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Les Novices : Livre III - Enfants Damnés (partie III)

Hantise et démences [2]


Six


Laure observait le plafond blanc.
- Lauralie !
Elle fronça les sourcils et se redressa légèrement pour regarder la porte de sa chambre, elle était grise, il y avait des mûrs de pierre partout. Laure se leva rapidement.
- Comtesse !
Cette voix venait, elle approchait et le coeur de Laure lui échappait. Elle essaya de remonter sur son lit pour se cacher au fond des couvertures, mais il n'y avait plus de lit.
La porte en bois s'ouvrit sur la petite pièce luxueuse. Laure sursauta à la vue d'une bonne grosse femme vêtue de vieux vêtements féodaux.
- Comtesse, vous allez faire patienter encore longtemps votre promis ? Allons ! Dépêchez vous !
- Il... Il y a méprise Madame.
La bonne femme se retourna vers elle, elle fronça les sourcils, Laure se tût, elle respira profondément.
- Oh, putain ! Ces médicaments vont me tuer, râla Laure.
- Putain ? Qu'est ce langage Madame ?
La bonne femme se dirigea vers Laure, elle l'empoigna gentiment, et Laure sentit ce contact, ce n'était pas un rêve.
La bonne femme la mena à une glace qui tenait sur un châssis en or. Laure se regarda, émerveillée.
- C'est si beau...
- Oui Madame, vous êtes très belle, fit la bonne.
Elle portait un hennin blanc, orné d'un voile en soie bleu, une robe blanche avec des volants aux manches, et une longue traîne. Son gros ventre n'apparaissait plus.
- Je suis prête pour... mon mariage.
La bonne souriait, d'accord avec sa maîtresse, elle lui ouvrit la porte, et Laure la précéda.
Elles suivirent une allée tapissée de roses et de pivoines, puis elles entendirent la douce et pénible mélodie de l'orgue.
La nef était envahie par les invités, ainsi que par les deux familles, mais Laure observait seulement l'homme qui se tenait près du vieux pape, et qui lui souriait chaleureusement.
- Rob !, chuchota t-elle très heureuse en s'approchant de lui, bras dessus et bras dessous avec son père, flamboyant dans ses armures.
Il la quitta devant le pape.
Laure ne détachait pas ses yeux de son futur mari.
- Je t'aime..., lui dit-il.
Soudainement l'atmosphère changea, il faisait froid, Laure avait peur, elle releva la tête et hurla, la bête ouvrit son immense gueule.
- Je veux rester mortelle, je veux rester mortelle, hurla t-elle.
Elle ouvrit les yeux, immergée par les coups d'électrocardiogrammes. Les médecins autours d'elle s'agitaient.
- Je veux rester mortelle..., chuchota t-elle.
Elle les entendait s'affoler.
- Le bébé va bien...
- Qu'est ce qu'elle dit ?
- Prenez son pouls.


