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Les Novices : Livre III - Enfants Damnés (partie II)

Hantise et démences [1]


Un


Laure avait 17 ans, elle avait de magnifiques yeux bruns avec des éclats vert émeraude. Ce matin, elle se leva de son lit péniblement pour se diriger vers la salle de bain, encore somnolente, jamais auparavant elle n'avait aussi mal dormi, mais il y avait une explication à tout ces changements. Laure Désély, moche avant d'avoir atteint la quarantaine, se dit-elle profondément exaspérée par le fait de se voir chaque jour dans cet état lamentable.
- Tu n'as plus aucune vie, soupira t-elle.
Puis vinrent les nausées matinales. Laure était enceinte de 8 mois, son ventre ressemblait à présent à un ballon qu'elle trouvait épouvantable. La seule raison pour laquelle elle avait accepté de subir ça, c'était pour avoir un souvenir de Jared, le père de l'enfant, mort dans un accident de moto. Ce qu'elle pouvait l'avoir aimer... Elle aimerait aussi l'enfant qu'elle portait, elle s'était résolue, ainsi que sa mère, mais à l'école on acceptait moins cet état des choses, il y avait toujours quelques mauvaises langues, comme ce Nicolas Malrau, cet abrutit qui l'embêtait chaque jour. " On peut taper dedans ? " lui demandait-il sans cesse pour se moquer de ses rondeurs, et ce qu'elle supportait le moins, c'était qu'il n'était pas le seul à se moquer d'elle. Heureusement pour elle, les filles étaient plus gentilles, il y avait un peu d'admiration, de la pitié ou encore une réelle inquiétude dans leurs regards envers Laure.
Celle ci pleurait, la tête reposée sur le bord de la cuvette, elle avait fini de vomir et se tenait le ventre. Le bébé avait bougé, mais ça, elle ne le supportait pas non plus.
- Arrête ! Pourquoi tu me fais-tu mal ?, gémissait-elle.
Quelques minutes plus tard, Laure se retrouvait dans la cuisine assise face à son bol de chocolat chaud qu'elle ne lorgnait même pas. Elle observait à travers la vitre, le lever du soleil sans aucune expression sur le visage.
- Laure !, lui cria sa mère de sa chambre, tu vas être en retard !
Laure se leva lentement en se maintenant le dos, elle se dirigea tout aussi lentement vers la salle de bain pour récupérer la veste qu'elle avait mise dans le panier.
- Tu peux enlever les linges sales de la machine ?, lui demanda sa mère toujours de sa chambre.
Laure s'exécuta, elle ressemblait par moment à un vrai zombie, mais être dans cet état d'hébétude lui faisait du bien parfois, elle était calme et les douleurs cessaient. Elle avait l'impression que le bébé la punissait dès qu'elle osait prononcer un mot.
Laure entreprit d'ouvrir la porte du tambour de la machine, mais celle ci restait bloquée, elle essaya encore de toutes ses forces, mais toujours rien, elle abandonna.
- Maman, la porte de la machine est coincée !, annonça Laure en hurlant.
- Tant pis, je viens !
Laure se tourna vers le panier pour attraper sa veste, mais quelque chose n'allait pas, ses oreilles sifflaient, ça ne lui faisait pas mal, au contraire... Une voix, elle entendait cette petite voix l'appeler doucement, puis le son s'intensifia, ça semblait provenir de... De la machine à laver. Laure se retourna, les vêtements emprisonnés dans la machine semblaient prendre vie, ils s'agitaient frénétiquement, alors elle s'approcha, peut-être que la porte s'ouvrira cette fois ci.
Laure sursauta, une petite forme essayait de se dégager de tous ces textiles, une petite main, suivie d'un bras, d'une épaule, d'une tête, c'était un petit enfant, un nouveau-né ! Il s'arrêta pour fixer Laure à travers ses paupières frêles. Laure écarquilla les yeux épouvantés, c'était encore sa grossesse qui la tourmentait. Lorsque l'enfant se mit à geindre, la porte du tambour s'ouvrit brutalement, Laure fut projetée contre le panier, l'enfant qui était enfermé dans la machine s'agrippa à elle, il n'était plus aussi mignon, il ressemblait à un tas de viande hurlant, il ouvrit la bouche pour laisser paraître deux dents anormalement pointues, et essaya de mordre Laure.
- Non !, cria t-elle, non !
- Laure !, hurla sa mère en la secouant vivement.
Elle ouvrit les yeux, pour regarder la machine à laver, celle ci était ouverte, mais tous les vêtements étaient à l'intérieur, aucune trace d'un bébé monstrueux.
- Laure ! Tu ne te sens pas bien, tu veux rester à la maison aujourd'hui ?, lui demanda sa mère en l'aidant à se relever, Laure se dégagea gentiment.
- Je me sens très bien !, répliqua t-elle sèchement avant de quitter la salle de bain avec sa veste à la main.


