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Rouge et Noir : 06 - Flashback

Vingt minutes plus tard, la rue était fermée à la circulation et le bal des Bleus avait commencé. L'équipe de Noémie et celle de Durand s'affairaient à relever tous les indices sur le cadavre ainsi qu'à l'identifier. Bien entendu, une fuite avait alerté la presse et tout était mis en oeuvre pour éviter que les journalistes ne s'approchent trop près.
Alors que les trois flics et les deux adolescents, assis sur le trottoir, se faisait interroger comme le voulait la procédure, la barrière s'ouvrit et laissa passer la voiture du commissaire Dirle.
Il s'arrêta au niveau de l'ambulance qui venait de charger le corps et descendit du véhicule.
« - Je vais faire une exception à la règle et vous demander ce qu'il s'est passé avant de vous gueuler dessus, fit le commissaire en s'approchant. Il faut quand même souligner que tu n'es pas sortit de l'hôpital depuis une heure que les emmerdes te rattrapent déjà...
- Et plus que vous ne le croyez, m'sieur. », répondit Ezeckiel en soupirant.
En voyant l'air grave de Zek, il fronça les sourcils.
« - C'est vraiment lui, Eric est revenu.
- Mais...
- Ne cherchez pas, je ne comprends pas plus que vous...
- Et les deux rossignols ?
- Laetitia et Maxime. Je voulais qu'ils m'aident à retrouver celui qui a piraté le serveur du commissariat quand on l'aurait récupéré mais apparemment l'Autre s'en est occupé. De plus, celui qui lui a tiré dessus ne peut-être qu'Eric ou un sous-fifre et s'il ne l'a pas tué, il doit y avoir une raison... »
Il s'arrêta un moment puis reprit
« - D'après ce qu'il m'a dit, la personne qu'on a trouvée dans le coffre de la voiture serait un pirate imposteur et ça, ça me ferait bien mal si il n'y avait pas un rapport entre les deux personnages...
- ... "d'après ce qu'il t'a dit"... ?
- Il m'a appelé pour me signaler la présence du corps... »
Dirle se passa une main sur le visage et se retourna un instant.
« Je vous fais venir une voiture... », fit l'officier en prenant son téléphone.
Il appela le commissariat et demanda qu'on amène une voiture banalisée à l'entrée de l'avenue du Sang de Serp.
« Vous prenez le véhicule et me rejoignez dans mon bureau le plus tôt possible. »
Il repartit vers sa voiture et démarra immédiatement. Tous les cinq restèrent immobiles quelques instants.
« - Qu'est ce qu'il lui arrive aujourd'hui ?, demanda Zek
- Je sais pas..., lui répondit Matt. Peut-être qu'il te prend au sérieux à propos de Quasimodo... enfin Eric, comme tu l'appelles.
- Pas la peine de palabrer, on ne le saura qu'au commissariat. », fit Noémie en se levant.
Elle avança vers l'un des flic lui parla et se dirigea vers la Laguna. Elle ouvrit la porte côté passager. Elle y rentra à moitié et ressortit avec le dossier médical de Zek.
Elle revint vers le groupe qui à son tour s'était levé du trottoir.
« Même si j'ai ton dossier médical ainsi que la Police, ça ne m'aidera pas à savoir ce qu'il s'est passé avec Le Sonneur de Cloche. »
Noémie regardait Ezeckiel droit dans les yeux sans ciller.
Le jeune homme soutint son regard un moment puis le détourna pour jeter un oeil aux deux adolescents qui se demandaient ce qu'ils faisaient là.
« - Je le sais bien, fit le capitaine, et je sais aussi que pour continuer dans les meilleures conditions, je vais devoir replonger dans mes souvenirs pour pouvoir tout vous expliquer... »
Maxime s'avança un peu.
« J'ai une question... », dit-il timidement
Les trois flics se retournèrent d'un même mouvement.
« Je... J'ai suivi à peu près toute l'histoire et avant d'aller chercher trop loin, vous devriez pas chercher le pourquoi des meurtres qu'a commis ce type ? »
La pertinence de la question laissa la jeune femme et ses deux camarades bouche bée.
« Euh... Oui, t'as pas tort, fit Matt. D'ailleurs, ça me donne une idée, ils pourraient rester avec nous, ses connaissances en informatiques et leur vision... innocente pourraient nous faire avancer. »
Zek ouvrit la bouche mais fut interrompu par l'ambulance et les collègues qui emmenaient la Laguna.
« Ton idée n'est pas bête, reprit Ezeckiel. De toute façon je suis prêt à tout prendre pour en finir avec cette histoire. »
La voiture demandée par le commissaire Dirle arriva à cet instant.
