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Rouge et Noir : 04 - Libération

Le commissariat de Toulouse, bâtiment mêlant les briques chères à la Ville Rose avec les matériaux d'aujourd'hui, se trouvait sur les berges du Canal en face la cité administrative. Il y a de cela quelques mois, l'ensemble du système électrique et électronique avait été relié en réseau à un serveur situé quelque part en ville. Le dit serveur ne s'occupait pas seulement de gérer les ordinateurs et le système de vidéosurveillance, mais c'était lui qui contrôlait les portes, le système incendie, le système téléphonique et d'interphone ainsi que toutes les geôles du sous-sol.
Bernard était un braqueur de banque multirécidiviste qui attendait patiemment dans une des geôles du commissariat qu'on vienne le chercher pour l'emmener devant le juge.
Contrairement à tout ce que pouvait prêcher les psy, il avait eu une enfance tout à fait normale, avec un père boulanger-pâtissier et une mère agent administratif au conseil général du Gers. Il avait suivi la filière normale du système scolaire français en préférant opter pour le littéraire au lycée et à la fac.
Chasseur et passionné de tout ce qui était arme à feu ou blanche, il avait braqué sa première banque juste après l'obtention de sa maîtrise en langue étrangère. Il avait recruté quelques personnes qu'il connaissait du lycée ou de la fac et, pour fêter son diplôme avait braqué trois banques en trois jours.
C'est ainsi qu'il avait pris goût au mauvais côté de la loi.
Alors qu'il se remémorait sa dernière arrestation, il entendit un bruit qui venait de sa porte et s'aperçut que la quasi totalité des lumières s'étaient éteintes.
Il se leva et poussa la porte, qui s'ouvrit. Le reste des prisonniers avait remarqué la même chose et ils se tenaient sur le pas de leur cellule.
Bernard ne perdit pas son temps et sauta sur un policier qui se trouvait à proximité. Il l'assomma et lui prit son arme. Il fut immédiatement imité par quelques autres individus et prirent d'assaut le commissariat. Bénéficiant de l'effet de surprise, et marchant étage par étage, ils réussirent à occuper tout le commissariat.
Comme le pensait Ezeckiel, sur les 49 criminels, ils étaient quatre à avoir pris la tête de la prise d'otage. Tous les autres s'étaient mis sous leurs ordres.
A la tête, il y avait donc : Bernard Lefra, Cyril Ténèd, patron d'un stand de tir ex-cocaïnomane amateur de jeunes femmes entre 20 et 22 ans pas forcément consentantes, Lucy Carème, jeune psychotique adepte du couteau et spécialiste de la castration et enfin Philippe Vosth, ancien militaire responsable du massacre d'un bureau du Trésor Public.
Tous les quatre avaient décidé d'un commun accord de la suite des opérations. Ils attendaient patiemment que les flics se mettent en contact avec eux. Ensuite, ils libèreraient quelques otages avant de s'enfuir par les égouts, faisant croire a l'extérieur qu'ils avaient main mise sur le groupe.
Les sous-fifres se chargeaient d'entasser les otages dans les geôles sans trop y toucher pendant que les quatre autres se préparaient à s'enfuir, gardant un oeil et une oreille sur ce qu'il se passait dehors
A quelques centaines de mètres de là, Ezeckiel mettait en marche son plan.

Bien avant d'être le lieu de rassemblement des forces de Police de Toulouse, le commissariat était en fait un château qui servit d'hôpital pendant les deux guerres puis d'orphelinat à partir de 1970. Comme bien souvent, lors de la transformation des lieux en commissariat, l'Etat n'avait rénové que les pièces dont ils avaient besoin et s'était contenté de cloisonner les autres.
Ainsi, la salle des geôles, déjà assez grande pour contenir une cinquantaine de prisonniers, cachait un deuxième sous-sol avec un accès direct aux égouts.
Les geôles étaient réparties en forme de "U". Le quatrième mur comportait un ascenseur à clé pour les malfaiteurs handicapés ainsi qu'une porte qui menait, comme l'ascenseur, au rez-de-chaussée.
Au centre de la pièce trônait le bureau de surveillance où était normalement rassemblés quatre policiers minimum.
Alors que les quatre compères peaufinaient leur plan d'évasion quelques étages au-dessus, l'antique plaque d'égout du deuxième sous-sol s'ouvrit lentement. Des ténèbres sortirent sept personnes.