Deux


Raphaelle l'écoutait raconter son rêve sans pour autant en être absorbée, ce qui ne lui plaisait pas, c'était que Frank soit toujours là pour écouter Mimi, tout semblait passionner Frank hormis Raphaelle, elle en avait plus qu'assez d'être invisible, mais elle restait passive. Frank lui tenait la main mais ne se rendait même pas compte de sa présence, lorsqu'il la voyait réellement, c'était lorsque Mimi n'avait rien d'étrange à leur dire ou lorsqu'elle n'était pas là tout simplement.
- Le ciel à cracher une mare de sang sur moi, et lorsque je criais, c'était pas ma voix... C'était pas ma voix, balbutia Mimi.
Raphaelle s'arrêta.
- Qu'est ce qu'il y a ? demanda Franck en se tournant enfin vers elle.
- On est devant l'école, on est arrivés, répondit-elle calmement.
Frank leva son nez sur l'enseigne du lycée, il ria surpris.
- Désolée ! Je vais vous laisser les filles, dit-il en se pressant contre Raphaelle, il l'embrassa.
Raphaelle s'éclaira de suite, elle le suivit du regard jusqu'à ce que les autres élèves le fassent disparaître.
- Raphaelle !
Elle se tourna vers son amie, le sourire effacé.
- Il fait son boulot, t'as pas de quoi être jalouse, fit Mimi.
- Moi ?... Moi ? Jalouse ! Mais attends, je suis un modèle de modernité, c'est pour les connes la jalousie.
Mimi secoua tristement la tête, elles s'engouffraient au sein du troupeau d'élèves conditionnés au train-train habituel du lycée.
- Jalouse, moi ?... grommela Raphaelle en la suivant.
Elles montèrent les escaliers bondés, c'était toujours comme ça lors du commencement des cours, ce matin, elles avaient histoire, Mimi se demandait toujours comment Laure se débrouillait pour monter ces trois étages tous les jours, il est vrai que le professeur lui laissait du temps pour rentrer en cours, mais quand même. Les élèves comme les professeurs redoutaient le jour où elle se mettrait à hurler, et qu'elle perdrait les eaux, d'autres préparaient leurs appareils photos. Raphaelle déposa son sac sur la table au fond de la classe à côté de celui de Mimi, puis elle se dirigea vers la fenêtre où son amie restait là, sans bouger.
- Il te manque ? De toute façon, tu n'étais pas faite pour être un monstre, commença t-elle.
- Ce n'était pas un monstre, rétorqua Mimi.
- Il tuait des innocents ! C'était grave.
- Etre humain n'a rien d'innocent.
Raphaelle n'ajouta rien, elle observait maintenant ses camarades de classe qui tardaient encore dans la cour.
- Regarde ! Laure se dispute encore avec Nicolas.
Mimi les observa, elle appréciait le jeune homme, ce qui n'était pas le cas de toutes les autres, mais Nicolas pouvait se vanter d'être par moment un garçon extrêmement serviable. Elle le connaissait depuis l'école primaire et bon nombre de fois ce jeune homme turbulent l'avait aidé.
- Ca ne va pas ! s'écria Mimi soudainement affolée, elle ouvrit la fenêtre pour mieux observer.
Laure s'écroula à terre sous les yeux étonnés de Nicolas. Il s'agenouilla pour essayer de la relever.
- Laure ! Réveille toi !, somma t-il en lui secouant la tête.
Les curieux s'étaient pressés autour d'eux.
- Laure !, continua Nicolas, puis il se figea.
Tout semblait s'être arrêté autour de lui, les autres élèves, le son de leur voix, leurs gestes. Sur les joues de Laure il y avait des empreintes sanglantes, il se rendit compte que c'étaient ses mains, les paumes de ses mains saignaient. Laure ouvrit alors la bouche.
- Tu as tant de haine en toi, cela peut-être destructeur, chuchota t-elle.
Nicolas passa la main sur son visage, il la salit avec horreur avant de se blottir au creux de son épaule.
- Pardonne-moi Laure !, fit-il.
Pourquoi devait t-elle lui pardonner ? Mimi croyait rêver, elle entendait...
- Franck va sûrement adorer, soupira Raphaelle.
Cinq filles de sa classe gisaient à terre, sur le ventre les bras écartés, elles formaient un cercle autour des curieux, de Nicolas et de Laure qui était la seule à avoir une position convenable, les autres formaient des croix renversées.

