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La Grande Punition : Baphomet

"Où le destin rencontre celui qui porte la terre,
Celle qui sait le décrypter,
un éphémère papillon joyeux,
et la flamme de la vengeance."

--- La folie l'avait gagné. Pour un pays, il allait prendre la décision de mettre la terre en danger. Sa punition pour ne l'avoir pas écouté, lui, l'homme le plus près de Dieu. Lorsqu'il activa son morceau de colère divine, la flamme légère de l'humanité vacilla. ---
Codex Maleficarum - L'avènement du nouveau monde



Sid s'éveilla agressé par la lumière du matin, ses yeux semblaient dégonflés et il voyait presque normalement. Il approcha les mains de son visage et les trouva bandées.

« Il est éveillé. », informa une voix féminine à la table qui se trouvait dans la petite pièce.

Cette femme lui tournait le dos, pourtant, elle avait senti son mouvement. Il en fut surpris.

« Ne touche pas tes yeux, bonhomme. », ajouta-t-elle, « Nous avons soulagé tes paupières en ouvrant la peau. Il te reste des cicatrices qu'il serait stupide de rouvrir. »

Il laissa tomber ses mains sur le lit qu'il trouva, maintenant qu'il le notait, incroyablement confortable. La pièce semblait être une adaptation réussie d'un ancien appartement d'avant la Grande Punition. Les murs étaient blancs, comme blanchis à la chaux, un peu rugueux. Le plafond était gris comme le béton d'une ancienne construction. Deux fenêtres s'ouvraient vers l'extérieur, qui semblait être un enchevêtrement de poutrelles et de morceaux de béton armé, emmêlés dans une cataracte de pierres artificielles. On voyait quand même la lumière du soleil descendre dans l'enchevêtrement des poutres mortes qui pendaient lamentablement de l'extérieur. Certaines d'entre elles brillaient d'un vert glissant, certainement couvertes de lierre ou quelques plantes tombantes et anarchiques dans ce genre. Quand il regarda vers le ciel, il vit aussi un rideau de fluide cristallin, de l'eau glissait sur le béton armé qui servait de maintien à la structure.

Le bruit qui tintait à ses oreilles était aussi le bruit de l'eau, mais pas celui qui provenait de l'extérieur. Ce bruit semblait venir de derrière une porte à l'autre bout de la pièce.

« Je suis où ? », demanda-t-il un peu inquiet.

« Ne t'inquiète pas, tu ne risques rien ici. », dit la femme, « Si nous avions voulu te faire souffrir, ce serait déjà fait. »

Elle avait dit cela sans se retourner, d'une voix si monotone, qu'il fallu à Sid quelques instants pour comprendre le contenu du propos. En même temps, son ton était exactement celui d'une personne qui analysait raisonnablement une situation. Il se détendit.

L'eau de l'autre côté de la porte s'était arrêtée de couler. Il entendit quelques bruits de quelqu'un en mouvement. Puis après quelques minutes, la porte s'ouvrit. Il n'y eut aucun doute dans l'esprit de Sid sur le fait que l'homme qui venait de passer la porte était un Stigmatisé. C'était l'être le plus grand qu'il n'avait jamais vu dans sa courte vie d'enfant, à tel point qu'il lui était nécessaire de se contorsionner pour passer par la porte de taille normal de l'appartement. Sa peau était noire aussi, mais son visage ne portait pas les traits d'une personne de cette ethnie. Ses yeux, entre le rouge et le violet tendaient à indiquer eux aussi qu'il n'était certainement pas un simple humain.

« Notre invité est éveillé, c'est une bonne chose. »

La voix de l'homme, douce et chaude, contrastait incroyablement avec son apparence. Il s'approcha, Sid, impressionné par sa taille, eut un moment de recul. Il se rappela finalement ce que la femme avait dit : « ... ce serait déjà fait. » Il prit une chaise et s'installa au chevet de Sid.

« Qu'est-ce qui te vaut d'avoir l'Inquisition aux trousses à ton âge, dis-moi ? », commença-t-il, « Tu ne sembles pas avoir de Stigmates pourtant. »

« Je... », commença-t-il doucement, comme pris en faute, « Je suis marqué, c'est tout. »

L'homme le regarda plus attentivement.