Sept


Géraldine ramassa le sac poubelle plein, qui gisait sur le carrelage de la cuisine.
- Maman ! Je vais jeter la poubelle.
Celle ci accourut très angoissée, ce qui fit soupirer sa fille.
- Tu vas mieux ?, s'enquit-elle.
- Je vais mieux, lui répondit Géraldine qui se dirigea vers la porte d'entrée, suivie de sa mère.
Géraldine traversa le jardin sous un regard maternel attentif. Elle souleva la couverture de la benne à ordure et jeta le sac.
- Géraldine !, appelait sa mère.
Elle ne bougea plus, quelqu'un d'autre l'appelait, c'étaient encore ces voix lointaines qui se rapprochaient, elle devait fuir...
Géraldine se tourna vers une immense forêt vierge, les feuilles traversées par des rayons de soleil éblouissant, puis elle vit apparaître à la lumière quatre hommes, mal vêtus, avec sur la tête des chapeaux haut de forme usés, et leurs dents qui se révélaient sous leurs mauvais rictus, étaient pourries, Géraldine hurla lorsque l'un d'entre eux la poussa violemment, elle tomba à la renverse.
- Maman !, cria t-elle en se maintenant la tête qui avait violemment rencontré la terre dure du sol d'apparence spongieuse.
Les hommes bredouillèrent quelques mots dans une langue qui lui était inconnue, mais elle comprenait que ce n'était pas des mots corrects, ils avaient l'air furieux. L'un d'eux leva son fouet, Géraldine venait de comprendre, elle essaya de se protéger avec ses bras et ses mains, mais le fouet claqua sur sa peau, ce coup l'avait brûlé au dos, puis il y eut un autre coup, d'autres coups qui lui arrachèrent des cris violent, ce n'était malheureusement pas un rêve. Bientôt les coups ne vinrent plus, Géraldine baissa les bras pour se laisser choir complètement sur le sol.
Elle entendit un grognement surhumain non loin de là, et les hurlements de ses tortionnaires qui s'éloignaient d'elle.
Quand elle ouvrit enfin les yeux, il faisait froid, la nuit était tombée, elle était peut-être revenue à la réalité, mais les blessures qu'on lui avaient infligées se ressentaient encore, c'est pourquoi elle avait du mal à se relever sans avoir mal partout. Géraldine s'arrêta un instant pour se considérer, elle portait une vieille robe, une espèce de chiffon usé et déchiré, elle se trouvait encore dans cette forêt vierge. Elle ouvrit la bouche pour appeler quelqu'un, pour s'entendre hurler, mais rien ne sortait, elle ne sentait même plus sa langue. Désespéré, elle pleura violemment, au moins, elle se libérait comme ça.
- S'il te plaît !
Elle sursauta, et s'arrêta même de pleurer.
- S'il te plaît ne pleure plus !, fit le jeune homme assis près du feu que Géraldine n'avait pas remarqué tout de suite.
Il portait un lourd manteau noir qui lui recouvrait tout le corps jusqu'au pied. Son visage était très pâle, il ressemblait à une statue de marbre, il semblait triste et ses yeux brillaient dans l'obscurité comme deux lanternes, ils étaient aussi bleus et aussi transparents que le ciel, Géraldine trouvait que c'était la plus belle chose, la seule, qu'elle n'ai jamais vu dans ses rêves jusqu'a présent. Pourquoi autant de tristesse dans ses yeux ?
- Parce que j'ai mal, répondit-il en la regardant droit dans les pupilles.
Géraldine était étonnée, il lisait dans ses pensées, c'était stupide, mais elle arrêta de se parler et de penser.
- Approche-toi près du feu, il fait froid, conseilla t-il.
Elle se précipita près du feu, parce qu'elle gelait littéralement sur place. Le feu lui faisait du bien.
- Tu as la peau très sombre, c'est inimaginable, mais c'est très beau. J'avais entendu parler d'un pays où les hommes et les femmes ont la peau sombre, et qu'ils étaient des bêtes stupides et avides de nos enseignements, veux-tu que je te dise ce que j'en pense ?
Géraldine acquiesça.
- Si l'on doit vous enseigner nos coutumes, c'est vous qui nous prendrez pour des animaux, et nous le sommes, pour oser capturer un être humain et lui couper la langue comme ils te l'ont fait, pour oser te battre comme si tu n'étais qu'un vulgaire chien et te demander de nettoyer la crasse laisser par tes maîtres pouilleux, un être humain libre est l'une des plus belles choses au monde, surtout lorsque c'est une femme...
Géraldine baissa les yeux, très gênée.
- Je t'avais entendu crier tout à l'heure et j'ai vu ce qu'ils te faisaient, je suis intervenu de la grotte où tu te trouves, je ne pouvais pas en faire plus, la lumière du jour m'est dorénavant interdite.
Pourquoi ?
- Je suis devenu un monstre, un vampire comme ils l'appellent, un animal...
Géraldine se surprit à s'approcher de lui, il ouvrit son lourd manteau pour l'accueillir, elle se blottit dans ses bras comme une enfant perdue, le corps de son bienfaiteur semblait froid, mais elle oublia vite.
- Tu n'as nulle part où aller à présent, fit-il.
Elle approuva d'un geste de la tête.
- Tu veux rester avec moi ?, lui demanda t-il, je me sens seul.
Géraldine acquiesça.
- Je vais t'appeler Sombre comme la couleur qui te sied. Je suis Kurt Simplon Patrick, Ange déchu, souffla t-il alors qu'elle s'endormait.

