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Teddy Bear : 2 - Au sec-ours !

Tout allait mal depuis ce matin pour Solène. Pour commencer, elle n'avait pas entendu son réveil sonner, impossible de se souvenir si elle l'avait bien programmé hier ou si elle l'avait éteint par réflexe ce matin et s'était rendormie aussi sec. Du coup, elle n'avait pas eu le temps de déjeuner et avait dû s'habiller en quelques minutes, la salle de bain ayant été occupée un peu trop longtemps par son grand frère. Il devait sûrement voir sa nouvelle copine, pensa-t-elle. Et dire que lui n'avait pas encore repris les cours à la fac et qu'elle devait le subir à la maison. Pour couronner le tout, la pomme qu'elle avait prise pour caler son estomac était farineuse, elle avait bien entendu oublié de prendre un parapluie et une des poches arrière de son jean beige était décousue.

C'est vraiment pas le jour. Heureusement, c'était la pause de 10 heures, elle allait pouvoir s'acheter une de ces barres chocolatées qu'elle aimait tant au distributeur du foyer des élèves. Alors qu'elle se rapprochait de la salle en question, elle aperçut un attroupement assez bruyant devant la porte. Elle se fraya un chemin pour constater que le sort s'acharnait vraiment sur elle aujourd'hui. Sur la porte du foyer, une feuille expliquait que ce dernier était fermé jusqu'à nouvel ordre pour cause de dégradations le samedi précédent.
Sous le choc et le manque flagrant de glucides, elle crut défaillir. Après avoir repris ses esprits, elle décida de se rendre en salle de biologie pour le prochain cours. Elle marchait tel un robot, tête baissée, rasant de près le mur le plus proche, en se demandant si elle allait survivre à cette journée, qui décidément n'en finissait pas. Plongée dans ses pensées, elle ne vit pas que quelqu'un arrivait dans l'autre sens, et lui ne la remarqua pas non plus tellement il était absorbé par sa lecture.

Le choc fut inévitable. Huit clos fit un vol plané, lui glissa en arrière et elle s'affala sur lui.
Mais c'est qui ce crétin !
Aïe, ça fait mal. Où est mon livre ?
C'est ainsi que Theo et Solène firent leur première vraie rencontre.
Elle se releva furieuse et poursuivit son chemin en marmonnant. Mais qu'est ce que j'ai fait pour mériter ça ? C'est sûr, je suis maudite...
Theo la regarda s'éloigner en ramassant son livre. J'ai déjà vu cette fille. Elle serait pas dans ma classe ? Si c'est le cas, elle va pas dans la bonne direction pour le cours de bio.
"Hé, attends ! La salle de bio c'est pas par là !"
Solène ne se retourna même pas, elle ne l'avait pas entendu. Il haussa les épaules, retrouva sa page et reprit sa lecture devant la salle du cours de biologie.

Ah non, c'est vraiment pas mon jour. La honte, je me suis trompée de salle et je suis arrivée en retard au cours. Elle fulminait au premier rang, le fait d'arriver en retard n'aidait pas à choisir sa place de prédilection. La prof parlait de la composition des différentes couches de la Terre. Dehors il pleuvait toujours. Encore quatre heures de cours cet après-midi. Deux heures d'allemand, où ils allaient sûrement continuer de voir la conjugaison des verbes sein et haben, un cours pour des débutants alors qu'ils étaient censés avoir une pratique de cinq ans de la langue. Deux heures de latin à faire de la traduction. Est-ce qu'elle avait pris son bouquin de Tacite ? Ouf, il était bien dans son sac. Encore trente minutes de cours avant de pouvoir aller manger...
Theo, quant à lui, rêvassait un peu. Alors cette fille est bien dans ma classe. Ca doit être une nouvelle. Il la voyait de dos. Elle était blonde, cheveux longs. Elle portait une chemise turquoise. Il n'arrivait pas à se souvenir de la couleur de ses yeux.

A la cantine, il se renseigna auprès de son amie d'enfance qui contrairement à lui liait facilement le contact avec les autres. Entre deux carottes et quelques petits pois, Morgane lui apprit que la nouvelle s'appelait Solène, qu'elle avait un frère plus âgé et que sa famille venait d'emménager dans un des quartiers du centre.
Ces informations ne lui servaient pas à grand-chose mais au moins, il savait pourquoi elle s'était trompée de salle.

A 16 heures, la journée de Theo était finie après deux longues heures d'anglais. Il s'installa dans un coin de couloir à côté des salles de langues anciennes, le seul endroit de l'établissement où la circulation était quasi nulle à cette heure de la journée. Il pleuvait et il voulait finir son livre avant de rentrer chez lui, la fin était proche. Adossé à un radiateur, son sac calé derrière ses jambes, il se replongea dans sa lecture.
Il ne s'aperçut pas tout de suite que quelque chose clochait mais il n'arrivait plus à lire. Et il ne pouvait plus bouger ! Theo sentait que la situation lui échappait. Mais qu'est ce qui se passe ? Il essaya de faire un point. Mobilité réduite voire impossible. Champ de vision restreint. Ah, je crois que j'ai mis le doigt sur quelque chose. Le livre a grandit. Il essaya de soupirer, il sentit un bruissement dans son ventre. Bizarre, ce bruit. Toujours est-il qu'il venait de comprendre qu'il avait rapetissé. Comment ? Pourquoi ? Et surtout comment s'en sortir ?

Theo vit des gens passer dans le couloir et essaya de les appeler. Personne ne sembla l'entendre.
Ah, mais c'est Solène ! Hé s'il te plait, regarde par là ! Aide-moi !

La sonnerie de 16h15 retentit. Les élèves de latin et de grec se dirigèrent vers leurs salles respectives. Parmi eux se trouvait Solène. En passant, elle crut entendre quelqu'un l'appeler. Tout ce qu'elle vit, c'était un ours en peluche avec un haut noir et un pantalon bleu, un livre ouvert devant lui, adossé contre le radiateur du coin du couloir. Elle haussa les épaules, rentra dans la salle et ferma la porte.

Une éternité passa. Theo était abattu. Pourquoi personne ne l'avait entendu ? Il était sûr que Solène l'avait vu, mais pourquoi elle n'avait rien fait ?
Il se tordit le cou pour essayer de déchiffrer le livre étalé devant lui.
"L'enfer, c'est les autres."
C'est bien vrai ça, pensa-t-il.
Il se souvint qu'il avait un porte-clé accroché à son sac qui faisait comme une boule à facettes. Après maints efforts, il réussit à se voir dans une facette. Et ce qu'il vit lui parut inconcevable. Des bouts de fourrure, une bouille ronde et d'aspect bienveillant.
C'est moi ça ? On dirait une peluche... Mais... Mais... Qu'est ce qui se passe ? Au secours !
Ca me rappelle le rêve bizarre de cette nuit. Je dois être en train de rêver...
Il reprit soudainement forme humaine sans savoir si il avait fait quelque chose pour. Il allait vite se regarder dans un miroir dans la salle d'eau la plus proche. Rien à signaler. Avait-il rêvé ?
Il regarda sa montre, ramassa son livre et son sac et rentra chez lui.
Ca ira mieux demain.

Yadana

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