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Les Novices : Livre III - Enfants Damnés (partie I)

Les enfants de la mort


Un


Carine se précipita sur la scène comme une furie, elle se fit cependant rejeter par deux agents de la sécurité avant d'avoir pu poser ses mains sur le chanteur, elle ne pouvait pas les approcher.
- Ce sont nous, les fans, qui faisons d'eux ce qu'ils sont, bandes d'enfoirés ! hurla t-elle, mais les reefs recouvraient sa voix.
Elle se fraya alors un chemin à travers la foule hurlante, cette masse grouillante et sautillant comme des animaux furieux sur place, cela ressemblait à un magma sombre et dépourvu de rage réelle, ce soir là, elle ouvrait les yeux sur une jeunesse avorté et morte vivante. Carine les repoussa violemment. Elle ouvrit la porte d'entrée métallique gardée par deux loubards.
- Si tu sors, tu ne rentres plus, prévint l'un d'eux.
Carine leur exhiba son index, et son sourire odieux, elle s'éloigna de l'entrepôt, plus insolente que jamais, sa chemise fine lui collait à la peau happée par la sueur. Provocante Carine à la taille anguleuse qu'elle dévoilait sous l'éclat frémissant d'une lune bien ronde et bien lumineuse. Il faisait pourtant sombre dehors, il devait être minuit passé, mais Carine ne s'en rendait pas compte, ses cheveux noirs, son maquillage et son pantalon en vinyle noir aussi étranges que ses yeux se confondaient merveilleusement avec la nuit. Sans plus se préoccuper de la luminosité importante et rarissime de la lune, elle s'arrêta dans une petite ruelle déserte et sortit son paquet de cigarette, elle attrapa son briquet à l'effigie de la mascotte des Hell's Angels, qu'elle trouvait d'un mauvais goût certain, mais que son ex-petite amie en date lui avait offert. Elle alluma sa cigarette et resta un moment debout dans la ruelle, elle ferma les yeux, séduite par le silence hallucinant de la nuit, par le ciel aux traits rouge... Le ciel était rouge ?... Carine ouvrit les paupières paniquées et regarda la couleur du ciel, il était bel et bien noir, elle expira la fumée en se moquant de sa stupide frayeur. Elle se remit en marche, mais s'immobilisa bien vite, un chant qui semblait provenir de la ruelle elle-même attira son attention, c'était des petites voix fluettes d'enfants, des choeurs d'église qui semblaient encore plus cruels que la mélodie cinglante d'un stradivarius, mais cela semblait magnifique. Carine resta immobilisée lorsqu'elle vit une ombre s'avancer vers elle, une forme si petite que l'on aurait dit un nain, mais c'était un enfant, une petite fille au teint blafard, mais si adorable se planta face à elle sans une once d'expression sur le visage. Cela ressemblait à une poupée de cire, mais pas à une enfant, pas à une enfant... Carine fit tomber son briquet, elle tremblait, elle aurait pris ses jambes à son cou si seulement elle n'était pas immobilisée par cette terrible mélodie. Puis s'avancèrent d'autres enfants au même teint éthéré qui chantaient sûrement, mais leurs lèvres ne remuaient pas. Ils avaient l'air d'avoir faim. Carine s'efforça de sourire à ces enfants, des mômes seuls dans une ruelle peu rassurante à une heure aussi avancée de la nuit, Carine hallucinait forcément. Elle jeta la cigarette qu'elle venait d'entamer, et les regarda tous se mettre en cercle autour d'elle, puis le chant se transforma en un vrai cri de désespoir, un cri strident, de mélancolie, de haine, un cri si fort que Carine se boucha les oreilles pour essayer de ne plus l'entendre, elle s'agenouilla tout d'un coup épuisée, fatiguée de se tenir là, elle leva les yeux vers ces chers enfants, qui se rapprochaient d'elle, les yeux rougis, le teint morne, les canines hors de leurs trous. Carine souriait.
- Vous existez ?! Ô merde, vous existez !...
Elle baissa les bras jusqu'au sol et leva les yeux vers le ciel, en se moquant d'elle-même. Et tandis qu'elle riait, les enfants se jetèrent tous sur elle. Carine exaltait, chaque canine plantée dans sa chair lui procurait un plaisir indéfinissable, ils aspiraient son sang doucement, elle croyait sentir des milliers de petites pailles enfoncées dans sa chair, les enfants tétaient avec férocité, mais ce n'est pas la douleur que Carine ressentait, ce n'était que l'illusion du bien-être. Puis elle se sentit mal, ils l'avaient lâchée, un sentiment de vide et d'abandon l'envahissait déjà, ses larmes lui montaient aux yeux sans aucune raison apparente.
- Elle est superbe ! fit la petite voix d'un petit garçon.
Carine essaya de l'apercevoir, mais sa vision n'était plus très bonne à présent, elle avait perdu déjà une quantité de sang impressionnante.
Carine sentait qu'on la redressait, elle sentait aussi des petites lèvres douces et chaudes s'emparées de la peau de son cou, et l'ivresse de tout à l'heure fût encore meilleure. Le ciel redevenait rouge devant elle, et les lèvres se décollèrent pour venir se poser sur sa bouche, un flot de sang se déversa alors dans sa gorge, Carine serra le petit être dans ses bras, et l'étreinte dura quelques instants, avant qu'elle ne le repousse pour mourir dans d'atroces souffrances, elle haleta en se tortillant violemment sur le bitume puis elle finit par hurler de douleur. Les enfants faisaient la ronde autour du plus grand d'entre tous, celui qui ressemblait à un humain et qui regardait mourir sa création, les enfants chantaient en choeur :

J'ai donné mon âme au seigneur de tous les maux,
J'ai donné mon coeur au seigneur de la souffrance
Et mon corps saigne, saigne par amour pour la nuit...