- Géraldine ? Géraldine ?
Sa mère se penchait sur son lit d'hôpital. Géraldine ne daignait pas ouvrir les yeux.
- Mais qu'est ce qu'elle a ? Mon Dieu !, scanda Mme Aymé au docteur qui observait sa fille.
- Madame, elle n'a rien du tout, son pouls s'est stabilisé. A présent, voyez vous-même, elle dort, lui annonça t-il.
Mme Aymé se calma, elle regardait maintenant sa fille qui était plongée dans un sommeille moins agité.
- Ca va faire cinq chutes docteur, qu'est ce qu'elle a ?, demanda t-elle d'une voix posée.
- Je n'en sais rien, mais il faut qu'elle reste ici une semaine, le temps de faire des analyses complètes, nous avons dans le service une fille qui semble avoir les mêmes symptômes, nous verrons bien.
Mme Aymé acquiesça maintenant d'humeur inquiète mais moins hystérique.


Huit


Frankie descendit dans la cave, très énervé. La comtesse l'avait chargé ce soir de nourrir les enfants morts qui hurlaient du fond de leurs tombes, ce que Carine ne supportait plus du tout.
- J'en ai marre d'être de corvée, râla t-il en ouvrant le garde manger, une porte en fer derrière laquelle se trouvaient des corps entassés, sanglants, démembrés et puants, ils empestaient tellement que Frankie se dépêcha de sortir deux corps frais de la veille pour les traîner hors de la pièce. Lorsqu'il referma la lourde porte en fer, il était si soulagé.
Il traîna les corps au plus profond de la cave où une douzaine de tombes jonchaient le sol.
- Voila les enfants, vous allez vous régaler, souffla t-il.
Il arracha du corps mort un bras, ce qui fit un bruit de craquement épouvantable. Puis il ouvrit la première tombe, et lança le morceau de viande avant de la refermer sous un grognement satisfait. Il fit de même avec les autres, leurs cris s'étaient apaisés.
Lorsqu'il avait fini, Frankie resta un moment immobile, lui aussi commençait à avoir faim. Il regardait la lourde porte en fer avec un regard plein de malice. Derrière se trouvait le sang qu'il lui fallait, tout le sang qui lui fallait et tant pis pour les enfants...
Frankie ! Non !...
C'était les voix des enfants qui flottaient dans la cave, essayant de le dissuader de ne pas toucher à la réserve.
Il s'avança, ignorant les avertissements. Frankie ouvrit la lourde porte en fer, il resta immobile, hébété par ce qu'il voyait maintenant. C'était une petite fille, une ravissante petite fille en porcelaine qui se tenait assise à terre étreignant un homme à demi mort. C'était sûrement pour la protéger ou la cacher que les enfants l'avaient supplié de ne pas ouvrir cette porte. La jeune apparition avait redressé la tête vivement secouée, elle lâcha sa victime et se leva vêtue d'une longue robe en taffetas, comme celle de Carine, mais celle qu'elle portait était blanche, tâchée de sang.
- Qui es-tu ?, demanda Frankie.
Elle ouvrit la bouche, mais elle ne dit rien finalement. Elle se mit à courir vers lui, mais une lourde herse s'était interposée. La petite fille poussa un cri étouffé, affolée.
- Cassie ?!
La Comtesse fit son apparition derrière le dos de Frankie, affreusement défigurée par une joie indicible.
Cassie recula.
