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Les Novices : Livre III - Enfants Damnés (partie IV)

Monstres de haine


Un


L'endroit ce soir-là était plein à craquer, des chants en latin sur fond d'électro se répercutaient sur les murs voûtés.
- Les 6 filles sont à l'hôpital, je les ai vues défiler dans les ambulances toute la nuit, rapporta Franck.
Il se trouvait assis autour d'une table, avec Mimi et Raphaelle à ses côtés. Ils étaient à Paris dans une cave où l'on donnait ce soir là une soirée Baroque, leur thème préféré... Raphaelle avait envie de danser, elle ne voulait plus écouter les récits de Franck et les rapports de Mimi sur ses foutus rêves où elle discutait avec un mort.
- Depuis quelques temps, chaque fois qu'il m'apparaît, c'est pour mourir ensuite. Qu'est ce que j'ai pu lui faire ?, se lamenta Mimi.
- On pourrait aller danser !, explosa Raphaelle.
Franck et Mimi levèrent les yeux sur elle, impassibles.
- Vas-y !, lui répondit-il.
- J'y vais oui, se raidit-elle avant de rejoindre la piste.
- Franck, tu es trop distant avec elle, elle va croire que je le fais exprès, commença Mimi.
- Je travaille, répliqua-t-il.
- Va danser avec elle !
Il se leva presque vexé, et alla rejoindre Raphaelle qui voyait bien que cela le contrariait. Mais dans un coin, il aperçut Damien, Émilie et le vampire.
- Tu ne danses plus ?, demanda Raphaelle.
Il ne lui répondit pas, Franck marchait déjà dans une direction opposée. Raphaelle réprima ses sanglots, elle s'en alla sans demander son reste, cela devait bien se terminer comme ça.
Mimi ne voyait rien de tout ça, tous ces agités lui cachaient ses amis. Elle attendait que l'un d'entre eux revienne.
- Qu'est ce que vous faites là ?, demanda Franck furieux.
- Le simple fait de nous voir semble déclencher en vous des réactions incohérentes, fit Damien, vous nous admirez, mais vous nous haïssez tout autant. Vous voulez des réponses, mais vous n'osez pas poser les questions juste de peur que l'on vous devine, vous avez trop d'orgueil Franck.
Il s'assit aux côtés d'Émilie qui lui avait indiqué la place vide. Elle le fascinait, mais il avait peur, il y avait trop de mystère autour d'elle, il ressentait comme un malaise à ses côtés, il semblait voir le monde chavirer.
- Nous sommes venus ici pour assister à un spectacle, commença Damien, mon Émilie a découvert que quelque chose avait transpercé le temps, « l'ordre rétabli », quelqu'un a fait appel, cette personne doit être très puissante pour l'avoir fait.
- Qu'est ce que « l'ordre rétabli » ?, demanda Franck.
- Les âmes tourmentées ont besoin de vengeance, ils doivent revenir pour que leur repos soit doux et éternel, ils ne dormiront plus, tant que le mal qui a été infligé ne sera réparé, répondit Émilie de sa douce voix.
- Vous ne savez donc rien, se moqua Damien, pourtant vous avez la clé du mystère.
- Laquelle ?
- Cette jeune fille, souffla-t-il.
Et ceux qui dansaient s'écartèrent comme si un long couloir froid les avait traversés, Franck vit Mimi.
- Nous sommes venus ici pour voir le spectacle, continua Damien.
Franck ne comprenait rien, il n'avait jamais eu besoin de réfléchir avant, et voilà que cette histoire se compliquait. Il chassait seulement les vampires, pas les mystères et les fantômes.
Carine et François entrèrent dans la salle à cet instant, Émilie frissonna lorsqu'elle ressentit l'aura du Dieu, elle fit un signe de la tête à l'intention de Damien.
- Ils sont beaux, fit François en regardant avec admiration tous ces gens qui gigotaient de toutes parts, tous ces visages, toutes ces pensées.
Carine lui attrapa la main, il aimait lorsqu'elle le touchait. Elle l'entraîna dans la foule.
- Je ne sais pas danser ma Carine, dit-il.
- Tu n'as pas besoin, elle se colla à lui, ce qu'il pouvait l'aimer, c'était son cyprin.
Mimi se leva, elle voulait s'en aller. Raphaelle a dû partir excédée par Franck et il a dû lui courir après.
- Regarde bien, ça devient très intéressant, fit Damien à Franck.
Mimi était debout, elle essayait de retrouver Raphaelle et Franck dans toute cette foule.
Émilie fixa intensément la jeune fille qui perdit l'équilibre tout d'un coup et s'agrippa à la veste de François.
- Pardon, pardon, fit-elle lorsqu'il l'attrapa pour éviter sa chute.
Mimi leva les yeux vers lui, troublée, elle avait l'impression que l'homme qui se tenait face à elle était Kurt, il lui ressemblait beaucoup, et ses yeux mauves, était-ce des lentilles de contact ? Était-ce un vampire ? François ne savait pas du tout ce qui se passait, ce qu'il avait ressenti pour Cassie tout à l'heure le submergeait de nouveau, l'empoisonnait.
- Pourquoi pleures-tu ? demanda Carine inquiète.
François se tenait la poitrine, son coeur était sur le point d'exploser, de déchirer sa chair pour la rejoindre, elle, il était sur le point de défaillir.
- François !
Carine le rattrapa, elle poussa Mimi doucement pour ne pas lui faire de mal.
- Carine !, fit Mimi, Carine qu'est ce que tu fais ici? Ta soeur te cherche partout et...
- Va-t-en !, gronda celle-ci.
Elle releva François et s'éclipsa rapidement, c'était trop irréel, Carine avait changé, Carine était... Mimi se sentit très mal tout d'un coup, son coeur la pinçait très fort. Elle aussi allait s'écrouler.
- Ca va aller.
Franck l'attrapa par la taille avant qu'elle ne défaille, ça va aller.
- J'ai mal.
Franck cherchait à présent Damien du regard, le couple avait disparu. Il n'avait toujours rien compris.


