RetourAnimation Une histoire pour Noël : Alléluia
Comme tous les lundis, l'ascenseur menait Norah jusqu'au sixième étage. Rien ne bougeait dans le grand couloir. Les principaux occupants ne commençant leur journée qu'à neuf heures, elle en avait donc trois pour faire le ménage complet des bureaux.
Elle sortit de l'ascenseur en poussant son chariot. Sur le plateau supérieur, quelques produits nettoyants, des chiffons et trois paquets de lingettes parfumés. Sur le second plateau, les différents parfums demandés par les occupants de l'étage, le tout précédé par un grand sac poubelle.
Elle commença par le bureau du fond, celui du grand patron : Alfred Spoonam. Elle poussa la porte et entra dans la pièce. Celle-ci était recouverte de parquet, ce qui l'arrangeait fortement pour le nettoyage du sol.
Le cabinet était divisé en deux parties : à droite le bureau pour tout ce qui était dossiers, et à gauche, un petit salon pour recevoir les clients. Ce côté de la pièce n'avait de "petit" que le nom, un grand écran sur le mur, un bar en ébène et marbre constamment rempli ainsi que deux grand canapés en cuir noir, séparés par une table basse elle aussi en ébène et marbre.
Norah commençait toujours par ce bureau pour en sortir le plus rapidement possible. Voir tout cet étalage de fric l'écoeurait au plus haut point. Elle prit quelques pulvérisateurs pour nettoyer le bar et la table, passa un coup de chiffon sur les fauteuils et s'attaqua au bureau, pour une fois vide de tout dossier. Elle eut vite fait de passer un coup sur la table en bois. Elle vida le cendrier et le porte-encens avant de placer un nouveau cône. Elle finit en passant quelques anti-poussières.
Avant de sortir, elle alluma le cône d'encens et ferma la porte. Elle descendit le couloir et s'arrêta devant la première porte à droite.
Robert Jones était l'occupant de ce bureau et contrairement à son patron, il avait commencé à travailler tout en bas de l'échelle. Norah aimait bien monsieur Jones, c'était l'un des seuls qui avait conscience du travail fournit par les autres.
Elle ouvrit la porte et alluma la lumière. En regardant la pièce, la jeune femme afficha un petit sourire. Jones avait tout nettoyé vendredi soir avant de quitter l'immeuble. Il ne restait qu'un petit tas au milieu de la pièce, entre le coffre en bois, pour les dossiers, et le bureau en bois et métal.
Elle continua sa besogne par les bureaux de monsieur Délog et de madame Moran.
Le quatrième et dernier bureau, vide, attendait la venue d'un éventuel nouvel associé. Elle y passa quand même un petit coup rapide, on ne sait jamais.
Cela fini, elle revint vers l'ascenseur, il lui restait le cinquième étage à faire avant de ranger son chariot.
Alors qu'elle arrivait devant l'ascenseur, celui-ci s'ouvrit pour laisser sortir un homme. Plus grand qu'elle d'une tête, il était habillé d'un jeans sombre et d'une chemise aux reflets violets.
Leurs regards se croisèrent, mais Norah ne put le soutenir très longtemps. Il avait un oeil bleu clair et l'autre vert émeraude, ce qui donnait à celui qui le regardait dans les yeux une sorte de malaise.
« Bonjour ! », dit le jeune homme avec un grand sourire.
« B... Bonjour », réussit à articuler Norah.
« Le vigile en bas m'a laissé monter, j'ai rendez-vous avec maître Spoonam. »
« Vous êtes bien en avance, monsieur, monsieur Spoonam n'arrive pas le matin avant neuf heures. »
« Ce n'est pas grave, je vais l'attendre. »
Il fit quelques pas et se retourna.
« Au fait, je m'appelle Nicolas. »
« Norah. »
« Hmmm, joli. »
Le jeune homme s'inclina légèrement et repartit vers le bureau vide.
Norah quitta l'étage par l'ascenseur pour descendre à l'étage du dessous et finir son travail.
