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La Grande Punition : Morphée

« Où rêve et réalité se confondent,
Et Où destin trouve son âme-soeur. »

--- Les ténèbres avaient fait place aux flammes d'enfer. La terre morte, engendrait les pires cauchemars de l'humanité, les résidus d'une terreur sourde et d'une science assujettie aux désirs obscurs. Bientôt, le changement provoquerait le renouveau. ---
Codex Maleficarum - L'avènement du nouveau monde



Flambeau revint quelques minutes plus tard avec un paquet de vêtements pliés et fraîchement repassés. Il les pausa sur le lit.

« Ça devrait être à ta taille, Destin. », dit-il.

Sid frisonna. Ce nom le gênait encore un peu comme un vêtement qu'on n'avait jamais mis et qui paraissait ou trop grand ou trop petit en fonction des positions. Il se tourna vers Colloss.

« Dois-je vraiment porter un pseudonyme ? », demanda-t-il un peu intimidé, « Je ne me sens pas bien, comme si je n'étais pas moi-même. »

« Tu vas t'y faire... », répondit Colloss avec un sourire, « C'est toujours un peu étrange au départ, mais c'est une tradition chez nous. Cela représente le fait que nous ne sommes plus tout à fait humains depuis la Grande Punition. Même si nous croyons que ce n'est pas cet acte qui nous a modifiés pour nous faire devenir ce que nous sommes. »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? », demanda Sid étrangement intrigué, « J'ai déjà entendu ces mots-là dans la bouche de mon père, je crois même que ce sont les mots qui l'ont tué. »

« C'est bien possible. », dit Colloss, « Que sais-tu de la Grande Punition ? »

« Ce qu'on en dit à l'Ecole ou ce que m'en a raconté mon père. », répondit Sid, « Il y a trente ans maintenant, il y eut une guerre entre les grandes puissances de la Terre d'Avant, un des hommes qui gouvernait, se voyant acculé par ses ennemis, à tord ou à raison, conclut qu'il ne restait plus qu'un moyen pour rendre à la terre sa liberté, il choisit de la détruire en utilisant la puissance de la fission nucléaire. Alors que la terre était détruite par un enfer de flammes que les hommes pensaient éternel, il y eu des modifications apportés aux plantes et aux animaux encore vivants, des modifications très importantes. Et les effets néfastes ne durèrent que deux années au lieu des milliers prévus. Alors, les hommes durent manger des créatures modifiées par les radiations et par les changements qu'a subi notre terre et nous avons été modifiés nous aussi par cette nourriture pour devenir ce que nous sommes. »

« Tu sais beaucoup de choses sur le sujet, je vois. Mais tu te trompes sur la fin de l'histoire. C'est ce que ton père a réussi à mettre en évidence avec Abel. C'était aussi pour cela qu'il souhaite te rencontrer. D'après ton père, les Stigmatisés et les Marqués ne sont pas des mutants. Généralement les mutants sont des créatures qui possèdent un code génétique instable impropre à la reproduction, ce qui n'est pas notre cas, mais l'autre point c'est que nous n'avons pas muté sur une génération ni sur deux générations, les modifications ont été apportées lors de notre évolution de l'enfance vers l'âge adulte. Ton père tendait vers l'hypothèse que nous serions le produit d'une modification génétique contrôlée qui aurait eu pour but de modifier notre relation avec notre cerveau. Et que les radiations de la grande punition auraient amplifié le phénomène jusqu'à nous transformer au sens propre du terme, comme une chenille devient un papillon. Nous n'avons aucune preuve, bien sûr, mais cette hypothèse semble de plus en plus probable à ceux d'entre nous qui font des recherches sur le sujet. En gros, nous ne serions pas malades de la Grande Punition, mais les meilleures adaptations de l'être humain prévu pour survivre au mieux à ce cataclysme. »

Sid s'habilla pendant qu'il écoutait Colloss expliquer ce que son père lui avait de nombreuses fois répété. Il n'osait plus y croire. Il aurait préféré que la Punition soit réellement une punition divine qui ne l'aurait certainement pas châtié dans ce cas et qui ne l'aurait pas marqué. C'était la version des Inquisiteurs que beaucoup de Saints prenaient pour argent comptant, vivant dans la xénophobie provoquée en s'y complaisant. C'était tellement plus simple que d'accepter les autres avec leurs différences. C'était aussi tellement plus simple quand on n'a aucun pouvoir de rendre les autres coupables de se servir des dons que la nature leur a donnés.

C'était étrange, maintenant qu'il portait des vêtements, il lui sembla qu'il y avait quelque chose qui clochait. Cela lui vint au moment de passer la porte. Il se retourna.

