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V/A - Amaterasu

V/A - Amaterasu : 2 Description

Amaterasu est le nom de la déesse du soleil du panthéon shintô japonais, héroïne d'un des plus fameux mythe de la mythologie de ce pays. Ceci explique le semblant de lien que l'on peut trouver entre tous ces morceaux, à savoir l'existence d'une thématique solaire. Cependant, le lien est tenu et le seul réel point commun entre tous les groupes présents se limite presque à l'appartenance à ce qu'on pourrait appeler l'underground nippon.
Car oui, contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent (enquête menée auprès d'un échantillon absolument pas représentatif de 3 personnes), la musique japonaise ne se limite pas à la J-pop, au visual rock ou à la musique traditionnelle. Le Japon est en effet une des scènes les plus actives et innovantes et ce dans de nombreux domaines musicaux (mais principalement dans toutes les incarnations de la noise, qu'elle soit à tendance rock ou plutôt électronique). C'est donc un panorama (certes loin d'être exhaustif car se concentrant principalement sur la scène acid-rock ou avant-psychedelic) de cette effervescence qui vous est présenté dans Amaterasu.

Les deux galettes qui composent cet album ont des colorations assez différentes.
Le premier disque est ainsi plutôt orienté vers des compositions assez abstraites et électroniques. On y trouvera donc :
1. Overhang Party : un vieux routier du rock psychédélique qui offre ici un morceau assez traditionnel de psychédélisme apaisé, aux guitares frôlant le drone.
2. Tsuyama Atsushi : il est lui aussi un incontournable : bassiste de Acid Mothers Temple, multi-instrumentiste chez Zoffy, membre de Omoide Hatoba et j'en passe. Généralement crédité en tant que cosmic jocker sur les albums d'Acid Mothers Temple, il mérite ici aussi son surnom en offrant un morceau assez étrange, empli de blips de synthétiseur, de guitares qui vont et viennent, de voix torturées et d'effets divers et variés. Bref, comme on peut s'en douter à la description, un morceau qui interpelle mais qui n'en est pas pour autant dénué de charme.
3. Iuchi Kengo : il présente un morceau à la structure globale très simple, superposition de motifs au synthétiseur produisant un effet assez hypnotique.
4. Itakura Mineko : chanteuse dans divers groupes à tendances rock (je suis d'accord que ça ne veut pas dire grand-chose), interprète ici une chanson d'inspiration folk qui contraste avec le reste du disque par son apparente simplicité et sa fraîcheur qu'on ne retrouve pas forcément dans les atmosphères plus sombres qu'offrent les autres morceaux.
5. Tabata Mitsuru : habituellement guitariste dans des groupes comme Zeni Geva ou plus récemment Acid Mothers Temple & The Cosmic Inferno, il délaisse ici la guitare au profit de l'électronique et crée un morceau assez répétitif. Même s'il est le seul à faire quasiment explicitement référence par son titre au mythe qui a servi à nommer l'album, on est loin d'y entendre la transe quasi dionysiaque qui avait dû être de mise pour attirer Amaterasu hors de sa cachette
6. Space Machine : aussi connu sous le nom de Masonna (pseudonyme qui est en fait un acronyme signifiant Mademoiselle Anne Sanglante Ou Notre Nymphomanie Auréole (sic)), il est plutôt associé à la scène harsh noise (mais est loin d'y être limité). Le morceau choisi ici s'éloigne de la noise pure et dure pour se rapprocher d'une musique minimaliste et répétitive qui rappelle assez fortement un chant d'oiseau, mais un oiseau martien dans un paysage extra-terrestre.
7. Nagai Seiji : membre historique des Taj Mahal Travelers, groupe phare de la musique improvisée japonaise des années 70 fondé par d'anciens membres de Fluxus. C'est un morceau assez bruitiste qui nous est présenté ici, les basses fréquences ronflantes se battant pour ne pas se laisser submerger par les vagues de sonorités aiguës qui fluent et refluent.
8. Kawabata Makoto : il est principalement connu comme étant le "leader" de l'Acid Mothers Temple "soul collective", abbaye de Thélème moderne, sorte de communauté surtout célèbre pour abriter en son sein le groupe Acid Mothers Temple. S'il est surtout célèbre pour être un "speed guru", il interprète ici un morceau contemplatif comme il en produit régulièrement sur ses albums solos, décrivant à l'aide de sa guitare et de quelques effets un paysage fantomatique.

