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Nels : Histoire d'un mage sans passé : Chapitre 05

Au moment où nous avons été avertis, il faisait presque nuit. Bardéak semblait fort content de l'imminence du combat, il me donnait l'impression de voir un enfant qu'on emmène s'amuser. Il prit son équipement, son épée, son bouclier, ses diverses armes de jet : il avait lui aussi tout un arsenal. J'étais prêt, et je me demandais comment nous sortirions de la grotte. Au fond de la salle des corbeaux, se trouvait une galerie qui montait en pente douce.. Nous l'empruntâmes en courant, et Bardéak me dit alors :
- Nels, on va voir si tu te souviens de mes cours. Nous allons utiliser la technique de course des Ombres. Tu te rappelles comment on fait non?
- Bardéak, je vous interdis de douter de ma connaissance. Mais moi je vais me permettre de douter si vous allez me suivre, dis je en riant.

La technique des Ombres est l'apanage des mages du Noir. Tout corps qui se déplace engendre une ombre et le mage Noir arrive à se laisser porter par celles ci. Si les ombres ne sont pas en mouvement, le mage n'a qu'à sauter d'ombre en ombre. Cette technique requiert une bonne maîtrise du Noir mais devient rapidement indispensable dans des situations comme celle ci. En tout cas, les corbeaux sont décidés à nous suivre, afin d'être là au moment où leur dîner va être servi. Tout en courant d'ombre en ombre, à grande vitesse, nous suivons les oiseaux qui vont eux aussi très vite. Soudain, au loin dans les cieux, nous voyons un attroupement de corbeaux qui tournent en rond autour d'une position. Nous devons être tout près d'eux désormais. Bardéak s'adressa aux oiseaux :
- Peuple du roi Karasu le Porteur d'âmes, nous vous remercions de votre aide.
- Bardéak, mage du Noir, n'oublie pas ta promesse. Le peuple du Corbeau t'a aidé, tu dois rendre pareille.
Je me permis d'ajouter :
- Peuple Corbeau, les mages tiendront parole tout comme vous avez tenu la votre. Je promet que vos enfants auront de la nourriture.
- Jeune mage, fais attention car le Sombre est puissant. Nous vous souhaitons de réussir.

Nous revêtîmes avec Bardéak nos capes noires, afin de ne pas être repérés de suite. Je ne connaissais pas notre position par rapport à Greyport, le fait d'avoir pris la barque et d'être ressorti par une grotte m'avait définitivement perdu, je demandai à Bardéak notre position :
- Nous sommes au nord de Greyport. Quand nous sommes partis du port avec la barque, nous avons pris la direction de l'Ouest, puis désormais nous avons couru dans un cap Nord Est. Nous sommes dans les collines au Nord de Greyport et ce n'est pas pour nous désavantager. Il nous sera beaucoup plus facile de les disperser afin de ne pas avoir à les combattre tous en groupe.
- Mais si quelques un d'entre eux s'enfuient?
- Tu laisses ton assiette s'enfuir toi? Les corbeaux nous aideront bien sûr.

Nous arrivions de plus en plus près de là où les corbeaux tournaient en cercle dans les airs. Nous nous mîmes à plat ventre et essayâmes de repérer les gens du Sombre. Nous les surplombions depuis une petite colline sur laquelle il y avait quelques arbres. Ils étaient assez nombreux tout de même, plus d'une vingtaine à première vue. Ils faisaient une pause et se préparaient à leur attaque imminente. Pêle-mêle on reconnaissait des Nains, des Elfes Noirs, des Humains : je ne pensais pas que le culte Sombre était si fédérateur pour autant de races. Ils avaient aussi des Orques et deux ou trois Gobelins, sûrement pour effrayer les gens sur leur passage. Je me rendis compte que mon estimation première était fausse : il y avait bien là une quarantaine de personnes et tous semblaient être armés. Bardéak me dit :
- Nous sommes tous les deux des mages du Rouge, je te propose de leur faire un petit feu de joie.
- La souffrance engendrée par les brûlures ne risque t'elle pas de rendre plus fort les Sombres qui seront autour d'eux?
- C'est bien là le charme des batailles contre ces gens là, au fur et à mesure que tu les nettoies, les autres deviennent de plus en plus forts. Le dernier à tuer est toujours sacrément puissant. Cependant, si j'en crois mon expérience, tous ceux ci ne sont que des novices du Sombre. Ils doivent être là envoyés par le Sombre que tu as vu sur ce document sacrifier l'Elfe afin de venger leur maître.
- Ce sera donc plus facile.
- Bon mon vieux ! On est là pour agir ou pour les laisser arriver à bon port?

