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La Grande Punition : Confrontation - Partie 1

"Où le destin affronte
Une fatalité maudite."

--- Mais celui qui devait nous guider n'était pas celui qui nous avait été montré au premier abord, nous sommes alors tombés dans piège de la malédiction de l'esprit humain. ---
Codex Maleficarum - L'avènement du nouveau monde



Le voyage qui menait à la cache d'Abel fut aussi calme que possible. Plusieurs fois, Coloss fit se cacher le groupe à cause du passage d'Inquisiteurs Questeurs dans les environs, mais, encore une fois, il sembla que les Inquisiteurs les esquivaient sciemment. Lorsqu'ils arrivèrent devant l'immense falaise qui abritait la citadelle de grottes où vivait Abel, il se produisit le premier incident.

« Coloss, attends. », cria Destin.

Il tomba à genoux, la tête entre les mains, vibrant d'une mélodie douloureuse, comme une chanson si haute qu'elle lui vrillait les tempes.

« Qu'est-ce qui t'arrive ? », demanda Coloss, « Bon dieu, il saigne du nez. »

Il fut vite entouré des personnes du groupe, mais il ne les voyait plus. La chanson entêtante le privait de ses sens, sa vue était brouillée, son ouïe emplie de la mélodie funèbre, son corps le brûlait et sa langue portait un goût de sang, cuivré et lourd.

Il sentait l'ensemble de son être plier sous une énergie nouvelle, incapable de tenir dans ce qui avait été fait de lui. Comme si elle cherchait un moyen pour obtenir un réceptacle plus grand. Il lui fallut réussir à se calmer pour que tout semble redevenir normal. Ses sens lui revinrent alors qu'il était installé dans un brancard.

« Plus vite. », disait Coloss, « Abel saura quoi faire. »

Autour de lui, deux hommes qu'il ne connaissait pas.

« Attendez. », dit-il, « Je vais m'en sortir. »

Le premier porteur le regarda d'un air dubitatif et s'en remis au jugement de Coloss. Il hocha la tête pour signifier que ce n'était pas la peine de le secouer plus qu'il ne l'était déjà. Ils ralentirent leur course. Sid tenta de comprendre l'endroit où il se trouvait. Il était maintenant véhiculé à travers un couloir de pierre polie, les murs ressemblaient à ceux d'un couloir d'un bâtiment de la Multinationale. Il eut une bouffée de panique. Il reconnaissait ces couloirs. C'était ceux de sa vision, lorsqu'il avait touché l'Inquisiteur. Il n'y avait plus aucun doute, Abel avait une relation avec tout cela. Il regarda Coloss, qui s'accrocha au brancard comme sous le coup d'un violent malaise. Il regarda Destin avec de grands yeux.

« Nous n'allons pas plus loin. », indiquèrent les porteurs, « Abel vous attend ».

Ils disparurent rapidement sans attendre une quelconque réponse de la part des invités d'Abel, comme si des ordres très stricts leur avaient été transmis. Coloss se pencha au dessus de Destin.

« Les images, c'était toi ? »

« Je crois, oui... », répondit l'intéressé, « Je ne me contrôlais plus bien. »

« Alors tu n'as plus aucun doute ? Abel est celui qui nous a pourchassés depuis toutes ces années ? »

La porte qui se trouvait derrière eux s'ouvrit d'un coup en grand, comme si elle avait été outrée par les accusations portées par Coloss. Derrière elle se trouvait une salle gigantesque que l'on aurait certainement pu considérer comme une salle du trône, si elle n'avait pas plus ressemblé à une salle de réunion gigantesque dans la plus pure forme de la Multinationale.

« Et bien, il fallait bien que ça apparaisse au grand jour à un moment ou à un autre, vous ne croyez pas ? »

La voix, que Sid ne connaissait pas, provenait de l'autre bout de la pièce certainement amplifiée par quelques moyens techniques à la portée unique de cette grande société unique qui régissait le monde d'après la Punition. Coloss se redressa et fixa le fond de la salle. Elle était vide à l'exception du bureau de verre et de métal qui servait de poste de travail à Abel. Coloss connaissait très bien cette pièce puisqu'il était déjà venu de nombreuses fois dans cet univers si différent de ce qui existait à l'extérieur.

« Mais entrez donc... Je crois que nous avons à éclaircir un certain nombre de points qui vous feront certainement voir les choses comme moi. », dit la voix amplifiée sans sembler avoir le moindre doute sur la fin des événements.

Coloss, semblait nettement moins sûr de lui. Il tourna son regard vers Destin qui se leva et fit simplement face à la salle.

