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Commencement... : Partie 1 - Chaos

Ravel tentait de rester calme alors que les cris provenant de l'extérieur du placard dans lequel il avait élu domicile le faisait grincer des dents. Les humains étaient devenus fous depuis le jour de l'Eveil, et ce n'était pas la première fois qu'un monstre était pris dans un acte de ce type.
D'après ce qu'il avait compris, les humains qui se trouvaient à l'extérieur du placard, dans la maison étaient de deux types : les occupants normaux, une gentille famille, un père, une mère et deux enfants, une petite fille de 6 ou 7 ans et un garçon de 13 ou 14, et les autres, une escouade de malades mentaux qui se battait pour la pureté de la race. Ravel regardait par les interstices laissés par les lattes de la porte de bois qui fermait le dressing, le garçon et sa sœur venaient d'entrer.
Lui, il était juste là pour faire peur à la plus jeune, rien de plus. Elle se serait réveillée le lendemain en pensant que c'était un cauchemar, il était devenu bon à ce petit jeux. Mais, il s'était encore trouvé au mauvais moment au mauvais endroit. C'était certainement une manie.
Ils étaient maintenant cachés derrière le lit, à l'opposé de la porte. Ils étaient couverts de sang, ce qui laissa penser à Ravel que les parents ne s'en étaient malheureusement pas sortis. Non seulement il n'avait plus aucune chance de faire peur à la fillette, mais en plus il avait une envie irrépressible de laisser aller ses instincts de massacreur. Ne pensez pas qu'il nourrissait le désir d'abattre les deux enfants, ce n'était pas sur eux qu'il souhaitait mettre les points sur les i, mais bien sur les membres du commando.
Sean lui avait toujours demandé de rester tranquille et de ne pas tuer d'humain, mais depuis la mort de Rham, il s'en voulait particulièrement. Il n'avait pas été capable d'être suffisamment effrayant pour que le frère de Liam reste en vie. Il ne se le pardonnerait jamais. Et cette situation était si proche. S'il laissait les miliciens faire, alors il serait encore plus coupable qu'il ne l'était maintenant. Il devrait encore faire face aux cris dans ses rêves. Et ça, il ne le souhaitait pour rien au monde.
Ces trois dernières années, la planète était devenue folle, comme si l'Eveil avait fait plus que de rendre au monde la pointe de magie qui l'avait quitté lors de l'avènement de la Raison. Mais ça avait aussi exacerbé les peurs et les haines. Il y avait ceux qui respectaient les incroyables pouvoirs de la nature et qui comprenaient qu'ils seraient toujours incapables d'expliquer ce qui venait de se passer. Il y avait ceux qui se disaient encore et toujours qu'il devait y avoir une explication rationnelle à ce chaos. Et finalement, il y avait ceux qui luttaient de toutes leurs forces contre l'ordre nouveau sans comprendre qu'ils n'avaient aucun moyen de faire redevenir les choses comme elles étaient avant l'Halloween fatidique.
Les sbires de « la protection de l'humanité » faisaient définitivement partie de la troisième faction, complètement à côté des réalités, mais nettement plus violente et incontrôlable que les autres.
Il entendit des pas, les miliciens cherchaient les enfants. Ils avaient tous les deux les yeux violets, la preuve qu'ils étaient des ésos.

« Et mer... credi, j'vais quand même pas les regarder mourir... », murmura-t-il entre ses dents, « Désolé, Sean, j'peux pas. »

L'un des hommes du groupe entra dans la pièce. Il portait un treillis, un béret d'un groupe d'intervention quelconque, peut-être même le symbole propre à leur rassemblement de cinglés, des paraboots, et une armurerie digne d'un soldat de première ligne. Il eut un sourire carnassier en voyant les cibles qu'il cherchait.

« Et bien... Je crois que c'est la fin. », dit-il en fermant la porte pour profiter seul de l'exécution de ses dernières victimes.

Il leva son arme.
Ravel prit une inspiration et sortit de son placard comme un diable de sa boîte. Il asséna un coup au militaire, l'envoyant valser à travers la porte fermée. Il s'encastra dans le mur en plâtre. Ravel avait bien changé en trois ans, ce n'était plus le garçon-monstre de sa rencontre avec Sean. Le milicien s'affala comme un sac sur le sol. Il l'avait sonné, peut-être même tué mais c'était son dernier souci. Il se tourna vers les enfants.

« Il faut partir d'ici. », dit-il ses yeux jaunes luisant, « Les autres seront là dans une minute. »

« Qui... Qui êtes-vous ? », demanda le garçon.

« Votre monstre personnel. J'expliquerai quand ce sera le moment, si tu veux bien. », répondit-il.

Il traversa la pièce en bougeant plus vite que l'œil, il n'avait pas de temps à perdre, il devait les faire sortir d'ici au plus vite. Il attrapa la petite fille, il la regarda quelques secondes alors qu'elle était dans ses bras, puis il saisit le garçon par la taille.

« Je vous fais peur ? », demanda-t-il.

Les deux enfants répondirent affirmativement.

« Je vais aussi vous faire crier. », ajouta-t-il satisfait.

Il traversa la fenêtre du second étage avec la fillette sous un bras et le garçon sous l'autre.

*
* *

Ils avaient crié, c'est vrai. Mais c'était plus à cause de la hauteur qu'à cause de lui. Il s'en fichait maintenant qu'il avait son diplôme, mais il se souvenait de Sean lui disant qu'il n'y avait pas de classement pour les monstres redresseurs de torts.

« Peut-être devrais-je en commencer un. », marmonna-t-il entre ses dents.

Sur la banquette arrière de la voiture qu'il venait de voler, la fillette dormait dans une position qui indiquait qu'elle aurait besoin d'un bon nombre d'années de thérapie pour faire disparaitre le traumatisme. Le garçon, installé sur le siège passager n'était certainement pas mieux dans sa peau.
Ravel avait retiré son déguisement de monstre-à-faire-peur qu'il ne trouvait plus très adapté à la situation, il regardait les maisons défiler à grande vitesse autour de lui. La Ford conduisait toute seule après qu'il lui a passé un petit peu de son pouvoir de monstre.

« Ça va ? », demanda-t-il doucement au garçon.

« Je ne crois pas. », répondit celui-ci sans sarcasme, « Je ne sais pas. Mes parents sont vraiment morts, n'est-ce pas ? »

« Franchement, j'sais pas. Mais vu le type de personnages, je crains que oui. », répondit Ravel, le plus compatissant possible.

« Et vous êtes un monstre, un vrai ? », demanda encore le gamin.

« Heu... Il me semble que c'est la meilleure description, en effet. », répondit Ravel.

« Avant, j'aurais dit qu'il fallait vous faire soigner, mais maintenant, je ne sais plus non plus. », dit-il, « Quand j'étais petit, j'ai fait un coma, pendant presque trois semaines. Ils ont appelé ça l'Eveil, à l'hôpital. Il paraît que je ne suis pas normal. »

« Qu'est-ce que ça peut faire, ce qu'ils en disent à l'hôpital ? », demanda Ravel, « Tu trouveras toujours quelqu'un pour qui tu seras normal. »

Le gamin se tourna vers le monstre, le fixa quelques instants en évitant ses yeux oranges, puis reposa son regard sur les maisons qui défilaient dans la rue à peine éclairée.

« Je ne connais personne qui soit comme moi, à part Clarisse, ma sœur. », dit-il, « Je crois que je fais même peur à mes camarades de classe. »

« Je connais des gens qui pourront t'aider. », dit Ravel doucement, « Nous y allons, tu les rencontreras bientôt. »

Nehwon

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