- Je t'ai sentie approcher, venir ici pour trouver de la nourriture... Et peut-être un peu de compagnie ?, fit la Comtesse qui s'était détachée de Frankie.
Cassie poussa un grognement épouvantable, elle essayait maintenant de briser les barreaux en fer.
- Qui est-ce Madame ?, demanda Frankie sans détacher ses yeux de la petite Cassie.
Elle s'en aperçut et couru se réfugier au fond de sa cellule.
- Tu n'as pas besoin de le savoir, répondit sèchement la Comtesse, ne t'éprends pas d'elle, elle est très dangereuse.
- Je ne pourrais pas, elle est si jeune.
- Cela va faire 7 siècles que cette petite morveuse me tracasse, ne te méprends pas sur elle, ne fais pas confiance à tes yeux.
La Comtesse se dirigea vers la porte de sortie, les enfants faisaient un boucan, mécontents que l'on ait trouvé Cassie.
- Fermez là !, hurla la Comtesse, ou je me ferais un plaisir de vous manger...
Elle ouvrit la porte très contrariée et la referma brusquement.
Frankie se tourna vers Cassie qui continuait à se nourrir comme si rien ne s'était passé, il s'approcha des barreaux ignorant l'avertissement de la Comtesse.
- Tu es vraiment très belle, dit-il.
Elle releva la tête pour apercevoir la personne qui lui adressait la parole. Elle n'avait aucune trace de sang sur les lèvres, pourtant elle avait bu. Le garde manger avait une odeur insupportable, et cette magnifique créature se trouvait là, un rêve au milieu de ce cauchemar pourtant appétissant.
- Qui es-tu ?, demanda Cassie.
Frankie découvrit ses dents blanches rougies par le sang de ses victimes, il la trouvait encore plus extraordinaire.
- Je suis bien trop vieille pour toi, répliqua t-elle.
- La Comtesse est ta maîtresse ?
- Damned ! Non ! Ma maîtresse est morte, elle était tout pour moi et cette garce l'a tuée.
- La Comtesse a tué ma mère pour pouvoir m'avoir, confia Frankie.
Cassie lâcha le cadavre qu'elle tenait dans ses bras et s'approcha des barreaux attristée.
- Moi aussi j'ai perdu ma mère, elle a procédé de même avec ma maman, dit-elle.
- Je l'aimais tellement, la Comtesse l'a tuée pour me rendre mauvais.
Cassie se colla aux barreaux, de plus en plus intéressée. Ils avaient une affinité ensemble, ils pouvaient s'entendre.
- Tu n'as jamais envisagé la fuite ?, lui demanda t-elle à voix basse.
- Tout le temps. Lorsque Carine est arrivée, je pensais que tout allait changer, mais la Comtesse ne compte pas se laisser marcher dessus.
- Qui est-elle ? demanda Cassie.
- La novice du Dieu.
Un sourire se dessina sur ses lèvres.
- Ainsi, il y en a un autre qui a pu survivre, puisque aucun vampire n'est mort, c'est qu'il a atteint sa maturité.
- Oui.
- C'est le second enfant de Kurt, quelle tristesse qu'il n'ait pas vécu assez longtemps pour le voir.
- Tu connais le père du Dieu ?, demanda Frankie exulté.
- Oui.
- On peut s'enfuir, on va partir, décida Frankie tout d'un coup surexcité par cette nouvelle aventure où elle allait l'entraîner.
Cassie acquiesça vivement, elle écarta de ses petites mains blanches les barreaux de fer pour se frayer un chemin vers la sortie.
- Avant, il faut que j'aide les enfants, je leur ai fait une promesse, fit-elle.
Les enfants émirent des grognements de soulagement, lorsqu'elle les brûla tous. Ils étaient enfin libres.


