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La Grande Punition : Inquisiteur

"Où celui des frères qui représente l'innocence
Se révèle être plus malin qu'il n'y paraît."

--- Dans le chaos qui suivit, le monde se flétrit dans une violence animale. Seuls ceux qui possédaient le pouvoir ou l'intelligence survivaient. Un esprit comme celui du Guide ne pouvait périr mais s'élever vers la conscience universelle. ---
Codex Maleficarum - L'avènement du nouveau monde



La jeune fille semblait perdue. Elle était faible et son corps, visiblement alité depuis de nombreux jours, répondait difficilement à ses demandes. Elle regardait Sid avec une forme de vénération. Comme s'il venait d'accomplir le plus grand des miracles. Elle lui sourit et serra sa main un peu plus fort. Sid ne sut que lui retourner un sourire timide et rougir. Il se passait quelque chose entre eux qui ne pouvait être qu'un coup de foudre. Colloss toussa.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? Tu as appris à utiliser des armes de lancer ? », demanda-t-il en regardant la créature tombée au sol.

« Non... », répondit Sid un peu ailleurs, « Je n'avais jamais utilisé un couteau comme arme. Je crois que c'est le contact avec lui qui m'a indiqué comment il fallait l'utiliser. Ça ne m'était jamais arrivé avant. »

« C'est la marque de Baphomet. », murmura Sybille, « Ceux qui en sont pourvus ont généralement des capacités liées à la post-cognition, précognition et à la clairvoyance, Baphomet est un démon de la connaissance et son nom signifie Sagesse dans une ancienne langue codée. »

Elle fit une pause alors que tout le monde s'était tourné vers elle.

« Je le sais puisque je la porte aussi. », finit-elle par expliquer, « Mais je n'avais jamais vu de lecture d'objet aussi puissante que celle de Destin. »

Morphée serra la main de Sid un peu plus fort, l'attirant vers lui.

« Tu es en danger, », murmura-t-elle, « Mon père ne te laissera jamais compromettre son avenir. Je t'attends depuis près de quatre ans. Je ne veux pas que tu meures. Je t'aime depuis si longtemps, Sid. »

Elle avait les larmes aux yeux à la fin de sa phrase. Sid eut une autre absence, mais cette fois, il n'en fit part à personne. C'est Colloss qui le premier lui posa la question.

« Qu'est-ce que tu as vu ? »

« Je ne sais pas si je dois te le dire... C'est... C'est Abel qui a plongé délibérément Morphée dans son cauchemar de ténèbres. Il l'a fait pour que je ne la rencontre pas. Je sais qu'il savait bien des choses sur moi avant même que je ne sois conçu et que c'est pour cela qu'il a attiré mon père à lui. »

Il fit une pause tentant de recoller les morceaux de passé que son stigmate venait de lui donner.

« Je ne comprends encore pas tout, mais Abel est lié à la mort de mon père. Il est aussi lié aux recherches qu'il entreprenait. Il est lié à mon malheur. »

Colloss le regarda, un peu interloqué par les propos qu'il venait de tenir.

« C'est évident qu'il est lié à ton père, puisqu'ils ont fait une majeure partie de leurs recherches ensemble. », s'emporta-t-il légèrement avant de se reprendre, « Ils étaient les meilleurs amis du monde et c'est grâce à Abel que ton père est allé si loin dans ses découvertes. »

« Je n'en suis pas aussi sûr que toi, Colloss. Je pense plutôt que ce que signifiait la vision était : "il a une part de responsabilité dans la mort de mon père". Mais, je ne pourrai réellement en être certain qu'en le rencontrant. », répliqua-t-il sur un ton posé.

Il regarda Morphée et ses yeux confirmèrent ce qu'il redoutait. Elle savait des choses qu'elle gardait pour elle, simplement parce que les personnes présentes n'étaient certainement pas capables de les entendre. Elle comprit qu'il lisait en elle et se fut son tour de détourner les yeux et de rougir. Flambeau pouffa.

« Il n'y aura pas longtemps à attendre pour que tu rencontres Abel, il t'a déjà demandé. Nous partons demain. », dit Colloss sur un ton calme.

« Morphée viendra-t-elle avec nous ? », demanda-t-il, plein d'espoir, « Elle ne doit pas rester seule après ça ! »

Il indiqua du doigt le cadavre de l'Inquisiteur, sur le sol.