Il y avait Samuel Kulowski et Julien Fébril, tous deux gardiens de la Paix de la BAC, Hugo Vanage, Francis Vumol et Fabrice Sanrau respectivement sous-brigadier, brigadier chef et major, ainsi que Matt et Ezeckiel.
A part Ezeckiel qui refermait la plaque d'égout, les six autres s'occupaient de sortir l'attirail nécessaire à l'intervention.
Ils s'équipèrent d'un gilet pare-balles, d'une mini radio portative et vérifièrent leurs armes ainsi que leur munitions.
Zek finit de s'équiper, les regarda tour à tour, parlant a voix basse
« -Nous sommes donc ici juste sous la salle des geôles. L'escalier qui nous ramène en haut donne directement dans un petit cagibi qui sort entre le mur de droite en sortant de l'ascenseur et l'ascenseur.
A l'heure où L'autre sadique les a libéré, il ne devait pas y avoir plus d'une vingtaine de flics en fonction, tous les autres étant des secrétaires ou autre non habitués. On n'a pas alerté les commissariats de quartier pour éviter de concentrer toutes nos forces sur un seul point et aussi pour éviter d'alerter les médias. Sur tous les nuisibles qui ont été libérés, il y en a peine plus de sept qui pourraient nous enquiquiner un peu.
Donc, le plan est simple: on libère nos camardes des geôles s'ils y sont bien et ensuite à l'attaque.
Ca marche ? »
Les six autres acquiescèrent d'un même mouvement.
Zek sortit une deuxième lampe de sa poche arrière de son pantalon, l'alluma et prit la tête. Ils arrivèrent devant l'escalier et s'arrêtèrent. Zek leur fit signe qu'à partir de ce moment, ils parleraient par signe.
L'escalier était très vieux et grinçait forcément. Ils passèrent donc sur le bord intérieur des marches le plus lentement possible.
Arrivés en haut, ils s'arrêtèrent de nouveau. Devant eux se dressait un encadrement de porte donnant directement sur la cloison de la salle à atteindre. Aucune trace de la moindre porte. Sans se poser de question, Ezeckiel posa ses deux lampes par terre et sortit une vrille avec à son bout une cloche de trois centimètres de diamètre.
Il fit un trou le plus bas possible, laissant la possibilité de jeter un oeil. Derrière la cloison de placo, on n'entendait pas un bruit. Une fois le trou fini, Zek se baissa et regarda par le judas improvisé.
Malgré le peu de visibilité, il n'aperçut rien et décida d'entrer en force, peut-être arriveraient-ils à bénéficier de l'effet de surprise.
Il sortit un gros cutter de son pantalon, le planta dans le placo et d'un coup sec et rapide créa une trouée dans le mur. Il se tourna vers Matthieu et lui demanda de retirer le surplus de placo tandis qu'il retirait ses gants.
Il prit alors une lampe dans chaque main. Les deux lumières s'éteignirent immédiatement. Il s'engagea dans la trouée et s'avança discrètement jusqu'à la première geôle. Il se baissa et profita de l'angle mort qu'offrait la cellule pour jeter un coup d'oeil furtif a l'ensemble de la salle.
Il entr'aperçut une demi douzaine de personnes tenant en respect un groupe de gens allongées face contre terre. Comme ils étaient de dos, Zek rejeta un coup d'oeil plus tenu. Il remarqua que les personnes debout avaient récupérésdes armes de services de certains flics et se faisaient passer un beau joint.
Il se retourna et regarda ses collègues à présent tous passés à travers la cloison. Il leur fit un signe et se retourna avant de partir d'un pas rapide.
Les autres le suivirent silencieusement.
Ezeckiel arriva à hauteur d'un des preneurs d'otages et lui pressa la main gauche sur la nuque. L'homme tomba aussi sec. Zek en profita pour allonger son poing sur le nez de son voisin. C'est alors que tous les autres attaquèrent.
Matt se rua sur deux des aggresseurs en même en temps. Un coup de pied volant à chacun et le tour était joué. Les cinq autres avaient aussi profité du ralentissement de leurs réflexes à cause de la drogue pour se débarrasser des types restant sans trop de difficultés.
Pour les empêcher de s'en aller quand ils se réveilleraient, ils les attachèrent aux barreaux des geôles à l'aide de leurs menottes.
