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Neige Rouge : 8 Renaissance

Un avion cargo au-dessus de la Roumanie, loin de toute civilisation.

Le soleil devait brillé très largement au-dessus de la couche des nuages noirs qui défilaient à grande vitesse autour de l'avion. Mais Shaad avait du mal à imaginer un avenir brillant. Ils avaient aidé Rose à subir la transformation, ça avait été bien plus facile pour elle que pour Sean. Mais il avait malheureusement compris bien des choses en voyant encore une fois le changement opéré.

Ils n'étaient plus humain. Il n'était pas compliqué de comprendre qu'ils n'étaient pas non plus identiques aux autres gamins qui gisaient autour d'eux. Plusieurs étaient déjà à l'article de la mort, les autres ne valaient pas beaucoup mieux. Il n'y avait qu'eux qui étaient vivants, éveillés et qui avaient été modifiés. Shaad comprenait aussi que si l'un des médecins avait réalisé ça sur eux, il y en aurait certainement d'autres pour se demander comment il avait fait.

Il regarda autour de lui. Anya, Danté et les autres étaient assoupis sous des couvertures ou des bâches, comme s'ils cherchaient à se protéger de la lumière. La caisse était calme et silencieuse. L'esprit puissant qui se trouvaient à l'intérieur était comme mort, mais Shaad savait parfaitement que ce n'était que temporaire. Pourtant l'avion continuait sa route vers un endroit qui restait secret.

« On descend. », murmura Sean à son oreille.

Ils se regardèrent. En effet, l'avion penchait maintenant vers le sol. La luminosité de l'extérieur avait encore baissé et il semblait que l'environnement devenait encore plus lourd. Tout ceci n'était pas naturel, ils l'auraient parié.

Rose regardait, le nez collé au hublot, un sol incertain qui s'approchait à une vitesse de plus en plus grande à chaque seconde. Elle tourna la tête vers les garçons.

« On va s'écraser, si on continue comme ça. », dit-elle sans la moindre émotion, comme si ça n'avait pas la moindre importance.

Les garçons s'approchèrent. Leurs yeux se fixèrent sur une bâtisse entourée de brouillard qui se découpait maintenant dans le lointain. Elle était lugubre, bien plus encore en raison de cette atmosphère oppressante qui se dégageait de l'intérieur du cargo, comme si tout attendait une chose horrible qui devait arriver.

« Vous devriez vous allonger et vous tenir fermement. », murmura la voix de Danté, « Ca va secouer. »

L'avion redressa brusquement. Quelques secondes plus tard, il y eut un contact brutal. Étrangement, l'avion sembla glisser, d'abord vers la droite, puis vers la gauche en un grand arc de cercle. Il fallut encore quelques secondes pour que le cargo s'immobilise finalement.

« Nous allons encore attendre quelques heures que le soleil soit totalement couché derrière les montagnes. Vous pourrez alors faire connaissance avec notre père. », dit finalement Danté.

*
* *

Asheley tapotait nerveusement le bureau de chêne derrière lequel elle était installée. Le combiné contre son oreille commençait à se faire lourd. Elle commençait à croire que les instances supérieures ne comprenaient pas les implications de ce qu'elle venait de leur faire parvenir.
Finalement, le combiné émit un clic qui indiquait que l'on venait de basculer la ligne vers un autre poste. Elle se permit de soupirer.

« ASV, Père Segreto, à ton service. », répondit une petite voix discrète.

« J'ai peur que l'on ne se soit trompé de poste, mon Père, », répondit Asheley, « je souhaitais m'entretenir avec un poste particulier de l'Opus Inquitorum. »

« Tu es au bon endroit, ma Soeur. », répondit la voix discrète, « Nous venons de prendre connaissance des informations. Nous avons dû te faire attendre pour en discuter avec nos supérieurs. »

Elle fit silence et attendit. Réunir les pontes de Archivus Secretum Vaticanum n'était pas chose aisée, et elle pouvait se satisfaire du fait qu'elle avait clairement été comprise.

« Tes données sont terrifiantes, ma Soeur, », poursuivit la voix, « Sais-tu si Danté est encore en vie ? »

« J'en ai la preuve, mon Père, j'ai aussi la preuve qu'il est venu ici pour nettoyer les erreurs de Snow. »

« J'ai peur que vous vous fourvoyez, ma Soeur.  Nous savons qu'il cherchait à réparer les dégâts même si nous ne sommes pas persuadés qu'il y avait encore quelque chose à réparer. »

« Ce n'est pas le caractère de Danté, par ailleurs, quelques indices indiquent que le Maître était parmi eux. », ajouta Asheley avec un peu plus de ferveur.

