banniere

Retour

Divine Opportunité : Session Prime : Partie 5 - A long road hard out of hell

Yushio attendait devant la porte à laquelle il venait de frapper. Il se tenait au seuil de la chambre du Remen Noble de Premier Rang Istuil et il se sentait mal. Le couloir qu'il venait d'emprunter devait faire quelques huit mètres de large sur une soixantaine de mètres de long. Le sol était couvert d'un épais tapis d'une couleur rouge vermeil. Il était brillamment éclairé et les alcôves qui s'échelonnaient tout le long de celui-ci contenaient des sculptures d'art conceptuel en verre qui brillaient sous la lumière vacillante de l'éclairage à gaz.
Dans l'air flottait une odeur de Nithull, assez diffuse pour signifier que son hôte avait certainement reçu dernièrement une injection du « composé des mutations ». L'odeur fruitée laissait toutefois un relent entêtant et un léger goût acide sur sa langue. Sa bouche était sèche mais c'était plus la perspective de s'exposer à la perversion d'un ancien qui le rendait fébrile.
Il était là pour recevoir les ordres du chef des Miliciens. Rien de plus, tenta-t-il de se convaincre, mais il savait qu'il y avait aussi certainement une raison plus personnelle à cette invitation. Istuil l'avait pris sous sa protection et il attendait qu'il tienne son rang de fils d'une famille Noble. Cela signifiait s'intégrer à ce grand cercle d'immoralité que les Anciens concevait comme une marque de leur puissance, et ça, il le refusait.
Derrière les portes de métal peintes de rouge et serties d'or et de pierres précieuses, il entendit un cri de douleur. Un gémissement, peut-être, si violent que la pièce en avait été temporairement remplie. Il se mordit la lèvre, rejetant les images immondes qui lui venaient à l'esprit. Il devait faire bonne figure, même s'il était dégoûté par ce qu'il allait voir. Sa vie en dépendrait peut-être un jour. C'était son fardeau.

« Entre. », dit une voix suave dans sa tête.

Il sentit comme une vague de perversion entrer en lui. Il se sentit comme violé par cette brève intrusion, comme si son esprit pouvait être sali de ce contact même temporaire.
Il obtempéra en prenant une profonde inspiration pour se donner du courage.

Bizarrement, les portes qui paraissaient si lourdes glissèrent sans difficulté sur leurs gonds dorés, certainement manoeuvrées par des systèmes mécaniques cachés dans les murs.
L'intérieur de la pièce était comme il s'en souvenait, circulaire, incroyablement décoré, avec un goût sûr pour les arts et pour l'architecture. Dans une des alcôves, il y avait un grand lit, couvert de soie rouge. Istuil en sortit sans prendre le temps de couvrir sa nudité. Son corps était déformé, si fin qu'on pouvait voir les articulations saillir par endroit et ses implants, remplacements mécabiotiques d'une finesse excellente rendaient son corps plus disproportionné qu'il ne l'était réellement. C'était un mort ambulant, sans grâce ni beauté, un corps tenu en vie par le Nithull qu'il devait recevoir en masse. Ses veines vertes saillantes en témoignaient clairement.

Choqué par la sensation d'une profonde satisfaction orgiastique qui émanait de cette créature infâme, Yushio détourna ses yeux de la vision de la déchéance. Ce qui les amena vers le lit. Instantanément, il se maudit de ce geste. Non pas qu'il eut peur qu'Istiul puisse voir sa réaction de répugnance, mais parce que ce qu'il y vit le fit presque défaillir.
Un corps, trop petit pour être un adulte, était caché sous les draps. Il n'en dépassait qu'une tignasse de couleur paille. Il comprit que c'était un esclave, qui se tenait dans une position foetale, tentant de se protéger autant que possible des assauts possibles du Remen Noble qui venait de quitter la couche. En même temps que ses yeux lui offraient cette information, il sentit autre chose. C'était une de ses mutations, le pouvoir de savoir ce que ressentaient les autres. Une arme puissante, mais aussi un terrible défaut. Il sentit une peur si profonde qu'elle s'insinua même dans son esprit, le désespoir aussi et l'envie que tout s'arrête au plus vite. C'était une sensation si terrible qu'il en vacilla. Puis vinrent des sensations plus ténues, c'était toujours comme ça. D'abord, ce fut le dégoût de soi, la souillure, l'humiliation, puis la culpabilité. Ce fut ce point d'orgue qui le fit presque sombrer.

