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L'examen de la citrouille : Sean

Sean


1.

Les flammes de la citrouille s'étaient éteintes depuis quelques heures déjà, mais bizarrement, Sean avait beaucoup de mal à fermer l'œil. Au début, il avait vraiment eu envie de désobéir à Maman. Les sucreries qui étaient restées sur la table de la salle à manger étaient très attirantes, surtout pour un petit garçon terrifiant comme lui. Il n'avait eu le droit que d'en manger deux, il en restait plein, la chasse avait été bonne en fait... Il regardait simplement la porte, mais maintenant ce n'était plus réellement la même raison qui le poussait à la fixer. Il respirait doucement tentant de cacher le bruit de sa respiration, les draps remontés jusque sur sa tête. Il ne voulait pas qu'il le surprenne. Il voulait le voir arriver, même si la peur le gelait à l'intérieur.
Dehors, le parquet grinçait. Ces vieux morceaux de bois qui couvraient la maison de Grand-Mère avait toujours fait du bruit, particulièrement quand il pleuvait. Il y avait aussi le vent qui soufflait dans les branches du vieux chêne, au dehors. Elles crissaient en frottant contre les tuiles du toit. A moins que...

Quelque chose frappa contre la vitre de sa fenêtre-guillotine... Clac... Clac... Clac-clac encore... Il n'osa pas se retourner... Ses jambes tremblaient, froides de terreur. La lune n'éclairait pas assez, ou plutôt non, elle éclairait juste assez pour projeter des ombres terrifiantes sur le sol... Mais était-ce bien la lune ? Clac, clac-clac... Le bruit devint simplement assourdissant, et la lune s'éteignit. Sean avait encore plus peur de son beau-père que des bruits qui provenaient de cet environnement étrange, Grand-Mère ne manquerait pas de le lui dire, même si elle ne le voulait pas vraiment... Cette pensée le fit frissonner, plus fort que la peur. Il serra les dents.

« Tu es un petit garçon bien étrange. », dit une voix assez basse dans la pièce, au pied de son lit.

Sean fit un bond, mais la pensée qu'il allait devenir une "mauviette" et que son beau-père lui en voudrait, le figea sur place.

« Généralement, », reprit la voix, « quand je parle après être rentré dans la chambre d'un petit garçon, il hurle comme si la mort était à ses trousses. »

La voix étrange avait comme des accents de regret.

« Mais pas toi... », dit-elle encore, songeuse, « Pourquoi pas toi ? »

Sean n'osait plus bouger, c'était crier et subir les sarcasmes et les punitions de son beau-père ou rester là, terrifié, à écouter la voix.

« Tu as peur, je le sais, je le sens. », dit-elle en reniflant, « Alors pourquoi ne cries-tu pas ? »

Elle semblait presque suppliante.

« Et en plus, il pleut... », dit-elle.

Sean entendit quelque chose crisser sur le parquet... Il serra les dents.

« Regardez-moi ça, je vais rater mon examen et en plus, je vais me prendre la saucée. »

Elle se déplaça, elle se trouvait tout près de Sean... Il releva la tête pour se retrouver en face de deux yeux rouges luisants... Il eut pour premier reflexe de vouloir se débattre et crier, mais il se mordit la lèvre.

La voix, et les yeux qui allaient avec, s'installa dans le fauteuil à bascule qui se trouvait en face du lit de Sean, et posa la tête sur ses mains griffues.

« Je fais quoi maintenant ? », questionna-elle, « Ce n'est pas dans le manuel, ça... Normalement avec les yeux rouges, tous les enfants hurlent à en mourir... »

La lune refit son apparition.

Ce qui se trouvait sur la chaise avait une forme de garçon, étrange, aux yeux orange, à la tignasse hirsute et au visage malicieux. Sean trouva qu'il n'avait pas vraiment les caractéristiques d'un "monstre à faire peur". Il repoussa les draps loin de lui et il s'assit sur le rebord de son lit.

« Tu es qui ? », dit-il d'abord timidement.

« Ravel... », répondit la voix, « Mais cet accent me fatigue... »

Il soupira violemment et se laissa aller dans la chaise à bascule.

« Ils m'avaient dit qu'il ne fallait pas venir dans cette maison, parce qu'il n'y avait personne à effrayer. Mais tous les autres garçons étaient occupés, alors je n'avais pas vraiment le choix. Il ne restait que toi ou une vilaine fillette, celle qui habite au bout de la rue. Celle avec son vilain petit caniche. », dit Ravel alors que sa grosse voix se dégonflait comme une baudruche, « J'aurais dû choisir le caniche... »

« Pourquoi ils t'avaient conseillé de pas venir ici ? », dit Sean, « Et... heu... pourquoi tu veux faire peur à quelqu'un ? »

« Ben, c'est Halloween aujourd'hui... », répondit Ravel penaud, « C'est le jour des examens... et c'est le meilleur de la classe qui ne va pas l'avoir parce que tu n'auras pas crié. »

« Je peux pas... », s'excusa Sean, « Je suis désolé. »

Ravel le regarda, assez gêné. Il se leva et s'approcha.

« Je pourrais... hum... te menacer de te couper en morceau... », dit-il et il sortit de la poche de son jean slim dernière mode un long couteau de boucher couvert de sang.

