca et il fallait qu'il prenne ses dispositions. Il fallait moi aussi que je prenne quelques dispositions. J'avais déjà communiqué avec Basaïn de loin, mais je me demandais si je pouvais établir un nouveau record de distance. Il ne me faudrait que quelques minutes pour le savoir après tout. Je m'assis sur le sol, les jambes en tailleur, et méditai longuement, ajustant ma respiration pour qu'elle ne soit pas trop brusque. Une fois calme comme je le voulais, je ferme mes yeux et je me concentre non pas sur l'image de Basaïn mais sur l'aura que je ressens quand il est près de moi. Quand un mage réalise cet exercice, enfin un mage du Bleu, couleur du contrôle mental des éléments autour de soi, il accumule une quantité de mana insoupçonnée : ma bague se met à illuminer la pièce d'une belle couleur bleu saphir d'une pureté que je n'avais pas atteinte auparavant. Nul doute que j'avais fait des progrès dans l'accumulation du mana. L'aura de Basaïn était floue dans mon esprit mais d'un coup je le sentis de mieux en mieux, pour enfin le percevoir parfaitement :
- Oui Nels, qu'il y a t'il mon ami ?
- Basaïn ? C'est bien vous ?
- Et qui voudrais tu que ce soit d'autre ? Je suis en train de préparer le Grand Conseil. Hate toi de trouver la citadelle des Nains près du Royaume des Hauteurs, ils nous seront utiles aussi.
- Bien. Je suis pour le moment à Matchu Pitchiu.
- Quelle chance. N'abuse pas trop des esclaves de l'Inca...
- Vous me montrez un aspect de votre personnalité que j'ignorais, cher Basaïn. Là n'est pas la question. Quelles sont les nouvelles ?
- Bardéak est revenu d'Hirmeth, le Roi lui a donné toute sa confiance. Licht est aussi dans le coup, Zohrskt est encore là bas pour rester dans sa famille.
- Et pour Gellus et les Phyrexians?
- Le Nain Angus les fait travailler d'arrache pied et a aussi pris quelques cours avec moi. Il aide Gellus à irradier les pierres. On a pu tester l'efficacité des armures lors d'une attaque d'Orcs : ils n'ont à vrai dire pas apprécié.
- Et pour Naëria ?
- J'ai un cours je dois te laisser. L'Inca ne sera pas difficile à convaincre mais trouve ces Nains. Tu as encore deux mois pour revenir, le Grand Conseil est prévu pour dans deux mois et demi.
- Au revoir...

Il avait tout de même coupé court à la discussion très vite... Je n'eus pas le temps de méditer là dessus, l'ordonnance était de retour :
- L'Inca vous attend, et il n'a pas que des bonnes nouvelles à ce que j'ai compris.

Je me levai prestement, il était temps de se mettre au travail.

Nels

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