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La Grande Punition : Guide

"Où le passé, le futur et le présent
Sont découverts grâce à l'ennemi."

--- Combattre le chaos fut l'unique but du Guide, celui d'entre nous qui voyait ce qu'il adviendrait. Son esprit clair devait nous guider jusqu'à l'avènement de l'Age d'Or que prédisaient les anciens écrits. Malheureusement, celui qui guide peut aussi se perdre. ---
Codex Maleficarum - L'avènement du nouveau monde



Ce fut comme la foudre, quand les images glissèrent dans son esprit. Sid sentit que la créature n'était qu'une forme de miroir brisé. Les images, imprécises et oniriques, glissèrent pour devenir plus claires.

Il vit une sorte de maison, de pierre et de bois, couverte d'un lierre presque argenté, auprès d'une source joyeuse. Un endroit soyeux, tranquille et tendre, où le temps ne semblait même pas vouloir produire ses affronts. Il y vit une famille, comme sur une photographie. Un jeune garçon, une petite fille, une femme et un homme, puis, à l'instant d'après, une jeune fille, un adolescent et une femme. Au fond du décor forestier, un tombe était apparue. Puis, une image plus loin, il vit la maison en flamme, un Inquisiteur levant son arme pour frapper la jeune femme au cou. Le garçon était à terre, le visage et une partie du menton arrachés. La femme flottait dans une flaque du torrent, teinté de rouge.

La partie suivante fut animée, comme si un autre être prenait le relais du récit qu'il suivait. Les Inquisiteurs trainaient l'adolescent vers un endroit étrange, semblable à une fleur de métal qui n'aurait pas encore éclos, un endroit gigantesque mais secret. Parmi les couloirs et sans ménagement, les créatures l'emportaient sans s'arrêter pour lui permettre de reprendre son souffle. Sid sentait la douleur, il se souvenait avoir subi la même chose, mais pas au même endroit. Il savait ce que serait la suite de l'histoire. La pièce qui suivit était grise, comme le métal qui composait le mur, aseptisée et austère. Elle était aussi garnie de la pire des terreurs, qui résidait encore dans l'âme de Sid : les instruments de supplice, qui seraient certainement ceux de l'adolescent qui se trouvait à genoux sur le sol froid de la pièce, contemplant son avenir douloureux.

Les tortures s'enchainèrent devant les yeux embués de Sid, incapable de changer les choses. A la fin, lorsque le corps de l'adolescent ne fut plus qu'un amas de chair sanglante sans réelle structure, les créatures qui avaient joui de sa douleur s'éloignèrent. Des mains s'approchèrent dans les terribles ténèbres créées par l'ultime douleur. Et elles travaillèrent cette douleur, cette terreur, mais aussi la rage de n'avoir pu protéger ni ses proches, ni son corps, ni même son âme qui devenait si fragile et malléable qu'elle était possédée par les mains du Guide. Il était incapable de l'identifier, incapable de comprendre ce qui lui arrivait. Les mains sanglantes allaient et venaient, créatrices d'un nouveau moi, d'un nouvel être construit à partir du Mal comme d'une essence dont l'odeur imprégnerait la substance même de l'être.

Sid comprit finalement que les mains pratiquaient une autre transformation, physique cette fois. Et il finit par intégrer aussi qu'il avait échappé à cela et que ça aurait très bien pu être lui cet adolescent. Il s'exclama.

« Mon dieu, les Inquisiteurs sont des Stigmatisés. Ce sont des humains. »

Cela le fit revenir à lui. Une image restait plantée dans son crâne lorsqu'il ouvrit les yeux. Celui qui possédait les mains du Créateur avait un sourire carnassier.

Il était essoufflé, comme s'il venait de courir très vite vers la lumière en grimpant un chemin escarpé. Incapable de supporter, il courut à l'extérieur pour libérer son estomac. C'est les larmes aux yeux qu'il revint dans la pièce.

« Qu'est-ce que tu as dit ? », murmura Flambeau, « Ce sont des humains ? Cette chose est humaine... »

Sid secoua la tête affirmativement. La dernière image, ce visage, il le connaissait. Celui qui allait avec les mains, des mains de médecin... Il dut s'asseoir. Il avait les yeux écarquillés, la bouche entrouverte de surprise. Puis vinrent des tremblements incontrôlables et des larmes. Sa vision ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose et il ne voulait pas y croire, même s'il n'avait pas le choix.