Deux


Raphaelle avait décidé de rentrer à pied et tant pis si on lui tombait dessus, peut-être que sa mort intéressera quelqu'un, tout le monde semblait apprécier les morts en ce moment.
- S'il vous plaît !
Elle se retourna vers celui qui l'avait interpellé, celui qui se cachait dans l'ombre.
- Je n'ai pas d'argent, autant dire que je n'ai rien.
Elle se mit à sangloter.
- Demain, j'ai un contrôle d'anglais très important, mais je n'ai même pas révisé, et Mimi, elle qui a tant d'emmerdes, elle a eu le temps... Si vous voulez me tuer, allez-y doucement quand même, parce que j'ai un problème de dos...
- Je veux seulement une cigarette, coupa l'homme.
Il sortit de l'ombre et s'avança lentement, c'était si harmonieux, il était trop parfait, il devait être très vieux. Ce vampire était stupide, il se découvrait comme ça, sans raison ou il la prenait tout bonnement pour une écervelée.
- Bouge pas!, hurla-t-elle en serrant les poings, mon ami est un chasseur et je sais comment me défendre, ce ne sera pas facile de me vider de mon sang.
- Je n'en bois plus.
Il se découvrit vraiment. Raphaelle baissa les poings, il n'était pas réel, ce n'était pas possible, il était trop parfait. Il se tenait face à elle, les cheveux longs, une cascade qui lui tombait sur les deux côtés du visage. Et cette pâleur, cette si douce blancheur, qui la faisait ressembler à du marbre, sa peau était lisse, et ses yeux clairs, très clair, ils changeaient de forme et de couleur selon la lueur des réverbères, elle n'avait jamais connu de vampire aussi séduisant ou peut-être que cela n'en était pas un.
- J'étais à la cave, je t'ai vue au milieu de toutes ces âmes futiles qui essaient en vain de trouver la signification propre de l'existence en se vidant le cerveau de tous leurs malheurs en écoutant des musiques si glauques.
- J'existe, répliqua Raphaelle en larmes.
- Alors pourquoi es-tu triste ? Pourquoi vouloir que l'on te tue ? Pourquoi pleures-tu ?
- C'est toi ! Toi qui lis mes pensées, ça fait si mal,... Je ne comprends pas, tu exerces tes pouvoirs, arrête ça !
Elle se laissa retomber vers le sol, mais il la rattrapa de justesse avant que ses tibias n'aient eu le temps de toucher le sol.
- Tu es si belle, ça fait si mal, que moi immortel, je verse des larmes.
Raphaelle lui essuya les joues, elle le fit comme celà, elle n'y croyait pas elle-même, elle trouvait ça agréable, même si ce qu'il versait était rouge.
- Pardon !, dit-elle, ne pleure plus.
- Tu existes pour moi, s'il te plaît, ne cherche pas la mort, souffla t-il.
Raphaelle le regardait droit dans les yeux, ils étaient devenus écarlates, malgré sa répugnance pour cette couleur, elle l'adorait sur lui.
- Mon nom est Saphir, mortelle, Saphir Valmond de Freyme, j'ai besoin de toi.
Il s'éloigna d'elle, ses paroles allèrent se perdre dans l'air, les vents les entortillaient. Raphaelle ne bougeait plus, elle l'avait vu disparaître dans le noir, s'enfoncer quelque part, mais, il avait besoin d'elle, on avait besoin de son aide.
Ce soir là, pour rentrer chez elle, Raphaelle prit le taxi, sereine comme jamais elle ne l'a été.