« Ce n'est pas visible... », dit-il simplement, cherchant une réponse.

« Mon père a tenté de nous soigner, ma maman, ma soeur et moi, mais il n'y est pas arrivé. », ajouta-t-il finalement.

« Tu es le fils du Docteur Sternigam ? », demanda son interlocuteur, surpris.

« Oui », répondit Sid.

« Cela change tout. »

Il se leva dans l'intervalle.

« Sybille, arrange-toi pour réunir les chefs de clan, nous allons avoir besoin de renfort, ils ne lâcheront pas une prise comme cela sans se battre becs et ongles. »

Sid crut voir un sourire sur les lèvres de la dénommée Sybille. Lorsqu'elle lui fit face, il remarqua que ses yeux étaient bandés d'un tissu vert comportant le motif d'un oeil stylisé. Elle sortit sans un mot de plus.

« Je m'appelle Colloss. C'est un surnom bien sûr, comme celui que porte ma compagne. C'est un moyen pour nous de protéger nos familles. », dit-il en tendant sa main immense vers Sid avec un sourire.

« Je suis Sid. », répondit celui-ci.

Lorsque l'énorme paume effleura la sienne, il eut comme un moment d'absence. Le monde changea autour de lui. Il était en haut d'une colline dans la chemise de nuit qu'on lui avait prêtée. A moins, bien sûr que ce ne soit un t-shirt. Il regarda quelques secondes les fleurs qui s'étalaient, brillantes et odorantes, autour de lui, puis son regard fut attiré par un mouvement. Quelqu'un qui courait dans l'herbe, à perdre haleine. Et cette personne, c'était lui. Il vit derrière, trop loin pour les détailler, les cavaliers roulant sur leurs Etalons d'Acier, puis il vit l'homme apparaître devant lui. Il savait qu'il se trouvait préalablement en embuscade sur la falaise en face de lui, à plusieurs centaines de mètres. Au nombre de stigmates que portait cet homme, il devait s'agir d'un démon. Il portait dans son dos une arme à feu incroyablement longue. Il le vit dire « Reste au sol » et épauler l'arme interminable. Il tira deux fois. Sid vit les deux cavaliers tomber au sol. Il fut transporté auprès de ses deux chasseurs. Ce n'était pas du sang qui coulait de leurs blessures, mais un liquide entre l'or et le noir, poisseux. Ces créatures n'étaient pas humaines.

« Pas humaine... », dit-il.

Colloss lui sourit tristement.

« C'est un comble. Tu ne trouves pas ? », ajouta-t-il, « Nous n'avons jamais réussi à savoir qui tire les ficelles. Aujourd'hui, presque toute la terre est sous le joug de ces créatures mais personne ne sait pour qui ou pourquoi elles font tout cela. »

Il fit une pause.

« Quant à toi, ne va plus me dire que tu es simplement un Marqué... Tu portes au moins un Stigmate. », conclut-il, « Peut-être que ... »

On frappa à la porte.

« Oui ? », dit Colloss en se retournant.

Entra Sybille suivie par un jeune garçon et une petite fille.

« Les chefs seront là demain. », dit Sybille de sa voix froide, « Il semble qu'une requête t'attende au poste de communication, mais ils n'ont pas voulu me la donner. Il paraît que cela vient de SON repère. »

Colloss sembla étonné puis il se tourna vers Sid.

« Je crois qu'il sait déjà que tu es ici... », dit-il, « Il est très clair que tu n'es pas un simple marqué. Je ne crois pas aux coïncidences. »

Il changea brusquement de sujet.

« Je te présente Wisp. », dit-il en indiquant la fillette, « Et Flambeau, son frère. Avec Morphée, ce sont les seuls enfants du camp. »

Il se retourna vers eux.