Deux


Dans la cave sombre, elle se releva sans effort, mais elle avait une douleur au ventre qui la forçait à rester assise. Carine s'immobilisa, elle observait les lieux avec attention et émerveillement, elle se trouvait enfermée dans ce silence absolu où il faisait gris, l'odeur de fissure et de bois mort, elle le sentait maintenant, jamais elle l'avait senti auparavant, jamais aussi nettement.
Carine essaya de se relever, elle s'aperçut que l'on avait changé ses vêtements, elle était à présent vêtue d'une simple robe noire en dentelle, elle paraissait être d'une autre époque. Carine se redressa de nouveau après un nouvel effort, elle n'avait plus mal au ventre, mais elle avait très soif, elle se mit à arpenter la cave, obnubiler par le néant, elle voyait très bien dans le noir, puis elle s'arrêta. Quelqu'un venait d'entrer dans son esprit, quelqu'un d'aussi noir que la nuit, mais aussi pur et aussi doux que le bonheur lui-même : c'était son créateur.
- Crois-tu que tout ceci soit un rêve ?, demanda la jeune voix.
Carine s'assit de nouveau, elle semblait se prosterner, cette force là, elle en avait peur.
- Tu n'as pas besoin d'avoir peur, maintenant, tu ne dois plus. Tu as été échue par le sort, le sais-tu ?
- Non, répondit Carine qui tremblait de tous ses membres à mesure qu'il s'approchait d'elle.
Mais il ne se montrait pas pour autant, il se cachait dans les profondeurs les plus sûres de la pénombre présente.
- Sais-tu ce que tu es ?
- Oui, je crois, répondit Carine.
- Tu es un vampire, mais tu n'es pas un vulgaire mythe, sache le, tu n'as point de maître...
- Mais vous ?...
- Je t'ai créée, parce que je t'ai trouvée, tu es l'ange noir qu'il me manquait, une novice, la plus belle d'entre toutes, je t'ai aimée, je t'ai choisie, parce que tu as cru en nous, parce que tu aimes ce qui nous entourent. Pauvre humaine tu étais, chérie et aimée, tu seras, fit la jeune voix.
Carine se releva, car il le lui avait ordonné. Elle avait toujours aussi soif, et ses canines, n'est-elle pas censée en avoir ?
- Tu dois comprendre une chose, je t'ai offert mon sang, mon pouvoir, mais, je suis à moitié humain...
- Comment c'est possible ?, coupa t-elle très étonnée.
- Ma mère, paraît-il se serait éprise d'un mortel, mais je n'y crois pas, il étouffa un rire, j'ai toute l'éternité pour découvrir la vérité.
- Les vampires peuvent procréer ?, demanda Carine.
- S'il y a des exceptions, ma mère en est une, répondit-il en apparaissant enfin à Carine qui fut surprise et très déçu, car ce n'était qu'un petit garçon.
- Le crois-tu ?, lui demanda t-il presque vexé.
Elle baissa la tête honteuse d'avoir offenser son créateur.
- Ta métamorphose sera complète lorsque tu seras sûre d'avoir trouvé ta proie, et lorsque tu seras fière de tes dons accordés.
Il fit le tour de la jeune fille qui n'osait plus bouger.
- Tu es vraiment parfaite, regarde-toi !, fit-il.
La lumière envahissait la pièce, chassant le néant du sol, des murs. Carine qui s'était habituée à l'obscurité ferma les yeux, brusquée par ce changement si soudain. Lorsqu'elle s'habitua à la lumière, elle vit une immense glace au cadre doré et minutieusement sculpté se tenir seule devant elle. Elle ouvrit les yeux, émerveillée.
Elle ressemblait à une poupée en porcelaine, sa peau était devenue lisse et moins rose, ses yeux ressemblaient à deux billes de verres bleus, et sa robe lui donnait une allure mystique, ses lèvres et ses paupières étaient teintes en noir.
Elle dessina alors sur son visage un sourire narquois.
- Tu ne redouteras plus la nuit, ni le jour, tu ne redouteras aucun sort, ni aucune incantation. Tu ne redouteras ni l'église, ni les hommes. Tu n'auras aucunement peur de ces artifices que l'on utilise pour éloigner les vampires, tu ne fuiras personne... à part moi. Tu es parfaite, mon sang coule dans tes veines à présent, tu es comme moi, nos semblables te redouteront comme ils me redoutent, comme mère te redoutera comme elle me redoute, dit-il amusé.
Carine ria, prise d'une folle ivresse et sur la glace, l'on vit apparaître deux petites canines blanches.
- Je t'aime !, fit tristement le petit garçon alors qu'elle tournait en rond dans toute la pièce comme une enfant.
Elle vivra ses 17 ans pour l'éternité.