Je me demandais comment j'allais aborder ces ennemis mais Bardéak ne m'en laissa pas le temps :
- Oh grands idiots du Sombre, leur cria t'il, si vous vous rendez j'envisagerai le fait de ne pas vous massacrer.
Ce fut une vraie grêle de flèches qui lui répondit : décidément les Elfes Noirs étaient aussi efficaces que leurs camarades. Il dut s'abriter derrière un arbre, ce qui ne lui eut le don de le mettre en colère, et je vis les rubis de ses artefacts briller en prévision du feu de joie qu'il allait leur faire. J'étais déjà prêt à riposter et prenant en compte le fait que les sommations d'usage avaient déjà été faites, je me fis voir en tendant mon épée vers le ciel : aussitôt un véritable nuage d'éclairs se manifesta dans la petite vallée happant deux ou trois Elfes Noirs, ainsi que les Gobelins. Les cris qui arrivèrent à mes oreilles ne laissaient aucun doute, je leur avais fait mal. C'était sans compter sur le bouillonnant Bardéak qui fit dévaler un véritable torrent de flammes le long de la colline : il fit quelques dégâts lui aussi. Les membres du Sombre étaient surpris de nous voir, deux mages de l'Académie ensemble, mais ils dégainèrent tous leurs épées afin de nous accueillir. Ce qu'ils ne savaient pas, c'était nos domaines de compétence : en effet nous étions à une distance à laquelle il devait leur être impossible de voir nos bagues.
L'un d'entre eux nous cria :
-Au nom de notre Maître Suprême, le Sombre Alarkhan, nous vous tuerons et vous sacrifierons en son nom. Que les souffrances de nos frères qui viennent de mourir nous donnent de la puissance...
Il n'a pas vraiment eu le temps de finir son discours, Bardéak l'a littéralement carbonisé. Il ne semblait plus s'amuser et se dépêcha de sortir son épée tout en courant vers eux. J'en ai presque plaint le premier, un Elfe Noir, qui n'a pas eu le temps de frapper que déjà sa tête roulait par terre. Je me dépêchai de le rejoindre, mais le petit groupe des Nains sembla alors décidé à me faire goûter à leurs haches. Les Nains ont une légère disposition au Rouge, ils me le firent savoir par une salve de feu collective. Je répondis par une vague bleue, puis me vint l'idée de refroidir leurs ardeurs. J'y ai pensé, le Bleu le fait et une vague de glace part de mes mains vers eux : on dirait de petits esquimaux désormais.
J'avance en direction de Bardéak qui fait un vrai carnage. Nous allons finalement laisser pas mal à manger à nos amis les corbeaux. Je m'occupe rapidement des Orques, comme ils ne sont pas assez intelligents pour pratiquer quelque rituel que ce soit, et qu'ils craignent un peu le feu, je les sens prêts à perdre la tête... Je pense que je vais les aider. Une fois cette tache accomplie avec succès, je me rends compte que des humains semblent avoir pris leurs distances avec le champ de bataille. Ils sont sur une des collines autour de la vallée, et semblent tous invoquer je ne sais quelle chose. Je compris très vite : le fait que nous tuions leurs camarades allait les rendre plus fort.
Bardéak s'en rendit compte aussi, et me hurla :
- Nels ! Il faut que tu ailles les combattre. J'essaie de ne pas trop en tuer en attendant mais fait vite je sais pas si je tiendrai longtemps, dit il tout en tranchant allègrement un Elfe Noir.