Trois


Carine le déposa sur son lit, François n'avait plus ouvert les yeux depuis qu'ils étaient sortis de la cave. Elle avait peur, très peur de le perdre, c'est lui qui lui avait donné une mission, s'il disparaissait, elle n'existerait plus.
- Ne soit pas idiote, fit Milicia qui vint s'asseoir près d'elle, ce n'est pas de ta faute.
- C'est moi qui l'ai emmené, il ne supporte peut être pas d'être dehors.
- C'est un immortel puissant, si puissant qu'il a l'honneur d'être érigé au même rang qu'un Dieu, alors maintenant arrête de pleurer !
Carine s'exécuta.
- Ce qu'il a est simple, François a rencontré celle qui l'a enfanté, au pire il l'a même touchée, révéla Milicia.
- Mimi ? Mimi ! Ce n'est pas possible.
- Qui est Mimi ?
- Une ancienne amie, répondit Carine, elle a perdu l'équilibre et François l'a retenue, immédiatement après il a eu mal à la poitrine, il a pleuré.
- Il a été privé du lait maternel, ce lait est important, il aurait donné beaucoup plus de puissance au Dieu, et votre ancienne camarade, si elle n'est pas morte, a nourri un autre enfant ou une autre créature.
- C'est écoeurant, je ne pense pas qu'elle ait pu...
- Son père s'appelait Kurt Simplon Patrick, il a été le père de Gaël et est celui de François, il a été le premier novice à se rebeller contre son maître, il a été un exemple pour nous tous.
- Vous l'avez connu ?
- Qui ne l'a jamais connu... Il nous a sauvé la vie à moi et Jan, plus d'une fois, c'est pour cela que l'on veille sur son fils. Kurt n'était pas un vampire ordinaire, la Comtesse lui a laissé son humanité, autant dire qu'elle l'avait condamné à mourir éternellement, il en a souffert, il ne versait pas de larmes de sang comme nous tous, il avait un coeur si fragile, il a contaminé plus d'un vampire avec cette générosité, cela l'a rendu fou.
Carine voyait bien que cela l'attristait. Alors, l'hérétique pouvait ressentir la douleur.
- Ne t'en fais pas, je ne ressens vraiment rien, si tu faillis encore à ta mission, ce sera dur pour toi.
Puis elle devint fine, son image s'effaça peu à peu pour disparaître complètement.
Carine se tourna vers François qui dormait à présent, épuisé.
- Ne m'en veux pas, je n'aurai plus jamais peur.
Elle prit sa main qui résista un peu à son étreinte, puis elle posa sa tête dessus, les larmes aux yeux.


Quatre


La vieille voiture grise métallisée de Frankie s'arrêta devant une vieille demeure qui s'élevait en plein milieu d'un jardin, orné de dalles blanches.
- C'était là que vivait mon frère, commença Cassie, en contemplant la vieille bâtisse, c'est là que nous vivrons si tu souhaites rester auprès de moi.
Frankie regardait la vieille demeure avec étonnement, il allait vivre dans un endroit aussi beau avec un démon de sa race qui lui paraissait souvent comme une illusion tant elle était magnifique.
- Quel âge as-tu Frankie ?, demanda t-elle le sourire aux lèvres consciente de ce qu'il ressentait.
C'était la première fois qu'il entendait son nom sortir de sa bouche, il pensait à beaucoup de chose... Elle était bien trop jeune.
- Tu penses trop fort Frankie, se moqua-t-elle, je suis morte à 14 ans et j'ai plus de 700 ans et toi ?
- Je suis mort à 20 ans, j'ai plus de 80 années, répondit-il.
Cassie se mit à rire doucement, elle avait appris à rire comme un être normal, elle ne supportait pas les rires perçants de quelques autres vampires depuis ceux de Stéphanie.
- Et tu oses dire que je suis jeune. J'aimerais beaucoup vieillir, ce qui est possible, mais à chaque fois que je m'abreuve de sang, je retrouve ma forme initiale, et ne pas boire signifie mourir, dit-elle tristement, Kurt est devenu fou pour cette raison, il voyait ceux qui l'aimaient se faire tuer ou mourir sous ses yeux, et lui restait toujours là, éternellement jeune, éternellement seul.
- Ca ne t'arrivera pas.
- Je le sais, ne t'inquiète pas, je ne suis pas aussi fragile que je parais l'être.
Elle se rapprocha de lui.
- 14 ans... souffla-t-il.
Elle ne se laissa pas dérouter. Cassie déboutonna le devant de sa robe blanche pour laisser paraître ses seins ronds et menus.
- Je peux faire plus que 14 ans, j'ai continué à développer certaines choses parce que je suis jeune, j'aurai toujours ce visage d'enfant et cette taille vexante, mais je suis grande, je suis vieille, je suis éternelle.
Frankie détourna son visage.
- Moi qui étais le premier à sauter sur une paire de seins avant.
Cassie glissa sur lui, elle s'assit sur ses cuisses, puis glissa une main vers son entrejambe, elle se caressa avant d'introduire un doigt dans sa fente, elle le lécha ensuite devant Frankie qui déglutit, il ne contrôlait plus son érection, cela fit sourire Cassie.
- C'est un délit.
- Tu parles trop Frankie.
- Oui je sais, Gwen me le répétait souvent.
Cassie l'embrassa, il se laissa aller. Il attrapa de ses pleines mains ses seins, et happa un téton, l'effet de succion provoqua chez Cassie un effet d'abandon, c'est elle qui se laissait faire à présent, il passa une de ses mains entre ses jambes, c'était vrai, elle avait vraiment réussi à développer certaines choses, il caressa le doux duvet avant de se frayer un chemin, Cassie s'accrocha au siège.