Istuil entra dans la lumière qui illuminait la partie qui était consacrée à son bureau. Il était maintenant vêtu de la robe qui désignait les dignitaires de la Grande Race. C'était un vêtement ample, qui cachait une combinaison sombre très ajustée, mais extrêmement résistante. La cape qui tombait devant et derrière était surmontée d'une sorte de masque cylindrique qui ne comportait qu'une ouverture ovale pour laisser émerger le visage. Il portait aussi des bottes simples décorées d'or et d'argent en entrelacs géométriques et une paire de gants sombres agrémentés de bagues d'une taille outrancière.
Il regarda Yushio de haut en bas. Celui-ci compris que son mentor avait mal interprété le regard de compassion qu'il venait de jeter sur le corps prostré dans le lit. Il se ressaisi, tant bien que mal.

« Allons, Yushio, va plus loin. Si ce corps t'attire, laisse-toi aller. », susurra le Remen en passant une trop longue langue triangulaire sur ses lèvres, comme après un bon repas.

Une fois encore, Istuil se trompa sur la réaction de son protégé. Peut-être aussi, pensa Yushio parce qu'il avait l'avantage d'attirer les attentions malsaines de son aîné. Ca aussi, il le ressentait clairement, et comme à chaque fois qu'il venait ici, il tenta de ne pas partir en courant. Cet être le dégoûtait si profondément qu'il se battait chaque fois avec lui-même pour ne pas fuir.
Le Maître des Miliciens s'installa à son bureau. Yushio fut soulagé de pouvoir faire face à autre chose qu'à la partie de la pièce où se trouvait le lit.

« - Il y a eu deux morts hier. », commença-t-il sans transition, « Deux miliciens du district 17. »

« - Ce n'est pas mon secteur, Maître... », argumenta Yushio, « Devrais-je m'en réjouir ? »

« - Certainement, puisque tu viens de prendre du grade, jeune Yushio. », annonça le Maître satisfait, « Le district 17 est maintenant lui aussi sous ton contrôle. Mais tu dois faire attention, tu as maintenant plus d'ennemis que jamais. »

« - Si le contrôle du district 17 me revient, qu'est-il advenu d'Oriam ? »

« - Ce crétin a tout raté, nous ne nous encombrons pas des perdants. Son corps sera incinéré demain. », conclut le Maître.

Yushio serra les dents. Oriam était un ami d'enfance, commandant de plusieurs districts, comme lui. Il devait relever la menace, sous l'honneur qui venait de lui être fait. Une menace qui lui indiquait clairement que les Remens de génération 8 n'étaient rien d'autre que des pions sans intérêt particulier pour les Anciens. Il finit par se faire à l'idée qu'Oriam avait été exécuté pour son échec, sans autre forme de procès.
Personne ne lui avait suggéré que la justice était une chose aussi légère quand il était arrivé à l'académie.

« - Ne me déçois pas, Jeune Remen, », dit le Maître en se levant de son siége, « J'aurais horreur de devoir signer ton arrêté d'exclusion. »

Maintenant, c'était clair. C'était un test, un moyen d'entrer dans la grande famille des Ancilae, par un autre moyen que de se soumettre aux appétits sexuels de la créature dévoyée qui se trouvait en face de lui. Yushio ne sut pas réellement s'il devait en être heureux ou terrifié.

Le Maître se déplaçait maintenant vers le lit. Il attrapa les draps de sa main Mecabio, et tira vivement sur ceux-ci, découvrant ce qu'ils cachaient jusque là. Comme l'avait imaginé Yushio, c'était un jeune esclave humain, sa peau n'était pas aussi lisse que celle des Remens et il n'y apparaissait pas de veine verte. Il était par contre couvert d'ecchymoses et de fines coupures comme si on l'avait longuement battu. Il se recroquevilla sous la disparition de sa protection, aussi ténue qu'elle fut.

Une fois encore, Yushio ne put qu'être désolé pour cette petite chose. Et une fois encore, son Maître se trompa sur le frisson qu'il réprima.

« Il te plaît, je le sens. Emmène-le avec toi, je te sais bien trop pudique pour que tu te satisfasses en ma présence. Je te l'offre. »

Il laissa échapper un rire qui ressemblait plus à un caquètement d'animal qu'à quelque chose d'évolué. Il s'approcha d'Yushio et passa ses doigts sur son visage.

« Je brûle de savoir jusqu'où va ta perversion, jeune Yushio. Je suis sûr que tu dois être bien pire que moi. Subtil, sûrement, mais infiniment plus terrible. »

Le visage d'Istuil s'était approché très près de son visage. Il percevait la joie qu'il manifestait en imaginant ce qu'il pourrait faire à l'enfant humain. C'était humiliant.

« Je suis honoré de votre cadeau, mon Maître. J'en ferai bon usage. », s'entendit-il prononcer.