Trois


Elle ne pouvait pas s'habituer à sa présence, la Comtesse ne la supportait plus, cette jeune novice ne respectait rien, elle vivait toujours comme un être humain, elle dormait dans un lit, commandait des pizzas et écoutait des chansons à vous faire enrager, seul son fils l'appréciait, il en était peut-être amoureux. Pour cela, ce qui soulageait la Comtesse c'est que la novice semblait aimer les femmes, elle les aimait et ne supportait aucun homme auprès d'elle, mise à part François, son créateur, qui depuis l'arrivée de cette garce se montrait hostile envers sa mère. Il avait maintenant un an, mais possédait la physionomie d'un jeune garçon, si bien il avait grandi et grandissait encore.
Carine traversa le couloir transpercé par les rayons du soleil en tenant fermement la main de François.
- Que vous à t-elle encore infligé ?, demanda t-elle folle de rage.
- Elle a voulu m'enfermer dans le cachot parce que j'ai refusé de lui donner un peu de mon sang, sanglota l'enfant.
Carine s'arrêta et s'agenouilla face à lui. Elle essuya ses larmes.
- Maintenant, tu le sais, je suis ici pour te protéger, elle ne te fera plus de mal, je te le promets.
Il acquiesça. Elle se redressa, lui prenant la main de nouveau. François la regardait, elle se tenait droite et semblait flotter dans l'air, ils glissaient sur le parquet, il trouva cela très beau, oui, il aimait ses pouvoirs et elle aussi, ils ressemblaient à deux beaux anges perdus sur une toile...
La Comtesse n'était pas totalement remise de ses blessures, elle avait à présent la peau mate, les brûlures s'en allaient doucement, mais cela la faisait encore souffrir un peu. Elle se reposait dans son cercueil en satin rouge, celui de Kurt, celui qu'il avait laissé au château, la Comtesse par la suite s'était embarqué dans un bateau pour la France avec un autre cercueil gardé par un chasseur mort de vieillesse depuis très longtemps déjà. La Comtesse s'agita dans son sommeil, son cou lui faisait mal, un étau semblait le serrer, elle ouvrit les yeux, presque hors de ces orbites, étouffante. Carine lui apparaissait, aussi belle et cruelle que pouvait lui permettre sa beauté. D'une main elle amena le visage de la comtesse à l'encontre du sien.
- Tu ne le touches plus jamais ! Je sais que tu ne peux absolument rien me faire, tes démons t'ont abandonnée, ton énergie est épuisée. Que tu sois sa mère ou que tu ne le sois pas, essaye un peu de profiter de lui à l'avenir et je t'achève.
Carine la lâcha enfin, la Comtesse retomba dans son cercueil, elle mit ses deux mains sur son cou meurtri et toussa, le couvercle se referma sur elle, il n'y avait plus de lumière. La Comtesse reprit son calme, elle essaya d'ouvrir son cercueil, mais le couvercle resta bloqué, elle avait l'impression d'être enterrée vivante, la hantise de toute personne censée. Elle paniqua, et tapait de toutes ces forces (le peu qui lui restaient) sur les parois du cercueil.
- Carine ! Carine ! hurla t-elle.
La Comtesse essaya de se calmer, mais elle suffoquait, la seule idée d'être enterré vivante la rendait nerveuse, elle pris une énorme bouffé d'oxygène, arrêtant de cogner partout comme une hystérique.
- Guillame ! Frankie ! Gwen !, hurla t-elle à pleins poumons.
La Comtesse appelait alors tous ces enfants.