« Bon, peut-être que faire un point de la situation nous fera le plus grand bien, continua Zek d'une voix morne. Tu conduis Noémie ? »
La jeune femme acquiesça. L'agent qui avait amené le véhicule rejoint ses collègues occupés à sortir les barrières et les banderoles ainsi qu'à rétablir la circulation.
Ils s'installèrent dans le véhicule et s'en allèrent vers le commissariat. Pendant le trajet, personne ne n'ouvrit la bouche.
Ils passèrent l'avenue du Languedoc, Alsace Lorraine, remontèrent vers le canal du Midi et, en remontant les berges, atteignirent le commissariat.
Ils s'arrêtèrent sur le parking puis, après avoir passé le sas d'entrée, remontèrent par l'ascenseur jusqu'au troisième étage, bureau des officiers.
Ils passèrent la dernière porte au fond du couloir. Derrière les attendait le Commissaire Dirle, assis sur son bureau, préparant une caméra.
« Ah, vous voila enfin, fit l'officier. J'étais en train de préparer une conférence entre les archive de l'I.J, le labo et nous. Personne ne quittera cette pièce tant qu'on n'aura pas vraiment avancé dans l'enquête principale. »
Le bureau du commissaire, le plus grand de l'établissement, était orienté plein sud et les grandes baies vitrées illuminaient la totalité de la pièce. En face du bureau remplit de dossiers en attente, Dirle avait fait installer un grand écran relié directement par un réseau fermé au labo judiciaire ainsi qu'à celui de l'I.J. Ainsi, pour avoir un rapport ou suivre l'évolution d'une enquête, il lui suffisait de deux clics et il avait tout en face de lui. Plusieurs capteurs installés dans la pièce lui permettaient aussi de passer en mode vocal. Hormis le commissaire, seules trois personne avaient leur voix référencée : Noémie, Durand et le procureur Roufle. Enfin, la pièce comptait trois chaises noires au niveau du bureau ainsi que deux canapés et une table basse. Dirle gardait un certain nombre de dossiers derrière le mur du bureau dans un placard bien caché et verrouillé. Certains aimaient raconter que c'était les dossiers du personnel, ce que le commissaire avait toujours nié.
« Wouaw, c'est une super installation que vous avez là... », fit Noémie en entrant, suivie par Matt, Max, Laetitia ainsi que Zek.
Alors que Zek fit quelques pas dans la pièce, quelques interférences brouillèrent l'écran et les hauts parleurs. Dirle s'approcha du jeune homme et lui tendit un bracelet relié au sol par un câble blanc.
« J'avais prévu cette réaction, vu le bordel que ça a été pour tout remettre en place et pour m'installer ce système, je n'ai pas l'intention de me faire griller encore une fois tout le système. »
Max et Laetitia restaient dans un coin, observant la scène.
Le DDSP tourna la tête et s'adressa au deux jeunes gens
« N'ayez pas peur, je ne mors pas, ou presque..., fit-il de sa voix grave. Prenez donc place sur un des canapés. Ce que vous allez entendre devra rester entre ses murs. C'est parce que je fais confiance au capitaine quand il dit que vous êtes impliqué un tant soit peu dans cette histoire. Ok ?
Le couple acquiesça d'un même mouvement.
Dirle se retourna vers son capitaine.
« Je vais vous laisser faire un résumé de la situation avec votre coéquipier, lui fit-il. Ensuite j'établirai la connexion avec les autres pour voir où c'est qu'ils en sont et ce qu'on peut en tirer. »
Ezeckiel, le bracelet au poignet, s'éclaircit la voix.
« Il y a de cela quelques jours, nous avons retrouvé une jeune femme du nom de Marion Jodan assassinée chez elle. Les indices relevés sur le lieu du crime laissent à penser qu'elle connaissait son agresseur, ou que celui-ci s'est fait passer pour une de ses connaissances. Dans la même matinée, on a retrouvé une autre femme assassinée. Cette dernière et Marion se connaissaient très bien puisqu'elles étaient ensemble. Elles ne vivaient pas sous le même toit, mais se voyaient tous les jours. »
Matt prit la suite:
« Marion Jodan était infirmière à l'hôpital Rangueil sous les ordres du docteur Igatsu. Suite à une enquête de proximité et de voisinage, on a appris qu'elle était plutôt appréciée de son entourage et sur le point d'obtenir une bonne promotion.
L'autre victime s'appelait Virginie Leoum. Selon sa famille, elle avait rencontré Marion lors d'un anniversaire d'un ami commun et d'après leurs parents respectifs, depuis que l'une et l'autre s'étaient trouvées, elles n'avaient jamais été aussi heureuses. Virginie travaillait chez Siemens à Basso Cambo et pour elle aussi l'enquête a donné la même chose que pour la première victime : très apprécié, discrète sur sa vie sentimentale et en vue pour une promotion.