Le second disque est lui plus orienté vers le rock mais la sélection reste tout de même relativement éclectique :
1. Kuriyama Jun : il commence avec un morceau très inspiré par l'esthétique psychédélique des années 70. Sur une rythmique simpliste et immuable, une guitare à la reverb poussée au maximum vient se poser accompagnée d'une voix elle aussi filtrée pour offrir une chanson noire mais doucereuse qui reste longtemps en bouche.
2. Miminokoto : on revient plus dans l'esthétique garage avec un morceau de facture assez classique. Le trio guitare, basse, batterie produit sans doute le morceau le plus ouvertement "rock'n roll" de l'album mais le fait d'une excellente manière, là encore inspirée par la scène psychédélique notamment dans les soli.
3. Totsuzen Danball : le groupe continue dans la veine rock mais quitte l'esprit garage et le son volontairement sale pour une esthétique plus volontiers artistique. Mêlant guitare, basse, effets électroniques et voix, le morceau oscille constamment entre pop et musique plus "expérimentale" pour offrir un résultat assez surprenant.
4. Itakura Mineko : elle revient avec un second morceau dans la même veine que le précédent. Son approche apaisée est cependant bien utile comme pause avant les deux morceaux suivants.
5. Mukai Chie : autre figure de l'underground mais qui évolue dans une approche beaucoup plus primitive voire primitiviste. Le morceau présenté ici ressemble plus à un antique rituel chamanique ou à de la musique traditionnelle d'Asie centrale qu'au rock psychédélique qu'on trouve par ailleurs sur le disque. L'instrumentation se limite à un er-hu (instrument ancien japonais, sorte de luth à deux cordes frottées) et à la voix, les deux formant un ensemble torturé et grinçant. On frôle constamment l'incantation pour ce morceau envoûtant mais qui pourra demander à certaines personnes une certaine maîtrise de leurs nerfs.
6. Urabe Masayoshi : comme Mukai Chie, il apparaît un peu déplacé au sein du disque. On est en effet en présence, comme le nom du morceau l'indique, d'un pur morceau d'improvisation libre, peuplé de raclements, souffles, cris et silences. Il s'y oppose aussi dans sa démarche intellectuelle qui peut s'expliquer par la dualité interne à la scène psychédélique japonaise. Une partie de cette scène en a une approche conforme à l'image que l'on se fait généralement de ce terme, formée à la suite du mouvement originel américain des années 70, et a donc, pour caricaturer de manière très grossière, un comportement assez proche de certains mouvements new-age. Un exemple d'un musicien proche de cette sensibilité présent sur ce disque pourrait être Kawabata Makoto. Pour lui, la musique qu'il joue est un moyen d'accéder aux "principes cosmiques" qui fondent l'univers. Au contraire, une autre frange, dont fait partie Urabe Masayoshi, se détache complètement de cette optique et s'y oppose fermement. Pour citer Michel Henritzi qui formule tout ça mieux que moi, ce morceau d'Urabe est un "[m]agnifique trou noir qui aspire dans sa force centrifuge la béatitude hippie de certains. Au soleil correspond la lune et les astres noires, Chie Mukai et [Urabe Masayoshi] sont de ceux-là".
7. Miyamoto Naoaki : il propose un morceau de guitare tout en feedback qui évoque toute une palette d'instruments variés. Un morceau assez intriguant au final.
8. Kousokuya : un des groupes de Kaneko Jutok, pilier de cette scène japonaise, qui nous présente un morceau de rock psychédélique lancinant, chaotique et déstructuré, la voix plaintive qui s'élève, les instruments (guitare, basse et batterie) qui évoluent en parallèle, se rapprochant et s'éloignant sans cesse (oui, ça n'est pas très parallèle tout ça...) en font un bon exemple du noise rock à la japonaise qu'on peut retrouver chez des artistes comme Haino Keiji pour citer un nom "connu".

Manu_fred

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