Je me mis à courir, et l'un des Sombres vint alors vers moi, son épée dégainée, il me considérait sûrement comme un adversaire facile à battre. Il lui fallut peu de temps pour comprendre son erreur. J'esquivai tous ses coups sans avoir à me servir de mon épée, juste grâce à ma vitesse de déplacement. D'ailleurs, je commence à me fatiguer de ne donner aucun coup et de juste essayer d'esquiver les siens. J'assène un coup violent du plat de la lame dans les côtes, ce qui lui coupe le souffle et le fait se plier en deux, j'en profite pour lui aérer le cerveau grâce à mon épée. Il reste encore cinq invocateurs qui continuent d'accumuler de la puissance, leurs yeux semblent être noirs, et je sens du mana Noir autour d'eux. Un rai obscur part de la main de l'un d'entre eux et se dirige vers moi : un drain de vie. Il compte me faire souffrir jusque la mort afin de récupérer encore plus de mana, je n'y tiens pas tellement. Je lance un contresort, sort Bleu qui peut annuler n'importe quel autre sort. Je réussis mon coup, et le fait que le drain de vie soit rompu semble l'avoir déstabilisé. Il n'a pas non plus vu les plantes qui commencent à pousser très vite autour de lui, ni ma bague verte qui commence à briller aussi. D'un coup, il se retrouve complètement étouffé par des ronces épineuses.
Plus que quatre, ce n'est pas que les deux précédents m'aient fatigué mais le combat me lasse au plus haut point. D'ailleurs, il semble que ces invocateurs se soient passé le mot, à peine mes plantes ont fini de broyer ce gentil Sombre, qu'un autre se rue sur moi. Je ne sais pas si je me fais des idées mais il arrive très vite, beaucoup plus vite que les autres. Il faut se dire que Bardéak ne se retient pas vraiment, et continue ses ravages. Je prends ma dague de ma main gauche, et mon épée main droite, et je les transforme en de vrais fléaux glacés. Plutôt que de m'intéresser à celui qui me fonce dessus, je balance une grosse vague de froid sur mes amis les Sombres. Ils n'ont d'autre choix que d'arrêter leur invocation et éviter d'être glacés. L'avantage de manier les cinq couleurs, c'est aussi de pouvoir surprendre l'adversaire. Ils sont tous encore en mouvement, et savent très bien où je suis. Ils se sont enfin décidés d'en finir avec moi, alors ils viennent enfin, les quatre, dans une sorte de vague noire des plus sinistres. J'utilise alors un sort Blanc afin d'éclaircir la situation. Dans un rayon de quelques mètres autour de moi, une lumière blanche très intense semble jaillir du sol. Les deux sombres les plus proches de moi à ce moment là n'ont plus aucune visibilité, ils n'ont même pas vu que je les approchais, et en deux coups d'épée leurs cas furent réglés. Il n'en restait plus que deux mais ma colère se décuplait au fur et à mesure que je devais me battre. Je chargeai un de mes couteaux à lancer du maximum d'énergie destructrice Blanche, afin que la cible atteinte soit détruite par la force du Blanc. Un des invocateurs était non loin de moi, j'étais encore au milieu du cercle de lumière, et il n'eut sûrement pas le temps de voir le rai lumineux laissé par le couteau qui s'enfonça dans son coeur.
Je voulais voir où en était Bardéak, il continuait de se battre avec une rage terrible, et en ne se servant que de son épée. Au vu du fait qu'il ne restait autour de lui que deux ou trois hommes, je me suis dit que le dernier des invocateurs devait être devenu très puissant. Je sentis son aura, d'une grande force mais je sentis son manque de maîtrise lors de sa première attaque vers moi à l'aide d'une salve noire, puissante mais trop imprécise. Je lui dis :
- Pourquoi t'acharner? Pourquoi vouloir faire du mal ?
- Tais toi blasphémateur! Ne sais tu pas que notre maître Alarkhan vous tuera tous ? Le Sombre vainc tout.
- Et après chaque nuit, renaît la lumière. Tu ne peux annihiler quelque chose de nécessaire à l'equilibre du monde.
- Le Monde n'est rien, et je te tuerai pour ton manque de foi en Alarkhan.
- Je vois que tu n'es qu'un exécutant, tu ne m'intéresses pas.