Morphée glissa ses bras autour de son cou.

« Je suppose que mon père savait ça. », murmura-t-elle, « C'est peut-être une des raisons de son choix. »

Sid tenta de se reprendre sans y parvenir.

« Que pouvait-il donc savoir, que mon père était devenu l'un des monstres qu'il avait combattu ? », demanda Sid, un peu trop fort, « Que je comprendrais cela un peu vite, ou que ça pourrait d'une façon ou d'une autre le mettre en danger ? Que savait donc cet Abel dont on me parle depuis que je suis éveillé ? »

Il ferma la bouche, serra les dents, tenta de remettre ses idées en place.

« Excuse-moi. », réussit-il à dire après plusieurs minutes, « Je n'ai pas le droit de l'accuser, surtout vu les circonstances. »

Ses yeux, encore embués de larmes, trouvèrent ceux de Morphée. Il se souvint qu'il l'avait appelée "Marie", mais il ne la connaissait pas et personne ne l'avait jamais nommée comme cela ici. Il eut un flash, il se souvint d'un rêve où il était assis près d'une vieille femme d'une grande beauté, en tout cas, il le percevait comme cela. Elle le regardait tendrement. Il y avait aussi de jeunes enfants courant dans un jardin ombragé. Il avait l'impression, dans ce rêve que c'était en effet lui et qu'il avait devant les yeux ses petits enfants. Et ce monde était paisible et calme.

« Marie, c'est bien ton prénom ? », demanda-t-il finalement.

« Oui. », répondit-elle simplement.

« Alors, je te connais depuis longtemps moi aussi, je crois que je sais quel sera notre futur. », osa-t-il, « Je viens de le voir. »

Il se sentit incroyablement attiré vers cette jeune personne de son âge, à ce point perdu dans ses sentiments depuis qu'il était ici, qu'il venait totalement d'oublier ce qu'il venait de voir juste avant. Il approcha son visage de celui de Morphée, jusqu'à ce que leurs lèvres se touchent. Puis après quelques secondes intemporelles :

« Moi aussi, je t'aime depuis très longtemps, même si je ne suis pas sûr de savoir ce que cela veut réellement dire... », ajouta-t-il.

Flambeau les regardait avec un sourire teinté d'ennui.

« Dites, je peux vous laisser si vous voulez, hein... », dit-il finalement.

Ils le regardèrent sans réellement comprendre ce qu'il venait de dire.

« Oui, bon, ok. Donc, vous vous connaissez depuis un moment alors que vous ne vous étiez jamais vus. Quelqu'un envoie un Inquisiteur te tuer, Morphée, pour protéger un Guide qui transforme les Stigmatisés en créatures couvertes d'os et leur lave le cerveau. Tu as été poursuivi par des créatures du même genre après avoir été torturé par un Prélat. », résuma Flambeau, « Vous ne trouvez pas qu'il y a quelques choses qui cloche là-dedans? Par exemple, comment as-tu réussi à t'enfuir des griffes de ces créatures infernales alors que tu venais de subir la Question ? »

« Je... », commença Sid en réponse, « Je ne me souviens pas de ce qui s'est passé après qu'il m'ait laissé pour mort sur la table d'interrogatoire. »

Il sembla paniqué un instant cherchant désespérément des informations qui se trouvaient forcément au fond de lui. Il revit la scène qu'il avait vécue dans le passé de l'adolescent Inquisiteur. La table, le corps si douloureux que le mot "Douleur" ne voulait plus rien dire, l'esprit si vague si proche de la mort que tout pouvait l'atteindre... Alors que, lentement, la mémoire refaisait surface, il poussa un cri.

« Je devais servir de matière première pour un Inquisiteur, mais le Guide n'a pas fait ce qu'il avait à faire, au contraire, il a réparé mon corps au lieu de le transformer. », s'écria-t-il.

« Quoi ? », demanda Flambeau.

« Oui, il m'a réparé, amélioré peut-être. », ajouta Sid, « Parce que ce Guide, c'était mon père. »

Nehwon

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