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Les Novices : Livre II - Adonis sang (partie I)

Celui qui se lamentait...


Un


C'est l'histoire d'une âme perdue, il fait noir dans mon monde, c'est si reposant... Je suis vieux, repu de victimes et de sang. Mon esprit a trop vécu et pourquoi être seul en ce monde ? J'ai accepté la mort, mais pas la solitude... Je me sens tellement seul... Pourquoi ?
- Tu passes ton temps à me tourmenter, mais tu ne réponds jamais à mes questions, grogna-t-il.
Le silence embaumait l'air, mais une odeur malsaine planait, toute proche. Un squelette rebuté se tenait là, accroupi, il s'obstinait à sourire à son interlocuteur. Kurt sortit de l'ombre, il portait un lourd manteau sombre, ses cheveux lui cachaient le visage, il semblait désespéré, fatigué.
- Tu te joues de moi la mort. Tu restes là, tu ne dis rien... Tu me lasses, soupira-t-il.
- Je ne peux en aucun cas te lasser, je suis une simple projection de ton esprit, répondit le squelette.
- Et alors ? Pourquoi lorsque je souhaite que tu me donnes des réponses, tu ne réponds pas ?
- Parce que tu n'as pas de réponse à tes propres questions.
- Ca ne m'apporte rien, tu ne m'apportes rien.
- Ton esprit est fatigué, il a trop vécu, affirma la mort.
- Disparais !
- Je suis ta folie...
- Disparais !, gronda maintenant Kurt.
Un étrange grognement retentit du fond de sa gorge, il releva la tête, révélant un visage haineux, et deux canines pointues, ses yeux flambaient presque, ils étaient devenus rouges. La mort s'enfonça dans son enfer.
L'expression de dureté quitta le visage de Kurt, ses traits s'affinèrent, ils devenaient plus doux, ses dents acérées avaient disparu, et ses yeux rouges se faisaient évanescents pour laisser place à un gris bleu clair, trop clair, mais malgré ses cinq cents ans d'existence, il ressemblait toujours à un jeune garçon, un adolescent, un Adonis...
- Un paumé, chuchota t-il.
Il s'enfonça bientôt lui aussi dans l'enfer qu'il s'était cré" pour ne plus exister, expier.