« Colloss ? Pourquoi m'as-tu dis que tu n'avais pas vu ma marque... Il y a certainement quelqu'un qui m'a déshabillé pour me mettre cette... ce t-shirt... »

Colloss regarda Sybille qui ne semblait pas plus réactive qu'elle ne l'était depuis que Sid était éveillé. Elle finit par faire non de la tête.

« Je ne sais pas qui a fait ça. Ce n'est pas moi et Sybille ne semble pas plus au courant. », dit-il, « J'ai été convoqué par le conseil lorsque je suis revenu de la chasse avec ton corps. Sybille n'était pas là et je t'ai laissé dans l'état où je t'ai trouvé sur le lit. »

« C'est peut être Morphée. », intervient Flambeau, « Elle semblait très agitée lorsque tu es revenu avec Destin. »

Une nouvelle absence s'imposa à Sid alors que les autres continuaient à parler dans le lointain. Il était transporté en un éclair dans une autre maison du village. Il apparut devant la porte entrouverte sur un intérieur simple et rustique. Un lit de bois était posé dans le coin droit près de deux fenêtres qui déposaient la lumière de la fin de matinée, à travers des voilages légers, sur le visage endormi d'une jeune fille de treize ou quatorze ans. Sid la trouva belle. Quelqu'un passait la porte derrière lui. Il fit un effort pour se retourner, mais ne réussit pas totalement, il n'eut que l'image d'un couteau de chasse, à la lame brillante, funeste dans la lumière pâle de la pièce. Il comprit instantanément que la créature qui se trouvait là avait pour but de tuer Morphée.

Le choc le fit revenir à lui.

« Elle est en danger ! », dit-il en parlant en courant, sans se soucier de la réaction des autres.

Il traversa le village comme s'il le connaissait parfaitement, suivant le fil de sa vision. Derrière lui, il entendait les pas de Flambeau, mais aussi ceux de Sybille. Comme il le supposait déjà, il vit Colloss traverser l'espace qui le séparait de la maison de la jeune fille presqu'instantanément. Il poussa la porte. De l'endroit où Sid se trouvait à cet instant, il vit le dos armuré de la créature qui se tenait dans la maison. C'était un Inquisiteur, un novice peut-être, mais rien de moins. Il continua à courir sans savoir ce qu'il pourrait faire contre ce type de menace, sachant qu'il pouvait aider.

Lorsqu'il passa la porte, Colloss était assis sur le corps de l'Inquisiteur qui déchirait la chair du géant avec ses ongles incroyablement coupants. Bizarrement, il n'avait pas utilisé le couteau qui gisait sur le sol près des combattants. L'Inquisiteur projeta Colloss contre le mur de la pièce dans un fracas de bois brisé. Etrangement, Morphée n'avait pas réagi, ni même ouvert un oeil.

Instinctivement, Sid se jeta au sol suffisamment près du couteau pour le prendre. Lorsque la chose toucha sa paume, il eut comme un haut-le-coeur, la haine qui résidait dans l'objet le traversa d'un coup, expliquant la raison pour laquelle Morphée devait mourir, mais aussi offrant des indices sur beaucoup de choses au jeune esprit incapable de les assimiler aussi rapidement. Sid émit un vague hoquet, toutes les choses qui venaient de se faire jour dans son esprit lui offraient des connaissances qu'il ne se connaissait pas. Il fit volter le poignard pour le saisir par la lame et le lança d'une main experte pour qu'il se fiche dans le bas de la tête de l'Inquisiteur, juste entre les plaques osseuses qui le protégeaient. Presque immédiatement, la créature tomba au sol, relâchant sa prise sur le cou de Colloss. Celui-ci toussa deux ou trois fois, tentant de reprendre sa respiration et de comprendre ce qui venait d'arriver.

Sid se retourna vers le lit. La jeune fille dormait encore sans espoir de s'éveiller. Son esprit était bien trop loin de son corps pour pouvoir le rejoindre sans aide. Il passa ses doigts sur le dessus de lit, tentant de démêler les idées qui traversaient sa tête et s'y enchevêtraient. Il hésita un moment avant de prendre la main de la belle endormie. Ce qui eut pour effet de le projeter dans un endroit noir et froid. Elle était là, pitoyable dans sa chemise de nuit trop grande. Elle ressemblait à Alice perdue dans un royaume dont la fantasmagorie avait tourné au cauchemar.

« Nous avons besoin de toi, maintenant. », s'entendit-il dire, « J'ai besoin de toi. »

Il attendit, elle releva les yeux et le fixa en laissant des larmes glisser sur ses joues.

« Prends ma main, je vais te guider. », répondit-il à la supplique muette.

Il fit demi-tour, la main féminine dans la sienne, un peu plus chaude à chaque pas. Lorsqu'ils virent une porte se dessiner dans leur univers de ténèbres, Sid sut qu'il avait gagné. Ils passèrent de l'autre côté du miroir.

Nehwon

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