- De plus, continua Zek, toutes les deux n'avaient pas de casiers, même pas une contravention. Cependant, on a retrouvé lors de l'autopsie deux indices désignant comme étant le meurtrier un certain "Sonneur de Cloches". Et c'est là que le plus gros problème se pose. Le Sonneur de Cloches est bien connu des services de police toulousains pour avoir commis douze doubles meurtres il y a un peu plus de trois ans. C'est moi qui avais la charge de l'affaire et le résultat fut assez... dur à vivre. Mais j'y reviendrai un peu plus tard.
A part le retour du tueur, deux événements restent cependant inexpliqués : l'attaque sur Max et le piratage informatique du serveur du commissariat.
Même je ne fais pas l'unanimité, je suis persuadé que la balle qui a atteint notre jeune ami lui était réellement destinée. Son état de pirate informatique doit en être la cause, mais pourquoi essayer de le tuer maintenant alors qu'il y a des flics partout ?
- J'ai déjà craqué le serveur du commissariat et bien d'autres sites », intervint Max les yeux sur ses chaussures.
La phrase du jeune homme laissa toute la salle interdite.
« - En plus "sonneur de cloche" c'est le nom d'un mec qui surfe très souvent sur le net mais sous un autre pseudo.
- Tu l'as déjà eu en ligne?
- On a déjà effectué quelques opérations ensemble mais je me suis toujours efforcé de rester un maximum derrière la ligne... Bien que le simple fait de pirater un ordinateur me place au-delà de cette ligne.
- Mais pourquoi tu ne nous en as pas parlé plus tôt ?, demanda Matt
- Je sais pas, et puis, vous êtes flics et moi pirate informatique, j'avais pas envie de me faire arrêter... »
Un lourd silence s'installa. Les quelques secondes qu'il dura pesèrent sur les épaules de Max.
« - C'est pas le moment de se disperser, fit Ezeckiel. Finissons-en d'abord avec cette histoire, on verra le reste plus tard.
Je pense pas qu'il ait souhaité ta mort, mais juste te dire "je ne te lâcherai jamais". Donc, il doit y avoir quelque chose dans ton ordinateur de compromettant pour lui. Il faut découvrir quoi et le plus vite possible... J'ai une idée, Noémie, tu pourrais demander à ton équipe d'aller chez Max pour prendre l'ordinateur et tout ce qui va avec afin de le décortiquer. Il faut qu'ils relèvent tout ce qui a un rapport avec le Sonneur de Cloches. »
La jeune femme se leva et sortit en prenant son téléphone.
Matt prit la suite.
« - Pendant qu'Ezeckiel était à l'hôpital, on a eu un autre double meurtre. Cette fois-ci, c'est un homme, Martial Dértid, et une femme, Chantal Leriod, qui sont retrouvés morts dans leur appartement respectif. Les points communs entre ses deux meurtres sont que les deux personnes tuées sont en couple mais ne vivent pas ensemble. Ensuite, la façon de tuer est la même : de violents coups avec un objet contondant, les messages planqués dans le corps des victimes signés du Sonneur de Cloches.
Par contre, aucun rapport entre les victimes...
- Ce qui me conforte dans l'idée qu'Eric est bel et bien vivant, le coupa Ezeckiel
- Mais pourtant vous l'avez tué il y a trois ans, fit le commissaire
- Oui, même si je dois avouer que je commence à avoir plus que des doutes.
- Peut-être que tu devrais nous parler de cet "Eric", non ?, demanda Matt.
- En effet et je commence de suite. »
Noémie revint dans la salle.
« Pour faire bien et pour que vous compreniez bien, je vais commencer par vous parler de moi. »
Il invita d'un geste le commissaire et ses deux collèges à s'asseoir sur le canapé. Quand chacun fut installé, il s'éclaircit la voix et retira ses lunettes. Chacun des interlocuteurs eut une réaction en voyant les yeux du capitaine. L'oeil gauche avait la sclérotique et la pupille noire comme le charbon et l'iris rouge, quant au droit, il était inversé par rapport au gauche
« Le dernier choc électrique que j'ai subi a encore changé la nature chimique de mes yeux ainsi que de mon système nerveux ce qui n'en reste pas moins très dangereux pour moi et les personnes que je côtoie. C'est lors de mon affrontement avec Eric que j'ai subi mon premier choc électrique. Celui que je viens de subir est en fait le troisième. »
Ezeckiel prit une grande inspiration, et souffla un bon coup
« - C'est une histoire assez spéciale qui se finit plutôt mal. Les protagonistes sont le fameux Eric, la femme que j'ai aimée Emilie et moi-même. Seul le commissaire est au courant de cette histoire, il était à l'époque mon commandant. Mon capitaine était lui aussi dans la confidence mais il s'est fait tuer il y a pas longtemps.
