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Nels : Histoire d'un mage sans passé : Chapitre 16

Après avoir fait nos adieux à la famille de Drayde, nous dîmes aussi au revoir à Bardéak, en route vers Hirmeth et à Basaïn qui allait former Gellus. Basaïn me fixa un peu, et il me "dit" de sa manière si particulière :
- De nombreux dangers t'attendent, nous t'avons tout de même donné un des voyages les plus longs.
- Je me disais bien que je serais gâté.
- On dit que près du Royaume des Hauteurs il reste une ville des Nains... Il faudrait que tu la trouves. Nous prendrons beaucoup de temps avant d'organiser le Grand Conseil, plus de deux mois voire trois. Tu as tout le temps de marauder un peu.
- Je leur propose une alliance donc ?
- Tu as tout pouvoir pour ce qui est des décisions de l'Académie, je fais confiance à ton jugement ainsi que tous nos confrères Grands Maîtres. Par contre il faut à tout prix quue tu reviennes à l'Académie avant le Grand Conseil... Essaie d'y être avant deux mois et demi.
- Je pense que c'est raisonnable comme délai.

Zohrskt, qui parlait avec sa soeur pendant ce temps là, tapota sur mon épaule :
- Nous devrions partir, notre route est tout de même longue...
- Bien. Bardéak, Basaïn prenez soin de vous. Nous nous reverrons à l'Académie.