Elle quitta l'immeuble sur les coups de onze heures. Sur son scooter, elle passait de rue en rue. Elle arriva sur le petit parking de son HLM où elle gara son deux roues.
Depuis maintenant plus de trois ans, elle vivait dans son petit studio avec son chien Zapata. Depuis que son mari l'avait laissé là, elle naviguait entre petit boulot et galère.
Elle passa l'entrée qui servait entre autres d'urinoir à la plupart des clochard du quartier et Dieu sait qu'il y en avait quelques-uns, avant de monter les étages qui la menait à son logis, saluant au passage ses voisins de paliers.
Elle ouvrit les quatre verrous qui fermaient la porte et entra.
C'était un petit T1 dans la banlieue de la ville, pas très grand, mais ça lui suffisait pour l'utilité qu'elle en avait.
Elle avait presque tout perdu lors de son licenciement. Ce qui lui restait alors avait disparu avec son ancien mari et sa fille.
Elle passa dans la cuisine, ouvrit un placard et attrapa une conserve de raviolis. Une casserole pleine d'eau, la conserve dedans, elle se mit une assiette et les couverts puis attrapa l'unique photo de sa fille qu'elle avait conservée.
Elle la posa sur la table devant elle. Elle ouvrit le frigo, prit un morceau de pâté et une tranche de pain de mie qui lui servit d'entrée avant d'attaquer les raviolis. Elle finit avec un yaourt avant de partir se coucher une demi-heure sans oublier de donner ses croquettes à Zapata.
Le téléphone la réveilla. Elle décrocha et colla le combiné sur son oreille.
C'était Corinne, une amie du service d'entretien et sa responsable.
« Oui, je sais, je vais arriver vers 15 heures. Oui, à tout à l'heure. »
Elle raccrocha et passa dans la salle de bain.
Elle passa rapidement sous la douche avant de choisir dans son placard quelques vêtements de saison.
A l'extérieur, le thermomètre frisait le zéro. A chaque coin de rue, les guirlandes de Noël avaient, comme chaque année, repris leur place.
Elle prit des sous-vêtements chauds, un pantalon ainsi qu'un tee-shirt épais, puis un pull en laine. Elle revint dans la salle de bain pour s'habiller. Le miroir au-dessus du lavabo renvoyait le reflet d'une jeune femme approchant la trentaine à la peau légèrement hâlée et au physique quasi athlétique malgré quelques rondeurs ça et là. Ses cheveux, noirs comme la nuit, lui tombaient sur les épaules frisottant un peu n'importe comment.
Un léger coup d'air frais la fit s'activer pour s'habiller.
Dans la cuisine, un journaliste donnait les dernières nouvelles par l'intermédiaire d'une petite radio.
On était le 23 décembre et le jour du Père Noël se faisait de plus en plus présent dans l'air. Norah sortit de la salle de bain et éteignit la radio.
« La ferme ! »
Elle traversa la petite pièce qui servait de salon et jeta un coup d'oeil par la fenêtre. Même dans les rues d'à côté, les guirlandes se balançaient entre les lampadaires.
D'un coup sec, elle ferma le rideau.
Elle chaussa une paire de bottes, passa un blouson et prit la laisse de Zapata, ce qui réjouit ce dernier.
La laisse n'était là que pour descendre les escaliers, certaines mamies de l'immeuble n'aimaient pas les chiens. A l'extérieur, elle la retirait immédiatement, laissant son chien gambader librement.
A côté des immeubles, un petit parc accueillait quelques promeneurs et beaucoup de parties de foot des gamins du quartier, mais vu la période, l'espace vert était entièrement vide.
Elle s'assit sur un des derniers bancs existants et se laissa aller dans ses souvenirs, dont le plus beau était sa fille qui jouait avec son père et Zapata.
Elle les voyait courir à droite et à gauche, la petite robe à fleurs qui volait au vent et le soleil qui se posait délicatement sur sa peau.
Une larme perla au coin de ses yeux noisette.