Quatre


Une vielle voiture gris métallisé s'arrêta sur le rebord du trottoir, les pneus étaient échauffés tant ils s'étaient pressés, l'un d'eux descendit de la voiture, il avait fière allure, il portait un manteau noir sur le dos qui lui arrivait jusqu'aux talons, une cascade de cheveux blonds qui donnait l'effet d'une véritable source lorsqu'ils ondulaient, il possédait aussi la dernière paire de lunettes chics à la mode, il n'avait pas tué le vendeur, il l'avait acheté, c'était la première fois, et il aimait beaucoup ça.
L'autre, brun avec les cheveux tout aussi longs et brillants, ne portait pas de manteau, il arborait fièrement un vieux blouson en Jeans. Celui ci cracha son chewing gum avec dégoût.
- Il n'y a plus de goût !, se plaignit-il.
- C'est normal, tu les aspires dès le début, c'est seulement du plastique, ce n'est pas un mortel, fit une des leurs revêtue d'une simple robe noire de style bohémienne. Ces cheveux à l'inverse des autres étaient courts, mais ils repousseront vite.
Ils levèrent tous la tête en même temps sur le grand panneau : RÉUNION DU PARTI NATIONAL.
- C'est ici je crois, fit le blond incertain.
- Oui ! La Comtesse nous a recommandé des esprits pervertis, le rassura la jeune fille.
- On fait assez français ?, lui demanda l'autre en cuir en prenant la pose.
- On s'en fout ! Les enfants ont faim, et ils risquent de nous bouffer, nous, si on ne rapporte rien, lui répondit-elle.
Ils entrèrent. Il faisait un peu sombre, on passait des dispositifs. Ils prirent place au dernier rang qui se trouvait inoccupé, puis ils attendirent, écoutant avec amusement les conclusions et les discours de ces pauvres mortels.
- Ils ne survivront pas à leur propre race, fit la jeune fille.
- Ces crétins ne savent toujours pas comment vivre, c'est pour cela qu'il y aura toujours un petit dîner pour les enfants, ils ont toujours faim d'absurdités, continua le blond aux lunettes noires.
- Ces jeunes gens voudraient sans doute nous faire partager leurs avis ?, demanda un vieil homme qui se tenait derrière le micro.
Puis tout le monde se tourna vers eux. Une femme posa son regard sur le jeune homme blond puis sur celui vêtu de cuir, et elles les observaient toutes avec une flamme de passion naissante pour ces jeunes messieurs.
Comme d'habitude, il y a plus de femmes que d'hommes, soupira leur jeune amie. Les deux jeunes hommes laissaient échappé un sourire en entendant ses pensées.
- Qui êtes vous ?, demanda le vieil homme.
La jeune fille se leva, se fut un émerveillement, on la voyait à peine bouger, elle ressemblait à une statue de marbre, elle souriait très poliment.
- Je suis Gwen Valmont Chardon, très heureuse, fit-elle en s'inclinant comme savait le faire les automates. Puis le jeune homme blond fit de même, il se leva, beaucoup plus calme, sans sourire, il enleva ses lunettes noires laissant le soin à ses admiratrices d'admirer ses yeux magnifiques où se mélangeaient aussi bien le gris bleu et le vert.
- Je suis Frankie Laurence, chuchota t-il pour ne pas les effrayer avec sa voix d'immortel pinçant.
Tout ceci ressemblait à de la mise en scène, le troisième se prêta au jeu, il se leva, beaucoup plus farfelu, il se déhancha quelques secondes puis il s'arrêta.
- Moi, c'est Guillame Galporte, fit-il en lançant un clin d'oeil à une femme au premier rang qui feignait de s'évanouir.
- Tu as toujours envie de te faire remarquer, reprocha Gwen à son encontre.
- Que voulez-vous ? Vous êtes venus pour nous soutenir ? Ou vous faites parti de ces salauds de gauchistes ?, demanda le vieil homme qui descendait de l'estrade pour s'approcher d'eux.
- Nous sommes venus faire des courses, répondit Frankie en rangeant ses lunettes dans la poche immense de son blouson.
- Des courses ?!, répéta le vieil homme étonné.
- Maman nous a envoyé chercher la nourriture, fit Gwen avant de pousser un cri strident qui fit presque éclater les tympans des mortels qui se bouchaient les oreilles.
La main de Frankie transperça le ventre d'une de ses admiratrices, puis d'une autre. Gwen leur arrachait le coeur, et Guillame leur écrasait la tête, il arrivait que certaines des victimes continuaient encore à gigoter, malgré leur tête réduite en bouillie, mais ils étaient déjà morts. Ils lancèrent les cadavres dans un coin, jusqu'a ce que cela fasse un tas, et que le sang se mette à sécher, à coaguler. Gwen se léchait les doigts avec avidité, le sang des mortels était vraiment excellent.
- Dommage que l'on n'ait pas le droit à l'amour charnel avec la nourriture des enfants, il y en avaient quelques-unes unes qui me plaisaient vraiment, soupira Frankie.
- Je vais chercher le camion, fit Guillame avant de se lever et de sortir de la salle.
Gwen arrêta tout d'un coup de recueillir le sang des morts sur ses doigts, elle regarda la pièce, cela commençait à sentir mauvais, c'était rouge vermeil autour d'elle. Frankie l'attrapa par la taille et il l'embrassa.
- Fêtons cela dignement, chuchota t-il à la belle le visage barbouillé de sang, et il l'embrassa encore recueillant le fruit des entrailles de ces victimes, un peu plus tard, Guillame se joignit à eux.