Agnès regardait Laure couchée sur le fauteuil, elle était épuisée. Agnès l'admirait beaucoup, elle n'aurait jamais tenu le coup. Agnès n'avait jamais rien vécu d'angoissant ou de palpitant, mais aujourd'hui, c'était différent, ce matin dans sa baignoire, elle s'est rendu compte qu'elle avait une magnifique voix, que cela résonnait dans toute la maison, une véritable voix de cantatrice, qu'elle n'avait jamais posséder auparavant, puis l'eau de son bain est devenue écarlate, mais Agnès était restée calée au fond, elle s'imaginait se nettoyer avec son propre sang et maintenant, il y avait cet événement dans la cour, quelque chose l'avait poussée à s'étaler tout du long à terre, une voix, sa propre voix.
Agnès se trouvait à l'infirmerie avec Géraldine, qui tremblait encore comme une feuille, Kay Line à l'autre bout de la pièce et Claire et Egane se tenaient à ces côtés, il ne manquait plus que Nicolas qui s'était enfui après le réveil de Laure, il avait été pris d'une peur si grande, c'était la première fois qu'on le voyait comme ça.
- Que s'est-il passé les filles ?, leur demanda l'infirmière.
Elles se regardèrent l'une après l'autre.
- C'était peut-être un simple malaise Madame, je n'ai pas mangé ce matin, et hier matin non plus, répondit Agnès.
- C'est pareil pour moi, fit Géraldine.
Et elles avancèrent toutes la même excuse. La vérité c'était qu'elles ne savaient rien de ce qui venait de se produire.
- Bon, soupira l'infirmière, il faut dès maintenant faire attention à votre alimentation, elle griffonna quelque chose sur un bout de papier avant de le tendre à Géraldine, vous pouvez monter en cours.
Elles se levèrent toutes et s'en allèrent pressées et débarrassées. Laure se réveilla dérangée par le vacarme qu'elles firent en fermant la porte derrière elles.
- Comment vas-tu ?, lui demanda l'infirmière en se précipitant vers elle.
Laure se redressa sur le fauteuil, épuisée. L'infirmière mit sa main sur son front, sur son cou...
- Tout va bien, c'est curieux que tu aies fait cette chute. C'est peut-être la grossesse qui t'éprouve autant, conclut-elle.
Laure se leva et se dirigea vers la grande glace qui se trouvait face à elle.
- Je me sens mieux, c'est seulement la fatigue, dit-elle.
Elle releva son pull pour découvrir son ventre nu, grossièrement rond.
- Il me fait des misères avant sa naissance, rajouta t-elle.
Elle ressentit une vive douleur au ventre, elle le vit bouger.
- Il bouge !, s'exclama t-elle.
Elle le vit encore bouger et son ventre se déformait sous l'accumulation des coups. Laure s'effondra sous les chocs.
- J'ai mal, hurla t-elle, il me fait mal !
Elle essayait de se tenir assise, mais les coups affluaient et son ventre subissait une sorte de torsion convulsive, c'était révulsant. L'infirmière essayait de la maintenir assise, Laure gigotait dans tous les sens, elle essaya même de se donner des coups de poing dans le ventre.
- Calmez-vous ! Calmez-vous !, répétait-elle.
Laure s'arrêta, elle poussait maintenant.
- Je veux qu'il sorte, hurla t-elle.
Son ventre se fissura légèrement, Laure écarquilla les yeux d'horreur, elle s'accrocha désespérément à l'infirmière en poussant des gémissements.
Son ventre se fendit en deux, faisant jaillir le liquide vermeil sur la glace et aux alentours, Laure hurla, elle ferma les yeux pour ne plus voir cet être maculé de sang rattaché à elle se promener à quatre pattes entre ses cuisses.
- Qu'est ce qui se passe Laure ? Qu'est ce qui se passe ?, demanda l'infirmière qui essayait de la relever, car elle, dans la glace ce qu'elle voyait, c'était une jeune adolescente enceinte complètement horrifiée.