Cinq


Agnès ouvrit les yeux, c'était sombre autour d'elle mais réconfortant, elle était assise dans un coin de la chambre, la couleur des murs se mélangeait avec celle de la nuit, et ça paraissait bleu foncé. Agnès savait ce qu'elle faisait ici, c'était encore une vision. Elle était cette petite fille que l'homme aux pouvoirs étranges avait sauvée, et il se trouvait là, près d'elle, il pleurait doucement.
Agnès se leva, il y avait des glaces immenses qui tapissaient le mur, et elle pouvait se voir, frêle, jeune, elle avait 8 ans et de très longs cheveux bouclés et bruns interminables.
Elle cherchait l'homme dans le noir, mais s'arrêta tout d'un coup effrayée, deux petits points verts semblaient l'observer.
Elle s'approcha pourtant sans hésiter. Agnès faillit trébucher sur quelque chose, c'était le pied du lit.
Elle grimpa dessus et se mit à chercher avec ses mains, elle sentit le pied, la jambe. Il l'attrapa enfin dans ses bras pour la serrer et pleurer contre elle. Agnès fit de même.
- Ne pleure pas, ne pleure pas. Maman est morte, elle n'aimait pas quand je pleurais, ne me fais pas pleurer.
Agnès avait les yeux embués, elle ne distinguait plus très bien, mais le soleil se levait. Elle n'était plus dans les bras de l'homme, mais dans un beau jardin, qui s'étendait à l'infini. Laure se trouvait là aussi, elle était assise à terre, une peau de bête cachait à peine sa nudité, son ventre rond avait disparu, et elle avait les yeux rivés sur un homme, un bel homme aux cheveux gris qui se tournait vers le soleil. Puis sa peau s'effrita, il criait horriblement, son corps se boursoufla, ses oreilles prirent des proportions énormes, et son dos se découpa lentement pour laisser pousser deux ailes monstrueuses. Laure hurla, Agnès fit de même.
Les infirmières se précipitèrent dans la chambre. Laure et Agnès bien qu'éloignées gigotaient comme des vers sur leurs lits. Elles n'ouvraient pas les yeux lorsque les infirmières leur administraient des claques.
- Laissez !, cria le médecin, elles vont peut-être se calmer d'elles-mêmes.
Elles cessèrent effectivement après quelques secondes, pour retrouver leur calme.

Nicolas, brisa la vitre de sa salle de bain, il alla s'asseoir dans le salon complètement affolé.
- Si c'est un trip, je jure de ne plus en reprendre, mais par pitié, faites que ça cesse !, hurla-t-il la tête entre les mains. Deux ailes monstrueuses se reposaient sur son dos.