Nous partîmes au galop : la route était longue comme l'avait dit Zohrskt, environ une dizaine de jours pour un convoi de marchands, donc peut être six jours à deux cavaliers dont un pouvait régénérer les forces des chevaux au fur et à mesure de la chevauchée. Zohrskt ne disait rien, il semblait un peu nerveux à l'idée de retourner dans sa patrie. Je ne savais rien de l'effet du retour dans un endroit que l'on avait quitté depuis longtemps alors que l'on ne savait ce qui y avait changé, ou alors que les dits changements étaient une crainte. Je me décidai à interroger Zohrskt sur le fonctionnement politique de la ville. Il commença de m'expliquer le la ville de Mithland s'était inspirée du système du Royaume de Licht pour ce qui était de son administration : chaque ville disposait d'un conseil, puis des représentants étaient envoyés à la capitale du Royaume, la ville de Licht, pour le Conseil Suprême, puis un Directoire composé de trois hommes prenait les décisions en conséquence.
- Excuse moi de ma question mais le fait que tu t'appelles de Licht, c'est ton vrai nom de famille ou alors est ce parce que tu es peut être originaire de la capitale ?
- Tu es bien curieux aujourd'hui... Est ce que je te demande pourquoi Naëria est remontée te voir alors que tout était prêt pour son départ ?
- Tu pourras me poser la question après avoir répondu à la mienne.
- Bon... C'est une histoire longue qui nous fera passer le temps...
C'était en effet une histoire longue. Licht était un Royaume prospère dirigé par un bon Roi, le père de Zohrskt, donc Zohrskt était le Prince héritier du trône. Cependant son père est mort alors que lui et Alana n'étaient que des enfants. Soucieux de maintenir l'ordre dans Licht, le Conseil Suprême a décidé la mise en place du Directoire. Une fois que Zohrskt entra en l'age de pouvoir régner comme l'avait fait son père, il demanda à récupérer son rang. Il avait aussi remarqué que le Directoire d'alors était corrompu, ne maintenant pas assez l'ordre caractérisant si bien le Royaume. Lors d'un discours, il dénonça publiquement ces méfaits mais le Directoire l'a alors accusé de lancer des accusations gratuites afin de discréditer l'ordre public et reprendre le règne tyrannique de son père. Ces hommes corrompus réussirent à avoir l'appui du Conseil, et Zohrskt préféra ne plus rester en sa patrie. Sa mère s'installa à Mithland, et c'est là que plus tard Drayde connut Alana. Pour ce qui était de Zohrskt, il s'en alla vers l'Académie afin d'apprendre comment devenir un bon Roi, il préféra y rester en tant que bon Mage et escrimeur, étant devenu un Grand Maître respecté par ses pairs. Une fois son explication finie, je n'avais plus le choix :
- Nels maintenant que tu sais tout de mon passé explique moi quelque chose, dit il en souriant de manière moqueuse, pourquoi Naëria avait cette hâte d'aller te dire au revoir, et pourquoi avait elle le teint aussi rouge en redescendant ?
Je dus passer aux aveux à mon tour, sauf que le résultat fut autre : il se mit à rire de bon coeur devant mon grand étonnement. Je ris aussi, car la situation n'en était pas moins drôle, mais je lui demandais tout de même ne pas ébruiter ces informations. Cette dernière requête le fit rire encore plus :
- Oui c'est vrai, que diraient les élèves s'ils savaient que tu t'amuses à batifoler avec leur professeur de Vert, hein ? Et puis leur dire que c'est une nouvelle méthode pour analyser l'aura pourquoi pas pour les novices mais à partir d'un certain niveau ils se douteraient de quelque chose, non ?
- Je pense aussi... J'ai tout de même un peu peur : son voyage vers Lelanide est tout aussi long que le nôtre et je ne serai rassuré que lorsque je la reverrai à l'Académie.
- Tu sais que ce n'est pas avant quelques semaines...
- C'est ce qui me désole...
La discussion se poursuivit, entre rires et interrogations sur les protocoles à Licht, histoire pour moi de ne pas laisser de mauvaises impressions sur les notables de la ville. Zokrskt m'expliquait d'ailleurs que les nobles du Royaume étaient pour certains très orgueilleux : Karl, celui à qui je devais ma rencontre avec Naëria pour des soins intensifs, n'était autre que le fils de l'un des membres du Directoire. Je compris mieux leur mentalité : ce dernier se croyait même supérieur à un Grand Maître. Le soir tombait, le voyage même s'il se faisait à vitesse élevée était long et fatiguant et nous devions nous reposer. Zohrskt et moi avions récupéré quelques provisions et après un frugal repas nous prîmes quelque repos afin de reprendre notre longue route. Le lendemain, après avoir remis nos paquetages en place, nous répartîmes au galop vers notre destination. Zohrskt m'expliqua que contrairement à Mithland, le Royaume de Licht ne se contentait pas d'une seule ville mais qu'il y en avait plusieurs. De plus à ses frontières, le Royaume dispose d'avant postes pour repérer au mieux d'éventuelles menaces extérieures. La seconde journée de voyage se passa sans encombres particulières, et nous pûmes comparer quelques unes de nos techniques à l'épée, et évoquer quelles stratégies de commandement nous pourrions utiliser en cas de bataille rangée contre les Sombres. Ce qui nous fit passer rapidement la deuxième ainsi que la troisième journée de voyage. Nous prendrions environ une journée à traverser le pays de Licht proprement dit, nous en étions déjà au quatrième jour et nous arrivions aux frontières. Nous manquions un peu de provisions et nous nous trouvions dans une sorte de maquis : dans une petite clairière Zohrskt me demanda d'allumer un feu tandis qu'il s'en irait chasser quelque chose à manger. Je m'occupais donc de ramasser un peu de bois mort, et rapidement un beau feu s'alluma, me réchauffant un peu dans la nuit. C'est à ce moment là que je sentis une présence près de moi, et ce n'était pas Zohrskt... J'ai hésité à sortir mon épée et je préférai tranquillement attendre que cette menace se manifeste. Ca ne tarda pas, une flèche fut tirée qui me manqua, soit il était mauvais, soit il voulait juste manifester sa présence. Il sortit de l'ombre derrière moi, son arc prêt à tirer me sommant de ne plus bouger.
- Je te déconseille de bouger, et retourne toi !
Tout en obéissant je demandai :
- Qui est tu, archer de la nuit ?
- Ne joue pas ton malin avec moi et dis moi ce que tu fais ici, sale Sombre !
- Je pense que tu fais erreur sur la personne...
Zohrskt apparut derrière l'archer qui me menaçait mais il ne dégaina pas son épée. Il lui dit :
- Ranger, que faites vous hors des limites du Royaume ?
-Q ue me voulez vous..., dit il en se retournant et il reconnut alors la tenue de Zohrskt.
- Cessez de menacer cet homme de votre arc.
- Ce n'est pas un Sombre, Monseigneur ?
- Du tout, lui dis je alors, vous pouvez avoir confiance en nous.
- Bien...
Il posa son arc au sol, et sembla nettement soulagé :
- Il y a eu d'horribles massacres ces derniers temps. Des Sombres ont surgi de partout, dans les plus grandes villes et se sont enfuis au plus vite. Ils ont détruit des villages entiers semant la désolation. Ils ont massacré d'innombrables victimes...
Je regardai Zohrskt, c'était la première fois que je le voyais en colère. Il me demanda si je pouvais faire en sorte que les chevaux récupèrent plus vite encore, et dit au Ranger que nous partions sur le champ... Je me concentrai un peu pour accumuler un peu plus de mana que d'habitude et ainsi je pus donner beaucoup d'énergie à nos chevaux. Nous allions ainsi chevaucher toute la nuit, afin d'arriver à une ville de petite importance dont je ne n'ai même pas retenu le nom car Zohrskt encore furieux fonçait vers la capitale. Nous y arrivâmes au soir, nous étions complètement vannés mais nous l'avions fait : sûrement un nouveau record de vitesse pour la distance. Zohrskt assez logiquement connaissait la ville comme sa poche et il se rendit vers un immense bâtiment gardé par plusieurs hommes en armure blanche et demanda une audience. Je compris ensuite que nous étions dans les locaux du Conseil Suprême, et que l'audience n'aurait lieu que le lendemain. La suite est assez confuse, nous nous rendîmes dans une auberge pas très éloignée, où nous prîmes un bon dîner dans un salon à l'écart du reste de la clientèle. Zohrskt m'expliqua que si j'avais dû venir avec lui, c'était parce que la parole de deux Mages serait beaucoup plus convaincante que la sienne seule. Le Directoire en place n'était pas celui qui avait rejeté son autorité mais beaucoup le voyaient encore comme un tyran potentiel, et cela aurait dérangé beaucoup de monde qu'un Roi aussi preux et droit qu'un Mage du Blanc prenne le pouvoir. Nous n'aurions pas à justifier du danger des Sombres, le Royaume vivait des heures difficiles suite à ces massacres mais nous devrions argumenter en faveur d'une action en commun sous l'égide de l'Académie elle même : la collaboration avec des nations considérées comme inférieures serait difficile à accepter pour certains notables. Nous avions tous deux besoin de repos et par chance le Conseil ne nous recevrait que tard dans la matinée : il nous restait encore quelque temps pour préparer nos plaidoiries.