Trois


Mimi avait observé ses cinq camarades de classe lorsqu'elles sont rentrées en cours, elles semblaient réfléchir, elles n'étaient pas comme d'habitude, puis la scène à laquelle avait assisté Mimi l'intriguait férocement, toutes ces croix de chair renversées tournées vers Nicolas et Laure, et cette dernière qui représentait la croix, celle qui représentait l'ordre rétabli...
Géraldine s'arrêta d'écrire, depuis ce matin, ses nerfs avaient été mis à rude épreuve, et voila que cela recommençait, elle aurait donné n'importe quoi pour sortir de cette classe et ne plus entendre ces cris étranglés qui résonnaient dans sa tête, c'était derrière elle, mais pour rien au monde elle ne se retournerait, de peur de voir ces choses abominables, elle hurlerait et on la prendra pour une folle.
- Prenez une pipette, et commencer la manipulation, fit le professeur de chimie.
Géraldine attrapa la pipette, ses mains tremblaient de façon inhabituelle. Elle fit tomber la pipette, les cris étaient devenus trop forts, elle se boucha les oreilles pour ne plus les entendre.
- Géraldine ?, s'enquit le professeur en s'approchant d'elle, qu'est ce qui se passe ?
- Mimi !, appela Raphaelle, cette dernière se tourna vers elle, regarde ! fit-elle en montrant Agnès du doigt. Agnès se bouchait également les oreilles, ainsi qu'Egane, Kay Line et Claire.
Géraldine se retourna malgré tout, ça se rapprochait, ça arrivait, c'était sortit, une fontaine de chairs sanguinolentes que recrachait le trou de l'évier. Géraldine fut prise de démence, elle se mit à hurler, et les autres essayaient d'apercevoir ce qui l'effrayait autant.
- Mais qu'est ce qu'elles voient ?, demanda Mimi.
- Des morts, répondit Agnès qui regardait la fontaine se vider.
Kay Line aussi le voyait, Egane ne se retourna jamais et Claire vomissait, écoeurée.
- Géraldine, calme-toi !, fit le professeur en essayant de réconforter son élève en larmes.


