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La Grande Punition : Père

"Où Destin est déchargé
du pire de ses sacrifices,
où son bourreau se repent."

--- Alors que l'unité était malmenée par les affres de l'inconsistance humaine, alors que les diables marchaient sur notre terre en rangs serrés, nous trouvâmes un père. ---
Codex Maleficarum - L'avènement du nouveau monde



Alors que le sommeil l'emportait loin de la réalité, Sid, devenu Destin, sombra dans un monde étrange, différent de la réalité par le léger voile trouble qui s'étalait devant toute chose, très différent d'un rêve aussi, car loin d'être onirique. Il avançait, ses pieds nus sur les dalles d'une pièce sombre. Il imaginait les chambres de la Multinationale comme cela, une immense pièce comportant un poste de travail, un bureau de verre et d'acier, un lit, grand lit à deux places avec des draps blancs parfaitement repassés et préparés pour permettre à un cadre de la Multinationale d'être parfaitement frais et dispo au matin. Il y avait aussi un fauteuil confortable en cuir sombre dans un coin, un homme était affaissé dans le siège comme si le poids de sa vie était devenu tellement lourd qu'il ne pouvait le supporter.

« Je sais que tu es là, Sid. », dit-il, « Je t'ai programmé pour cela. »

Il porta son verre à ses lèvres. Il contenait un liquide ambré, certainement un alcool fort.

« Je t'en prie, ne te débats pas pour retourner dans ton lit, où qu'il soit. J'ai besoin de te parler. »

Il ne cherchait personne des yeux.

« Tu n'es pas encore assez fort pour me répondre, mais la puissance que j'ai insufflée dans ton corps lors de ta transformation devrait se révéler assez rapidement, demain peut-être. J'ai peur malheureusement que ce soit douloureux au premier abord.», soupira-t-il, « Je veux que tu saches que j'ai fait ça pour un peu plus que pour moi, pour ce monde, qui est en train de renaître. Je n'espère pas que tu puisses me pardonner, je sais que ce que tu as subi a fait disparaître toute trace de compassion dans ton esprit, en particulier pour ton bourreau. Je sais aussi que j'ai signé mon arrêt de mort lorsque j'ai accepté de te transformer. Il ne le sait pas encore mais il le comprendra rapidement quand tu le rencontreras, que ce soit toi qui le tues ou lui qui te détruise, je n'en sortirai pas vivant. J'ai juste à te dire que je t'ai toujours aimé, mon fils, et ce sentiment n'a pas changé, même si je suis le plus abominable des pères. Maintenant que je t'ai dit ce que je ressentais, je t'en conjure, tue-le, il fait bien plus que de transformer des jeunes gens en monstres, il détruit nos chances de survivre à la Grande Punition. Cette punition n'était qu'une guerre, mais elle a provoqué l'éclosion d'une nouvelle humanité, préparée depuis des décennies par les personnes même qui ont provoqué le désastre. Les Marqués sont la seule chance de l'humanité, simplement parce qu'ils seront rapidement les seuls survivants de la Punition. Ils ne doivent pas disparaître dans un amalgame de mégalomanie et de xénophobie. »

Il se leva de sa chaise et se tourna vers la baie vitrée qui donnait sur un parc magnifique, plusieurs étages en dessous.

« Maintenant, Sid, je n'ai rien d'autre à te dire que bonne chance, et surtout courage. Je ne te suis plus d'aucune utilité dans ta quête. Je ne suis plus que le bourreau d'enfants comme toi, et je ne compte pas lui permettre d'affermir sa mainmise sur la planète grâce à mes connaissances, j'ai créé un moyen de faire régresser les Inquisiteurs, c'est caché dans leur génome comme j'ai dissimulé la clef dans le tien, maintenant, tu es seul. »

Il posa son verre sur la table basse de marbre blanc, souleva le lampadaire de fer forgé qui donnait son ambiance à la pièce en prenant appui sur le fauteuil. Le poids de l'objet le fit s'arcbouter sur ses jambes. Il fit un tour sur lui-même pour donner une dynamique au métal et le lança dans la fenêtre qui explosa sur le coup. Il se tourna vers la pièce.

« Je t'attends de l'autre côté, j'aurai beaucoup à t'expliquer, mon fils. J'ai aussi énormément à me faire pardonner. », dit-il avec les larmes aux yeux, « Je t'en prie, prends tout ton temps pour venir me retrouver, aie une belle vie avant. »

Il prit un pas d'élan, s'écorchant les pieds sur le verre tombé sur le sol, et sauta dans le vide, étendant les bras comme pour prendre la mort à bras-le-corps.

Lorsque Sid ouvrit les yeux, il criait depuis un moment déjà. L'ensemble de la maisonnée était autour de lui, se demanda ce qui lui arrivait. Lorsque Marie, lui posa la main sur le visage en murmurant que c'était fini, il se tourna vers elle.

« Oui, c'est fini. », murmura-t-il, « Je n'aurai pas à arrêter mon père, il l'a fait lui-même. »

Nehwon

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