« Je vous présente Destin, il restera quelques temps parmi nous. », dit-il, « Je veux que vous lui montriez le respect qui se doit au fils du Professeur. »

Destin, voilà bien un nom très étrange, mais pourquoi pas après tout. Il regarda les deux autres qui le dévisageaient. Son stigmate n'était pas visible. Cela les dérangeait. Il y avait autant de xénophobie d'un côté que de l'autre. Sid se leva et se dirigea vers la salle de bain. Ses jambes le faisaient encore souffrir à cause de la Question. Mais il arriverait certainement à se débrouiller seul. Il trouva dans la pièce du fond une salle de bain moderne, presque plus que celle qu'il avait lorsque son père travaillait pour la Multinationale. Il ouvrit l'eau et la laissa couler sur lui, un peu trop froide, comme pour se laver de tous les affronts qu'il avait dû subir depuis qu'il avait été capturé par les Inquisiteurs.
Il savait que ça ne suffirait pas et les blessures qu'il portait maintenant près de son coeur étaient indélébiles. Il supposa que la douleur qu'il ressentait était juste un moyen de laisser couler ses terreurs et ses remords hors de son corps. Il pleura en silence pour que le sel de ses larmes se mélange à l'eau qui les effacerait très simplement. Lorsqu'il sortit de la douche, il regarda son corps, outre les marques qu'avaient faits les nombreux ustensiles qu'ils avaient utilisés sur lui pour le faire souffrir, il y avait cette Marque maudite qui partait de son plexus et traçait des arabesques tribales sur sa poitrine jusqu'à la base de son cou, et sur ses avants-bras jusqu'au creux de ses coudes. Les pointes les plus basses entouraient son nombril. C'était cela sa Marque.

C'était une forme de hiérarchie qui classait les mutations qui avaient été déclenchée disait-on par le Grande Punition. Mais ses choses avaient toujours troublé son père, comme s'il était sûr que les Marques n'étaient pas aussi naturelles qu'on le disait. Il les avait étudiées à en perdre le sommeil et sa vie. Mais il n'avait rien réussi à prouver sauf peut être à lui-même. C'était pour cela qu'il avait été exécuté par les Inquisiteurs. C'était aussi pour cela que son fils, sa fille et sa femme avaient été condamnés eux aussi.

Sid se demandait encore s'il devait le haïr ou le remercier de l'avoir libéré de l'obscurantisme des Inquisiteurs. Tant de souffrance pour obtenir un peu de vie. Il passa juste ses sous-vêtements qui avaient été lavés et qui semblaient secs, le reste de ses vêtements n'était pas ici. Il se dirigea donc vers la porte et l'ouvrit. Sybile lui faisait face et émit un léger sifflement.

« C'est la marque de Baphomet, tu m'étonnes qu'ils te courent après. », ajouta-t-elle.

Ça aussi, il le savait. Les Marqués étaient hiérarchisées dans un livre, le Codex Maleficarum, qui servait aux Inquisiteurs pour adapter leur sentence à l'ampleur du mal. Les Marques se divisaient en trois types différents, les Marques anodines qui n'offraient à leur porteur que l'honneur d'être des cibles. Puis, il y avait les Marques des Péchés, c'étaient des marques simples mais plus invasives et plus larges, elles allaient souvent de pair avec des possibilités ésotériques légères comme les prémonitions ou une faible télépathie. Il restait les Marques des Démons, dont les Marques des Princes étaient les plus complexes mais aussi les plus visibles et reconnaissables. La Marque de Baphomet comme la plupart des Marques des Princes prenait presque entièrement le torse de la personne qui la portait et lui offrait souvent des possibilités étranges. Sid n'avait jamais réellement su ce que la Marque avait comme possibilité dans son cas, et il n'était pas réellement curieux du sujet.

« C'est la raison pour laquelle il veut te rencontrer, je crois. », dit Colloss.

« Pourrais-je avoir de quoi m'habiller ? », demanda-t-il timidement alors que tous les yeux étaient posés sur lui.

« Flambeau ? », demanda Colloss.

« Ok, je reviens. », répondit l'intéressé.

« Hum, une chose ... », l'interrompit Colloss avant qu'il ne passe la porte, « J'aimerais que tu gardes le secret sur la Marque que porte notre jeune ami. Je laisserai à Abel le soin de définir si cela doit être divulgué.»

Nehwon

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