Quatre


Raphaelle se retrouva seule avec Franck, c'était elle et seulement elle qui l'accompagnerait ce soir à la chasse.
- Mimi ne se sentait pas assez en forme, mais elle m'a demandé de te rapporter les faits d'aujourd'hui, commença t-elle.
- Les faits ?!, répéta t-il en soulevant le socle d'une bouche de métro.
- On va descendre là dedans ?
- Oui, si tu ne peux pas, je comprendrai, répondit-il.
- Non, on descend.
Elle le suivit jusqu'au coeur du tunnel de métro.
- Tu penses trouver des vampires ici ?, lui demanda t-elle.
- Je n'en sais rien, je dois retrouver quelqu'un ici, Notre-dame m'a fait parvenir un message de Rome, répondit Franck.
Raphaelle continua à le suivre, elle lui serrait la main pour ne pas se perdre, c'est qu'il faisait vraiment noir ici.
- Dis-moi Franck... Euh ! C'est un peu stupide, mais je voudrais savoir si Mimi te plaît ?
Il s'arrêta, et se tourna vers elle, là, elle vit son sourire s'élargir.
- Tu te moque de moi, fit-elle remarquer.
- Oui, quand même, tu ne vas pas être jalouse de ton amie.
- Moi ? Jalouse... Mais attends, je suis un modèle de modernité, c'est pour les connes la jalousie, se défendit-elle.
- Mimi est là pour m'aider, elle a été l'un des leurs une fois, ça m'aide, parce que depuis elle ressent des choses. Toi, tu es celle avec qui je sors et qui m'aide à rester parmi les êtres humains.
- Je savais tout ça... Je n'étais pas jalouse.
- C'est ça, fit-il incrédule, dis-moi plutôt ce qui s'est passé aujourd'hui.
- D'abord il y a eu l'évanouissement de Laure, commença Raphaelle.
- Celle qui est enceinte ?
- Oui, répondit Raphaelle, mais elle s'est évanouie dans les bras de Nicolas, les bras écartés, ça ressemblait à une croix, mais le truc le plus dingue s'est produit en même temps, cinq filles de notre classe étaient étalées tout du long dans la cour, les bras aussi écartés, mais elles, formaient des croix renversées, elles étaient réparties de telle façon que Mimi a remarqué qu'elles formaient autour de Nicolas et de Laure un pentagramme.
- Nicolas et Laure, Laure..., songea Franck.
- Oui, et l'après midi même, les cinq filles ont toutes aperçu pendant le cours de chimie des morts ou je ne sais quoi qui sortait d'un évier, elles ont été renvoyées chez elles et Laure est à l'hôpital pour je ne sais quelle raison, l'infirmière n'a rien voulu dire. Alors qu'est ce que tu en penses ?
- J'ai compris une seule chose, fit Franck, tu savais que lorsque Kurt, l'adonis de Mimi a été conçu vampire, il y avait dans le château qu'une puissante créature avait pillé, une femme, la propriétaire du dit château restée mortelle à sa demande, qui se nommait Lauralie Harrisson Clark, et bien celle ci avait vécu avec Kurt une histoire d'amour adultère, c'est ce qui entraîna la mort de Lauralie, elle a préféré suivre son mari dans la mort, Kurt a eu du mal à s'en remettre paraît-il.
- Ca a un rapport avec ce qui s'est passé aujourd'hui ?
- Je ne sais pas, répondit Franck.
Puis ils se remirent en marche.
- Mimi connaît cette histoire ?, lui demanda Raphaelle.
- Peut-être... Je n'en sais rien.
Ils continuèrent de marcher dans les couloirs sombres où les trains ne cessaient de circuler. Depuis que Raphaelle connaissait Franck, ces sorties nocturnes étaient toutes aussi intéressantes. Il faisait peut-être très sombre, mais Frank avait vu au loin une forme noire qui se découpa légèrement de la pénombre, il y avait maintenant deux formes en mouvement.
- Il y en a un, chuchota t-il à Raphaelle.
- Où ?
Il ne lui répondit pas, mais se précipitait vers les deux ombres. L'une d'elle se mit à courir... Non, à voler plutôt, mais Frank courait très vite, trop vite.
- Frank ! Fais attention, cria Raphaelle qui essayait de le suivre.
Elle s'arrêta pour s'informer de l'état de la pauvre victime qui se ruait à ses pieds, c'était un sans abri, sale, le visage maculé, elle recula.
- On va venir vous aider, fit-elle avant de s'en aller, elle savait que le temps qu'il se mette à crever, les secours seront déjà là.
- Frank ?, hurla t-elle en courant dans l'énorme couloir.
Frank maintenait la créature sur le sol, essoufflé.