La nuit fut tout à fait reconstituante, et une possibilité de mettre un peu mes idées à plat avant que d'affronter tout une assemblée. Je rejoignis Zohrskt pour un petit déjeuner qu'on aurait pu qualifier de travail, car nous prenions des notes au fur et à mesure, il savait comment leur parler et j'avais déjà combattu les Sombres et vu ce qu'ils étaient capables de faire. Nous avions tous deux revêtu nos tenues d'apparat, pour avoir un aspect non pas de guerriers, ce que nous sommes tous les deux, mais plutôt de sages qui venaient faire partager leurs nouvelles connaissances.
Sortant de l'auberge j'eus l'occasion d'observer un peu mieux la ville en elle même : si Mithland était grande, alors Licht paraissait monstrueuse en comparaison, de par la hauteur de ses bâtiments, la largeur des rues, les divers coches et cabriolets luxueux qui allaient de par les rues, la magnificence des résidences privées que me montrait Zohrsk : la ville était qualifiée parfois de "ville lumière" et ce n'était pas faux comme image : la plupart des constructions étaient d'un blanc éclatant qui reflétait la lumière du Soleil. Nous allions vers le Grand Conseil, afin de convaincre des orgueilleux qu'ils auraient besoin de notre aide. La tache semblait ardue, je le fis remarquer à Zohrskt qui acquiesça :
- En effet, ils ne seront pas facile à convaincre, mais j'ai encore des partisans qui témoignent de la loyauté envers la famille Royale, la vraie famille de Licht. Beaucoup de mes ancêtres ont tout sacrifié pour ce Royaume et malgré le fait que la majorité ne souhaite pas forcément s'en souvenir, certains ont encore de la reconnaissance.
- Espérons qu'ils sauront t'écouter...
- Tu vas devoir beaucoup m'aider dans ce but, avant d'entreprendre ton voyage vers les Hauteurs...
- Je n'ai aucune connaissance du monde qui m'entoure, il faut bien que je voyage.
- J'imagine bien que tu veuilles voyager. Quel dommage que nous ayons toute cette affaire sur les bras... Nous sommes arrivés à propos.