Cinq


Carine était sortie le soir dernier parce qu'elle ne supportait plus tout ces hurlements, ça venait de la cave de la Comtesse, c'était affreux, des cris, des plaintes, ils avaient faim, les morts prisonniers de la comtesse. Carine était donc sortie sans François, qui l'avait pourtant suivie, il fallait bien qu'elle apprenne à chasser seule.
Elle était allée dans un bar pour essayer de s'éloigner de cette maison, elle ne supportait plus cette atmosphère de morts-vivants et d'hypocrisie, mais il y avait François, son créateur, celui qu'elle devait protéger même au prix de sa vie. Sous une nuit exceptionnellement étoilée, elle avait rencontré une jeune fille qui s'appelait Fontine.
- C'est très beau, ce n'est pas commun, lui avait assuré Carine.
- Certains disent que ça les éclatent, cria t-elle presque complètement saoule en allant droit vers une ruelle sombre.
- Où tu m'emmènes ?, lui avait demandé Carine de sa voix simple d'innocente.
- Non ! Toi ? Où tu m'emmènes ? fit Fontine en s'arrêtant contre le mûr froid.
Elle s'était piégée elle-même. Carine l'étreignit si tendrement que Fontine se laissa faire sans protester, elle lâcha sa bouteille de whisky, et elles s'embrassèrent. Carine avait faim, elle aurait pu aller dans un petit restaurant ou manger quatre pizzas à elle seule pour calmer son appétit, mais ce soir là, elle voulait du sang, de la chair, du sang et accessoirement du sexe. Elle avait enfoui sa tête au creux de son cou, et calmement, elle la mordit. Fontine se laissa défaillir, mais Carine la serrait si fort qu'elle resta debout retenue par un seul bras, une main froide se glissa à l'intérieur de la pauvre victime qui répandait sa jouissance sur les doigts du vampire. Lorsque Fontine fut morte, trop extasiée, Carine avait bu un coup, elle avait presque oublié le goût du whisky, cependant le mélange avec le sang lui avait semblé très intéressant. François était alors apparu, elle avait été heureuse de le voir là, il l'avait ramenée.
François était dorénavant un adulte, il n'en avait pas l'âge mais la constitution, il ressemblait à un adulte malgré ses airs d'androgyne anorexique, ce qui lui conférait une certaine sensualité, les cheveux doux et longs, les yeux d'une transparence troublante et un teint chaleureux, il pouvait être aussi mat qu'anémique, ses vêtements en cuir moulaient ses formes faméliques, il ressemblait à un jeune homme, mais c'était sa troisième année dans le monde. Il avait atteint l'âge maximum, il resterait comme cela, éternellement jeune, comme son père. La Comtesse en avait été choquée, les mêmes yeux, les mêmes cheveux, mais François avait une beauté propre à lui-même, que son père lui aurait sûrement envié. La Comtesse devait maintenant le séparer de cette satanée novice avant qu'elle ne devienne véritablement un problème.

Le soleil pénétra la chambre de Carine, les rayons comme des langues lumineuses, léchaient les draps de son lit qui étaient en satin et en velours rouge et noir. Elle riait, assise face à François qui lui montrait quelques tours de passe-passe.
- Je t'en montre un autre ?, lui demanda t-il.
Elle acquiesça, très excitée. François secoua ses longs cheveux, ils devinrent encore plus longs, lorsqu'il releva la tête, c'était une belle jeune femme qui se trouvait face à Carine. Elle ria de plus belle, puis il reprit son apparence normale.
- A mon tour, s'il te plaît !, s'impatienta la novice.
François posa ses deux mains au sommet de sa tête, et il les laissa glisser lentement car il aimait la toucher, ses cheveux devinrent très courts, Carine était un beau jeune homme, cette fois ci c'est François qui ria, elle se vit dans son esprit.
- C'est terrifiant !, jubila t-elle.
Et elle embrassa François, il arrêta de rire et se laissa faire.
- Qu'est ce que ça te fait d'embrasser un homme ?, demanda t-elle sérieusement avant de redevenir elle-même et de rire aux éclats.
François souriait lui aussi, c'était un jeu pour elle, mais elle l'avait embrassé et il en était bouleversé.


Six


Ca la prenait souvent, mais ce soir là c'était pire, la démence de Carine avait empiré, elle était devenue complètement folle, et il n'avait pas su la calmer cette fois ci.
- Mais qu'est ce que tu m'as fait ? Qu'est ce que tu m'as fait ?, hurlait-elle à l'encontre de François.
La Comtesse était réjouie de la voir ainsi.
- Si elle persiste, il faudra l'achever, avait-elle dit sans émotion à son fils.
- Je ne vous donnerais pas cette joie, avait répliqué François.
Puis il avait suivi Carine qui errait dans les rues, n'ayant aucune conscience de ce qu'elle faisait et où elle allait, il savait seulement qu'elle avait mal, qu'elle endurait une souffrance de l'esprit et de la chair. Par-dessus la ville, par-dessus les toits, François la suivait, elle avait mal et s'était même arrêter pour pleurer.
- François !, hurla t-elle en se redressant pour le chercher autour d'elle, François ! Qu'est ce que tu m'as fait ?
Et la douleur s'empara de nouveau d'elle. Carine essaya de s'arracher les cheveux, ils repoussèrent, alors elle hurla de plus belle. Elle s'égratigna le visage avec ses ongles longs et coupants jusqu'au sang, mais elle cicatrisa.
- Qu'est ce qui m'arrive ? Qu'est ce que tu m'as fait ?, répéta t-elle.
Ne fais pas ça ! Je n'aime pas te voir comme ça, tu me fais du mal, pensa François.
Elle l'avait entendu, elle leva ses yeux rouges de larmes, c'était lui qu'elle entendait pleurer en réponse à son mal. Il se tenait accroupi sur le toit d'un hangar.
- Je te hais !, hurla Carine, regarde ce que tu m'as fait, je te hais !
- Non !, cria François qui voulait descendre la rejoindre pour la calmer.
- N'y allez pas, conseilla Frankie qui l'avait poursuivi sur les ordres de la Comtesse, elle se calmera d'elle-même.
- Qu'est qui lui arrive ?
- Votre sang prend le dessus dans son organisme, plus vos pouvoirs se renforcent, plus votre sang s'accroît en elle, et cela, physiquement et mentalement, elle ne peut le supporter, vous verrez qu'au lever du jour, elle sera comme avant. A présent nous devons rentrer, votre présence l'enrage.
François regarda une dernière fois Carine qui maintenant se frappait la tête avec deux poings. Il suivit Frankie sans discuter.
Carine arrêta de se cogner et de gémir, elle plaqua ses mains sur le sol, et se mit à vomir, son sang était noir, elle rejetait sa vie de mortelle, elle vomissait de plus belle jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse, épuisée.
On la ramassa et on l'emmena, mais qui était cette personne ? Carine était morte pour la seconde fois.