Il en ferait certainement un bien meilleur usage que ce malade, c'était sûr. Il s'approcha du lit et souleva la tête du jeune humain en le prenant par les cheveux. Il approcha sa bouche si près du visage de l'esclave qu'il entendit Istuil rire d'excitation.

« Je suis désolé. », dit-il, « Mais ce que je vais faire est nécessaire pour ta survie. »

Toujours en le tenant par les cheveux, il sortit le garçon du lit par la force et le traîna jusqu'à la porte. Le rire du Maître ne fut brisé que par une quinte de toux. Ce qui prouvait que le Nithull n'était plus assez concentré pour lui, il lui faudrait bientôt vivre dans une pièce remplie de ce gaz. Il arrivait à la fin de sa liberté. Yushio n'eut aucun remord en lui souhaitant une terrible agonie.

« J'aimerais mettre fin à tes souffrances moi-même, espèce de déchet, et tu pourrais voir jusqu'où va ma perversion. », pensa-t-il au moment où les portes se fermèrent derrière lui.

Il lâcha les cheveux blonds de l'esclave et soupira. Il s'agenouilla près de son fardeau et releva son visage pour pouvoir voir ses yeux. C'était un garçon d'une douzaine d'années. Ses yeux suppliaient qu'on le laisse enfin mourir.

« - Il t'a fait respirer du Nithull ? », demanda doucement Yushio.

« - Oui », répondit l'enfant, un peu de sang glissa de sa bouche.

« - Alors, il va falloir faire vite. Peux-tu marcher ? »

« - Je ne sais pas. », répondit-il en tentant de se lever, « Il m'a fait vraiment très mal. »

« - Je te crois. », dit Yushio, « C'est une chose qui n'arrivera plus. »

Yushio passa le bras de l'enfant sur son épaule et glissa sa cape blanche sur son corps nu. Il sentit comme une vague de colère dans l'esprit de l'enfant. Il se permit d'entrer en lui silencieusement. Il vit une scène étrange où des miliciens prenaient un très jeune garçon à sa famille, le corps du père était allongé au sol et portait la trace d'un fusil Nith. Un autre enfant, qui portait une étrange marque de naissance tendait les bras vers le premier en suppliant qu'on ait pitié de lui.
Yushio n'alla pas plus loin.

« - Ton frère aîné n'est pas responsable de tes souffrances. », murmura-t-il.

« - Je ... »

« - Tu étais en train d'y penser, n'est-ce pas. », continua-t-il en tentant d'avancer au rythme de l'enfant, « Il n'y pouvait rien, les miliciens frappent au hasard, prenant celui qui leur paraît le plus malléable. »

« - Pourquoi... »

« - Pourquoi je te dis ça ? Pourquoi, je t'aide à marcher ? Pourquoi je t'ai sorti de là ? »

« - Pourquoi me parlez-vous ? », demanda l'enfant.

« - Simplement parce que nous ne sommes pas tous aussi dérangés que ce débris. Normalement, un serviteur est quelqu'un d'utile et de respecté dans notre société, ce sont des malades comme lui qui ont perverti le système au point de faire du viol, de la torture et du sadisme un lieu commun. »

Ils entrèrent dans une immense voiture propulsée par fusion. Yushio installa son « cadeau » au mieux, tentant de voir à quel point le Maître l'avait blessé.

« J'ai mal », dit simplement le garçon, sans rien ajouter de plus.

Yushio fixa ses yeux. Ils étaient bleus mais les paillettes vertes qui apparaissaient dans sa pupille l'informaient du fait que le Nithull avait fait son chemin dans son organisme. Ca l'avait rendu plus docile, maintenant c'était en train de le tuer.

« - James, », cria-t-il au chauffeur, « Menez-nous à l'herboristerie près du Palais. Je vais les prévenir que nous arrivons. Il me faut de l'antidote au Nithull, au moins 50 milligrammes et très rapidement. »

Il y eu un « Très bien, Maître » et la voiture prit de la vitesse.

« - Comment t'appelles-tu, jeune homme ? », demanda Yushio.

« - Dominic », répondit l'intéressé.

« - Alors, Dominic, bienvenue dans la famille Nithingale. », dit Yushio avec un sourire, « Je dois malheureusement te dire que ton calvaire n'est pas terminé. Tu risques d'avoir très mal le temps que nous trouvions le neutralisant pour le Nithull, et même dans ce cas, il est possible que tu fasses une réaction violente à son injection. »

« - Je suis heureux de vous avoir rencontré, Maître. », termina Dominic.

Nehwon

Précédent - Suivant