Neuf


Agnès était plongée dans son bain, elle avait compris comment cela fonctionnait à présent, dès qu'elle se trouvait dans l'eau, les visions revenaient. Elle s'immergea dans l'eau écarlate, c'était malsain, elle avait l'impression d'être la comtesse Bathory, le sang de toutes ces vierges et leurs hurlements...
- Agnès ! Agnès !
Elle ouvrit les yeux, c'était la voix de Kay Line. On lui avait mis des fers aux pieds et aux poignets, elle semblait souffrir terriblement. Agnès essaya d'aller vers elle, mais ce n'était pas possible, elle était loin de Kay Line. Plus elle s'approchait, plus son amie lui semblait éloignée.
- Agnès !, hurla t-elle encore.
Une vieille femme très petite de taille et apparemment bossue pénétra dans la pièce sombre, elle tenait dans ces mains une écuelle et un vieux couteau, elle s'approcha de Kay Line, sa démarche avait quelque chose de repoussant.
- Laissez-moi ! Je veux me réveiller !
La vielle femme prononça quelques mots dans une langue inconnue, puis elle posa la lame fine et rouillée sur le poignet de Kay Line, vers l'intérieur, où se trouvaient toutes les plus belles veines violacées, rouges, elle appuya sur la peau.
- Agnès ! Réveille-moi !, hurla Kay Line.
La vielle lui entamait la peau, et elle recueillait les perles de sang dans l'écuelle.
- Kay Line !, cria Agnès.
La vieille se tourna vers elle, ses paupières étaient closes. Agnès se réveilla trop effrayée, jamais elle ne recommencerait, c'était trop atroce, c'était écoeurant... Mais elle non plus n'était pas véritablement réveillée. Autour d'elle s'étendaient des ruelles sombres et sales, elle entendait des plaintes toutes proches, il faisait froid, trop froid. Agnès baissa les yeux vers une jeune femme plus jolie que l'autre sorcière de tout à l'heure, elle était très pâle, et luttait pour respirer encore.
- Maman !, se surprit à dire Agnès.
On lui enserra bientôt le cou avec un fouet, solide et blessant. Agnès étouffa un cri, on la traînait à terre, c'était des hommes qui riaient.
- Harmony ! Je vous en prie ! Par pitié, gémissait la jeune femme à terre, et Agnès voyait mieux, un homme était en train de la souiller, on l'avait éloignée du corps pour qu'elle ne dérange pas.
- Tiens-toi tranquille !, fit un autre homme, celui qui la retenait prisonnière avec le fouet, il approcha son visage du sien et elle put sentir son haleine pestilentielle.
La vieille femme lui tendait la main, elle aurait voulu l'attraper.
- Je t'ai dit de rester tranquille, gronda l'homme.
Il sortit un pistolet et tira sur la vieille femme, il l'atteignit au front, et son bras retomba lourdement sur le sol. Agnès se mit à hurler, à hurler si fort malgré la pression du cuir sur son cou.
- Mais tu es fou, fit celui qui avait jeté sa gourme sur cette pauvre femme, je n'ai même pas terminé.
- Tu vas la fermer !, hurla l'homme au fouet qui ne supportait plus les cris d'Agnès.
La porte d'entrée se brisa furieusement, Agnès se tut, surprise, les deux hommes s'étaient armés. L'intrus se tenait sur le seuil de la porte richement vêtu.
- Retourne d'où tu viens gentilhomme, c'est une histoire entre pauvres, fit l'homme au fouet.
- Lâche cette petite fille !, ordonna t-il furieux.
L'homme au fouet fit feu suivi de l'autre qui l'imita. L'homme s'écroula comme une masse. Agnès voulait absolument se réveiller, maintenant !
- Agnicio !, chuchota l'homme au fouet, regarde !
L'homme se releva comme il était tombé, sans prendre appui sur quoi que ce soit, il avança vers les deux hommes armés, restés complètement stupéfaits, parce qu'il flottait dans les airs, ses pieds n'effleuraient pas le sol. Agnès se précipita vers le corps de la jeune femme, elle s'allongea à ses côtés et ferma les yeux, elle essaya de ne pas faire attention à ces craquements, ces déchirements, ces affreux hurlements. Lorsque le silence était revenu, Agnès sentait que l'air s'était refroidi, mais qu'il était réconfortant.
- Elle respire Madame, annonça le sapeur pompier qui prenait le pouls d'Agnès couchée sur la civière.
- Pourquoi elle ne se réveille pas ?, demanda sa mère, les larmes aux yeux sur le pas de la porte, réveille-toi ma chérie !