Sept


Il y avait cette odeur, une vraie merveille, qui lui rappelait les parfums de son vivant, puis ce qui sentait mauvais, ce qui l'écoeurait, se mélangeait avec cette douceur, une horreur. Carine se réveilla dégouttée, sa gorge lui faisait très mal, ça la brûlait littéralement. Elle se releva de son lit de foin et observa les alentours. C'était immense ! Il faisait noir, mais au-dessus d'elle, la lumière était orangée et le luxe se mélangeait avec la salissure de l'endroit. Il y avait des fauteuils et des canapés, des vieilleries ! De véritables chef-d'oeuvres couverts d'étoffes rares et d'or, il y avait aussi plusieurs tables en ronce et des chaises assorties, des lampes en cristal... Pourtant l'endroit paraissait pitoyable.
- Il l'est !, fit une personne.
Elle s'avança vers Carine toujours affaiblie par sa crise.
- Milicia Hersonne !, se présenta la jeune fille en lui faisant la révérence.
Elle était habillée en costume d'époque, une cascade de mousseline et de soies rouges et noires, sa peau n'était pas claire comme ceux des autres vampires, c'était la première fois que Carine voyait un vampire de couleur, hormis le teint parfois ombré de son créateur.
- Beaucoup sont surpris de voir cela, dit-elle.
- Surpris de quoi ?!, demanda Carine les idées à présent éclaircies.
- De la couleur de ma peau, les vampires de couleur sont très rares, parce qu'au contraire de vous, nous ne croyons pas aux monstres de sang, répondit Milicia en s'approchant d'elle.
- Tu y as cru?
- Non !, répondit une nouvelle personne.
Cette fois c'était un homme, un vampire d'une taille immense, qui envahissait tout le lieu de sa présence, ses cheveux étaient plus longs et plus blonds que ceux de la Comtesse, mis à part que ceux là avaient des reflets argentés qui n'allait pas trop avec son évidente jeunesse.
- Elle n'y a jamais cru, mais la Comtesse y a remédié, continua le jeune homme.
- Qui êtes vous ? demanda Carine en se redressant maintenant en pleine forme et méfiante à présent qu'elle avait entendu le nom de Comtesse, cette vieille folle !
- Jan Hersonne, répondit-il simplement.
- Vous êtes mari et femme !, s'étonna Carine en se tournant vers Milicia, c'est vraiment touchant ! Je présume que c'est la Comtesse qui a présidé l'office ?
- Voilà plus de 230 ans que nous existons. Lorsque nous étions ensemble, certaines personnes avaient trouvé cela très offensant, parce que j'étais d'une race bien inférieure pour eux, cette haine nous a tué. La Comtesse a volé notre sang, notre jeunesse pour vivre et en échange nous sommes devenus ses enfants, nous nous sommes mariés, une alliance de sang, nous nous sommes empoisonnés, car tu dois savoir que deux goules ne doivent, s'ils ne sont pas exceptionnels, s'abreuver de l'un et de l'autre. Nous avons tant souffert...
- Ses enfants vous dites ? Pourquoi n'êtes vous pas enfermés dans la cave comme les autres ou à son service ?, demanda Carine fermement méfiante.
Milicia s'approcha d'elle, alors seulement, elle commença à déverser quelques mots dans une langue inconnue, Carine s'agenouilla et recula effrayée tout d'un coup.
- Boniments, sacrilèges !, s'exclama t-elle.
- Vois-tu qui nous sommes à présent ?, lui demanda Jan.
- Les enfants rebelles, chuchota t-elle.
- Il fût un temps où la Comtesse devenait trop pesante pour nous, à dire vrai, elle perdait la raison, nous nous sommes retournés contre elle parce que c'est le propre d'un novice et parce que nous voulions être libres, mais parfois, parfois seulement, nous lui rendons service, après tout, elle nous a donné la vie éternelle, expliqua Milicia.
- Elle vous craignait...
- Oui, elle voulait redevenir le démon qu'elle avait été d'antan, mais son père l'a abandonné, alors elle nous avait harcelé chaque jours pour que nous l'aidions à redevenir puissante grâce à nos dons de magiciens et de médiateurs avec l'au-delà. Oui, nous sommes partis pour cela aussi, coupa Jan.
Carine se releva lentement de peur que Milicia ne recommence, elle avait ressenti quelque chose pendant cette brève incantation, c'était impossible, François lui avait affirmé que rien ne lui arriverait, rien...
- Le Dieu se trompe, réfuta Milicia.
- Le Dieu ?!
- Il t'a donné sa force, un certain nombre de pouvoirs que d'autres vampires ne possèdent pas, mais nous pouvons te détruire, le Dieu ne sait pas tout, il ne sait que ce que la Comtesse veut qu'il sache, à savoir qu'il est unique, qu'il est puissant, ce qui est vrai, mais elle continue à embellir les choses pour qu'il se sente mieux, pour le manipuler, continua Jan.
Carine ne comprenait plus rien.
- Mais de quel Dieu parlez-vous ?
- François ! Pardi ! Ton créateur, sache le, est un Dieu vampire, ce qui est rare, il est l'être unique, humain, mortel, immortel, puissant, il est grand maintenant, c'est la première fois que cela arrive et c'est grâce à toi, répondit Milicia, ses yeux pâles semblaient sursautés, tant elle était excitée.
- Je n'arrive pas à saisir, bredouilla Carine.
- Il arrive parfois des choses que la nature même ne peut prévoir, les Dieux vampires sont des êtres parfaits, une sorte de métissage entres humains et immortels, ces êtres sont rares, mais ils sont tous morts, commença Jan.
- S'ils étaient si parfaits, pourquoi sont-ils morts ?, demanda Carine d'un ton sarcastique pour les agacer.