Six


Raphaelle n'avait pas appelé Franck, il s'était inquiété.
- Ca va mieux depuis hier soir ? demanda-t-il à Mimi qui se tenait à côté de lui.
Elle acquiesça, guettant l'arrivée de Raphaelle.
- J'espère qu'elle n'a rien, fit Franck.
Raphaelle déboula de derrière la ruelle complètement essoufflée, elle portait un long manteau noir, avec toute la panoplie de Mercredi Adams, un foulard sur la tête, et des épingles à nourrice autour du cou.
- J'ai cru que j'étais en retard, leur dit-elle en riant presque.
- Raphaelle ! Pourquoi tu ne m'as pas appelé ?, s'enquit Franck.
- Parce que tu t'inquiétais ? C'est fantastique Franck.
Il baissa la tête un peu coupable.
- Je suis désolé, mais pour hier soir, je...
- Ton boulot passe avant tout, je comprends ne t'inquiète pas.
Raphaelle attrapa Mimi par le bras.
- Les cours vont commencer, on y va. Salut Franck.
Elles s'éloignèrent de lui, Mimi s'était retournée pour hausser les épaules, elle-même ne comprenait pas.
Raphaelle l'entraîna dans la cour.
- Mme Bertans n'est pas là !, avait annoncé une camarade de classe.
- Encore mieux, avait hurlé Raphaelle.
- Allons voir Franck, avait alors proposé Mimi.
- Non !, rétorqua Raphaelle, et elle l'avait dit si froidement que son amie l'avait suivie vers les bancs de la cour, elles s'étaient assises.
- Tu n'es pas comme d'habitude Raphaelle.
- C'est normal, pour la première fois, je suis vraiment moi.
- Qu'est ce qui s'est passé hier soir ?, demanda Mimi.
- Rien, j'ai pris conscience que Franck ne me plaisait plus, faire partie du décor ne payait plus.
- Il t'adore, même s'il ne le montre pas trop.
- Pas trop... Ce sont les mots que je cherchais.
- Tu t'en aies trouvé un autre ?
Le visage de Raphaelle s'illumina, elle sortit son paquet de cigarette.
- Ca se voit ?...
- C'est quelqu'un que je connais ?
Elle fit non de la tête en allumant une cigarette.
- Je ne le connais pas non plus, répondit-elle.
- Tu connais son nom ?
- Il s'appelle Saphir, Saphir Valmond de Freyme, un nom composé, il est absolument absolu.
Ca ne voulait rien dire, mais c'était son nouveau langage.
- Reste quand même sur tes gardes, il faut se méfier...
- Tout le monde ne vit pas en enfer Mimi, coupa Raphaelle, j'ai trouvé un ange, un qui m'appartient, si je t'ai emmerdé avec Kurt, je m'en excuse, maintenant, je te comprends, et je suis heureuse comme tu l'étais.
- Je suis encore heureuse.
- Non ! Lorsque tu dors et même au réveil, tu as mal, tu es en manque d'amour, tu n'as jamais vécu sur terre.
- Toi non plus, rétorqua Mimi, même lorsque tu étais avec Franck.
- Je le sais, fit l'autre sans colère, maintenant, je le sais. Si je suis vêtu de noir aujourd'hui, c'est pour porté le deuil de mon ancienne vie de merde, adieu, Franck.
Mimi rit, c'était nerveux, elle n'aimait pas qu'on l'analyse, mais avec Raphaelle c'était différent, Raphaelle lui ressemblait.
Elle mit sa tête en arrière pour recracher la fumée. Elles se demandèrent bientôt toutes les deux si leurs camarades à l'hôpital allaient bien, mais on refusait leur visite à l'hôpital.


Sept


La Comtesse faisait les cents pas dans sa demeure, contrariée, évitant les lueurs du soleil qui transperçaient la fenêtre, c'est encore cette maudite Carine qui a enlevé les rideaux. Et voilà que maintenant la comtesse n'avait plus le droit d'entrer dans la chambre de son fils, Carine l'avait menacée si jamais elle essayait de le voir.
- Il ne veut pas te voir aujourd'hui, retourne au cercueil !, avait-elle lancé froidement.
Elle la tutoyait même... Vraiment, la Comtesse ne la supportait plus. Mais elle retourna dans son cercueil, fatiguée, elle se sentait abandonnée par Franck, terriblement, cette petite garce l'avait éloigné d'elle et de Gwen, qui allait faire le bébé à présent. Peut-être que Guillaume était prêt...