Dix


Egane essayait de se cacher, mais elle la retrouvait toujours.
- Suffit ! Je ne veux plus jouer, rends toi !, hurla t-elle.
Egane se mit à courir, à détaller comme un gibier, vers la taverne la plus proche. Elle hurla en entrant, terrifiée, tous les gens qui s'y trouvaient, la dévisagèrent.
Egane serra très fort la petite croix en fer qu'elle portait autour du cou.
- Aidez-moi ! Aidez-moi ! Ma fille est malade et on veut nous ôter la vie, c'est un démon, elle veut m'emmener, elle dit que je suis très belle et que mon sang est si pur que tous ceux de son espèce la convoitent.
Ils rirent tous sans exception.
- Elle serait pas devenue un peu folle notre Clémence ?
- Moi je vous dis qu'elle a trop bu.
- Cette petite est totalement dingue, c'est un monstre.
- Aidez-moi !, supplia Clémence les larmes aux yeux.
Un homme du village s'approcha d'elle, il empestait l'alcool.
- Moi, je dis que personne ne viendra pour t'aider, tu portes la poisse, toi et ta fille, vous êtes maudites, vas t-en de là !
- Ce n'est pas moi qui suis folle, c'est la femme qui prétend être un démon, là, dehors, répliqua Clémence.
- Alors défends-toi seule.
- Elle me fait peur, répondit t-elle.
Des cris inhumains firent sursauter les gens de la taverne, Egane se tourna vers la porte, défigurée par l'effroi.
- Elisabeth !, hurla t-elle en sortant précipitamment suivie de tous ceux qui s'étaient moqués d'elle et des autres gens du village qui avait entendu les cris.
- Reculez ! Ce sont des loups, cria t-on.
Les animaux aboyèrent, et montrèrent leurs crocs aux villageois, puis ils retournèrent à leur festin, l'un d'eux emporta le foie qu'il avait arraché du corps plus loin pour le déguster. Egane était arrivée, elle commença à hurler pour ne jamais finir, elle se précipita vers la horde de loups, ils levèrent la tête surpris, puis ils reculèrent docilement, en poussant des gémissements, ils se couchèrent sur le flanc. Egane s'assied à terre près du corps ensanglanté et déchiqueté de sa petite fille, elle essaya de la prendre dans ces bras, mais son corps n'était plus que de la bouillie, il glissait entres ses mains.
- Elisabeth !, hurla t-elle.
Les villageois essayèrent de s'approcher, mais les loups grognèrent contre eux, personne n'osa broncher.
Egane se tourna vers eux, ils avaient refusé de l'aider, maintenant sa fille était morte. Elle arracha la chaîne qu'elle avait autour du cou pour la jeter à leurs pieds.
- Je vous maudis ! Tous ! C'est cela que vous aviez toujours désiré, que l'on meure toutes les deux.
Elle arrêta de pleurer et enleva sa cape. Elle la mit à terre et ramassa tous les morceaux de sa fille pour les mettre dessus, puis elle la referma comme un ballotin, et regarda les villageois.
- Si la jeune femme me délivre de ma condition d'être humain, je reviendrai pour vous hanter.
Egane s'en alla, le ballotin derrière son dos, les loups se redressèrent, ils foncèrent dans la foule.
Egane trébucha sur une branche, son sac lui échappa des mains. Lorsqu'elle se redressa, elle avait le bras collé à la bouche et Claire se tenait devant elle, la tête enfouie au creux du cou d'un jeune homme, elle le lâcha bientôt, la bouche maculée de sang.
- Arrête ! Tu ne tiendras plus longtemps, c'est ridicule, un vampire qui se nourrit de son propre sang, tu ne dois plus avoir de culpabilité, cela peut t'empoisonner de plus, gronda t-elle.
Egane décolla son bras de sa bouche, elle s'était mordu et buvait son propre sang.
- Tu m'avais dit vouloir te venger des gens de ton village, allons y faire un petit tour ma douce, proposa Claire.
Puis elle avait ri, ce son était trop insupportable.