Elle l'essuya du revers de la main et se releva. Elle siffla d'un coup sec.
Zapata se pointa immédiatement et s'assit en remuant la queue.
« Allez, lui fit-elle, il faut rentrer... »
Elle lui caressa la tête et lui remit la laisse.
Ils remontèrent lentement tous les deux. Dans l'escalier, elle croisa son voisin de palier qui la salua. Elle lui rendit son bonjour sans s'arrêter.
Arrivée dans son appartement, elle relâcha son chien, prit son sac à dos ainsi que les clés du scooter avant de redescendre.
Elle reprit son deux roues et partit en direction du centre ville. Elle revint dans l'immeuble où elle était ce matin. Elle stationna dans le parking souterrain.
Hormis le parking, le sous-sol servait aussi aux agents d'entretien et de réparations. Une grande pièce ainsi que deux réduits avaient été spécialement aménagés pour eux.
Le premier réduit était pour les agents d'entretiens, avec les trois chariots, ainsi que tous les produits de nettoyage dont ils avaient besoin et l'autre comprenait un grand établi avec une étagère à outils la plus complète possible.
La grande pièce, le local social, servait de salle de repos et de réunions.
Norah retrouva Corinne.
« J'ai un service à te demander. », fit Corinne.
« Oui ? »
« Est-ce que tu pourrais travailler demain et après-demain ? »
« Pardon ? Tu me demandes de travailler la veille et le jour de Noël ? »
« Euh... oui, mais je comprendrais que tu... »
« Ca marche, de toute façon, je n'avais rien de prévu. », la coupa Norah.
« Ah? Tu ne passes pas Noël dans ta famille ? »
« Famille ? Laquelle ? »
Corinne leva un sourcil et continua.
« Bien, donc tu commences à 8 heures demain. Tu feras juste les cinquième et sixième, après-demain pareil. »
« D'accord. »
Norah ouvrit son placard et mit ses vêtements de travail. Elle prit ensuite un chariot et les produits dont elle aurait besoin avant de prendre le grand ascenseur qui la mènerait au troisième étage.
Elle fit le ménage des trois étages restant.
A dix-huit heures, elle redescendit le chariot et se changea avant de revenir dans le parking prendre son scooter.
Elle sortait du local social qu'une voix l'interpella.
« Hey, mademoiselle, attendez »
« Quoi? ?, fit Norah en se retournant. J'ai pas vraiment le temps, là. »
« Ooh, vous me reconnaissez ? On s'est vus ce matin... »
« Oui, ... Nicolas. Qu'est-ce que vous voulez ? »
« Ne soyez si agressive, je ne suis pas méchant... »
« Si vous le dites... Alors ? »
« Hein? Ah oui, pardon. »
Nicolas s'éclaircit la voix.
« Je suis nouveau en ville, et je me demandais si vous connaissiez un hôtel ou quelque chose comme ça où je pourrais loger le temps de voir si mon job me plait et que je m'installe. »
« Vous ne pouviez pas demander ça à Spoonam ? »
« Je l'ai fait, mais il n'a su m'indiquer que des hôtels hors de prix. »
« Ah, et ça vous surprend de la part d'un avocat ? »
Nicolas eut un petit sourire.
« Je crois que vous ne m'aimez pas... »
« Ca n'a rien de personnel, mais non, je ne vous aime pas, comme je déteste presque tous ceux qui travaillent dans cet immeuble. »
« Pourquoi tant de rancoeur, c'est Noël... »
« Et parce que c'est Noël, je dois être enjouée et gentille avec tout le monde ? »
« Euh? »
« Ca tombe mal parce que j'aime pas Noël. »
Elle se retourna et partit vers son scooter. Elle mit ses gants et monta sur le deux roues.
Avant de mettre le casque, elle regarda le jeune homme qui n'avait pas bougé de place depuis le début de la conversation.
« Essayez le Paladin, c'est pas un palace, mais il a toujours des chambres de libre, dites à Roger que vous venez de ma part. »
Elle mit son casque et s'en alla.