Zek se tourna alors vers les otages maintenant relevés et heureux de voir que quelqu'un était venu les aider.
« Tout le monde va bien ? », demanda Ezeckiel.
Tout le monde fit "oui" de la tête, encore un peu sous le choc
« Matt, explique leur de quoi il retourne et ce que l'on attend d'eux. Je vais essayer de trouver un endroit pour me recharger. »
Matt s'avança, les regarda et annonça d'une voix forte :
« Toutes les personnes qui sont aptes a nous filer un coup de main sont réquisitionnées immédiatement, les autres devront attendre ici, ça sera, je pense, le lieu le plus sûr pendant quelques temps.
Mes chers collègues, je vais vous demander, pour ceux qui le peuvent, de récupérer vos armes et vos munitions. Il nous reste quarante-deux personnes à neutraliser pour récupérer nos murs et je ne compte pas leur laisser le temps de filer.
Les ordres sont simples : on frappe, on neutralise, on assomme. Je ne veux aucun coup de feu tiré à moins d'être vraiment en danger. Nous sommes maintenant une trentaine ou un peu moins. Donc, si on se démerde bien, un mec ou deux par flic. Contrairement à ces types, nous connaissons ces murs par coeur, à nous d'en profiter pour leur foutre une tannée. »
Alors que la plupart n'avaient dans les yeux que la peur de leur mésaventure, les paroles du lieutenant leur avaient maintenant redonné la niaque.
Alors que Matt s'apprêtait à reprendre la parole, un bruit sourd ainsi qu'un gros nuage de poussière sortirent du mur qu'ils avaient ouvert.
Quelques secondes plus tard, le capitaine revint vers le groupe, les vêtements pleins de poussière et les yeux rouge vif.
Il s'arrêta à la hauteur de son coéquipier et regarda l'assemblée un grand sourire aux lèvres
« Vous avez tous compris ? On tape, on casse s'il le faut, mais on ne fait ni bruit ni mort et ne se sert de son arme qu'en cas d'extrême extrême urgence.
Hugo et Francis vous montez avec Matthieu et moi, le reste vous vous répartissez par étage.
Un dernier truc. Ne jouez pas aux héros plus que de raison, ne vous mettez pas plus en danger que vous l'êtes déjà. »
Il fit craquer sa nuque
« On y va ? »
La troupe se mit en marche silencieusement.

L'escalier principal qui raccordait tous les étages était séparé des couloirs par des doubles portes coupe-feu. Ainsi, au fur et mesure qu'ils grimpaient, certains restaient sur place et se faufilaient dans les couloirs, l'absence de lumière jouant en leur faveur.
Hugo et Francis suivaient de près Matt et Ezeckiel dans les escaliers jusqu'au quatrième étage. Arrivés à destination, ils s'arrêtèrent devant la porte écoutant les bruits à travers les portes. Matthieu poussa légèrement une des portes et regarda par l'entrebâillement de quoi il retournait. Il fit de même de l'autre côté et se retourna.
Il s'approcha de ses compères et parla à voix basse.
« - Ils sont quatre à être rassemblés dans la salle de com', trois mecs et une nana.
- Ok, je fais diversion, fit Zek. Vous, vous passez sous les fenêtres et passez par derrière. A mon signal, vous leur sautez dessus.
- Quel sera le signal ? », demanda Hugo
Zek le regarda en souriant et lui fit un clin d'oeil.
Il se leva et s'arrêta devant la porte. Il l'entrouvrit à son tour et observa les quatre compères. Ne les quittant pas des yeux, il sortit son arme attendant le bon moment pour sortir.
Au moment où ils tournèrent tous le dos à la porte, Ezeckiel l'ouvrit et avança rapidement vers la salle de communication. Arme au poing, il s'avança de telle sorte à avoir les quatre autres dans son champ de tir et les appela.
« Messieurs, dame. »
Bernard fut le premier a se retourner, arme à la main.
« - Doucement, toi et tes compères ne bougez plus d'un iota, fit Zek sur un ton autoritaire
- Vous pensez vraiment arriver à tous nous maîtriser alors que vous êtes tout seul ?
- Allons, j'ai beau être flic, mais je ne suis pas aussi con quand même... »
A l'autre bout de la salle, une porte vitrée s'ouvrit brutalement et laissa entrer les trois autres flics armes brandient.