- Parce qu'il y a eu la folie, répondit posément Milicia en ne la quittant plus des yeux, nous avons eu quatre Dieux qui sont morts avant même d'avoir eu la possibilité de ressembler à un adolescent, c'est très court. Ils sont morts jeunes parce qu'on leur avait dit la vérité, on leur avait expliqué ce qu'était vraiment un vampire, un monstre, qui tue, qui aspire l'âme et le sang de ces victimes, un mort vivant dépourvu de sentiments lorsqu'il a faim, des créatures qui se méprisent entre eux. On leur a montré les boucheries que certains vampires renégats commettaient, on leur a montré les mortels qui avaient reçu le don sans le vouloir... Une horreur, des fous ! Tous ! Les Dieux n'ont pas accepté d'être les gouvernants de cette race qu'ils ont bientôt voulu avorter, les Dieux se sont suicidés et beaucoup de vampires sont morts avec eux.
- Comment ?, demanda Carine subitement plus intéressée.
- Nous sommes reliés à eux, ils sont nous, je ne l'explique pas, mais lorsque l'un d'eux meurt, un bon nombre de notre race trépasse, c'est pour cela qu'à la naissance de François beaucoup d'entre nous se sont cachés pour échapper à une hécatombe proche, répondit Milicia.
- Il y avait un Dieu avant François qui se nommait Gaël, il était italien, et son père était un vampire très particulier, Gaël savait qu'il avait des dons, des pouvoirs, il savait qu'il aimait boire le sang, mais il croyait aussi que tous les autres étaient comme lui. Un soir, il a découvert son père qui terminait de dîner, et là, Gaël, s'était mit à se poser des questions, quelque chose le révulsait, il savait au fond de lui que ce n'était pas normal de vivre comme ça, de manger comme ça, de voir son père se reposer le jour et non la nuit comme les autres humains, ce n'était pas normal de ne pas sortir. Alors Gaël est sorti, il a découvert les mortels, les enfants, les adultes, toutes ces choses qui faisait d'un Être quelqu'un de normal et d'heureux. Gaël était tombé amoureux de la vie des Hommes, et c'est en allant voir un prêtre qu'il a appris l'histoire de sa race, les abominations, de ces tueurs de mortels, son père était un démon et lui aussi, et pire encore puisqu'il en était le principale gouverneur maintenant. Gaël s'est ouvert la poitrine pour en extraire son coeur et le manger, et beaucoup de créatures sont mortes, plusieurs, indénombrables, continua Jan maussade.
- Nous avons survécu sans trop de dommage, car ce Dieu n'avait pas vécu assez longtemps pour être complet. Ainsi, la Comtesse a survécu, Kurt a survécu...
- Qui ?
- Un des nôtres, se rattrapa Milicia.
- Il a fallu du temps pour recommencer à chasser, à bouger. La Comtesse a alors offert l'immortalité à beaucoup d'enfants, contre leur jeune sang et parce qu'elle... elle est un peu dérangée, rajouta Jan.
- Aucun Dieu n'avait trouvé la force de vivre dans ce monde où les mortels se haïssent et détruisent tout, eux-mêmes inclus. Où les vampires font autant de dégâts et se haïssent à leur tour, continua sa femme en s'approchant plus près de Carine, le doigt pointée vers elle, mais François a trouvé cette force, et cette force c'est toi, tu es tout pour lui, réconfort, amour, mortelle, belle, il est comme son père, une personnalité fragile qui aime s'entourer de beauté.
- Je ne suis pas très belle..., balbutia t-elle gênée par les regards de Milicia.
- Idiote, je te parle de la beauté de l'âme et celle du corps, Milicia se leva enfin et alla près de son mari, François reste enfermé...
- C'est faux ! Il sort quelques fois, coupa Carine impatiente.
- Il te suit, renchérit-elle, c'est pire qu'un chien, il ne supporte pas d'être éloigné de toi, le seul monde qu'il connaisse est celui de la Comtesse et tu dois l'en sortir pour le bien de nous tous.
Carine se redressa pour leur tenir tête.
- J'ai été échue pour le protéger, pour être là s'il a besoin de moi, je suis une sorte de nounou pour lui.
Milicia et Jan souriaient, ils communiquaient entre eux, mais Carine n'entendait rien, elle se trouva très bête tout d'un coup.
- La Comtesse me haït, dit-elle au hasard pour leur arracher un mot.
- La Comtesse est vulgairement jalouse, elle aurait préféré que François la choisisse à ta place, répondit Milicia, c'est la première fois qu'un Dieu atteint l'âge adulte aussi vite et aussi sainement, il faut que tu l'éduques, que tu lui enlèves sans lui faire de mal les idées que cette garce aurait pu lui fourrer dans le crâne.
Jan leva vivement la tête, il semblait scruter le plafond, Milicia fit de même tout de suite après. Carine fronça les sourcils, elle lisait à présent en eux, ils étaient inquiets, quelque chose se passait...
- Qu'est ce qui se passe ?, demanda t-elle.
- Là-haut !, bafouilla Jan, il va arriver quelque chose, c'est très puissant, l'ordre va être rétabli...
- De quoi parlez-vous ?, s'exaspéra Carine.
Milicia posa son regard sur elle, un regard froid.
- Rentre auprès du Dieu ! Et fais ce que l'on t'a dit !
- Comment est ce que je peux vous croire ?
- Tu ne le peux pas, c'est toi qui dois ouvrir les yeux.
Carine recula, elle savait où se trouvait la sortie, elle avait senti le courant d'air. Jan continua à scruter le plafond de plus en plus inquiet.
- Va-t'en !, hurla t-il enfin sans la regarder.
Carine s'en alla. Elle retourna dans la vieille maison abandonnée derrière de hauts végétaux, cachée par un mûr bétonné, où passait une petite rue goudronnée. Elle ne fit pas attention aux autres et surtout pas à la Comtesse, mais personne ne semblait l'avoir remarquée ou ne voulait lui adresser la parole. Carine se dirigea vers la chambre de François, elle referma doucement la porte derrière elle.
Il dormait, épuisé sûrement. Elle le considéra quelques instants, et son coeur se remplissait de fierté à l'idée d'avoir été choisi par un Dieu. Elle s'approcha du lit et monta se coucher près de lui.
- Carine ?, chuchota t-il.
- Je suis là, répondit-elle en entourant son bras autour de lui, comme s'il était son enfant.
Elle ferma les yeux.