Nicolas n'avait toujours pas bougé d'un iota.
« Wouaw, fit il, quelle acidité... »
Il partit en rigolant.
Elle entra dans son appartement et se déshabilla. En sous-vêtements, elle ralluma le poste radio et le posa sous le lavabo de la salle de bain.
Elle prit une douche rapide et sortit en peignoir. Elle prit un livre dans sa bibliothèque et, après s'être confectionnée un sandwich s'installa dans le fauteuil à côté du poêle.
La chaleur ajoutée à la fatigue physique la firent sombrer au pays des songes très rapidement.
Elle se baladait dans le parc en bas de chez elle. Elle avançait lentement sur l'herbe, pieds nus. Le soleil lui réchauffait la peau.
Elle arriva devant le même banc que celui où elle s'était assise le matin. Elle s'y assit de nouveau et attendit.
Elle sentit une présence derrière elle. Elle essaya de se tourner mais resta coincée dans sa position.
« Pourquoi tant de rancoeur ? », demanda la voix.
« Pourquoi n'ai-je plus rien ? », répondit la jeune femme.
« Veux-tu recommencer ? »
« Pour quoi faire, si c'est pour tout perdre ? »
« Qui te dit que tu perdras de nouveau ? »
« Qui me dit que je ne perdrai pas de nouveau ? »
« Mais qu'as-tu fait pour pouvoir recommencer ? »
« Qu'ai-je fait pour tout perdre ? »
« DRRRRRIIIIIINNNNNNGGGGG !!! »
Elle se leva en sursaut et en sueur.
Elle prit le combiné en grommelant.
« Quoi ?, fit-elle, ? merci. »
Elle se frotta le visage et bailla à s'en décrocher la mâchoire.
« Il faut que je m'achète un réveil, ça, c'est trop brutal pour moi. »
Elle fila dans la salle de bain.
Alors qu'elle se douchait, elle se remémora son rêve.
« Plutôt malsain comme rêve... enfin... »
Propre et habillée, elle descendit au parking et s'en alla rejoindre son travail.
Sur la route, elle s'arrêta à l'entrée du Pont Neuf. Une dizaine de piéton s'étaient arrêtés pour observer un accident sur le périphérique.
« Bande d'imbéciles », fit-elle furieusement.
Elle arriva cinq minutes avant le début de son service. Elle se changea en quatrième vitesse et, affublée de son éternel chariot, elle monta les six étages avec l'ascenseur.
Le ménage des bureaux ne se faisait vraiment que le lundi, le reste de la semaine, elle passait vite fait pour vider les poubelles, les cendriers et remettre de l'encens ou changer le parfum ...
Elle avança jusqu'au bureau de Spoonam et ouvrit la porte. Elle alluma la lumière puis jeta un coup d'oeil rapide dans le bureau. Elle n'avait pas grand chose à faire, juste changer le cône, et passer un coup sur la table basse.
Le tout fini, elle ouvrit les rideaux métalliques, faisant entrer les premières lueurs du jour. Elle sortit pour continuer avec les quatre autres quand elle aperçut une silhouette qu'elle connaissait maintenant.
« Bonjour Norah. », fit Nicolas.
« Bonjour. », baragouina-t-elle.
« Toujours de mauvaise humeur à ce que je vois. »
« C'est l'époque qui veut ça... »
« Pourquoi vous n'aimez pas Noël ? »
« Qu'est-ce que ça peut vous faire ? »
« Simple curiosité. »
« C'est un vilain défaut... et maintenant, laissez moi, j'ai cet étage à finir et le cinquième. Ensuite, cet après-midi, il faut que je fasse la révision du compresseur et du générateur de secours... »
« Ce n'est pas l'équipe de réparation qui le fait normalement ? »
« Je suis l'essentiel membre du service réparation. J'ai mon diplôme d'agent de maintenance en domotique entre autres... »
« Et vous ne tentez pas autre chose qu'agent d'entretien ? »
« Ca ne sert a rien d'essayer de grimper trop haut. Quand on reste en bas, on risque pas vraiment de se casser la gueule. »
« Qu'une personne quasi retraitée me dise ça, je comprendrais, mais vous... ? »
« Que savez-vous de moi ? »
« Rien ! »
« Exactement et c'est très bien comme ça... maintenant, pardon. »
Elle poussa le jeune homme sur le côté et entra dans le bureau de Jones.