« Là, vous voyez... »
Un sourire aux lèvres, Bernard jeta son arme vers Ezeckiel et mit les mains sur la tête.
« J'ai perdu, fit il. De toute façon, c'était trop beau pour continuer. »
Hugo, Matt et Francis rangèrent leurs armes et s'avancèrent pour leur passer les menottes.
Toujours le sourire aux lèvres, Bernard fixait Ezeckiel qui s'était rapproché.
« Par contre, même si on a pas réussi, je pense pas me laisser arrêter comme ça. »
En finissant sa phrase, Bernard partit en courant sur Ezeckiel.
Profitant de l'effet de surprise, ses trois autres complices se jetèrent sur les autres policiers.
Ezeckiel était occupé avec Bernard, Matt avec Philippe, Hugo avait pour adversaire Cyril et enfin Francis s'occupait de Lucy.
Hugo n'eut pas trop de mal à maîtriser Cyril. Il encaissa quelques coups de poing, mais riposta avec un uppercut au menton. Le passé de drogué de son adversaire fit le reste : il s'écroula de tout son long.
Le premier de la bande maîtrisé, Hugo fila donner un coup de main à Francis qui se trouvait en mauvaise posture face à sa jeune adversaire. Cette dernière avait réussi à prendre le dessus en plaçant un judicieux coup de genou et tentait maintenant de l'étrangler.
Hugo se précipita sur elle et la percuta avec l'épaule, la faisant lâcher prise. Ils se relevèrent en même temps et Lucy tenta la même attaque qu'à Francis, mais elle fut bloquée par son nouvel adversaire qui lui lança alors un direct au visage, l'assommant pour le compte.
Hugo se retourna et porta secours à Francis qui ne se relevait pas.
Pendant ce temps, Matt et Ezeckiel se débrouillaient avec leurs adversaires respectifs.
Philippe Vosth en tant qu'ancien militaire était un excellent combattant à mains nues et Bernard avec son passé de prisonnier avait tout simplement inventé son art du combat et il se débrouillait plutôt bien.
Matt appliqua à Philippe une série de coups de pieds retournés qu'il encaissa sans trop broncher et répondit par un assaut aux poings suivi d'une série de coups de pied tête / abdomen. Matt en esquiva certains mais dut en encaisser une bonne moitié.
De son côté, Ezeckiel avait autant de mal avec son adversaire, l'art de Bernard était surtout basé sur la défense et l'esquive des coups. Au début, Zek avait juste essayé de l'avoir par surprise notamment grâce à la couleur de ses yeux, mais son adversaire n'avait pas eu l'air perturbé plus que ça.
Pendant ce temps, Philippe gagnait du terrain sur Matthieu, les attaques du jeune homme passaient de moins en moins la défense de l'ancien soldat.
Alors que Matt réussit à bloquer deux attaques, il prit un double direct au menton qui l'envoya valser.
Il atterrit sur Bernard.
Profitant du déséquilibre de son adversaire, Zek s'approcha et lui attrapa la gorge de sa main droite. Matt, lui, se releva immédiatement et revint sur Philippe, des flammes dans les yeux. Il entra alors dans une danse de la mort mêlant coups de pied, de genou, de poing et autres membres. Il aperçut alors une ouverture dans la garde et en profita. Il lança sa main ouverte sous la pomme d'Adam de l'ancien bidasse. Le souffle coupé, il s'écroula de tout son long.
Zek n'avait toujours pas desserré son étreinte. Il approcha le visage de Bernard du sien et parla à voix basse :
« Dommage, t'as perdu. »
Il envoya une petite décharge électrique assommant le braqueur de banque. Il lâcha prise et le laissa tomber par terre.
Il regarda ses collègues et les aida à rassembler les trouble-fête en les attachant ensemble.
Matt prit son téléphone et appela ses collègues à l'extérieur, leur expliquant la situation.
Alors qu'il venait de raccrocher, l'électricité revint.
Le bourdonnement des ordinateurs et des néons se répercuta dans toute la pièce mais un autre bourdonnement, plus gros celui-là, se fit entendre à son tour.
Il ne comprit pas tout de suite ce que c'était.
Soudain, il écarquilla les yeux et se retourna vers Zek.
Tétanisé, ce dernier était auréolé de bleu, un arc électrique le reliant à l'ordinateur central.
Quand les plombs sautèrent, Ezeckiel s'effondra à son tour.

Drizzt

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