Huit


Clémence était assise sur son lit, elle avait cédé à Stéphanie, elles étaient allées au village de Liverpool, terminer le travail des loups, pour décimer leur soif, et le plus terrible c'est qu'elle se sentait mieux quelque part, elle s'était vengée de tout ce que les habitants lui avaient fait subir. Elle pleurait pourtant, toutes ces perles de sang qui salissaient sa robe violette.
- Arrête ! Tu m'insupportes, souffla Stéphanie qui se trouvait dans la chambre.
- Laisse-moi tranquille.
Stéphanie rampa vers elle, les yeux enflammés.
- On recommence ?, demanda t-elle presque implorante.
- Je ne veux plus, tu es trop malsaine.
- Je ne le serai plus ma douce, fit doucement l'autre en baisant sa poitrine, on recommence.
- S'il te plaît ! Sois gentille cette fois, s'il te plaît.
- Je le promets, fit Stéphanie en arrachant le corset avec ses dents acérées
Elle jeta Clémence sur le lit en mousseline noire, celui pour les invités de la comtesse. Stéphanie enleva sa robe, tandis que Clémence essayait de regarder ailleurs. Elle sentit le contact de la peau nue de sa comparse, ses seins, elle était froide, mais Clémence aussi, elle se laissa aller lorsqu'elle n'arriva plus à se passer des baisers de Stéphanie sur son corps, elle gémit, l'autre fit glisser sa robe pour que leurs peaux se rencontrent enfin, Stéphanie écarta sans douceur les cuisses de son amie et téta le bouton rose de Clémence qui arrachait les draps en mousseline sous ses ongles, Stéphanie écarta ses petites lèvres frisées et posa les siennes tout contre, puis elle ondula son corps sur le sexe de son amie, qui sentait la chose venir.
- Non ! Je t'en supplie !
L'excitation de Stéphanie était à son comble et son clitoris durcissait, s'allongeait, prit la forme d'un phallus et sous la contrainte, elle pénétra Clémence qui se débattait comme un beau diable sous les assauts du plaisir démentiel de sa compagne.
- Ô ! Quels cris, tu éveilles tout en moi maudite. Hurle catin ! Hurle !
Clémence s'agrippa à Stéphanie bientôt résolue et se laissa violenter.
- Qu'est ce qu'elles ont ?, demanda l'infirmière au docteur.
- Ca ressemble à une crise d'asthme, mais ce n'en est pas une, je ne sais pas..., répondit-il douteux.
Claire et Egane avaient les yeux grands ouverts, elles fixaient obstinément le plafond. Elles avaient l'air d'essayer de reprendre leur respiration.


Neuf


Mimi se retrouvait encore perdue au milieu d'un champ, le soleil était toujours présent, c'était Kurt qui voulait ça.
- Je veux des réponses, dit-elle.
- Pourquoi ?
Il apparut devant elle, vêtu de couleurs frivoles, il se libérait de toutes ses années où il ne portait que le noir du deuil.
- Parce que j'ai l'impression d'avancer dans le brouillard.
- Ne t'en fais pas, tout sera bientôt terminé.
- Qui est Saphir ? Tu le connais ?, demanda-t-elle.
Kurt souriait, il devenait nostalgique, heureux.
- Saphir est un vampire, ceux que l'on appelle « les sangs chauds », il est né vampire, son père était un vampire et sa mère une goule, il n'est pas mauvais.
Mimi se mit à rire.
- Tous ces monstres de légendes, qui sortent de ta bouche comme si c'était tout à fait normal d'en parler.
- Oublie ce qui est complètement rationnel, les humains ne pouvaient pas exister seuls, leur méchanceté naturelle a prit l'apparence de monstres éternels, leur peur s'est réveillée dans ce monde parce qu'ils y pensaient trop fort, et d'autres humains, qui aimaient jouer avec le mal, et leur lignée s'est révélée être inhumaine, ils ont aussi leur monde, le bien et le mal s'opposent à eux comme cela s'oppose aux êtres humains. N'oublie jamais que pour eux les humains sont tout aussi irréels, ils sont fascinés par vous comme vous l'êtes par eux.
Mimi le suivit à travers les champs de tournesol.
- Arrête-toi Kurt ! Arrête-toi !
Il s'exécuta.
- Tu me rejettes, qu'est ce que j'ai bien pu te faire? Tu me hantes, je... Je parle avec un mort, qui m'aimait et me tourmente à présent en me faisant voir son paradis, et mon enfer ensuite.
- La vérité c'est que je ne sais pas ce qui se passe, le monde réel m'appelle, il y a une bataille qui doit être livrée dans ton monde, ouvre bien les yeux Fadi.
Elle les écarquilla même, le corps de Kurt se désintégra en centaine de corbeaux, ils virevoltèrent autour d'elle, malfaisants, alors que le ciel s'assombrissait et que les tournesols devenaient maigres et hideux.
- Kurt ? Pourquoi ?
Elle se réveilla encore, en sueur, les larmes aux yeux.