« Alors racontez moi... »
Nicolas restait sur le pas de la porte et regardait la jeune femme d'un oeil pétillant.
« Vous lâchez jamais l'affaire vous... »
« Je suis passablement têtu, en effet. »
« Foutez moi la paix, j'ai du boulot. »
« Vous voulez la paix... Alors acceptez de dîner avec moi. »
Norah se passa les deux mains sur le visage.
« Tout ça pour ça, un simple rendez-vous. »
« Oui ! »
« On dirait un gamin... et après vous me lâchez, c'est d'accord ? »
« Je n'ai qu'une parole. »
Il leva les doigts, à la façon scoute.
« Je passe vous prendre à 20h tapantes. »
Elle ouvrit la bouche une première fois puis la referma.
« Vous savez où j'habite ? »
« Je suis médium. »
Elle croisa ses bras et pencha la tête à gauche, l'air exaspérée.
« Pardon, j'ai demandé à Corinne. », répondit Nicolas en se grattant l'arrière de la tête, l'air penaud.
« Ok, de toute façon, j'ai pas le choix si je veux pouvoir finir en paix... Va pour 20 heures. »
« YES !!!
« Mais maintenant, vous dégagez !! »
Le jeune homme s'éclipsa immédiatement.
« Y'en a qui savent pas quoi faire... », grommela-t-elle.
Elle continua sa journée tranquillement et malgré ce qu'elle voulait bien avouer, l'invitation lui avait fait plutôt plaisir.
De toute la journée elle ne revit pas le jeune homme. Elle n'avait certes pas passé plus de deux heures dans les couloirs de l'immeuble, mais ça lui semblait bizarre qu'il n'apparaisse plus ...
A 18h30, elle enfourcha de nouveau son destrier mécanique pour rentrer chez elle. Sur le chemin, elle s'arrêta sur le Grand Pont. En contrebas, elle aperçut le centre commercial encore bondé de monde.
« Faut vraiment être con... »
Elle redémarra.
Arrivée chez elle, elle ouvrit son placard et resta immobile.
Rien, elle n'avait rien à se mettre pour ce soir.
Il faut que je l'appelle... ce que je pourrais faire si j'avais son numéro...
Elle secoua la tête et fila sous la douche. Elle ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait, mais elle sentait qu'il ne fallait rater ce rendez vous.
Elle n'avait pas ressenti ça depuis sa rencontre avec Patrick. Cette pensée la renfrogna un peu.
Elle sortit de la douche et commençait se sécher quand quelqu'un sonna à la porte.
Zapata s'approcha de la porte et, après avoir reniflé, remua la queue
Elle regarda l'heure...
Ca ne pouvait pas être Nicolas, un mec en avance pour un rendez-vous ça n'existe pas.
« Vous êtes là ? », fit la voix derrière la porte.
Et merde, c'est lui.
« Euh je vous ouvre, mais attendez un peu avant d'entrer. »
Elle tourna le verrou et courut dans la salle de bain en criant:
« ENTREZ !! »
Elle entendit la porte s'ouvrir et se fermer.
La jeune femme ne savait que faire, elle tournait entre le lavabo et l'étendoir a serviette.
TOC TOC TOC
Elle s'immobilisa.
« J'ai quelque chose pour vous. Je vous le laisse devant la porte et je ferme les yeux. »
Elle l'entendit poser l'objet et s'en aller. Doucement, elle entrouvrit la porte et jeta un oeil.
Elle vit une grande boîte en carton. Elle la prit et ferma la porte.