- Tu dois être plutôt jeune, tu ne sais même pas voler correctement.
Il se releva brusquement en maintenant fermement le jeune garçon qui avait encore quelques traces de son crime sur les lèvres. Frank le plaqua sur le mur pour mieux l'observer à la lumière des petites lanternes. Il paraissait très jeune, il devait sûrement avoir 12 ans.
- Quel âge as-tu ?, lui demanda t-il.
- 98 ans, lui répondit le jeune homme.
- Qui est ton maître ?
- La Comtesse.
- Alors tu as gagné le droit de choisir l'arme de ta mort. Premier choix : je te plante un pieu dans le coeur, je te regarde agoniser avant de te brûler au soleil. Deuxième choix : je te tire une balle d'acide après je te trucide pendant que tu te consumes de l'intérieur.
- Je peux prendre l'option de la vie éternelle, en me nourrissant désormais des petits animaux ignobles que vous appeler rats ?
- Ce n'est pas possible, je ne fais plus crédit, répondit Frank.
- Frank !, hurla t-on.
Il soupira.
- Qui est ce ?, demanda le jeune garçon.
- Ma copine.
- Ah !...
Raphaelle s'arrêta pour reprendre son souffle, puis elle leva les yeux vers l'assassin.
- Il est très jeune !, s'exclama t-elle.
- 98 ans, précisa Frank, et je m'apprêtais à le tuer.
Raphaelle se tourna vers le jeune homme le sourire aux lèvres, tandis que Frank sortait son arme à feu.
- Il t'a fait le coup du gars méchant ? Premier choix, deuxième choix, mima t-elle.
- Oui, répondit le jeune homme pétrifié à la vue de l'arme, vous ne pouvez pas faire ça ! s'écria t-il.
- Et qui m'en empêcherait ?
- Moi, pardi ! répondit une voix.
Ils se tournaient vers la personne qui émergea de l'ombre suivi d'une fille au teint pâle, sûrement un vampire, mais Frank ne sentait rien émanant d'elle.
- Qui êtes vous ?, demanda Raphaelle.
- Damien Chatterey Cleves, répondit l'étranger avec un fort accent anglais.
Frank abaissa son arme.
- Tu le connais ?, lui demanda Raphaelle.
- Oui ! répondit-il sans plus donner de détails.
- C'est moi qui vous ai appelé, continua Damien à son encontre.
- C'était une voix de femme au téléphone.
- C'était ma si belle Émilie, fit-il en invitant son amie à se serrer contre lui.
- C'est un vampire ?, demanda Frank intriguer.
- Vous ne la connaissez point ?! Pourtant dans vos livres, on y fait référence.
- Votre Da Lucia, elle serait un croisement entre une sibylle et un mortel, se rappela Frank après réflexion.
- D'habitude je réprime ce genre de chose, les mélanges n'ont toujours apporté que des maux, mais pas mon Émilie, fit Damien.
- Pourquoi je ne devrais pas le tuer ce vampire ?, demanda Frank en faisant allusion au jeune homme, il vient de s'abreuver d'un homme.
- Non, justement, répliqua Raphaelle, il vit encore.
- L'affaire est close, Bruno est protégé par l'église même, il est notre espion, s'il se nourrit d'une personne, c'est grave, mais ce n'est rien si cette personne est un déchet, un clochard n'a jamais servi à grand chose, fit Damien.
- Mais c'est un être humain, répliqua Frank.
- Et alors, les êtres humains auraient fini par le détruire eux aussi, vous êtes des monstres vous aussi, nous sommes tous faits à votre image, rétorqua Émilie d'une voix apaisante qui enchantait le couloir si répugnant. Elle réprima un sourire avant de s'enfoncer dans l'obscurité suivie de Damien subjugué par sa présence. Après un long moment, le jeune Bruno les rejoignit. Frank resta seul avec Raphaelle qui avait sûrement beaucoup de questions.
- Qui était ce ?, s'enquit-elle.
- Damien l'éternel.
- C'est un chasseur ?
- Oui, un chasseur, un mercenaire, un immortel, répondit-il.
- Un immortel ! Un immortel, comment ?
- Tu le sais !
- C'est un vampire ?
- Non ! Il est né immortel, répondit Frank.
- Il y en a beaucoup ?
- Quatre sont recensés à nos jours.
- Ils s'affrontent comme...
- Oublie les clichés Raphaelle, coupa t-il, je t'invite au restaurant ce soir.
Elle se tut, mais elle ne pouvait s'empêcher de faire référence aux clichés, ça l'amusait.
Ils prirent le chemin opposé, Raphaelle ne cessant de fredonner "Prince of the universe" et Frank très agacé par cela. Sur le retour, ils ne trouvèrent plus le corps du sans abri.