« N'y a-t-il que cette raison pour laquelle tu souhaites qu'elle vienne avec nous ? », demanda Colloss, taquin.

« Non en effet... », répondit-il sans se démonter, « Je crois qu'il y a des choses qu'elle m'aidera à éclaircir... »

« ... et des choses que j'ai à régler avec mon père. », termina-t-elle dans une parfaite synchronisation.

« Si vous voulez. Ce n'est pas un voyage de tout repos, remarquez. Réfléchissez à ce que cela implique aussi. », dit-il en tournant les talons, « Je vais préparer notre départ. Retrouvez-moi tous chez moi à 21h pour le repas. Je vous envoie un nettoyeur pour l'Inquisiteur.»

Il sortit sans un mot de plus de la maison, se dirigeant vers le centre du village, Sybille sur ses talons.

La pièce sombra dans le silence lorsqu'il n'y eut plus que Wisp, Morphée, Flambeau et Sid à l'occuper. Sid se mordit les lèvres. Il souhaitait en savoir plus sur cette chose allongée au sol, si proche de lui, si dangereuse, mais aussi si pleine d'informations. Ça ne paraissait pas plus humain que la première fois dans sa vision. Une petite quantité de ce sang gluant, poisseux et doré avait glissé de la blessure, mais semblait ne plus vouloir s'en échapper. Les plaques osseuses semblaient avoir été greffées sur un épiderme. Il était difficile de faire la différence entre cette espèce de chitine qui protégeait les parties vitales des plaques de métal qui couvraient les parties les moins flexibles de cet être étrange. Finalement, Sid trouva l'Inquisiteur bien moins effrayant dans cette position que dans celle de bourreau, même si dans son cas, les personnes qui l'avaient torturé étaient des Saints sous l'égide d'un Archevêque. Cette créature avait des atouts aussi bien physiques que vestimentaires nettement plus simples que ceux du prélat qui s'était délecté de sa souffrance.

Il s'approcha finalement de la créature, mi-effrayé mi-attiré, comme si deux instincts différents se combattaient en lui. L'un disait clairement que ce cadavre portait les informations nécessaires à sa survie, brides d'une vérité nécessaire, l'autre, disait simplement que parfois, une certaine forme d'ignorance pouvait être salvatrice. Il hésita un long moment, la main au-dessus de la jambe de la créature inerte, ne sachant s'il devait le faire ou non.

« Sid. », murmura Morphée, « Si tu fais cela, tu ne pourras certainement plus jamais revenir en arrière, et je te suivrai. »

Puis, plus bas encore :

« Sid, c'est sûrement un destin douloureux que tu vas trouver là, aussi bien pour toi que pour moi. »

Il tourna doucement la tête.

« Marie, je crois que je n'ai aucune autre option dans les circonstances actuelles. J'ai souffert, et je sais que cette chose, en tout cas, le contact avec elle, me donnera les réponses qui m'expliqueront pourquoi j'ai dû vivre cela. », murmura-t-il à son tour, « Quand j'ai pris le couteau, j'ai su la raison qui la poussait à venir tenter de t'ôter la vie. Elle devait protéger son maître de nous, toi et moi. »

Il fit une pause.

« Tu sais pourquoi ? », demanda-t-il.

« Mon père m'a dit qu'une rencontre avec toi devrait offrir un tournant à bien des choses. », dit-elle, « Et que ce serait aussi néfaste que positif, suivant la point de vue qui serait pris pour l'analyser. C'est pour cette raison qu'il souhaitait te rencontrer avant que nous ne nous retrouvions. Je te l'ai dit, je savais que tu viendrais depuis longtemps. »

Instinctivement, il effleura la peau du visage de Morphée. Il vit, hors de ce qui existait devant lui, un visage, celui d'un homme d'une quarantaine d'années, mais étrangement divisé, comme les gémeaux de la légende, l'un paisible, souriant et agréable, l'autre soucieux, tendu et sombre. Il retira sa main prestement.

« Excuse-moi... », dit-il rougissant à nouveau.

Il se retourna vers la créature. Il savait qu'il n'aurait certainement pas deux fois cette chance d'en savoir plus. Il prit finalement une inspiration et posa la main sur la cheville de l'Inquisiteur.

Nehwon

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