Norah posa la boîte sur le sol et ouvrit le couvercle.
Ce qu'elle vit à l'intérieur la laissa interdite. Tout ce qui sortit de sa bouche fut un petit cri.
L'oreille tendue, Nicolas s'approcha légèrement de la porte.
« Je pense que la taille doit être la bonne. »
« Ca... ça m'en a tout l'air. », bredouilla-t-elle.
Une grande robe noire avec sous-vêtements et chaussures assortis, le tout accompagné d'un petit sac lui aussi noir.
Elle passa le tout d'une main tremblante et se coiffa. Les cheveux relevés dans une espèce de chignon déstructuré qui laissait passer quelques mèches tombantes le tout tenu avec deux baguettes chinoises noires.
Elle sortit et vit Nicolas se retourner, un léger sourire aux lèvres.
Il était habillé d'un pantalon et d'une chemise noire et d'une veste rouge sombre.
« Magnifique, quand je pense que ma mère dit que je n'ai pas de goût... »
Zapata, assis à côté de lui, aboya comme pour confirmer.
« Vous vivez chez vos parents ? »
« Mmmh, c'est plus compliqué que ça, mais ce n'est pas ma soirée, mais la vôtre. »
Il s'approcha d'elle et tendit son bras.
« Nous y allons ? »
Elle prit son bras et suivit son cavalier.
Après avoir dit bonne nuit à son chien, elle ferma la porte et descendit avec le jeune homme. Dans l'escalier, elle croisa de nouveau son voisin de palier.
« Joyeux Noël Norah, fit il, à vous aussi. »
Elle allait lui répondre comme à l'accoutumée, mais Nicolas lui pinça le bras.
« Oui, euh... merci, vous aussi, vous avez l'air enjoué ce soir... »
« Oui fit l'intéressé, ce soir je vais enfin pouvoir revoir ma fille, ça fait trois ans que je ne la vois qu'en photo. »
« Alors on ne vous retient pas. », fit Nicolas en se poussant.
Ils le laissèrent passer et continuèrent à descendre.
Arrivés en bas, Nicolas guida la jeune femme vers une voiture dont elle ne reconnaissait pas la marque.
A l'intérieur du véhicule, Norah commença à lui poser les questions qui lui trottaient dans la tête.
« Euh, vous ne fêtez pas l'occasion en famille ? »
« Et vous ? »
« Pourquoi le faire avec une inconnue ? »
« Pourquoi ne pas le faire avec vous ? »
« Mais ... »
« Il est trop tôt pour les questions. », la coupa-t-il.
Ils avancèrent dans la ville jusqu'à un immeuble de bureaux.
« Que fait on ici ? »
« Encore trop tôt... »
Devant tant de secrets, la jeune femme commença à s'inquiéter, peut-être qu'elle aurait dû refuser l'invitation.
Ils avancèrent jusqu'à la porte d'entrée.
Nicolas tapa trois fois sur la porte et recula d'un pas.
D'un coup, tout s'illumina, l'entrée, comme les guirlandes extérieures.
« Mademoiselle... », fit Nicolas en ouvrant la porte.
De moins en moins rassurée, elle avança.
« N'ayez pas peur... »
Il entra à son tour et se dirigea vers l'ascenseur qu'il appela.
Ils montèrent tous les deux jusqu'au dernier étage.
Quand les portes s'ouvrirent, Norah en resta interdite.
L'étage était entièrement vide de murs, des bougies fleurissaient partout dans la grande pièce. Hormis l'ascenseur, seule une table carrée avec chandelier se trouvait dans la salle.
Jamais la jeune femme n'avait vu pareille mise en scène.
« Le meilleur, c'est la vue. Un soir de Noël, c'est magique. »
« Mais bien sûr... », se renfrogna Norah.
« Vous avez vraiment un problème avec Noël. »
« Et qu'est ce que ça peut faire ? »
En réponse, Nicolas claqua dans les mains doucement.
La lumière se tamisa légèrement.