Nous entrâmes dans le bâtiment du fameux Conseil : la décoration était somptueuse, quasiment comparable pour une fois à celle de l'Académie. J'entendais les gens parler à mots bas de Zohrskt, certains se réjouissant que le Prince s'intéresse à sa ville, d'autres l'appelant le Tyran... Nous avions été reçus par les greffiers du Conseil qui nous menèrent à la Grande Salle de Décision, où les membres proposaient et étudiaient de nouvelles résolutions ainsi que les décisions du Directoire. Déjà nous étions attendus, et certains furent effrayés en voyant ma tenue Noire. Le Greffier en chef nous annonça : Zohrskt de Licht, Grand Maître de l'Académie du Blanc et Nels, Grand Maître de l'Académie de la Magie Totale. En entendant nos titres, il y eut un semblant de silence pendant lequel je demandai la parole. Comme convenu avec Zohrskt, j'exposerais les faits et il répondrait aux questions si besoin. Je commençai donc mon discours :
- Hommes du Conseil Suprême ! Nous avons fait une longue route pour venir à vous afin de vous apporter des nouvelles qui ne sont hélas que plus inquiétantes au vu de ce qui se passe dans votre Royaume. Nous venons de la ville de Mithland, où nous avons appris que des membres de leur valeureuse Milice n'étaient autres que des adorateurs du Sombre, le terrible culte. Je me suis moi même mis au service de la Milice afin de découvrir la cause de massacres dans la région, et ai découvert qu'ils étaient le fait du corps d'Elite lui même. J'ai dû les combattre et n'ai pu les vaincre que grâce à l'utilisation d'une tempête élémentaire Blanche, qui donnera une idée à ceux qui ont quelques connaissances de la magie de la puissance utilisée. Nous avons appris que plusieurs hommes et femmes avaient fui le Royaume de Licht et avaient à leur tour provoqué des massacres. A Mithland, nous avons trouvé qui plus est des documents qui prouvent que quelqu'un tient à constituer une immense armée de Sombres : la menace d'un retour d'Alarkhan lui même est sur nous.
Un homme assez âgé se leva et m'interrompit :
- Je croyais pourtant avoir été assuré de sa mort il y a bien longtemps, jeune homme.
- Membre du Conseil, dis je, laissez moi finir. Nous avons eu aussi la certitude de sa mort, mais nous ne pouvons nier un regain des activités des Sombres. Les documents trouvés à Mithland étaient signés par quelqu'un se prétendant être Alarkhan lui même, les soldats de l'Elite de Mithland se disaient être ses soldats dévoués. Soit il est en vie, et le danger est grand, soit il est mort et nous devons craindre celui qui parle en son nom. L'Académie au vu de la menace qui pèse sur tous les Royaumes n'a d'autre choix que de convoquer le Grand Conseil de l'Académie. Au vu de la grande sagesse et puissance de Licht, nous venons vous annoncer que nous aurons besoin de votre participation.
Un des membres du Conseil qui n'avait arrêté de commenter au fur et à mesure mon intervention prit à son tout la parole :
- Seigneur Nels, vous semblez sage mais je voudrais savoir pourquoi est ce que Zohrskt ici présent n'a pas parlé lui même. Aurait il peur des corrompus que nous sommes ? Pourquoi n'a t'il pas pris lui même la parole ?
- Conseiller, je vous demanderai du respect pour nous autres, Grands Maîtres, lui répondis je, et de vous rendre compte que nous ne venons pas ici pour des intérêts autres que ceux des populations de Licht.
- Qui plus est, ajouta Zohrskt, je ne viens pas réclamer ma Royauté, vous le savez bien. Tout le monde ici connaît la dévotion exemplaire de ma famille aux intérêts du Royaume, et tout le monde ici sait que j'avais raison pour ce qui était du Directoire de l'époque. Cette époque là est révolue messieurs ! Soit nous avançons et nous préparons à ce Grand Conseil de l'Académie, nous pourrons sauver non seulement ce Royaume, mais aussi l'équilibre de notre Terre.
Des applaudissements accueillirent la réponse de Zohrskt : il avait comme il le disait encore des partisans qui furent ravis visiblement de sa prise de parole. La résolution fut prise que des hommes du Conseil allaient être choisis pour assister au Grand Conseil, et que nous pouvions compter sur eux.

En sortant du Conseil, Zohrskt paraissait nettement plus serein, plus calme et plus que jamais déterminé dans son action. Pour ma part, j'avais fini ma mission à Licht, et il me fallait encore reprendre la route vers le Royaume des Hauteurs. Il me faudrait quelque temps aussi pour y arriver, et je n'avais d'autre choix que de partir très vite. Zohrskt m'accompagna à l'auberge où je refis mon paquetage, me fis préparer plus de provisions que précédemment et fis aussi préparer mon cheval. Il était encore en pleine santé du fait que je le soigne par mes sorts de revitalisation. Zohrskt ne repartirait pas, tout du moins pas tout de suite : il avait encore beaucoup de gens à voir dans la ville afin de renouer avec un passé qu'il voulait quant à lui oublier : telle est l'ironie de la vie, moi qui avait tout oublié recherchais un passé tandis que lui tenait à une amnésie volontaire. Je lui demandai justement de profiter de sa possibilité de retrouver ses racines, de ne pas perdre cette chance.

L'heure du départ avait sonné : même si la soirée commençait à s'avancer, je chevaucherai sûrement cette nuit pour m'avancer un peu. Pour ne pas me perdre, Zohrskt eut la bonté de me fournir une carte dessinée par ses soins, la carte de la Terre, puis me donnant l'accolade il me conseilla d'arriver au plus vite à l'Académie.

De nouveau j'étais sur la route, de nouveau je me retrouvai seul avec mes pensées, ayant au coeur l'image de Naëria qui devait en ce moment voyager elle aussi vers son destin.

Nels

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