Cinq


Nicolas se retrouvait seul dans sa chambre, son frère avait encore déserté la maison aujourd'hui. Il était là, un joint planté dans sa main gauche, couché sur son lit de mort, il se voyait dans la glace au-dessus de lui, (un cadeau d'anniversaire de son frère), il se trouvait fade, les yeux creux, il avait l'impression que son lit voulait l'engloutir. Nicolas écarta les bras comme Laure l'avait fait dans la cour ce matin, lorsqu'il l'avait badigeonné le visage de sang, c'était irréel, Nicolas le savait, est-ce pour cela qu'il s'est enfui ? Pourquoi avait-il demandé pardon ? Il n'aimait pas demander pardon, et surtout pas à cette fille qui s'était faite engrosser. Il connaissait très bien Jared, avant qu'elle n'arrive avec ses airs de sainte nitouche. Ca bouge !... Quelque chose remuait sous le lit à côté de ses pieds, il arqua un sourcil comme à chaque fois qu'il était sur le point d'entrer dans un état d'euphorie. Il ria et ferma les yeux très fort pour chasser l'image de son esprit, ce n'était pas encore le bon moment...
- Où ?... J'étais en compagnie de deux jeunes filles, je crois... balbutia t-il, puis il ouvrit les yeux effrayé, qui venait de prononcer ces mots ? Il entendit ce son, le rire d'une femme qui se propageait dans toute la chambre que Nicolas ne reconnaissait pas, il était couché sur un lit incroyablement grand, luxueux, tout ce qui l'entourait était riche, une chambre d'époque, et son lit à baldaquin était un chef-d'oeuvre, ces draps étaient brodés de fils d'or. Il se croyait dans un rêve. Mais il vit la femme qui avait la tête rejetée en arrière et qui continuait de rire, Nicolas n'aimait pas ce rire, il était mauvais, puis elle s'arrêta net et baissa son regard vers lui, elle était éblouissante, d'une rare beauté, elle était redevenue celle qu'il aimait.
- Je ne suis pas aussi fragile, dit-elle de sa douce voix accentuée.
Si c'était un trip, Nicolas voulait le prolonger.
- Vous n'attendez tous qu'une chose. Tu ne souhaite qu'une chose, ce soit que je t'appartienne, c'est de m'apprivoiser.
Elle s'approcha encore plus près de lui et l'embrassa, Nicolas se laissa faire, c'était fou ! Il sentait ses lèvres sur les siennes, cette froideur il l'aimait, il l'oublia. Deux autres voix s'élevèrent dans la pièce, elles semblaient se moquer de lui, elles l'appelaient.
La comtesse dégrafa sa chemise d'un seul coup de griffe, Nicolas ne fit pas attention, il se laissait faire. Elle embrassa ensuite son torse et descendit plus bas, encore plus bas, Nicolas ferma les yeux. La comtesse avide déboutonnait maintenant son pantalon, Nicolas croyait entendre les autres voix qu'il avait entendu auparavant rire franchement impatientes, mais de quoi ? Nicolas se redressa instinctivement pour regarder ce que lui faisait sa douce apparition, elle montra ses crocs, il écarquilla les yeux.
- Non ! Pas ici !, hurla t-il.
Elle le mordit, Nicolas n'arrivait pas à le croire, ça lui faisait mal, elle enfonça ses crocs dans la chair tendre, il s'abattit au fond de son lit noir, tout était noir autour de lui, son nez rejetait le liquide vermeil, Nicolas se vit dans la glace au-dessus de lui, il ne bougeait plus, le joint se consumait lentement sur le tapis, il était dans sa chambre totalement paralysé. Lorsqu'il se releva, c'était pour vomir.

Kei

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