« Comment... ? »
« Chut, regardez... »
De cet étage, la ville semblait être une mer de lumières multicolores. Les différentes guirlandes, les lumières des voitures, les lampadaires, tout ça contribuait à donner vie à cet océan.
« Vous ne trouvez pas ça magnifique ? Qu'est ce que ça vous inspire ? »
« Ce que ça m'inspire ? »
Nicolas se tourna vers elle.
« Un amas d'imbéciles plus bêtes les uns que les autres qui font tout un fromage pour un jour de l'année comme un autre. Juste parce que c'est le jour de Noël, tout le monde s'embrasse et trouve que le monde est beau. Ils se rassemblent dans leur famille alors que la plupart ne peuvent pas se blairer et s'envoient sur les roses à longueur d'année, jalousant le petit d'untel qui a réussi son année ou qui a acheté une voiture, aidé des parents.
Tout un tas de faux sentiments qui tentent de faire croire que tout le monde est heureux. Ils se pressent pour faire les magasins pour offrir des cadeaux histoire de bien se faire voir. Ils offrent surtout dans un but, celui de recevoir. Et si untel n'a rien offert alors les quolibets pleuvent quand il a le dos tourné.
Qu'est ce que c'est Noël ? Le pire jour de l'année. »
Durant tout son monologue, Norah n'avait pas bougé le nez de sur la vitre. Une larme perla sur ses joues.
Elle renifla doucement et reprit d'une voie tremblante :
« Et malgré ce tas de bons sentiments, tout le monde reste immobile alors que mon mari et ma fille me quittent. »
Nicolas sortit un mouchoir de sa poche et le donna à sa compagne d'un soir.
« Quitter n'est pas vraiment le mot, n'est-ce pas ? »
D'un seul mouvement brusque, Norah se tourna vers le jeune homme, un air furieux dans les yeux.
« Le problème avec les gens, c'est qu'ils ne savent pas regarder. Une fois qu'un événement traumatisant les a blessé, ils se mettent une paire d'oeillères qui les empêche de voir bien loin... Vous m'accompagnez ? »
Nicolas se dirigea vers la table et ouvrit le champagne. Il en servit de coupe et en tendit une à la jeune demoiselle.
D'une main hésitante, elle saisit la flûte.
Nicolas leva la sienne.
« A vous... et à Noël. »
Le tintement des deux verres résonna dans la pièce.
D'un coup, les flammes des bougies s'illuminèrent d'une lumière aveuglante et englobèrent toute la pièce.
Ils se retrouvèrent au-dessus de la ville, flottant dans les airs. Quelques bougies les avaient accompagnés et dansaient librement autour du couple.
Norah restait la bouche ouverte sans émettre un son.
« Vous voyez, fit Nicolas, même si le raisonnement que vous avez émis tout à l'heure reste une réalité, il arrive, dans certain cas que mon père fasse appel à moi pour permettre à la magie de Noël de faire son office. »
Elle se tourna vers Nicolas mais fit un pas en arrière.
Il était maintenant habillé d'un costume blanc auréolé de rouge.
« Mes parents n'aiment pas qu'on arrête de croire en eux, même si ça reste très humain de ne pas croire en ce qu'on ne peut expliquer. Ils se contentent des enfants, c'est déjà pas mal. »
« Vous avez dit qu'on fait appel à vous, mais pourquoi ? »
« Ce qu'ils détestent, et surtout ma mère, c'est que toute une famille soit brisée le jour de Noël. Mais on ne peut pas souvent y remédier. C'est pour ça que mon père m'a donné la mission de permettre à certaines âmes, celles qui ne parviennent pas à guérir, de pouvoir retrouver une partie de ce qu'elles avaient perdu.
Ce jour-là, où ton âme s'est éteinte, reste le fruit d'une suite de coïncidences hasardeuses qui ont conduit à la mort de ton mari et de votre fille. »
Norah pleurait maintenant à chaudes larmes.
« Si tu pleures déjà, tu risques de ne pas supporter la suite. », lui fit-il en essuyant une larme.