« Nous savons que tu as eu des démêlés directs avec Danté. J'ai comme l'impression que tu n'es plus très objective, Soeur Asheley. », répondit la voix sur le même ton qui dénotait avec les mots.

« Ce sont des créatures de la nuit, je ne vois pas quelle forme d'objectivité, et de pardon je devrais avoir envers eux. », répondit Asheley avec agressivité.

« Les enfants sont des victimes, à qui nous devons aide et assistance, ma Soeur. », répondit la voix, « C'est ta mission à partir de maintenant. Tu dois retourner à Washington rapidement, deux médecins t'y retrouveront. Tu devrais aussi avoir pour partenaire Astings, les pourparlers ont déjà commencé avec le gouvernement américain. »

Lorsqu'elle reposa le combiné sur son socle, elle se demandait encore ce qu'il venait d'arriver. Ou ses supérieurs n'avaient rien compris à l'importance des informations qu'elle venait de leurs transmettre, soit, et c'était nettement plus probable, ils lui cachaient la vérité. Mais pour quelle raison ?

Asheley se tourna vers le miroir. Elle se demanda un court instant pourquoi elle faisait ça. Était-ce réllement ce que le Père avait suggéré ? Était-elle si impliquée dans la chasse ? Voulait-elle seulement se venger de Danté ?

Elle décida qu'elle avait surtout pour objectif de sauver les enfants.

*
* *

Rome, quelque part dans les profondeurs du Vatican

« Vous avez signalé que le Maître s'était déplacé, Rosario ! Le Maître ne se déplace jamais. Il ne sort pas de son château. Sous aucun prétexte ! C'est immuable, depuis qu'il est venu au monde en tant de créature du néant, en 1448... Il n'a jamais quitté les terres de sa patrie. »

La pièce était grande, spacieuse et aérée, même si elle était enterrée profondément. Les murs étaient couverts de bibliothèques en chêne, couvertes elles-mêmes de dizaines de tomes anciens qui laissaient dans l'air une odeur d'ancien.
Derrière l'immense bureau, était installé celui qui portait aujourd'hui le nom et la charge de Saint Michel. Il portait un costume assez standard, de soie blanche aux liserés d'or. Il avait les yeux fixés sur le rapport qu'il venait de recevoir de la main du Père Ségreto, quelques minutes plus tôt. Ségreto s'emportait devant l'incroyable négligence de Rosario, l'autre pontife présent, qui devait prendre la décision d'envoyer la milice, selon les règles de l'Opus.

« Cela suffit. », dit brusquement Michel d'une voix calme et égale, « Je ne supporterai pas vos affrontements dans mon sanctuaire. »

Les deux pontifes baissèrent les yeux comme des enfants pris en faute.

« Je t'accorde que c'est plus qu'inhabituel, Ségreto, mais d'après l'affaire qui nous occupe, rien n'est normal. », commença-t-il comme pour les convier à sa réflexion, « Dans ce que je comprends des expériences du docteur Snow, il a approché les pouvoirs de Dieu de bien trop près. Il a mis en danger la vie et l'âme d'Innocents en leur insufflant un peu de l'ombre qui coule dans les veines des Damnés. C'est inadmissible. Mais il me semble que nous ne devrions pas répondre aussi brusquement que tu le suggères. Après tout, les temps ont changé et il me semble que les enfants ne sont pas encore dans leur camp. J'ai même l'impression que cela ressemblait à une forme de recherche de la rédemption, au moins pour certains d'entre eux. Après tout, le très Saint nous enseigne qu'il faut pardonner, même à nos ennemis et qu'il faut les aider à trouver la paix. »

Il y eut un silence.

« Je me déplacerai moi-même pour rencontrer le Maître. J'ai besoin d'une voiture rapide et d'une personne en particulier. », conclut-il.

Il prit une feuille d'un doux vélin qui lui servait généralement à rédiger des ordres de mission, il y inscrivit quelques lignes à la plume qu'il prit dans l'encrier sur le bureau, et il le remit à Ségreto. Celui-ci jeta un oeil sur les lettres tracées d'une main sûre. Il eut une réaction de surprise excessive qui aurait certainement pu lui coûter très cher si cela n'avait pas aussi choqué Rosario. Il semblait que Michel attendait une réaction, en particulier une opposition à sa décision, mais Ségreto se ravisa au dernier moment.

« Faites-moi une dernière faveur, Ségreto. Ne prévenez pas la Soeur de l'Opus en charge de la mission de ma décision. »

« Il en sera fait comme vous le souhaitez, mon Seigneur. », murmura Ségreto.

Nehwon

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