Elles étaient toutes installées dans la même chambre, elles dormaient maintenant, et le médecin les observait calmement.
- C'est incroyable, elles réagissent toutes les six au même moment, je ne sais pas vraiment ce que cela peut être, elles se trouvent être en bonne santé, meilleure que la mienne, dit-il à l'infirmière qui prenait le pouls de Claire, je ne comprends pas, c'est peut-être l'affaire du service de psychiatrie. Lorsqu'elles entrent en état de démence, rien ne peut les réveiller... Je ne suis pas encore fou, répliqua t-il.
- Elles vont bien, annonça l'infirmière, je reviendrai toutes les heures et ensuite Christine prendra ma place.
- Ils nous manquent quelqu'un, l'infirmière de l'école a dit qu'un jeune garçon était lui aussi tombé et avait été pris de malaise dans la cour de récréation.
- Nous avons appelé chez lui, sa mère dit qu'il n'a rien.
- Bien.
Ils s'en allèrent après avoir éteint la lumière, tandis que Laure ouvrait les yeux, le bébé avait bougé.


Onze


Frankie essayait de sortir sans se faire remarquer, ils n'arrivaient pas à trouver un passage discret pour quitter la maison sans que la Comtesse le sache.
- Pourquoi vous ne sortez pas ?, leur demanda t-on.
Frankie et Cassie se retournèrent. Carine ouvrit la lumière.
- C'est si facile, continua François.
Cassie s'émerveilla à la vue de son neveu.
- Je suis si heureuse de te voir enfin, mon trésor !, souffla t-elle en s'approchant d'eux.
- Tu as encore une fan, persifla Carine.
- Non, répliqua Frankie, elle connaît son père.
François se leva d'un coup, il s'approcha d'elle, rien n'était plus important pour lui que ce simple mot.
- Tu le connais réellement ?, lui demanda t-il.
- Tu lui ressembles tellement, j'ai l'impression que tu es son reflet, répondit Cassie.
- Je lui ressemble, chuchota t-il enchanté.
Il s'agenouilla devant elle.
- Je te connais, mon coeur te connais, j'ai l'impression que je peux te suivre n'importe où ? Pourquoi ? demanda t-il.
- C'est l'appel du sang...
- Es-tu ma véritable mère ?
- Ne sois pas stupide François, elle est trop petite, elle a due être crée avant d'avoir eu 16 ans ou 14 ans, fit Carine.
- C'est vrai, je ne suis que ta tante.
- Où est mon père ? Etait-il vraiment humain ?
- Il est mort, c'était un vampire, le plus beau de tous.
- Comment ? Quand ?
- La folie, comme ton frère il y a longtemps.
François se blottit dans ses bras, un peu perdu, il se sentait tellement mieux, il a été privé depuis si longtemps d'amour et de vérité.
- Tu n'es plus seul, tu peux retrouver ta véritable mère, elle vit encore, annonça Cassie.
- Elle ne doit pas savoir que j'existe, fit François.
- Non.
Il se détacha d'elle.
- Tu te nommes Cassie !, s'étonna t-il après avoir lu ses pensées.
- Frankie s'est épris de vous, il a peut être intérêt à prendre soin de vous, fit remarquer Carine toujours assise à la même place.
- Allez-vous-en ! La Comtesse ne doit pas en avoir mots, fit François.
Il se tourna vers la fenêtre. Elle se tordit violemment pour prendre la forme d'une porte. Frankie prit la main de Cassie, et ils s'en allèrent à travers le passage, la fenêtre reprit sa forme originelle juste après leur départ.
François restait debout toujours tourner vers celle ci, pensif.
- Je suppose que tu ne refuseras plus mon invitation à sortir à présent, fit Carine très heureuse des circonstances.
- Je veux voir à quoi ça ressemble dehors, je veux voir les humains, chuchota François.

Kei

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