Toujours au dessus du vide, Nicolas claqua de nouveau des mains et le monde s'arrêta.
« Tout à l'heure, continua-t-il, je t'ai dit que les humain se mettaient souvent des oeillères... Maintenant, ouvre les yeux. »
Ils se retrouvèrent dans son appartement.
La jeune femme se vit comme tous les matins partant pour le travail. Elle ouvrait la porte et descendait l'escalier.
Avec Nicolas, ils restèrent sur le palier.
« Que dois-je voir ? »
Le jeune homme ne dit mot et resta immobile, les yeux sur l'escalier.
Au-dessus des marches, une petite boule de lumière apparut.
Celle-ci flotta doucement jusqu'aux deux jeunes gens et s'arrêta devant la jeune femme.
Norah recula d'un pas.
« N'aie pas peur, touche-la. »
Elle la toucha et fut comme aspirée par la lueur.
Au loin, la voix de Nicolas résonna.
N'oublie pas, hasard et coïncidences...
La lumière était si forte qu'elle en avait fermé les yeux. Elle se sentait flotter dans les airs.
Le mouvement s'arrêta brusquement.
Elle ouvrit doucement les yeux.
Elle ne reconnut pas immédiatement le lieu où elle se trouvait, mais eut un haut le coeur quand sa mémoire la rattrapa.
Elle se trouvait dans son ancien appartement, un petit T3 où elle vivait au temps où son mariage était entier.
Elle entendit des voix dans la pièce voisine.
Elle reconnut les voix et se mit une main devant la bouche.
La porte de la pièce à côté s'ouvrit et laissa entrer une petite fille de cinq ans, suivie d'un homme grand et brun habillé d'un smoking parfaitement coupé.
« Oh, mais tu es déjà prête, jolie demoiselle. »
« O... Oui, Patrick... »
« La petite voulait boire du "Petit Champagne", mais je me suis aperçu qu'on l'avait oublié, on va aller faire un saut à l'épicerie de Akhim, il ne ferme pas avant 20h00. »
Hasard.....coïncidences...
« NON !!! », s'exclama Norah.
Son mari s'était arrêté net. Il regarda la jeune femme d'un air hébété.
« Pas...pas la peine, je me souviens que le voisin en avait trop commandé et m'en avait proposé, il suffit d'aller lui demander. »
Elle tentait vainement de sourire.
Patrick s'approcha un peu.
« Tu as les yeux rouges, tu as pleuré ? »
« Ce n'est rien, j'ai secoué le napperon que m'a offert ta mère et la poussière m'a piqué les yeux. Va voir le voisin,... s'il te plait. »
« Euh... Bien, si c'est lui qui te l'a proposé... »
Il quitta la pièce et sortit sur le palier.
A l'intérieur, Norah serrait sa fille dans ses bras.
« Qu'est ce qui t'arrive maman ? », fit-elle d'une petite voix
« Ce n'est rien ma Julie, maman est juste contente de te voir. »
La petite fille lui rendit son étreinte.
Elle entendit des voix dans l'entrée. Patrick revint avec une bouteille de "Petit Champagne".
« J'ai fait comme tu m'as dit et pour le remercier, je l'ai invité à boire une coupe avec nous. Au début, il ne voulait pas, mais j'ai un peu insisté et j'ai réussi à le persuader. »
« Ca me gène. », fit le voisin en entrant dans le salon décoré à l'occasion.
« Il ne faut pas, c'est Noël non ? »
« Bon... Bonsoir... », fit Norah d'une petite voix.
Nicolas avança dans la pièce passa sa main dans les cheveux de Julie.
« Voilà une jolie frimousse, joyeux Noël mademoiselle. »
« Joyeux Noël », lui répondit-elle.
Le bruit du bouchon de champagne résonna dans la pièce.
« Peut-être verrons-nous le Père Noël... », fit Patrick.
« Peut-être », répondit Nicolas en faisant un clin d'oeil à Norah.
Drizzt
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