Dix


Raphaelle attendait, collée à sa fenêtre, elle avait pensé à lui toute la journée jusqu'à en devenir folle, si c'était bien un vampire, il viendrait parce qu'il entendrait ses pensées, et il n'y avait que lui dans son esprit.
Les yeux rouges qui se promenaient en bas dans son jardin..., elle voulait l'appeler, mais il trouvera tout seul. Ses yeux la fixaient à présent, puis ils s'éloignèrent.
- Saphir ?
La fenêtre s'ouvrit, elle recula affolée. Il apparaissait aussi magnifique et hautain que la première fois, l'air amusé à l'encadrement, on aurait dit un chef-d'oeuvre.
Il posa les pieds sur le tapis de la chambre, et enleva son manteau qu'il laissa choir sur le sol. La fenêtre se referma d'elle-même.
- Tu pensais trop fort mortelle, dit-il.
- Raphaelle...
- C'était tellement fort que tes pensées ont transpercé mon cercueil, toute la journée, je t'ai écouté m'appeler.
Elle s'assit sur le rebord de son lit, la suite était inévitable et souhaitée.
- Regarde ce que je peux faire, souffla-t-il.
Ses yeux rouges se tintèrent d'un noir sans fond, mais il la regardait intensément, sa chemise de nuit s'effrita et elle tomba sur le drap en poussière.
- Saphir ?...
Il s'empara de sa bouche, s'allongea sur elle tout du long, son corps était chaud, comment se fait-il que ?... Elle oublia, parce qu'il la caressait, elle arrêta même de penser.
- Je veux te voir... demanda-t-elle.
Puis elle le vit au-dessus d'elle, ses cheveux l'entourant, lui caressant le visage, le ventre, les cuisses. Sa langue parcourait son entrejambe, puis elle sentit cette douleur, ses dents s'enfonçaient dans sa chair, elle avait l'impression d'être en sécurité, de se sentir tellement utile, tout était clair. Et elle redevint mélancolique, il s'était arrêté, elle le revoyait au-dessus d'elle, ses cheveux lui caressant les seins, elle sentait qu'il avait envie de la prendre maintenant, son pénis était dur et brûlant contre sa cuisse. Elle s'accrocha à ses bras parce qu'il le lui avait demandé. Puis il était entré dans son ventre très lentement, elle allait perdre la tête. Il se fit plus rapide ensuite, si rapide qu'elle ne sentait pas de douleur, seulement du plaisir, ses entrailles prenaient feu. Elle voulait se contenir, mais il lui avait dit qu'elle n'était pas obligée, qu'il aimait l'entendre jouir. Raphaelle se laissa aller, elle s'agrippa à lui parce qu'elle glissait fréquemment sous lui. Saphir se fit ensuite plus léger, il imita la vitesse d'un humain, et se mit à avoir un orgasme, il n'avait pas de semence, mais seulement cette chaleur qui submergeait Raphaelle. Il se retira, mais elle le bloqua entres ses cuisses.
- Recommence !, souffla-t-elle.