Il n'apprécia pas ma dernière réplique. Il se mit dans une colère folle, criant je ne sais quelle invocation, alors qu'au loin le jour se levait.
- Ta dernière heure est venue ! cria t'il alors qu'il brandissait son épée.
Il était rapide le bougre, je parai son premier coup à quelques centimètres de ma tête ; tandis que le second coup vint aussi rapidement : j'ai encore failli perdre le bras gauche dans l'action. Il commit l'erreur de reculer, sûrement pour se préparer à attaquer de nouveau, alors je transformai grâce au Rouge mon épée en un vrai ensemble d'éclairs et lançai mon attaque vers lui dans un mouvement horizontal de la gauche vers la droite. Il eut l'intelligence de ne pas parer avec son épée, préférant rouler sur le coté. Il se retrouva près des corps de ceux qui étaient morts dans le cercle de lumière, et prit une des épées, puis recula de quelques mètres. Il déclencha alors une vague mortelle, sorte de vague obscure capable de tuer au contact si elle est assez puissante. Je pus l'esquiver grâce à une salve bleue, mais je me rendis compte que plus il lançait de sorts de destruction de la vie, plus il se renforçait. Il sembla alors invoquer quelque chose de puissant, et je vis se former un élémental d'Ombre derrière lui. Les choses me déplaisaient de plus en plus, je n'aimais pas la tournure des événements. J'invoquai un élémental de lumière, et ces deux bestioles s'éliminèrent mutuellement.
Ce Sombre était plus doué que je ne le pensais, mais il avait un point faible : il m'avait mis en colère. Surtout au moment où il me dit :
- Le Maître te punira, car tu as défendu des condamnés de Greyport.
- Tu ne te préoccupes même pas de tes camarades?
- Ils sont morts et je suis puissant, donc leur mort est une bonne chose. Les faibles doivent laisser leur place aux forts, et je suis le plus fort.
- Pas pour longtemps.

Je courus vers lui, la lame de mon épée devint un vrai arc en ciel, et il s'apprêtait à parer quand je lançai deux couteaux de jet de ma main gauche. Il les reçut en pleine poitrine, tandis que je posai une nouvelle entrée d'air sur son crâne à l'aide de mon épée. Nous avions gagné.

- Nels, je crois que tu as gagné ta place de Maître d'escrime à l'Académie.
- Bardéak, croyez vous que nous ayons éliminé la menace des Sombres?
- Tu as bien entendu Basaïn, depuis sa formation le Sombre fait des ravages. Je pense que le Sombre a encore de longs jours devant lui. Ce n'est pas le genre de choses qui me fait plaisir à dire, mais je suis bien obligé. D'autant plus, ces fous savent que l'Académie est contre eux... Que nous réserve l'avenir ? Une guerre vient de s'enclencher et nous n'avons d'autre choix que de boire le vin qui a été tiré pour nous.

Durant cette discussion, nous vîmes les corbeaux arriver pour leur festin.
- Mages, vous avez accompli votre parole, le peuple de Karasu vous aidera quand il le pourra.

Bardéak ne trouva rien de mieux que me dire :
- Tu vois au moins on fait des heureux. Bon je n'ai rien contre les corbeaux, mais je n'ai pas le même régime alimentaire. L'auberge des Marins est pas mal alors nous irons à Greyport. Et puis il faut que nous parlions à cette fripouille d'Althor.

Nels

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