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Contes Spalliens : Chapitre 53 - L'antre

Après une petite demi-heure de marche prudente, Atzla et le dragon finirent par arriver dans l'antre de celui-ci. La première chose qui frappa la fillette, ce fut la blancheur et la lumière de l'endroit.
Elle s'était attendue à une caverne sèche, sombre ou éclairée par un quelconque dispositif magique, voire de la lave comme dans le plus éculé des clichés. Au lieu de ça, l'endroit était vaste, lumineux, propre et reposant.
Le tunnel qu'ils avaient emprunté débouchait au milieu d'une grande paroi naturelle presque verticale, dans un marbre ivoirien, d'un blanc presque pur. En face, à une centaine de mètres, s'élevait une autre paroi verticale, quasiment parallèle à la première, dans un calcaire qui semblait avoir été poli. Le sol, horizontal, était lui aussi blanc et avait, par endroits, été dallé, à d'autres taillé, et au final constituait une esplanade à faire pâlir d'envie l'architecte le plus méticuleux.
A l'une des extrémités de la faille constituée par les deux parois rocheuses, le sol remontait brusquement, tout en restant lisse et sans marquer d'angle, formant un titanesque toboggan qui s'achevait près du plafond par ce qui semblait être l'entrée principale.
De l'autre côté, l'esplanade s'achevait sur une estrade d'environ 10 mètres de haut, qui délimitait un grand carré de 100 mètres de côté, bouché par un impressionnant mur de glace. A l'opposé des autres parois, celui-ci paraissait avoir été laissé dans un état naturel et montrait une rugosité chaotique qui, elle aussi, remontait jusqu'au plafond, au moins 200 mètres plus haut.

Le plafond... C'était certainement le plus surprenant. Au premier abord, il avait paru à Atzla qu'il n'y en avait pas, le ciel bleu azur apparaissait clairement entre les deux parois rocheuses et la lumière rentrait à plein, se réfléchissant sur les parois. Puis, en regardant attentivement, on distinguait des reflet, des impuretés, des dépôts de neige, qui laissaient deviner une paroi de glace d'une dizaine de mètres d'épaisseur presque parfaitement transparente, sur toute la surface de la faille, qui était longue de plus d'un kilomètre.

En se rapprochant de l'estrade, seul point d'attention dans cette immensité, Atzla repéra d'autres détails, plus difficilement visibles. Ainsi, des passages, tous de taille humaine, s'ouvraient irrégulièrement dans les parois, certains fermés par de lourdes portes de glace ou de pierre. Dans le sol, apparemment au hasard, des fentes d'aération s'ouvraient, laissant rentrer un air chaud, sans doute prélevé dans les vallées situées si loin en contrebas. D'autres failles laissaient descendre l'air froid, et au final, bien que négative, la température était beaucoup plus agréable qu'à l'extérieur.

Mais sa plus grande surprise, elle l'eut quand elle ne fut plus qu'à une centaine de mètres de l'estrade. Tout à coup, presque invisible jusque-là, masquée par la couleur uniforme et l'absence de repères, une fosse apparut dans le sol, barrant toute la largeur de la faille. Si elle ne présentait guère de danger pour quelqu'un se déplaçant au pas, elle aurait facilement pu être fatale à un coureur, le sol lisse étant presque glissant. Aucun pont ou passerelle ne permettait de la franchir et elle représentait un ouvrage de défense aussi simple qu'efficace. La jeune fille fut presque déçue de ne voir aucun cadavre au fond. Comme tout le reste, la fosse était propre, vierge de toute trace de passage.

De l'autre côté de la fosse, l'estrade était accessible par un escalier monumental, montant doucement vers le saint des saints de l'antre. En haut, soigneusement rangés sur les bords, toutes sortes d'objets semblaient attendre que l'on se serve d'eux : armes et armures, outils d'artisans, draperies, miroirs, livres, coffres, meubles, statues... Leur particularité commune était leur exceptionnelle qualité et le soin avec lequel on les avait rangés.
Ils délimitaient un vaste espace circulaire régulier, juste suffisant pour permettre à dragon de très grande taille de dormir. Mais au fond, contre le mur, un passage s'ouvrait, donnant accès à un cercueil de glace dans lequel semblait dormir une demi-elfe, l'air serein, mais dont les traits laissaient deviner le grand âge qu'elle avait atteint.
Devant le cercueil, sur un piédestal, une boîte à violon semblait elle aussi dormir, dans l'attente qu'on l'ouvre à nouveau.

Alors, se retournant vers l'autre bout de la salle, regardant par-dessus le bord de l'estrade, par-dessus la fosse, contemplant la vaste esplanade vide, Atzla perçut pour la première fois les antiques échos de Musique.

Dvorak

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