« Destin, n'est-ce pas ? », murmura-t-il, « C'est le mien et on échappe pas à son destin. »

Il avança d'un pas sûr en direction de la personne qui leur avait parlé. A la moitié de la salle, il put facilement détailler les traits d'Abel. Un visage long et froid, penché sur un fouilli de papiers posés sur l'immense dalle de verre. Il avait très exactement l'expression que Sid lui avait vue dans sa vision. Une expression si ambigüe qu'il ne put réellement dire s'il avait devant lui un être diabolique ou une créature qui avait réellement fait tout ce qu'elle pouvait pour le bien de ses concitoyens, même si ce n'était pas par le biais de la justice. Ensuite, il se souvient de ce qu'avait dit son père mais aussi des immondes souffrances qu'il avait subies pour en arriver là. Il marcha d'un pas sûr jusqu'au bureau regardant l'homme qu'il avait devant lui, qui n'avait toujours pas levé les yeux.

« Je suppose, Sid, que ton père ne t'a pas laissé croire que je n'étais pas au courant de ses manipulations ? », dit-il pour commencer la conversation, « Je sais qu'il t'a laissé partir alors qu'il aurait dû faire de toi le meilleur de mes Inquisiteurs. Remarque, je ne peux pas lui en vouloir, c'est une réaction normale de père qu'il a eu là. »

Enfin, il leva les yeux.

« Je crois qu'il a plutôt bien réussi la transformation de son fils, remarque, tu ne sembles pas avoir de séquelles de ta métamorphose. »

« De quoi parlez-vous ? », demanda simplement Sid sans se démonter.

« Il a fait de toi une arme pour me détruire, n'est-ce pas ? », sourit Abel, « Vous avez eu une conversation hier au soir avant qu'il ne mette définitivement fin à ses jours. Il a bien fait les choses en sautant d'aussi haut, nous n'avions aucune solution pour récupérer les données qu'il nous avait cachées. Maintenant, j'ai peur qu'il ne nous reste qu'une petite partie des informations sur la conception des Inquisiteurs, mais suffisamment toutefois pour la réaliser avec autant de réussite que lorsqu'il la gérait. Dommage, nous ne pouvons maintenant plus développer la technique pour obtenir des combattants plus perfectionnés encore. »

« Pourquoi, Abel ? », demanda Coloss, « Pourquoi nous avoir protégés de leurs agressions si vous en êtes le créateur ? »

« C'est très simple, mon ami. », répondit-il, « Il me faut des Marqués pour pouvoir créer ces créatures. Plus les Stigmates sont importants, plus l'Inquisiteur résultant est rapide, puissant, agile et docile. Si nous venions à éradiquer l'ensemble des Marqués, que devenait mon armée ? Il me fallait donc d'autres générations ayant des patrimoines génétiques puissants et offrant des chances de Stigmates élevés dans la hiérarchie. »

Les yeux d'Abel étaient froids, d'une dureté absolue.

« Vous nous élevez comme du bétail ? C'est cela ? », demanda Coloss, sans se départir de son calme.

« Et bien oui, je dois l'avouer. Je n'ai aucun autre moyen de définir ce que je fais avec votre village. »

Coloss frappa avec une force incroyable sur le bureau en verre.

« VOUS NOUS AVEZ TRAHIS. »

« Allons, mon ami gigantesque, je ne vous ai jamais fait croire que je voulais autre chose que ce que vous avez, c'est-à-dire la vie. », corrigea Abel, en s'éloignant légèrement de la plaque de verre qui avait mystérieusement résisté au coup.

Il se leva et rejeta son siège à une distance respectable pour qu'il ne puisse pas le gêner dans ses mouvements.

« Voilà que tous les esprits s'échauffent. », dit Abel d'une voix suave, « Alors réfléchissez un peu à ce que deviendra ce monde sans une hiérarchie et une protection. Avant la Multinationale, ce monde était un chaos. Sans les Inquisiteurs, le monde redeviendra un chaos. Qu'est-ce que quelques vies pour maintenir un droit et un ordre ? »

« Ce sont des vies perdues. », dit simplement Sid, « Ne me dites pas qu'il n'y a aucun autre moyen pour sauver ce monde de lui-même parce que je ne vous croirais pas. Je sais qu'il vivra sans vous et sans les Inquisiteurs, je l'ai vu. Je sais aussi que vos machines à tuer ne sont pas aussi parfaites que cela. Mon père y a veillé. »

« C'est à ce point de la conversation que vous devez me proposer une solution, non ? », sourit Abel, « Je crains qu'il n'y en ait qu'une seule à ma grandeur. »

Des portes latérales invisibles s'ouvrirent sur des couloirs qui comportaient une multitude de créatures armurées.

« Mon dieu, père, arrêtez ! », cria Morphée, « Vous avez fait assez de mal comme cela. »

« Ca me désole mais je crains ne pas avoir d'autre choix que de te regarder mourir toi aussi. Tu ne devais pas revenir à toi avant que tout soit terminé, mais il faut croire que le destin est plus fort que toutes les techniques que l'on peut employer pour le bluffer. »

« Oui... », dit Sid doucement, « Et je suis Destin. »

Nehwon

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