J'étais un jeune lieutenant plein d'avenir... Mais commençons par le début.
Je suis Ezeckiel Logan Sedah. Je vais avoir bientôt trente ans et ça fait déjà quelque temps que je suis dans la Police. Je suis natif de cette ville mais j'ai grandi à Ramonville St Agne. J'ai eu un parcours scolaire à peu près normal jusqu'à mon Bac à dix huit ans. Quand je dis presque, c'est parce que je n'étais pas violent, mais il fallait pas trop me chercher... J'avais donc mon nom qui revenait assez souvent dans les quelques rixes entre élèves.
Très souvent, c'était à cause d'un élève que j'aimais bien. Il n'était pas très apprécié puisque premier de la classe autant dans ses notes que dans sa façon de s'habiller. Il était cependant très ouvert et un jour après une bagarre, il m'a couvert et m'a évité un renvoi définitif. J'ai appris à le connaître et le protéger quand certains imbéciles lui cherchaient des noises. En même temps je lui apprenais les rudiments de la bagarre que mon père m'avait enseignés.
Ainsi, on s'est retrouvés en terminale et là j'ai rencontré Emilie. J'avais fait le mur et avais rejoint des potes pour une virée en moto, même si on n'avait pas le permis, on vadrouillait et on faisait les cons dans Toulouse et les alentours. Ce soir-là pourtant, j'ai croisé une jeune femme qui sortait d'une salle de boxe et au culot, je lui ai proposé un resto.
- Elle a dit oui ?, demanda Noémie
- Tu parles, elle m'a envoyé sur les roses et bien, mais quand j'ai vu ses yeux, je suis tombé amoureux.
Comme je suis un peu têtu, j'ai fini par lui arracher un rendez vous... sur un ring de boxe. J'avais fait le pari que si elle me battait, elle n'entendrait plus jamais parler de moi, sinon, ça serait un resto....
Et... Et j'ai pris la plus belle rouste de ma vie. Elle m'a mit KO en trois rounds.
Elle a tellement eu pitié qu'elle a quand même accepté le resto.
On a fait connaissance et je lui ai présenté Eric toujours avec la même tête d'intello. On a commencé a traîner ensemble à faire des conneries à droite et à gauche.
A la mort de mon père, j'ai décidé de prendre sa suite et j'ai passé le concours de Police que j'ai réussi avec les honneurs. J'ai pu ainsi intégrer la Brigade Spéciale de Toulouse où je suis encore aujourd'hui avec le grade de capitaine... mais là je m'égare.
Plus le temps passait, plus on devenait inséparables tous les trois.
Avec Emilie, on est passés petit à petit de l'amitié à l'amour jusqu'à ce qu'on se fiance le premier juillet 1999.
Avec un peu de notre aide, Eric se métamorphosa petit à petit et passa de chenille à papillon en un rien de temps...
Je pense d'ailleurs que c'est à partir de ce moment là qu'il a commencé à déjanter mais ça, je ne le saurai jamais je pense. »

Il s'arrêta quelques secondes avant de reprendre. Tous l'écoutaient attentivement et ne disaient mot.

« Quelques jours après que je sois passé lieutenant, c'est-à-dire en juillet 2000, on a reçu un appel pour un meurtre. On y est allés et je crois que c'est la première fois que j'ai gerbé en voyant un cadavre. Un truc vraiment horrible et sur le mur, il avait un gros "Le Sonneur de Cloches" en lettres de sang. Avec Mickael, mon co-équipier et supérieur, on a été chargés de l'affaire... Si j'avais su, j'aurais demandé à prendre une autre affaire.
Quoique je pense que ça n'aurait servi à rien...
Lors du troisième double meurtre, on a retrouvé un papier dans chaque corps dont un avec mon prénom et c'est alors que ma descente aux enfers a commencé.
Tous les deux ou trois jours, on trouvait deux nouveaux cadavres avec des mots pour moi. La seule chose qui me faisait tenir était Emilie. Elle avait la faculté de me faire tout oublier. Elle s'occupait de préparer notre mariage avec ma mère et ses parents. Quand je rentrai du boulot, en un mot, elle faisait s'évanouir tout ce qui me pesait sur les épaules.
Ainsi se passaient mes journées jusqu'à ce fameux 31 juillet... »

Drizzt

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