Huit


Mimi se réveilla en plein milieu d'un champ de boutons d'or, elle était couchée face au ciel.
- Que vois-tu ?, lui demanda t-on.
Elle tourna la tête pour apercevoir Kurt couché lui aussi face au ciel, près d'elle. Il lui souriait.
- Kurt ! Pourquoi tu reviens me hanter ? J'ai besoin de t'oublier, lui dit-elle.
- Pourquoi ?
- Je redeviendrais plus rationnelle...
- Pourquoi ? Tu es folle ?
- Oui, je crois, je vois des choses, répondit-elle.
- De quel genre ?
- Des cauchemars, sur fond de toiles roses et bleues, répondit-elle.
- Regarde le ciel !, lui ordonna t-il.
Mimi obéissait, elle leva les yeux vers le ciel, les nuages s'arrêtèrent de flotter, suspendus dans le vide d'un manteau bleu effrayé, elle vit les traits d'un visage que les nuages formèrent, l'expression ouvrit grand la bouche, elle hurlait, Mimi l'entendait, elle essaya de se lever, mais elle était complètement paralysée.
- C'est ça que tu vois ?, demanda Kurt qui s'enfonçait dans l'herbe pour disparaître, avalé.
- Kurt ! Reste avec moi ! Kurt !
Il n'y avait plus de nuage, le ciel devenait rose puis bleu et elle vit la toile se couper en deux et déverser sur elle une pluie de sang, Mimi ferma les yeux, elle ne criait plus, d'autres hurlements couvraient sa voix.
Mimi émergea, elle ouvrit les yeux, les mains sur son visage, elle essaya de reprendre sa respiration, la fenêtre de sa chambre était grande ouverte, son corps maculé par les frissons et la sueur.

Kei

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