« Heu... ça ne rentre pas là dedans, ça... », contra Sean, « C'est pas possible... »

« Non, non, attends... Je te menace là... Tu ne peux pas me dire que c'est pas possible, c'est pas dans les réponses envisagées dans le manuel, ça... », dit Ravel en levant le couteau au ciel.

« Tu peux pas m'assassiner avec un couteau qui ne tient pas dans ta poche, c'est pas possible. », dit Sean convaincu.

« Et Mer...credi... Qu'est-ce qui m'a fichu d'un garçon comme toi ?... Forcément, j'ai tiré le mauvais numéro... J'y crois pas... », dit-il en se retournant.

Il fit une nouvelle fois demi-tour, et leva le couteau...

« Um-um, JE VAIS TE TUER... », hurla-t-il sans sommation, « Te faire longuement souffffffffrir... Tu vas me supplieeeeeeeerrrrrrr d'arrrrrrrêterrrr... »

Sean éclata purement et simplement de rire.

« Qu'est-ce qu'il y a, ENCORE ?!... », s'énerva Ravel, « Qu'est-ce qu'il te faut pour avoir peur, bon sang ?! »

« Alors, là, je... pPouffffffff-ouaaaaahahahahahaha ! », répondit Sean.

Ravel fit la moue et s'installa, triste, de nouveau dans le fauteuil à bascule.

« Bon, ben, je crois que je vais redoubler. », dit-il finalement, « J'ai jamais été très bon pendant les travaux pratiques. »

Sean le regarda, un peu embêté de voir son monstre personnel triste.

« Pourquoi tu veux devenir un monstre ? », demanda Sean, « Y'a plein d'autres métiers très bien, tu sais... »

« Mon papa est un monstre, ma maman est un monstre, et mes grands frères sont de très bons monstres aussi... Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'autre ? », répondit Ravel.

Ils se regardèrent un moment. Sean finit par changer de position, tentant de faire circuler de nouveau le sang dans la jambe sur laquelle il venait de s'asseoir. Le pendentif qui sortit de son pyjama attira le regard de Ravel.

« Je comprends pourquoi il m'avait dit qu'il ne fallait pas venir ici... », dit-il dans un souffle, « Et Mer...credi... »

Sean le regarda surpris, c'était le monstre qui avait peur maintenant, semblait-il.

« Qu'est-ce que j'ai fait ? », demanda-t-il.

« Toi... rien... », répondit le monstre-garçon, « C'est moi qui ai fait une grosse bêtise... »

2.

Sean restait allongé sur le ventre, ça ne lui faisait pas trop mal dans cette position. Son beau-père s'était fâché très fort cette fois, et Sean se demandait s'il n'avait pas cassé quelque chose, ça faisait plus mal que d'habitude.

« Pourquoi tu me laisses pas lui régler son compte une bonne fois ? », dit une voix dans son dos, « Je pourrais au moins lui foutre la frousse de sa vie. »

Sean avait les larmes aux yeux. Pas à cause de la douleur, mais bien à cause de ce que disait son meilleur... son seul ami. Il ne voulait pas que Ravel devienne un "monstre massacreur", comme il les appelait. Parce qu'il savait que s'il faisait ça, alors il y aurait un chasseur pour le trouver le tuer. Ravel lui avait tout expliqué, la vie des monstres et le royaume "d'en dessous".

« Tu ne feras pas la différence. », dit Sean, « Tu le tueras réellement, n'est-ce pas ? »

« Arrête, il le mérite largement. Avec ce qu'il te fait subir. »

« Mais y'a pas de classement officiel pour les "monstres-redresseurs-de-tords", Ravel, tu sais que si tu le tues, tu deviens un massacreur, un point c'est tout. »

« Qu'est-ce que ça peut te faire, s'il te laisse tranquille finalement ? », dit le Monstre-garçon, « Je m'en sortirai très bien comme massacreur aussi. »

« Tu vas te faire tuer, Ravel, et tu le sais. », dit Sean en pleurant, « Et je ne veux pas que tu te fasses tuer pour moi. Tu es mon seul ami.»

Le Monstre-garçon reste un moment bouche bée...

« Ca, non plus, c'était pas dans le manuel. », finit-il par dire, « Mais j'aime toujours pas les caniches. »

3.

Halloween, encore une fois. Ca faisait un an que Sean et Ravel se connaissaient et c'était le jour.

« Tu as encore le choix... », disait Ravel, « Tu peux encore trouver une autre solution. Je sais pas moi, tu peux t'enfuir. »

« Il me retrouvera. »

« Tu peux... aller voir la police et leur raconter... », tenta-t-il de nouveau.

« Il ne me croiront pas. Il est policier. »

« Tu peux... heu... oh puis zut, je sais plus moi... », finit-il par s'énerver.

« Moi, je sais... », finit Sean, « Je vais devenir un monstre. »

Il poussa la porte de la chambre de ses parents et les découvrit nus tous les deux et dans une position indécente.

« Qu'est-ce que tu fiches ici, petit salopard ? », hurla le beau-père, « Cette fois, je vais te casser en deux. »

Ravel secoua la tête, dans le couloir.

« Je ne crois pas que tu en aies encore le temps. Je suis un monstre maintenant. »

Il y eut un clic, puis...

BANG...

Et un cri d'horreur, comme jamais Ravel n'en avait jamais entendu. Son ami avait réussi les deux examens en une fois. Il ferait certainement un très bon monstre.

Nehwon

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