Deux


La musique était trop forte, assourdissante, un long frisson parcourait Raphaëlle et Mimi, de la moelle épinière jusqu'à leur nuque. Franck restait de marbre face au spectacle qui se présentait à tous. Une vision dramatique.
Sur un autel en pierre qui se trouvait sur la scène, était allongé une belle jeune fille, nue, blonde, bien sanglée. Elle avait les yeux bandés et sanglotait. Ses deux bourreaux se présentèrent enfin, ils se mirent face au public de la boîte, nombreux ce soir. Les deux hommes étaient vêtus de longues robes noires, ils ressemblaient à deux moines. L'un était grand, presque gigantesque, et l'autre plus petit, ses yeux étaient blancs, complètement vides. Leurs peaux étaient lisses sous les lumières des projecteurs, bien trop lisses. Franck savait ce qu'ils étaient, mais il ne dit rien, il ne fit rien, ce n'était pas le bon moment.
- Pourquoi ils n'arrêtent pas ? Elle a peur, cria Mimi pour se faire entendre de lui.
- Elle est heureuse de mourir, elle va pouvoir échapper à ce monde qu'elle n'apprécie pas, mais il est bien vrai qu'elle est terrorisée, répondit Franck.
L'un des bourreaux leva une dague au-dessus du corps de la jeune fille.
- Les sacrifiés sont souvent des suicidaires, des cinglés ou des satanistes repentis, ils signent des contrats et se font dépecer pour le plus grand plaisir de ces pervers, continua Franck en faisant allusion aux habitués de la boîte.
- Administrez-lui un somnifère, je vous en supplie !, priait Raphaëlle à voix basse, souhaitant qu'un des bourreaux l'entende. Elle sursauta lorsque les hurlements de la jeune fille emplissaient la salle, ses cris s'élevaient et allaient couvrir la musique électrique habituelle de la boîte. Raphaëlle avait senti comme une fissure à travers son corps, de la répugnance.
- Mimi ! On s'en va !, suppliait Raphaëlle les mains sur les oreilles.
Mimi allait s'évanouir, le flanc de la jeune fille était grand ouvert, et le contenu se laissait choir sur l'autel, sur la scène, le sang se répandait très vite, mais c'était les organes, qui glissaient lentement en se détachant doucement, qui dégouttaient le plus Mimi et Raphaëlle. Le public dégénéré hurla de joie.
- On s'en va !, annonça Franck.
- Je suis venue ici pour vérifier quelque chose, je ne partirai pas avant, répliqua Mimi qui s'était reprise.
Raphaëlle ne pouvait plus regarder le spectacle, elle était trop écoeurée.
- Putain, Mimi ! On s'en va ! Je me fous de ton...
Elle s'arrêta net et se tourna de nouveau vers la scène.
« Qu'est ce que c'est ? »
Les deux bourreaux se jetaient littéralement sur le cadavre, complètement transformés, ils ressemblaient presque à des animaux. Ils se régalaient de sa chair.
- C'est ça ? Ils existent réellement, souffla Mimi fascinée.
Franck s'élança vers eux en se frayant un chemin parmi la foule, les deux bourreaux l'ayant aperçu, à peine rassasiés, abandonnèrent la victime pour s'enfuir.
- Franck ! Arrête !, cria Raphaëlle.
Il ne l'entendait pas, il poursuivait sa course.
- Mais il est fou, qu'est ce qu'il fait ?, fit Mimi.
- On rentre ! Je veux partir, hurla Raphaëlle, hystérique.
- On va le suivre !, s'exclama Noun, le ton enjoué, elle allait enfin voir...
Mimi entraîna son amie vers la sortie, pendant que certaines personnes du public, montaient sur scène pour s'imprégner du sang de la morte.
- Lâche-moi Mimi !, hurla Raphaëlle en se libérant, marre de tes conneries !
- Tu as peur ?
- Est-ce que j'ai l'air d'une putain de sataniste ? Un être humain a son degré de perversité même pour moi, je l'ai atteint le degré.
- Tu racontes quoi ? Tu ne veux rien dire, s'énerva Mimi tout en promenant son regard autour d'elle pour essayer d'apercevoir Franck.
- Toi non plus, se défendit Raphaëlle.
L'un des bourreaux avait surgi dont ne sait où, derrière Mimi, le visage déformé, similaire à celui d'un monstre de fiction. Raphaëlle se mit à pousser de fabuleux cris, suivis de ceux de Mimi qui s'était retournée.
La créature aux canines acérées enserra Mimi par la taille et d'une autre main, maintenait son menton en arrière, lui présentant le cou de sa future victime. Mimi ferma les yeux et arrêta de se débattre, elle émit seulement quelques gémissements. Elle voulait juste voir, rien de plus...
- Ne bouge pas, fit la créature en s'adressant à Raphaëlle morte de peur, tu seras mon dessert.
Raphaëlle prit la fuite, complètement paniquée.
Le vampire revint à Noun, amusé par la fuite de l'autre fille, il ouvrit sa mâchoire pour engloutir la peau du cou et trouver une veine, mais on le dérangea. Un grognement féroce s'élevait dans la rue et le vampire émit le même son sans parvenir à évincer celui qu'il entendait, il reniflait, tremblait même.
Kurt sortit de l'ombre, se mit en face du bourreau.
- Va t'en trouver une autre l'ancien !, grogna ce dernier.
- Pourquoi se fatiguer, alors que le festin se présente à moi, et puis, je suis plus vieux que toi, alors va t'en avant que je ne te fasse du mal, ordonna Kurt en employant sa voix stridente.
La créature laissa retomber le corps de Mimi à terre, il fixa le jeune adonis, vaincu et sauta dans l'arbre le plus proche, il s'éloigna rapidement, furieux contre lui même.
Kurt s'approcha du corps de Mimi et se baissa, il sentait l'appel du sang, la faim le démangeait, ses canines poussèrent, il approcha son visage plus près du cou.
- Arrête !, intervint une voix bien connue, agaçante.
Kurt releva la tête pour apercevoir la mort, le même squelette qui le hante depuis des années déjà.
- Laisse moi me sustenter !, grogna t-il.
- Tu es stupide ? La réponse à tes questions est sous tes yeux, gronda la mort.
Kurt regarda Mimi, étonné, perdu, sur le point de se moquer de la mort.
- La fin de ta solitude est là, continua la mort.
- Elle sera trop effrayée, ça ne marchera pas... J'ai faim!
- C'est à toi qu'incombes la tâche d'essayer, fit la mort avant de s'évaporer.
Kurt resta longuement perplexe. Son coeur parla pour lui, fichu appendice !
- Je veux aimer mortelle, je veux aimer et être aimer de nouveau, je n'ai plus envie de souffrir cependant, tu m'entends, chuchota t-il de sa voix faible et retrouvée.
Il la souleva sans effort dans ses bras et s'enfonça dans la nuit.

Kei

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