Ils avaient finalement arrêté, Raphaelle n'éprouvait aucune fatigue, il était 3 heures du matin.
Saphir la coucha sous les draps comme s'il avait été son père, puis il vint s'agenouiller à son chevet.
- Je suis mort, il y a plus de 100 ans, véritablement mort, empoisonné par la Comtesse, une belle garce, elle m'a donné à boire le sang d'une créature malade et maudite, si j'avais été humain avant d'être vampirisé, j'aurais peut-être eu une chance de m'en sortir, raconta-t-il.
- Tu es né vampire ?
- Oui, c'est pour ça que j'ai le corps chaud, je ne suis pas mort avant de subir une transformation quelconque. Nous, les véritables « sangs chauds » bien que je n'en connaisse pas d'autres, sommes descendants de l'ancêtre de tous les vampires, nous sommes plus sages que les vampirisés, nous buvons le sang des mauvais gens, ceux qui font le mal, c'est pour cela que lorsque j'ai rencontré Kurt, ça a été un coup de foudre, il aimait ma chaleur, il en était même fasciné, et moi j'aimais ce qu'il était.
- Tu l'as connu ?, demanda Raphaelle.
- Oui, Kurt a été mon frère, mon ami, mon amant...
- Tu couchais avec lui !, s'exclama t-elle.
- On ne pouvait pas le dire comme ça, ce que l'on ressentait l'un pour l'autre était très fort, peut-être même trop, il y avait les caresses et les baisers peu chastes, mais ça n'allait jamais plus loin, Kurt aimait beaucoup trop les femmes et moi aussi.
- C'est déjà beaucoup de s'embrasser et de se peloter.
- Peloter ?...
- Caresser, rectifia t-elle.
- J'ai rencontré Kurt à Paris, il était transformé depuis quelques mois seulement, on ne s'est plus quitté là bas, il était très chaste, il choisissait les filles qu'il voulait, autant dire aucune, et moi j'étais très libertin. On se séparait parfois pendant longtemps, des années même, et je le retrouvais en piteux état, il venait à chaque fois de perdre un être cher... Écoute-moi, ne m'interromps pas surtout, tout va s'éclairer à présent pour toi, Kurt a seulement aimé six femmes dans toute sa vie, comme jamais personne ne l'aurait fait, il y a eu une Comtesse du nom de Laure Harrisson Clark, une liaison adultère, Clémence Chester, une novice de la comtesse qui s'était éprise de sa soeur Cassie, puis il y a eu Sombre, une jeune esclave noire à qui on avait coupé la langue, les humains l'ont pendue le jour alors que Kurt se reposait. Une fille appelée Stlana, une Roumaine, que l'on allait sacrifier à une comtesse sanguinaire. Stlana est morte en offrant le peu de sang qui lui restait à Kurt. Harmony, douce Harmony, la plus belle de toutes et la plus coriace, une grande cantatrice qui a surpris par son jeune âge, sa maturité. Elle est morte en couches.
- En couches ?!
- Elle allait accoucher du premier enfant de Kurt, un « Dieu vampire ».
Raphaelle se redressa pour s'adosser contre le mur, sidérée et fascinée, elle allait tout savoir, ce que Franck s'obstinait à découvrir allait lui être révélé.
- Un « Dieu vampire » est un être exceptionnel, parfait, dès le premier mois, il marche, les autres mois, il devient grand, parle, c'est un être puissant qui n'a pas les défauts d'un vampire ni d'un humain. Seulement voilà, il y a la folie.
- La folie, coupa Raphaelle.
- Lorsqu'il apprend ce qu'il est, lorsqu'il voit la cruauté du monde, le Dieu vampire devient fou, il se suicide et d'un coup entraîne dans sa chute beaucoup de vampirisés, seuls les plus forts survivent, autant dire une infime quantité. Gaël est mort alors qu'il n'était âgé que de 2 ans à peine, il possédait déjà la physionomie d'un enfant de 12 ans. La Comtesse a survécu malheureusement, elle a volé le dernier enfant de Kurt.
- Le dernier ?!...
- Le plus puissant, celui qui a su atteindre la maturité.
- Le dernier ?! Mais Kurt est...
- Ca va faire plus de 3 ans que cet enfant vit, il a fini son processus maintenant, s'il venait à mourir, aucun vampire cette fois n'y survivrait. Ton amie, Mimi est la dernière femme que Kurt a aimée, c'est donc la mère du Dieu.
- Le docteur nous avait dit qu'elle semblait avoir accouché, et personne ne voulait le croire, parce que... Alors elle a un enfant, et elle ne le sait pas. Mais elle aurait dû avoir les seins gorgés de lait, ça nous aurait mis sur une piste, à moins que...
- Elle en a eu, c'est moi qui l'allaitais. Il ne faut pas que ce soit toi qui le lui apprennes.
- Tu... Elle..., balbutia Raphaelle.
- Elle ne s'en rendait pas compte, ne t'en fais pas, je n'avais qu'à l'endormir, elle pensait que j'étais Kurt, et se laissait faire. Le lait qu'elle fabriquait avait une importance, il était destiné au « Dieu vampire », sans ce lait qui lui donnait plus de puissance, le Dieu aura toujours la faiblesse, la folie, Tous les « Dieux vampires » ont été privés de ce lait maternel, parce que leurs mères perdaient la vie en couches, soit elles n'étaient pas assez fortes ou on les tuait avant qu'elles n'accouchent. Harmony, aurait pu survivre si on ne l'avait pas empoisonnée. Je me suis nourri de ce lait pour revenir ici, parce que sinon, elle en serait morte, et parce que je ne pouvais pas posséder l'esprit de Nicolas, il a bien plus à faire déjà avec Rob et Kurt, il n'aurait pas supporté un troisième esprit, il en serait mort.
- Tout s'emmêle, je ne comprends plus...
- « L'ordre rétabli », c'est ma mission, les âmes tourmentées doivent se venger. Moi, Kurt, Rob, Clémence, Stéphanie, Sombre, Harmony, Stlana, Gaël, Laure, devons revenir sur terre sous forme d'esprit, pour posséder des corps, et nous venger de celle qui est responsable de tous les maux.
- La Comtesse, devina Raphaelle, alors comme ça, c'est ce qui arrive à mes camarades de classe, ils seraient possédés.
- Ils souffrent peut-être, mais aucun mal ne leur sera fait, ils doivent juste savoir ce qui s'est passé, ils regardent à travers leurs rêves les récits des âmes tourmentées par la Comtesse, ainsi, ils seront plus dociles et accepteront de nous aider.
- Mais vous auriez pu le faire il y a bien longtemps.
- Non, les conditions n'étaient pas favorables. Maintenant elles le sont, la Comtesse est faible, une âme puissante et une magicienne ont fait appel à « l'ordre rétabli ».
- Qui sont-ils ?
- Je ne sais pas.
Raphaelle posa sa tête sur l'oreiller, elle ne pouvait plus dormir, elle savait tout, pour la première fois elle savait tout.
Maintenant c'est elle qui mettrait Franck et Mimi à l'écart. Saphir, son bel ange, lui racontait des histoires jusqu'à ce qu'elle ferme les yeux. Il lui avait parlé de Carine, elle aussi en ce moment devait être heureuse.

Kei

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